Le Renoncement Au Pouvoir : Le Shiisme Duodécimain
Pour Nikki Keddie, qui étudie le shiisme du point de vue politique, ce fait démontre que le shiisme duodécimain avait perdu toute sa dangerosité pour le pouvoir: «In shiism mahdism has, grosso modo, gone from early periods of being a frequent incitement to revolt to a predominantly comforting distant future, defering revolt in view of the fact that basic change in this world can come only through a return of the Mahdi that cannot be hurried [15].»
Sur cette solution de compromis, le clergé shiite s'est établi en Iran une place privilégiée : droit de regard sur le gouvernement, indépendance totale du pouvoir politique, et indépendance financière, grâce à la perception de sa propre taxe. Quand au croyant, il se voit entièrement délié de cette obédience qui lie le sunnite à son souverain : «Ne reconnaissant pour toute autorité sur terre que celle d'un imam dont personne, par définition, ne peut se réclamer de manière contraignante, le croyant shiite est libre vis-à-vis du pouvoir en place.
[…] L'imam étant par ailleurs supposé vivant, les dogmes juridiques ne sont pas figés sur des positions immuables, mais peuvent recevoir des réponses nouvelles en fonction de situations nouvelles [16].»
En l'absence de l'imam, la constitution d'un clergé s'imposait. Les ulemas, dont le rôle est de répondre aux besoins théologiques sans prendre la place de l'imam, sont choisis en fonction de leurs connaissances exotériques et ésotériques, leurs vertus et leur art de vivre.
En tout cela, le clergé shiite se distingue nettement du clergé sunnite, totalement dépendant politiquement et financièrement du pouvoir politique.