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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Le Renoncement Au Pouvoir : Le Shiisme Duodécimain

Le Renoncement Au Pouvoir : Le Shiisme Duodécimain


Dans la voie tout à fait opposée aux Ismaéliens, les Duodécimains, porteurs d'une version politiquement édulcorée du shiisme, s'engagèrent graduellement dans la collaboration avec le pouvoir. Ce sont d'abord les Abbassides qui, sous la pression du Califat fatimide, crurent bon de se rapprocher d'eux. À partir de 945, le califat était sous la domination des Bouyides, sympathiques au shiisme. Mais c'est surtout avec l'avènement au XVIe siècle de la dynastie safavide, qui implanta officiellement la religion shiite en Perse, que la collaboration s'établit entre le shiisme duodécimain et le pouvoir.
Les Saffavides se prétendaient eux-mêmes descendants de Ali; ils offrirent au clergé shiite, un certain droit de regard sur la conduite de l'État. Après une période d'éclipse, ce droit fut à nouveau reconnu par la dynastie quadjar, et il fut même inscrit dans la constitution iranienne de 1906-07.


Pour Nikki Keddie, qui étudie le shiisme du point de vue politique, ce fait démontre que le shiisme duodécimain avait perdu toute sa dangerosité pour le pouvoir: «In shiism mahdism has, grosso modo, gone from early periods of being a frequent incitement to revolt to a predominantly comforting distant future, defering revolt in view of the fact that basic change in this world can come only through a return of the Mahdi that cannot be hurried [15].»

Mais la collaboration du shiisme duodécimain avec le pouvoir politique restait cependant limitée par l'idée que l'Imam caché, étant toujours vivant, demeurait la seule source de légitimité du pouvoir. Pour le Shiite, tout pouvoir politique, quel qu'il soit, ne peut être légitime; en revanche, puisqu'un pouvoir est nécessaire, on s'accommode de celui en place en attendant le retour de l'imam.

Sur cette solution de compromis, le clergé shiite s'est établi en Iran une place privilégiée : droit de regard sur le gouvernement, indépendance totale du pouvoir politique, et indépendance financière, grâce à la perception de sa propre taxe. Quand au croyant, il se voit entièrement délié de cette obédience qui lie le sunnite à son souverain : «Ne reconnaissant pour toute autorité sur terre que celle d'un imam dont personne, par définition, ne peut se réclamer de manière contraignante, le croyant shiite est libre vis-à-vis du pouvoir en place.

[…] L'imam étant par ailleurs supposé vivant, les dogmes juridiques ne sont pas figés sur des positions immuables, mais peuvent recevoir des réponses nouvelles en fonction de situations nouvelles [16].»

En l'absence de l'imam, la constitution d'un clergé s'imposait. Les ulemas, dont le rôle est de répondre aux besoins théologiques sans prendre la place de l'imam, sont choisis en fonction de leurs connaissances exotériques et ésotériques, leurs vertus et leur art de vivre.

En tout cela, le clergé shiite se distingue nettement du clergé sunnite, totalement dépendant politiquement et financièrement du pouvoir politique.

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