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Première partie L'auto-interrogatoire(1)

Première partie

L'auto-interrogatoire(1)


Il est dit que dans le domaine de la formation et de l'éducation de l'âme la demande de comptes à soi-même vient après la repentance. Ainsi après avoir décidé de se repentir, le Croyant doit se poser des questions concernant sa repentance afin de s'assurer de sa bonne application et de sa pérennité.

En réalité, la repentance et l'interrogatoire du soi sont en corrélation et interaction, car la première conduit à la seconde et celle-ci influe sur l'application et la durabilité de celle-là (la repentance) d'une part, et elle conduit, avant la repentance, à la repentance d'autre part.

En effet Allah dit:

«O vous qui croyez! Craignez Dieu! Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain! Craignez Dieu! Dieu est parfaitement informé de ce que vous faites. Ne ressemblez pas à ceux qui oublient Dieu; Dieu fait qu'ils s'oublient eux-mêmes. Ceux-là sont les pervers». (Sourate al-Hachr; 59: 18-19)

Or, l'énoncé «Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain» est un ordre pour chaque croyant de se demander des comptes, de s'interroger sur ses actes, et de voir ce qu'il a accompli pour la vie future: a-t-il fait un bien ou un mal? S'il a fait un bien, dans quelle mesure ce bien est fait purement pour la Face d'Allah et non pour un intérêt personnel? sachant que ce qu'il accomplit pour l'amour d'Allah s'inscrira pour toujours à son crédit, alors que ce qu'il a fait pour lui-même disparaîtra, comme l'affirme le Noble Coran: «Ce qui se trouve auprès de vous s'épuise; ce qui se trouve auprès de Dieu, demeure». (Sourate al-Nahl, 16: 96)

 

Chose intéressante à remarquer, l'énoncé qui termine le dernier verset ci-dessus: «Ne ressemblez pas à ceux qui oublient Dieu; Dieu fait qu'ils s'oublient eux-mêmes. Ceux-là sont les pervers» signifie que négliger de se demander des comptes est le fait de ceux qui oublient Allah et qu'Allah punit ceux qui L'oublient de l'oubli d'eux-mêmes, lequel oubli est on ne peut plus grave et lourd de conséquences même pour quelqu'un qui ne s'occupe que de ses propres intérêts ou qui ne s'intéresse qu'à soi-même. Il nous reste à noter que l'oubli de soi-même consécutif à l'oubli d'Allah se produit ou s'explique de la façon suivante:

1- Celui qui oublie Allah oublie en fait ses propres intérêts eschatologiques (de la Vie future), lesquels sont les plus importants puisque, les seuls durables et éternels; or négliger ses propres intérêts équivaudrait à l'oubli de soi-même, autrement comment peut-on ne pas s'occuper de ses propres intérêts, si ce n'est par l'oubli de soi-même?!

2- Il oublie et néglige l'importante énergie de bonté qu'Allah a déposé, par Sa Grâce, dans sa nature innée; or l'oubli de cette importante énergie équivaudrait là également à l'oubli de soi-même.

Cette expression coranique (l'oubli du soi) ressemble à une autre expression significative employée à plusieurs reprises dans le Coran, à savoir la «perte du soi-même» ou littéralement «ceux qui se perdent eux-mêmes».(2)

En effet, ceux dont le sort a été scellé par le mal et qui n'ont rien fait de bon pour leur Vie future, auront perdu eux-mêmes soit parce qu'ils ont perdu pour toujours leurs intérêts dans l'Au-delà, soit parce qu'ils ont perdu l'énergie de bonté qu'Allah avait déposée en eux-mêmes ou dans leur nature, et en la perdant ils ont donc perdu eux-mêmes.

Il y a un degré inférieur de la perte ou de l'oubli du soi rapporté par certains récits hagiographiques et résultant de certains péchés. En effet selon l'Imâm al-Sâdiq (p): «Un homme commet un péché et il sera privé en conséquence de la Prière du Minuit...»(3) et «Un homme dit un mensonge et il sera privé en conséquence de la Prière de la Nuit. Or la privation de la Prière du Minuit le privera de la subsistance (rizq)».(4)

Selon une tradition, un homme s'est plaint un jour auprès de l'Imâm: «Je suis privé de la Prière du Minuit». L'Imâm 'Alî (p) lui répondit: «Tu es un homme enchaîné par ses péchés».(5)

En tout état de cause le fait de regarder en permanence ce qu'on a fait ou n'a pas pour la Vie future, dont parle le Verset précité, découle de la nature innée de l'homme, car lorsque quelqu'un s'apprête à effectuer un voyage ordinaire, il fait naturellement le nécessaire pour un tel voyage, pourtant à durée limitée. Que dire alors de quelqu'un qui se sait partir pour le Monde éternel!

Et comment peut-on négliger de se demander des comptes et d'examiner ses actes tout en sachant qu'Allah nous interrogera minutieusement et nous demandera des comptes sur nos moindres actes, comme nous l'informe le Noble Coran à maintes reprises:

- «Nous poserons les balances exactes, le Jour de la Résurrection. Nul homme ne sera lésé pour la plus petite chose; serait-elle équivalente au poids d'un grain de moutarde, Nous l'apporterions. Nous suffisons à faire les comptes». (Sourate 21, verset 47)

- «Ô mon fils! Même si c'était l'équivalent du poids d'un grain de moutarde et que cela fût caché dans un rocher ou dans les cieux, ou sur la terre, Dieu le présentera en pleine lumière. Dieu est Subtil et Bien-Informé». (Sourate 31, verset 16).

Il est probable que le dernier verset, et même le premier, indiquent que nos actes demeurent, que ce soit sous forme d'ondulations aériennes et de particules matérielles, comme un grain de moutarde répandu dans les cieux et sur la terre et qu'Allah en ressemble les parties et les matérialise devant nous (les auteurs de ces actes) le Jour de la Résurrection.

Il y a beaucoup de Récits hagiographiques attribués aux Imâms Infaillibles d'Ahl-ul-Bayt (p) sur la nécessité de se demander des comptes:

1- On rapporte que l'Imâm Zayn al-'Âbidine (p) dit: «O fils d'Adam! Tout ira bien pour toi tant que tu resteras auto-prédicateur, tant que tu te soucieras de ton examen de conscience, tant que la crainte d'Allah sera ta devise et la vigilance ta couverture! O fils d'Adam! Inévitablement tu mourras un jour, tu seras ressuscité et présenté devant Allah! Prépare donc ta réponse».(6)

2- Selon Ibrâhîm Ibn 'Omar al-Yamânî, l'Imâm Mûssâ Ibn Ja'far al-Kâdhim (p) dit: «N'est pas des nôtres quiconque ne s'interroge pas chaque jour sur ses actes pour ensuite prier Allah de le conduire à faire davantage, s'il constate qu'il a fait le bien, et demander pardon à Allah et se repentir devant Lui, s'il se rend compte qu'il a commis le mal».(7)

3- Le Noble Prophète (P) recommanda à son fidèle Compagnon Abû Tharr al-Ghifârî: «O Abû Tharr! Demande-toi des comptes avant qu'on te les demande, car ce sera plus facile pour toi, lorsque tu seras interrogé demain; mets-toi dans la balance avant qu'on ne t'y mette et prépare-toi pour la Grand Exposition, où rien ne pourra être caché à Allah! O Abû Tharr! Un homme ne saurait être considéré comme pieux avant de s'être demandé des comptes d'une façon plus tatillonne que celle dont un associé demande des comptes à son coassocié. Qu'il s'interroge sur l'origine de ce qu'il mange, de ce qu'il boit et de ce qu'il porte! L'a-t-il obtenu d'une façon légale ou illégale?! O Abû Tharr! Lorsque quelqu'un ne se soucie pas de la façon dont il a obtenu ses gains, Allah ne se soucie pas de quelle façon IL le fera entrer en Enfer!».(8)

Ce Hadith renferme trois commandements: la demande de compte à soi-même avant qu'on soit soumis à une demande des comptes, se mettre sur la balance avant qu'on soit mis sur la balance, se préparer pour la Grande Exposition, le Jour de la Résurrection, devant Allah à Qui rien ne sera caché.

Bien que ces trois commandements paraissent ne concerner qu'un même sujet, ils désignent en fait trois choses plus ou moins différentes. Ainsi, la demande des comptes à soi-même signifie qu'on doit examiner les actes qu'on a accomplis pour voir lesquels sont considérés comme une bonne action et lesquels doivent être classés dans le domaine du mal. La mise dans la balance, vise à savoir dans quel stade on se trouve actuellement et dans quel stade on aurait dû être et à combler le cas échéant, ce qui manque à la balance. La préparation à la Grande Exposition signifie qu'on doive corriger le résultat de la demande des comptes à soi-même et de la mise dans la balance du soi-même, en accomplissant ce qui n'aurait pas été accompli et en complétant ce qui aurait manqué.

La demande des comptes à soi-même est la chose la plus difficile à faire. Cette difficulté découle du fait de l'unité de l'interrogateur et de l'interrogé, lesquels sont une seule et même personne. Il est facile en effet qu'une personne interroge une autre personne, mais l'interrogatoire se réalise difficilement dès lors que l'interrogateur et l'interrogé fusionnent pour ne former qu'une seule personne qui assume le rôle de l'un et de l'autre. C'est pourquoi rares sont les croyants qui réussissent à réaliser ou à passer cet examen de conscience, et ils constituent l'élite la plus pure parmi les serviteurs d'Allah.

Certes, on dirait que c'est la raison qui demande des comptes à la conscience et que celle-ci et celle-là constituent deux entités différentes; mais en réalité cette différenciation est une division purement abstraite, et le soi-même, la conscience ou l'âme est une entité qui englobe toutes les forces qu'elle renferme. Donc en fin de compte c'est le soi qui doit demander des comptes au soi. De là la difficulté. Que faire alors?

En fait ce problème ne pourrait avoir que l'une des deux solutions suivantes:

La première solution:
consiste à ce que le soi saisit son état de réveil ou de prise de conscience pour demander des comptes au soi dans son état de sommeil ou de faiblesse. En d'autres termes, le soi ou l'âme ne tend au péché que sous l'effet du sommeil ou de la faiblesse devant des facteurs de séduction, et par la suite il se réveille ou se rétablit (se ressaisit) sous l'effet de l'un des facteurs suivants:

1- Après avoir commis ce à quoi l'a incité le désir, le soi pourrait connaître un état de réveil, même relatif, après que le désir, ayant été rassasié, s'éteint. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre sans doute le Hadith suivant de l'Imâm al-Sâdiq (p) qui répondait à la question de savoir: si «un adultère pourrait commettre l'adultère tout en ayant la Foi?» «Non! dit-il, car lorsqu'il se trouve sur le ventre de la femme, il est dépouillé de la Foi, et celle-ci ne lui revient que lorsqu'il se relève».(9)

D'autres facteurs pourraient également causer l'extinction du désir et l'avènement du stade de réveil, à savoir un mauvais état de santé, la vieillesse etc.

2- Les excitants devant lesquels l'âme faiblit pourraient disparaître ou s'atténuer, permettant ainsi la venue du stade de réveil et de lucidité, même relatif.

3- L'âme pourrait se renforcer par certains facteurs fortifiants, tels que l'écoute d'un prédicateur, la lecture du Coran, la crainte du futur et des conséquences lointaines des actes incriminés.

Ainsi, lorsque, pour l'une des raisons précitées, le croyant se trouve dans le stade de réveil, il doit saisir l'opportunité pour soumettre ses actes à un examen de conscience et se demander des comptes sur ses actes commis pendant le stade de léthargie, d'oubli et de soumission aux excitants. De même il doit s'employer à rechercher, si possible, les causes du réveil, par des moyens légaux, lorsque ces causes ne se présentent pas d'elles-mêmes.

La seconde solution: à laquelle doit recourir celui qui ne parvient pas à bénéficier de la première solution consiste à désigner une autre personne pour se charger de surveiller ses actes et de lui demander des comptes, afin que l'interrogé et l'interrogateur, le juge et la partie, l'accusateur et l'accusé ne soient pas une même personne et que la demande des comptes devienne aisée et réalisable. D'autre part, il faut savoir que la demande des comptes à soi-même n'est pas le domaine réservé des pécheurs pour que les croyants pieux s'imaginent qu'ils en sont dispensés, car en fait les degrés de la piété ou plutôt de 'irfân(10) sont infinis et la punition des «péchés mystiques» ou du manquement au devoir du mysticisme que ressentent les mystiques ('urafâ') n'est pas moins sévère à leurs yeux que la punition des péchés des pécheurs ordinaires. En effet un mystique puni de la privation des délices des munâjâts (entretiens intimes avec Allah) par exemple ou même de quelques degrés de ces délices pourrait peut-être ressentir la douleur de cette privation plus qu'un pécheur ne ressente la douleur de sa brûlure au Feu. Ainsi, la hauteur de la sublimation de la conduite dans le mysticisme étant illimitée, le mystique, quels que soient les hauts degrés de bonne conduite auxquels il parvient, ne saurait se dispenser de l'examen de conscience, tant qu'il aspire en permanence à atteindre à des degrés supérieurs dans la voie du mysticisme.

De même, la délivrance de la punition qu'il croit subir (en étant privé d'un degré supérieur de la proximité d'Allah) ou de la douleur morale lui procure une joie supérieure à celle éprouvée par le pécheur lors de sa délivrance de la douleur que lui cause sa punition corporelle. Il suffit de contempler le langage des mystiques pour sentir que les flammes de leur tourment engendré par la punition morale sont plus intenses que la brûlure physique que ressentent les pécheurs au contact du Feu.

Illustrons cette vérité par l'exemple suivant. Si l'on suppose que «l'évitement des propos vains» en général (que l'apparence du texte coranique suivant «Heureux les Croyants qui sont humbles dans leurs prières, qui évitent les propos vains»(11) présente comme trait des croyants) constitue une obligation mystique et non juridique, et que par conséquent, cette obligation (n'étant pas de nature juridique) n'ait qu'une importance secondaire, sa négligence, à supposer qu'elle ait été effectivement négligée, n'aurait rien d'alarmant!

Pourtant, on ne peut ne pas ressentir l'intense tourment que l'auteur du Do'â'(12) dit d'Abû Hamzah al-Thamâlî, éprouve en craignant de n'avoir pas rempli pleinement cette obligation. Ainsi s'adressant à Allah, il Lui fait part de cette crainte: «Ou bien, as-Tu jugé que j'ai un penchant pour la compagnie des oisifs(13), et Tu m'as laissé alors parmi eux!»

Ainsi, soucieux toujours d'atteindre à des degrés supérieurs de la perfection et de goûter ainsi au plaisir de la proximité d'Allah, les purs n'ont jamais de cesse de se remettre en cause et de surveiller scrupuleusement leur conduite.

En contemplant l'extrait suivant du même Do'â' d'Abû Hamzah al-Thamâlî, on ne peut ne pas être convaincu que la perte du plaisir des munâjât (ces entretiens intimes et émouvants avec l'Objet suprême de leur amour, Allah) est ressentie plus durement par les mystiques que la douleur de la brûlure causée par le Feu, dont souffrent les pécheurs:

«O mon Dieu! Chaque fois que je me suis dis être préparé et totalement prêt à prier devant Toi et à T'adresser mes supplications, Tu fais tomber le sommeil sur moi, lorsque je prie, et Tu me prives de mes supplications, lorsque je me mets à Te supplier!

»Qu'ai-je donc fait! Chaque fois que je me dis avoir réformé mon fond et rapproché ma position de celle des repentants, un malheur m'arrive qui fait glisser mon pied et m'empêche ainsi d'être à Ton service!

»O mon Seigneur! Peut-être m'as-Tu chassé de Ta Porte et de Ton service m'as-Tu écarté!

»Ou bien, peut-être m'ayant considéré comme indigne de Toi, m'as-Tu proscrit!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme indifférent à Toi, m'as-Tu démis!

»Ou bien peut-être m'ayant classé au rang des menteurs, m'as-Tu rejeté!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme ingrat envers Tes Bienfaits, m'en as-Tu privé!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme absent des réunions des ulémas, m'as-Tu abandonné!

»Ou bien peut-être m'ayant rangé au nombre des oublieux, m'as-Tu fait désespérer de Ta Miséricorde!

»Ou bien, peut-être as-Tu jugé que j'ai un penchant pour la compagnie des oisifs, et Tu m'as laissé alors parmi eux!

»Ou bien peut-être n'aimant pas entendre mon Do'â', m'as-Tu éloigné!

»Ou bien, peut-être, est-ce à cause de mes crimes et mes péchés que Tu m'as sanctionné!

»Ou bien, peut-être est-ce à cause de mon peu de pudeur envers Toi que Tu m'as puni!»(14)

C'est de tels Do'â' que nous apprenons le langage de l'examen sincère de conscience et comment nous devons demander des comptes à nous-mêmes, lors bien même nous nous croyons au-dessus de tout péché. Bien que ce langage (du Do'â') soit le même pour les véritables pécheurs et pour les croyants pieux et mystiques, quel que soit le haut niveau de leur piété ou mysticisme, les mots prennent une signification différente selon chaque cas.

Lorsqu'un voleur implore Allah de lui pardonner son péché, il entend le vol qu'il a commis. Et lorsqu'un Croyant pieux ayant atteint de très hauts degrés de piété supplie le Seigneur de lui pardonner son péché, il exprime son insatisfaction de tout ce qu'il a fait (et qu'il juge cependant insuffisant) pour satisfaire Allah, car il sait qu'on ne fait jamais assez pour remercier le Créateurs de Ses Bienfaits infinis et de Sa Miséricorde illimitée qui nous couvre.

C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les supplications des Prophètes et des Imâms, lesquels, bien qu'infaillibles, donc immunisés contre le péché, implorent Allah de leur pardonner leurs «péchés».

Pour conclure cet exposé sur «la demande de compte à soi-même» ou «l'examen de conscience», il est important de préciser la position de cet exercice spirituel de l'éducation de l'âme dans l'ordre des étapes de ladite éducation et d'expliquer brièvement chacune de ces étapes.

En effet, «l'examen de la conscience» se situe au centre du processus du perfectionnement de la morale islamique. Pour que cet examen produise l'effet escompté, il est précédé et suivi par d'autres exercices ou étapes de formation. Les étapes de ce processus de perfection-nement sont:

1- Le "muchâratah" ou l'engagement devant soi:

Les jours de l'homme sont comptés et ils constituent son véritable capital qu'il confie à soi-même. Or le soi a une tendance au mal. S'il omet de le surveiller, il peut gaspiller ce capital. Aussi doit-il s'engager devant soi du moins une fois par jour sinon une fois le matin et une fois le soir de ne dépenser ce capital que de telle ou telle autre manière. Ainsi, il doit considérer les heures de sa vie comme des trésors et des bijoux qu'Allah lui a confiés et que leur perte lui sera très préjudiciable et regrettable. En effet selon la Tradition le Prophète (P) dit:

«Le Jour de la Résurrection on ouvrira pour chaque jour de la vie d'un serviteur vingt-quatre trésors, au nombre des heures du jour et de la nuit. Il voit alors l'un de ces trésors pleins de lumière et de joie et en le voyant, il éprouve une telle joie et un tel bonheur que, s'ils étaient distribués aux gens de l'Enfer, ils les distrairaient de la douleur du feu. Ce trésor représente l'heure pendant laquelle il avait obéi à Allah dans la vie d'ici-bas. Puis on lui ouvrira un autre trésor qu'il trouvera ténébreux, nauséabond et terrifiant, et en le voyant, il éprouvera une telle peur et une telle affliction que, si elles étaient réparties entre les gens du Paradis, elles gâcheraient leur bonheur. Ce trésor représente l'heure pendant laquelle il avait désobéi à Allah dans la vie d'ici-bas. Ensuite on lui ouvrira un autre trésor qu'il trouvera vide et ne contenant ni objet de joie ni objet d'affliction; ce trésor représente l'heure pendant laquelle il dormait ou s'occupait des choses permises (neutres = mubâhât) de la vie terrestre.(15) Là il se sentira tellement lésé et éprouvera beaucoup de regret de ne l'avoir pas remplie d'oeuvres bonnes. Ce à quoi fait référence le verset coranique: «...le Jour de la grande perte» (Sourate al-Taghâbun, 64: 9).(16)

2- Le "murâqabah" ou la surveillance du soi:

Car le seul engagement devant le soi ne suffirait pas, étant donné que le soi pourrait ne pas tenir l'engagement. Il faudrait donc le surveiller dans deux étapes:

1)- Avant l'action: pour s'assurer de la motivation de l'action, car le soi est trompeur ou plutôt auto-trompeur, et on peut être inconscient de la véritable motivation qui pousse à l'action ou bien la motivation pourrait être double ou composée: une divine et personnelle. On oublie la seconde partie et on croirait que l'action qu'on accomplit est purement dévouée à Allah.

2)- Pendant l'action: pour s'assurer de la rectitude de l'action, qu'elle n'est pas déviée et qu'elle sera menée à bien et à terme, s'il s'agit d'une bonne action.

Il est à noter ici que la surveillance pourrait s'expliquer de deux façons:

a)-
L'homme se surveille lui-même avant et pendant l'action, comme nous venons de l'indiquer, afin d'éviter l'erreur;

b)-
L'homme est surveillé par le Surveillant Suprême, Allah qui observe tous nos moindres gestes et pensées. En effet Allah dit:

- «Dieu vous surveille» (Sourate al-Nisâ', 4: 1)

- «Ne sait-il pas que Dieu voit tout?» (Sourate al-'Alaq, 96: 14)

D'autre part le Prophète (P), s'adressant à son fidèle compagnon, Abû Tharr, lui dit: «O Abû Tharr! Adore Allah comme si tu Le voyais, car lors bien même tu ne Le voyais pas, Lui, IL te voit!».(17)

Cette dernière observation - la surveillance d'Allah - comporte deux degrés:

a)- La surveillance des croyants «rapprochés d'Allah» (al-muqarrabîn). C'est la conscience d'être sous la surveillance de la Grandeur et de la Majesté. Ici le coeur du «rapproché» se trouve tellement impressionné et absorbé par la contemplation de la Grandeur et de la Majesté d'Allah, qu'il ne peut plus regarder à gauche et à droite.

b)- La surveillance des «pieux» (wari'în), que le Coran qualifie de «Gens de la droite»(18). Pour cette catégorie de croyants pieux, ils ont la certitude de la surveillance d'Allah de leurs apparences, de leurs intérieurs et de leurs coeurs, mais ils ne sont pas totalement subjugués par la surveillance de la Majesté. Aussi leurs coeurs, pourraient pencher ici et là, accomplir des actions qui ne seraient pas totalement motivées par l'amour du Créateur. Mais bien entendu, lorsqu'ils entreprennent ces actions ils ne maqueraient pas de se surveiller et de rectifier le tir. En d'autres termes, la pudeur devant Allah est le trait dominant chez eux. Aussi n'accompliraient-ils une action en fin de compte sans s'assurer de la pureté de leur intention.

Pour mieux expliquer la différence d'attitude vis-à-vis d'Allah, entre ces deux catégories de croyants pieux, on peut transposer la situation dans notre attitude vis-à-vis des êtres humains. Ainsi, supposons que vous êtes en train de faire quelque chose dans votre intimité, et qu'entre-temps une haute personnalité, un chef d'état ou un haut dignitaire s'introduit chez vous. Là vous êtes tellement impressionné et tellement absorbé par l'accueil à lui réserver, que vous abandonnez tout ce que vous faisiez. Précisons que cet abandon de vos occupations intimes ou personnelles n'est pas due à votre pudeur, mais à l'emprise de sa majesté ou de son excellence sur vous. Maintenant, si l'on suppose que l'intrus qui vous a surpris dans votre intimité n'est pas une personnalité hors du commun, mais un homme ordinaire ou petit garçon; là vous êtes saisi par la pudeur, vous essayez de vous couvrir et d'avoir une tenue convenable, non par révérence pour l'intrus, mais par pudeur. Donc en le voyant, vous n'êtes pas totalement absorbé par une surprise d'une situation extraordinaire, mais seulement, sous l'effet de la pudeur.

Ceci dit, nous devons nous sentir en permanence sous l'observation d'Allah, au moins dans la même situation où nous nous voyons en présence d'un homme ordinaire ou d'un petit garçon, dans une intimité qui suscite chez nous le sentiment de pudeur; c'est dire que nous nous devons d'éprouver toujours de la pudeur devant Allah dans toutes les situations de notre existence puisque nous sommes tout le temps dans son champ de vision.

L'extrait suivant du Do'â' d'Abû Hamzah al-Thamâlî est à cet égard significatif:

«Si quelqu'un d'autre que Toi regardait mon péché, je ne le commettrais pas, et si je craignais l'anticipation de la punition, je l'éviterais, non que Tu sois celui qui me regarde le moins ni le moins informé sur moi, mais parce que, o Seigneur! Tu es le plus Discret des discrets, le plus judicieux des juges, et le plus noble des nobles: Tu es Celui qui couvre les défauts, Tu es le Pardonneur des péchés, le Connaisseur des inconnus. Tu couvres le péché par Ta Noblesse et Tu reporte le châtiment par Ta Clémence!»

L'Imâm Zayn al-'Âbidîne (p) rapporte: Lorsque Imra'at al-'Azîz s'est trouvée seule avec Yûsuf auprès de l'Idole, elle couvrit celle-ci d'un vêtement. Yûsuf lui demanda la raison de son geste. Elle répondit: «J'ai honte, si elle nous voyait!» Yûsuf lui dit alors: «Comment!? Tu as la pudeur devant ce qui ne peut ni voir ni entendre ni comprendre ni manger ni boire, alors que moi, je n'en aurais pas devant Celui Qui a créé l'homme et l'a instruit!?».(19)

On raconte qu'un adolescent s'est introduit la nuit chez une servante. Celle-ci lui dit: «Tu n'as pas honte!» L'adolescent fit: «De qui veux-tu que j'aie honte, alors qu'il n'y a que des étoiles qui nous voient?!». La servante répondit: «Et tu oublies leur régulateur!».(20)

3- Al-Muhâsabah ou la demande de comptes à soi-même:

Qui devrait se faire à la fin de la journée et à la fin de la nuit, en parallèle à «l'engagement devant soi» qui s'effectue au début de la journée et au début de la nuit. De cette façon, si nous constatons, après cette séance de demande de comptes, que notre soi s'est bien acquitté de son devoir, nous en remercions Allah et nous L'implorons de nous permettre de faire encore mieux, et si nous constatons que nous avons manqué à notre devoir ou que nous n'avons pas été à la hauteur, nous nous repentons et nous essayons de réparer.

4- Le blâme et le châtiment (al-Mu'âtabah et al-mu'âqabah):

Donc nous constatons que nous n'avons pas respecté scrupuleusement l'engagement que nous avions pris devant nous-même, nous devons alors blâmer et réprimander notre soi, et nous infliger quelques châtiments. Le hadith suivant est à cet égard révélateur.

En effet Layth Ibn Abî Muslim a témoigne: J'ai entendu un Ançârî (Partisan)(21) raconter: Alors que le Prophète (P) se reposait à l'ombre d'un arbre un jour de grande chaleur, un homme est venu. Il se déshabilla, se jeta sur la terre brûlante et se mit à s'y frotter le ventre, le dos et le front en se disant: «O mon soi! Goûtes-en, car ce que Allah te réserve est pire que ce que je te fais subir maintenant». Puis l'homme se releva et se rhabilla. Le prophète (P) qui avait observé la scène lui fit signe de sa main, l'invita à venir auprès de lui et dit: «O 'Abdullâh (Serviteur d'Allah)! J'ai vu ce que tu te faisais subir! Jamais je n'avais vu une personne faire ce que tu viens de faire! Qu'est-ce qui t'a poussé à cela?» L'homme répondit: «C'est la crainte d'Allah qui m'y a poussé, et je me suis dit: O mon soi! Goûtes-en, car ce qu'Allah te réserve sera pire que ce que je te fais subir». Le Messager d'Allah lui dit alors: «Tu as vraiment craint ton Seigneur comme se doit; ton Seigneur te montrera fièrement aux habitants du Ciel!» Et s'adressant à ses Compagnons, il leur dit: «O gens présents! Approchez-vous de votre compagnon pour qu'il prie pour vous!» Les Compagnons s'exécutèrent. L'homme pria pour eux dans les termes suivants: «O notre Dieu! Rassemble-nous sur la bonne voie, fais que la piété soit notre provision de voyage et le Paradis notre lieu de retour vers Toi!»

5- Al-mujâhadah ou l'effort en vue d'une meilleure conduite:

Lorsque nous constaterons que notre conduite n'était pas comme il faut, nous devons nous efforcer de réparer le manquement à notre devoir passé et de faire plus dorénavant, car le Coran nous dit:

«Quant à ceux qui font des efforts pour Notre Cause, Nous les guiderons sur Nos Sentiers. Allah est en vérité avec ceux qui font le bien» (Sourate 29, verset 69).

Et comme le dit l'Imâm al-Sâdiq (p): «Bienheureux est le serviteur qui a lutté contre son soi et ses caprices...»(22)

Pour conclure, référons-nous à ce que l'imam Khomeinî a écrit à propos de «l'engagement devant soi», «la surveillance du soi» et «la demande de comptes à soi».

Nous pouvons résumer son exposé sur ce sujet comme suit: on peut commencer par choisir un seul jour pour appliquer ce processus de l'éducation de l'âme: au début de la journée, on prend la résolution et l'on s'engage devant soi-même à ne pas commettre d'acte de désobéissance à Allah pendant ce jour. Il va de soi qu'il est très facile de s'abstenir de tout acte opposé aux Commandements d'Allah pendant un seul jour. Il est donc aussi facile de prendre la résolution - et de s'engager devant soi-même - de le faire. Il suffit d'essayer pour s'en convaincre. Ceci étant fait, on doit se surveiller soi-même pendant pour et veiller à ne pas trahir l'engagement pris. Ensuite, à la fin du jour, on doit se demander des comptes pour faire le bilan. Si on constate qu'on a respecté vraiment l'engagement, on en remercie Allah pour cette réussite. La même expérience sera beaucoup plus facile le lendemain. On continue ainsi, pendant un certain temps, et il ya grand espoir que cela devienne une habitude. Dès lors continuer dans la même voie, sera extrêmement facile et aisée. Et là on verra quel grand plaisir et quelle réjouissance procurent l'obéissance à Allah et l'abstinence des péchés. Toutefois, si, à Dieu ne plaise, il arrive qu'un jour on néglige ou viole son engagement, on doit en demander pardon à Allah et prendre la ferme résolution de respecter scrupuleusement son engagement le lendemain.

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