B. La démonstration philosophique
Cela ne signifie pas nécessairement que la démonstration philosophique ne se base pas sur des connaissances perceptibles ou inductives, mais qu'elle ne s'en contente pas; c'est-à-dire qu'en plus de ces connaissances ou indépendamment d'elles, elle repose sur d'autres connaissances rationnelles dans le cadre de la démonstration du sujet qu'on veut prouver.
Ainsi, la démonstration philosophique diffère de la démonstration scientifique en ceci que la première traite des connaissances rationnelles qui n'entrent pas dans le cadre des principes de la seconde.
Ayant présenté la conception de la démonstration philosophique, nous envisagerions dans ce même cadre la question suivante: peut-on compter sur les connaissances rationnelles, c'est-à-dire celles que la raison nous fournit, sans avoir besoin de la sensation ni de l'expérience ni de l'induction scientifique?
La réponse est positive. Car, il y a des connaissances qui sont dignes de la confiance de tous, telles le principe de non-contradiction sur lequel sont fondées toutes les mathématiques pures et auquel nous croyons rationnellement sans avoir besoin de recourir à l'observation ni à l'expérience, lesquelles constituent la base de l'induction.
La preuve en est que le degré de notre croyance en ce principe ne varie pas selon le nombre d'expériences et d'observations qui correspondent à ce degré. Prenons, à titre d'exemple, une application mathématique évidente de ce principe: 2 + 2 = 4. Notre croyance à la justesse de cette équation mathématique simple est très profonde et n'augmente pas avec les multiplications des exemples. Mieux, nous ne sommes pas disposés à prêter attention à un exemple qui le contredirait ; et si l'on nous disait que 2 + 2 = 5 ou 3 dans un cas exceptionnel, nous ne le croirions guère. Cela signifie que notre croyance en cette vérité n'est liée ni à la sensation ni à l'expérience, sinon elle serait affectée par elles positivement ou négativement
Et puisque nous croyons entièrement à cette vérité sans que notre croyance soit liée à la sensation ni à l'expérience, il est tout naturel que nous puissions nous fier parfois aux connaissances rationnelles sur lesquelles est basée la démonstration philosophique.
En d'autres termes, refuser la démonstration philosophique tout simplement parce qu'elle est fondée sur des connaissances qui ne sont pas liées à l'expérience et à l'induction, signifie qu'on doit refuser également la démonstration mathématique, laquelle est fondée sur le principe de non-contradiction auquel nous croyons sans nous référer à l'expérience ni à l'induction(26).