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Chapitre 14 Un second exil en syrie

Chapitre 14

Un second exil en syrie


Abû Tharr était un homme véridique. Il avait l'habitude de réprimander les gens avec intrépidité pour les conduire vers les actes légaux. Mu`âwiyeh était un homme de ce monde. Abû Tharr lui avait demandé si souvent de faire le bien et de s'abstenir des mauvais actes que les gens commencèrent à avoir honte des dirigeants de Syrie. Un jour, Mu`âwiyeh dit à Abû Tharr: «Tu n'es pas assez vertueux pour m'enjoindre de faire la bonne action devant le public». Abû Tharr lui rétorqua sèchement: «Tais-toi! Honte à toi!».

En bref, lorsque Mu`âwiyeh constata qu'il ne pouvait ni réformer son mode de vie ni boucler la bouche d'Abû Tharr, il décida de le bannir de Syrie. Il prit la résolution de le déporter à Jabal `آmil (au Liban). Al-Subaytî écrit que lorsqu'Abû Tharr arriva dans cette région, il se mit à appeler ses habitants à Ahl-ul-Bayt. Ils acceptèrent volontiers son appel. Etant donné que ladite région était très étendue, son appel ne resta pas confiné dans les limites de Jabal `آmil, mais parvint aux régions avoisinantes.

Il est évident que Mu`âwiyeh avait banni Abû Tharr de la Syrie à Jabal `آmil, uniquement parce qu'il avait pensé que ses activités de prêche y seraient paralysées et sans impact reél. Mais lorsqu'il apprit que ses prêches amenèrent les habitants de cette région à prendre conscience de la vérité(54), il le fit revenir en Syrie immédiatement.
 

Sans tarder, dès son retour en Syrie Abû Tharr recommença ses prêches. Il avait l'habitude de s'asseoir à Bâb Dimachq (la Porte de Damas), après la prière de l'aube, et lorsqu'il voyait une file de chameaux chargés de marchandises du gouvernement, il s'écriait à haute voix: «O gens! Cette file de chameaux qui arrive n'est pas chargée de marchandises, mais de feu. Maudits soient ceux qui ordonnent aux gens de faire le bien sans le faire eux-mêmes, et malheur à ceux qui interdisent aux autres de commettre des méfaits, alors qu'ils le font eux-mêmes»(55). Puis il se déplaçait vers la porte du Palace de Mu`âwiyeh pour faire la même chose. C'était devenu sa routine et il le faisait régulièrement. A la fin, Mu`âwiyeh le fit arrêter.

Lorsqu'Abû Tharr agissait ainsi, il avait toujours en vue une parole du Prophète (rapportée par al-Khatîb al-Baghdâdî et Ahmad Ibn Hanbal) adressée à une foule de Compagnons et dont voici le texte:

«O mes compagnons! Ecoutez-moi attentivement. Après moi les gouvernants (de la nation) seront des aristocrates, qui ne feront pas la différence entre la justice et l'injustice, le vrai et le faux. Quiconque essaiera de justifier le faux qu'ils suivront et de les soutenir dans leur injustice, n'aura rien à voir avec moi et ne me rejoindra pas au Bassin de Kawthar(56). Et quiconque s'abstiendra de justifier leur faux, et de les soutenir dans leur injustice, sera de moi et je serai de lui, et parviendra à moi au Bassin de kawthar»(57).

Or, quiconque suit la biographie d'Abû Tharr et étudie sa personnalité et son tempérament comprendra qu'il ne pouvait se soucier d'aucun pouvoir, d'aucun danger lorsqu'il voyait que la vérité était piétinée. Sa conduite face à la déviation du pouvoir était la réunion de deux facteurs: le respect scrupuleux qu'il avait pour les enseignements du Prophète, et sa nature, son tempérament tendant à la franchise et au franc-parler. Il n'y a pas un seul exemple enregistré dans les livres d'histoire authentiques, qui montre que, durant sa vie, Abû Tharr ait hésité une seule fois à dire la vérité.

Jalam Ibn Jandal al-Ghifârî, le gouverneur de Qinsarîn raconte:

«Une fois sous le Califat de `Othmân, j'étais allé chez Mu`âwiyeh, le gouverneur de la Syrie pour une affaire. Soudain, j'ai entendu quelqu'un crier à la porte du Palais : "La file de chameaux chargés de feu arrive vers vous. O Allah, maudis ceux qui ordonne le bien sans le faire. O Allah maudis ceux qui interdisent le mal tout en le commettant eux-mêmes". J'ai vu alors le visage de Mu`âwiyeh devenir rouge de colère. Il m'a demandé si je reconnaissais l'homme qui criait ainsi. J'ai répondu par la négative. Mu`âwiyeh a dit alors: "C'est Jondab Ibn Janâdah al-Ghifârî (Abû Tharr). Il vient à la porte de notre palace chaque jour pour répéter les mêmes paroles que tu viens d'entendre". Puis il ordonna qu'on le tuât. Subitement, j'ai vu Yaqudunah emmener Abû Tharr en le traînant. Il l'immobilisant devant Mu`âwiyeh. Celui-ci lui dit: "O ennemi d'Allah et de Son Prophète! Tu viens chaque jour ici pour répéter ces paroles. Je t'aurais certainement tué, si je pouvais tuer un Compagnon du Prophète sans la permission de `Othmân. Maintenant, je vais obtenir cette autorisation, en ce qui te concerne". Je désirais voir Abû Tharr, parce qu'il était de notre tribu. Lorsque je l'ai regardé, j'ai vu qu'il était basané, maigre et long. Sa barbe n'était pas épaisse, et son dos était courbé par la vieillesse. Abû Tharr a répondu à Mu`âwiyeh: "Je ne suis pas l'ennemi d'Allah et de Son Prophète. C'est toi et ton père qui êtes les ennemis d'Allah et de Son Prophète. Vous avez manifesté l'Islam et dissimulé votre mécréance. Le Prophète de l'Islam t'a maudit deux fois et prié pour que tu ne sois jamais satisfait. J'ai entendu de la bouche du Prophète d'Allah que sa Ummah (nation musulmane) devrait rester sur ses gardes face aux méfaits de l'homme aux grands yeux et au gosier large qui n'est jamais rassasié, quand bien même il mange trop, et qui deviendra le dirigeant de sa nation». En entendant ce Hadith (parole du Prophète) Mu`âwiyeh a dit: «Je ne suis pas cet homme dont avait parlé le Messager d'Allah». Abû Tharr rétorqua: «O Mu`âwiyeh! Il est inutile de nier que tu es sûrement l'homme désigné, et écoute-moi! Le Prophète m'a informé personnellement que c'était toi qui es visé et toi seul. O Mu`âwiyeh! Un jour, alors que tu passais devant le Prophète, je l'ai entendu dire: «O Allah! Maudis-le et ne remplis son estomac qu'avec du sable. O Mu`âwiyeh! Je l'ai entendu dire aussi que le flanc de Mu`âwiyeh est dans le feu de l'Enfer". En entendant cela, Mu`âwiyeh a ri honteusement et ordonna l'arrestation et l'incarcération d'Abû Tharr. Puis il écrivit à `Othmân tout sur cette affaire»(58).

Après avoir mis Abû Tharr en prison, Mu`âwiyeh se plaignit, dans sa lettre envoyée à `Othmân à cette occasion, de l'attitude de son détracteur et lui expliqua la nécessité de le renvoyer de la Syrie et de son retour à Médine. `Othmân répondit positivement à la demande de Mu`âwiyeh et rappela Abû Tharr à Médine.

Ci-après le texte de la lettre de Mu`âwiyeh selon la version de "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî al-Châfi`î" (Voir le Chapitre "Majâlis al-Mu'minîn", p.119).

«Après la présentation des respects dus, Mu`âwiyeh Ibn اakhr déclare qu'Abû Tharr a incité les Syriens contre toi. Il enlève ton amour des coeurs des gens. Il évoque tout le temps Abû Bakr et `Omar et rappelle leur bonne conduite et leurs vertus. Il te mentionne négativement et dit que tes paroles et actes sont erronés et fautifs. Il est malavisé de le laisser en Syrie, en ةgypte et en Irak, pays arabes dont les habitants sont des marchands de méchanceté; ils se joignent facilement aux personnes séditieuses et sont capables de créer des troubles. Je t'ai clarifié la situation. Pour le reste, ce que décide le Calife sera la meilleure décision. Que la paix soit sur toi».

Un chamelier partit à Médine pour remettre la lettre à `Othmân. Aussitôt qu'il la lut, ce dernier écrivit la réponse à Mu`âwiyeh:

«J'ai ta lettre dans la main. J'ai compris ce que tu avais écrit à propos d'Abû Tharr. Dès que tu reçois ma lettre, envoie Abû Tharr à Médine sur le dos d'un chameau impétueux avec un chamelier sévère, capable de faire courir la monture jour et nuit sans interruption afin qu'Abû Tharr soit si fatigué et qu'il ait un sommeil de plomb qui lui fera oublier de parler et de toi et de moi».

A la réception de la lettre de `Othmân, Mu`âwiyeh fit monter Abû Tharr sur un chameau méchant guidé par un chamelier cruel. Il ordonna à celui-ci de courir jour et nuit et de ne faire halte nulle part jusqu'à l'arrivée à Médine. Abû Tharr était un homme grand et maigre et il avait tellement vieilli à cette époque-là que ses cheveux et sa barbe étaient devenus blancs. En outre, il était très affaibli. Il n'y avait ni étoffe ni selle sur le dos du chameau. Le chamelier le traita sans merci durant le long du voyage. A cause de tous ces facteurs ses cuisses étaient grièvement blessées et il en souffrit beaucoup.

Les historiens s'accordent pour dire qu'Abû Tharr était renvoyé à Médine sans sa famille. Très probablement on ne l'autorisa pas à se faire accompagner par les siens. Il dût être amené directement de la prison et conduit directement à Médine.

Selon al-`Allâmah al-Subaytî et al-`Allâmah al-Majlici, lorsqu'Abû Tharr quittait la Syrie pour Médine, les Musulmans avaient appris la nouvelle de son départ et étaient venus lui demander où il allait. Abû Tharr leur répondit: «`Othmân m'a rappelé à Médine. Je pars d'ici selon son ordre. O Musulmans! `Othmân ayant été offensé par moi, m'avait déporté ici près de vous. Maintenant, je suis rappelé à Médine. Je sais que cette fois-ci, je suis convoqué pour subir des tortures. Mais il me faut y aller impérativement, que je le veuille ou non! Les relations entre `Othmân et moi resteront telles quelles. Vous ne devriez pas vous inquiéter et vous soucier pour cela».

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