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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Le Fondement Theorique De La Distribution Sur Les Elements De La Production

 CHAPITRE 4
LA THEORIE DE LA POST-PRODUCTION
 

1- LE FONDEMENT THEORIQUE DE LA DISTRIBUTION SUR LES ELEMENTS DE LA PRODUCTION(149)

La superstructure


1 - Al-Muhaqqiq al-Hillî écrit, dans son livre "al-Charâ'i'", chapitre "al-Wikâlah" : «Le ramassage du bois, et d'autres travaux similaires dans la nature, n'autorisent pas le mandat. Ainsi, si un individu donne mandat à une autre personne de ramasser du bois dans la forêt, ce mandat est nul, et le mandant ne possède pas le bois que le travailleur a ramassé, car le ramassage du bois et les autres travaux semblables dans la nature ne produisent aucun effet, ni droit privé pour l'individu si celui-ci n'effectue pas le travail lui-même et ne dépense pas un effort direct dans les opérations de ramassage du bois, d'herbes, etc.»

 

Voici le texte de son exposé :

« Concernant les domaines où le mandat n'est pas valable, ils ont pour critère tout ce qui doit se faire, selon l'esprit du législateur, par la personne concernée [mukallaf] elle-même (sans intermédiaire ou mandataire), tels que la purification, la Prière obligatoire (tant que la personne est vivante), le Jeûne, la retraite spirituelle [i'tikâf], le Pèlerinage obligatoire (lorsque toutes les conditions requises sont réunies), le serment [aymân], le voeu [nithr], l'usurpation [al-ghaçb], le partage entre les femmes [al-qism bayn-al-zawjât] - car il implique une jouissance- la formule de la séparation [dhehâr], la malédiction réciproque [li'ân], l'écoulement du délai de viduité [qadhâ' al-'iddah], le crime [jinâyah], le ramassage d'un objet trouvé [iltiqât], le ramassage du bois [ihtitâb], la récolte d'herbes sèches [ihtichâch].»(150) - Il est dit, dans le livre "Al-Tath-kirah", d'al-'Allâmah al-Hillî, à propos du mandat :

«Il y a des doutes concernant la légalité du mandat dans les choses autorisées [mubâhât] telles que la chasse, le ramassage du bois, la récolte d'herbes sèches, la mise en valeur des terres mortes, l'acquisition de l'eau, etc. Nos juristes ont rapporté que certains Juirsconsultes châfi'ites ont affirmé l'invalidité du mandat dans de tels cas.»(151)

3 - Dans "Al-Qawâ'id", il est dit que «la question de la validité du mandat en vue de la constatation de l'acquisition des choses autorisées [mubâhât] telles que le ramassage du bois, la chasse, la récolte d'herbes sèches, le ramassage d'un objet trouvé, est sujette à caution»(152). (152)

4 - De nombreuses autres sources doctrinales, telles "Al-Tahrîr", "Al-Irchâd", "Al-Idhâh", etc. partagent cette réticence(153).

5 - De nombreuses autres sources doctrinales encore, telles que "Al-Jâmi' fîl Fiqh", ne se contentent pas d'émettre des réticences et des doutes, mais affirment franchement l'illégalité du mandat conformément aux législations. "Al-Sarâ'ir" dit la même chose à propos de la chasse. De même, on rapporte du Chaykh al-Tûsî, dans le livre "Al-Mabsût" (certains exemplaires), l'interdiction du mandat dans la mise en valeur. On rapporte de lui également l'interdiction du mandat dans le coupage du bois et d'herbes(154).

Quant à Abû Hanîfah, il déduit l'illégalité du partage dans l'acquisition du "mubâh" (ce qui est permis, autorisé), tel que le ramassage d'herbes, du fait que le partage exige le mandat, et celui-ci n'est pas permis dans ces choses-là (Mubâhât), puisque celui qui les prend les possède(155).

6 - Al-'Allâmah al-Hillî a lié le mandat et le louage, en rappelant que si le mandat dans ces travaux est improductif (le mandant y est improductif, puisqu'il n'y effectue aucun travail), le louage l'est aussi. Donc, de même que le mandant ne possède pas ce que le mandataire obtient par le ramassage de bois, la chasse, la mise en valeur du mawât, etc. de même le loueur ne possède pas les gains du travail du salarié dans la nature(156). On trouve le texte de cette affirmation dans son livre "Al-Tath-kirah", où il est écrit :

«Si nous autorisons le mandat dans un tel domaine, nous y aurons autorisé par là-même le louage, ce qui signifierait que si un homme loue les services d'un autre homme pour qu'il ramasse du bois, fasse l'arrosage ou mette en valeur une terre pour lui, cela serait légal et le loueur posséderait le produit de ces travaux. Et si nous interdisons le mandat, nous aurons interdit par là-même le louage, et le produit en question reviendra au salarié.»(157)

Al-Muhaqqiq al-Içfahânî affirme dans le livre "Al-Ajârah" que «le louage n'a pas d'effet sur la possession du loueur, c'est-à-dire celui qui paie le salaire de ce qu'acquiert le salarié et qu'il obtient par son travail dans la nature. Si le salarié acquiert quelque chose pour lui, il possède le bien acquis, et le loueur n'en aura rien.»(158)

Al-Chahîd al-Thânî écrit la même chose dans ses "Masâlik" :

«Il reste à préciser que même si l'on se réfère (parmi les deux avis concernant la validité ou la non-validité du contrat de louage en vue du coupage de bois, du ramassage d'herbe, de la chasse, etc.), à celui qui affirme cette validité, il le fait en soulignant que la propriété du produit ne revient au loueur (le commanditaire ou mandant) que si le salarié (le mandataire) accomplit le travail avec l'intention préalable de le faire pour le compte du mandant. Mais s'il le fait dans l'intention d'en obtenir le résultat pour lui-même, dans ce cas-là il lui appartiendra, selon tous les avis, car il aura rempli la condition requise pour l'appropriation ; et ceci ne s'oppose pas au fait que le loueur aura droit au loyer de ses biens pendant toute la période de l'exploitation.»(159)

7 - Al-'Allâmah al-Hillî écrit dans ses "Qawâ'id" :

«Si un homme chasse, ramasse du bois ou des herbes, et acquiert avec l'intention que son acquisition est pour lui et d'autres, cette intention n'a pas d'effet, toute l'acquisition sera pour lui.»(160)

8 - Il est écrit dans "Miftâh al-Karâmah", que le Chaykh al-Tûsî, le Muhaqqiq (al-Hillî)(161) et al-'Allâmah (al-Hillî)(162), ont décidé tous que «Si un individu acquiert une richesse naturelle avec l'intention de s'en servir lui et les autres, elle sera entièrement à lui.»(163)

9 - Il est dit dans "Al-Qawâ'id" d'al-'Allâmah (al-Hillî), que si un individu donne un filet au pêcheur contre une part de sa pêche, celle-ci reviendra au pêcheur, lequel doit payer le loyer du filet(164)

D'autres sources, telles que "Al-Mabsût", "Al-Muhath-thab", "Al-Jamî'", "Al-Charâ'i'", ont confirmé cet avis(165)

10 - Al-Muhaqqiq al-Hillî écrit, dans "Al-Charâ'i'" :

«La chasse avec un instrument usurpé est illicite, mais le gibier n'est pas illicite ; le chasseur le possède et non pas le propriétaire de l'instrument ; celui-là doit payer à celui-ci le loyer de l'instrument.»(166)

Commentant ce jugement qui stipule que c'est le chasseur qui possède le produit de la chasse, et non pas le propriétaire de l'instrument, al-Muhaqqiq al-Najafî écrit :

«Car la chasse fait partie des "mubâhât" que l'on possède par le travail direct réalisé par l'usurpateur, même si son utilisation de l'outil de chasse est illégale. Certes, il (le chasseur) doit en payer le loyer au propriétaire (de l'outil), comme on le fait pour tout instrument usurpé. D'autre part, même s'il n'a rien chassé avec l'outil, il doit quand même en payer le loyer, car son usurpation de l'outil constitue un manque à gagner pour le propriétaire de l'outil.»(167)

Al-Faqîh al-Hanafî al-Sarkhacî écrit quelque chose de similaire dans son "Al-Mabsût" :

«Si quelqu'un donne au pêcheur un filet pour qu'il pêche des poissons à partager avec lui-même (celui qui a fourni le filet), et que le pêcheur pêche beaucoup de poissons, ceux-ci reviennent tous au pêcheur, car c'est celui qui les a attrapés qui en est l'acquéreur, et non pas l'instrument (qui a servi à les attraper) ; aussi sera-t-il propriétaire de ce qu'il a acquis, même s'il a utilisé pour cela l'instrument d'un autre, mais à condition de l'en indemniser. Et étant donné que le montant de l'indemnisation est indéterminé, le pêcheur doit payer au propriétaire du filet le loyer courant.»(168) Cela signifie que l'outil (le filet) n'a pas de part dans l'article produit.

11 - Al-Chaykh al-Tûsî écrit le texte suivant sur le partage, dans "Kitâb al-Mabsût" :

«Si un homme demande à un autre de chasser un gibier pour lui, et que le second chasse avec l'intention que le gibier soit pour le premier, à qui reviendra le gibier ? On a répondu que le gibier aura, ici, le même statut que l'eau permise (mubâh), statut selon lequel si le preneur d'eau puise avec l'intention de la partager avec le propriétaire de l'instrument, la valeur de l'eau reviendra à celui qui l'aura puisée, et non pas à son associé. Ici aussi, le produit de la chasse revient au chasseur et non pas au commanditaire, car il est le seul acquéreur. Mais on dit aussi qu'il revient au commanditaire, car le chasseur l'a obtenu avec l'intention de le faire pour le commanditaire, et c'est l'intention qui est prise en considération. Toutefois, c'est le premier avis qui est le plus juste.»(169)

12 - Al-Muhaqqiq al-Hillî écrit dans "Al-Charâ'i'" :

«Si un homme donne une monture, et un autre une outre, à un porteur d'eau pour former une association dont les trois partagent les résultats, l'association n'est pas valable : le porteur d'eau possède ce qu'il a obtenu, et il doit payer l'équivalent du loyer de la monture et de l'outre.»(170)

Al-'Allâmah al-Hillî dit la même chose dans al-Qawâ'id.(171)

La même question est évoquée dans "Kitâb al-Mughnî" d'Ibn Qudâmah, et l'on rapporte d'al-Qâdhi et d'al-Châfi'î le même jugement que précité, à savoir que le porteur d'eau possède ce qu'il gagne, et qu'il doit payer à son partenaire l'équivalent du loyer(172).

De même, le Chaykh al-Tûsî a avancé le même statut tout en indiquant un avis opposé selon lequel le gain doit être partagé en trois parts entre le propriétaire de la monture, celui de l'outre, et le porteur d'eau, et qu'il n'approuve pas ce dernier avis(173).

Tout cela signifie que les moyens de production que le porteur d'eau utilise n'ont pas de part dans le produit de l'opération, mais nécessitent l'équivalent d'un loyer de la part du travailleur.

De la théorie

Toute cette superstructure montre la vérité fondamentale de la théorie générale de la post-production, et par conséquent les différences essentielles entre la théorie islamique et la théorie générale de la distribution dans l'Economie doctrinale du capitalisme.

Avant de commencer à déduire la théorie à partir de la superstructure précitée, peut-être est-il préférable de nous faire une idée sur la nature de la théorie de la distribution de la post-production, et d'en tracer un portrait général en présentant un exemple dans la doctrine capitaliste, afin que nous puissions connaître le type de domaine sur lequel toute théorie doctrinale de la distribution de la post-production doit s'exercer.

Après que nous aurons présenté la théorie dans son cadre capitaliste, nous passerons en revue la théorie islamique de la distribution de la post-production, telle que nous y croyons. Et lorsque nous en aurons donné le portrait déterminé et que nous aurons mis en évidence les différences entre les deux théories, nous reviendrons à la superstructure précitée pour appuyer notre supposition de la théorie islamique, et expliquer notre méthode de sa déduction à partir de cette superstructure dans laquelle se reflètent ses aspects fondamentaux. Cette recherche comportera donc trois étapes.

Exemple de la théorie dans l'Economie capitaliste

Habituellement, on décompose l'opération de la production dans la doctrine capitaliste traditionnelle en ses éléments originels imbriqués dans l'opération. L'idée générale dans la distribution de la richesse produite repose sur la participation de ces éléments à la richesse qu'ils ont produite. Chaque élément a une part de la production proportionnelle à son rôle dans l'opération.

Sur cette base, le capitalisme divise la richesse produite ou sa contre-valeur monétaire en quatre parts que voici :

1 - l'intérêt

2 - les salaires

3 - le revenu

4 - les bénéfices

Les salaires sont la part du travail humain ou du travailleur en tant qu'élément important dans l'opération de la production capitaliste. L'intérêt est la part du capital prêteur. Les bénéfices sont la part du capital participant effectivement à la production. Le revenu traduit la part de la nature, ou en termes plus spécialisés, la part de la terre.

Beaucoup de modifications formelles ont été apportées à ce mode capitaliste de distribution. Les bénéfices et les salaires ont été regroupés en une seule catégorie, parce qu'on estimait que les bénéfices sont, en réalité, une sorte de salaire d'un travail spécifique, à savoir le travail d'organisation que le promoteur effectue en préparant les différents éléments de la production, tels que le capital et la nature du travail, et en les faisant concorder, et en les organisant dans l'opération de la production.

D'un autre côté, la théorie moderne de la distribution a conféré au revenu un concept plus large dépassant les limites de la terre et découvrant de nombreuses sortes de revenus dans les différents domaines. De même, d'aucuns ont préféré considérer le capital dans une acception globale comprenant toutes les forces de la nature, y compris la terre.

Malgré ces modifications formelles, la vision essentielle de la distribution capitaliste est restée immuable à travers toutes les modifications et n'a pas changé sur le plan doctrinal. Cette vision consiste à considérer tous les éléments de la production sur un même niveau, et à donner à chacun de ces éléments sa part de la richesse produite en sa qualité de participant à l'opération, et dans les limites de sa participation avec tous les éléments à la réalisation de cette richesse et sa production. Ainsi, l'ouvrier, par exemple, obtient son salaire de la même façon et sur la même base que celle sur laquelle le capital obtient l'intérêt, car chacun d'eux est, selon la norme capitaliste, un facteur de production et une force participant à la composition organique de l'opération ; et il est naturel que les produits soient répartis entre les éléments de la production à des taux que détermineront la loi de l'offre et de la demande, et d'autres forces qui régissent la distribution.

La théorie islamique et sa comparaison avec le capitalisme


Quant à l'Islam, il refuse catégoriquement cette vision essentielle de la doctrine capitaliste, et en diffère fondamentalement, car il ne met pas les différents éléments de la production sur un même niveau, ni ne les considère également pour qu'il admette la distribution de la richesse produite à ces éléments aux taux que déterminent les lois de l'offre et de la demande, comme le fait le capitalisme. Loin de là, la théorie islamique générale de la distribution de la post-production considère que la richesse produite par la nature brute est la propriété du seul homme producteur -le travailleur. Quant aux moyens matériels de la production, tels que le capital et les différents instruments et outils, ils n'ont pas de part dans la richesse produite elle-même. Ce sont tout simplement des moyens qui fournissent à l'Islam des services nécessaires pour asservir la nature et la soumettre dans un but de production. Si ces moyens sont la propriété d'une personne autre que le travailleur-producteur, celui-ci doit récompenser la personne qui possède lesdits moyens des services qu'il (le producteur) a obtenus grâce à eux. Ainsi, le bien donné au propriétaire de la terre, de l'instrument ou de l'outil qui contribue aux travaux de la production, ne traduit pas la part de la terre, de l'instrument ou de l'outil eux-mêmes dans le produit, en tant qu'un des éléments de sa production, mais représente une récompense -pour le propriétaire des moyens- des services qu'il a rendus en permettant au travailleur-producteur d'utiliser ces moyens. Mais si les moyens n'ont pour propriétaire que l'homme producteur, la récompense n'a plus de raison d'être, car dans un tel cas elle constituerait un don pour la nature et non pas pour un autre homme. Ainsi, l'homme producteur, dans la théorie islamique de la distribution de la post-production, est le propriétaire réel de la richesse produite de la nature brute ; les éléments matériels de la production n'ont pas de part dans cette richesse ; mais l'homme producteur étant considéré comme ayant une dette envers les propriétaires des moyens qu'il utilise dans sa production, il est tenu de s'acquitter de sa dette et de récompenser ces derniers pour les services rendus par leurs moyens. La part des moyens matériels participant à l'opération de production revêt donc un caractère de récompense pour un service rendu, et traduit une dette contractée par l'homme producteur. Elle ne signifie pas une égalisation entre le moyen matériel et le travail humain, ni une association entre eux, à parts égales, dans la richesse produite.

En poursuivant notre opération de découverte de la théorie générale de la distribution de la post-production, nous apprendrons la justification théorique de cette récompense que les propriétaires des moyens matériels obtiennent de l'homme producteur contre son utilisation des moyens qu'ils possèdent, dans l'opération de la production.

La différence est donc grande entre la théorie islamique de la distribution de la post-production, et la théorie capitaliste sur ce sujet.

La raison de cette différence tient à la divergence entre les deux théories, capitaliste et islamique, dans la détermination de la place de l'homme et de son rôle dans l'opération de la production. Dans la vision capitaliste, le rôle de l'homme équivaut au rôle de l'instrument qui sert à la production, et non pas au but que la production poursuit ; il est donc placé au même rang que toutes les autres forces participant à la production : la nature, le capital, etc. C'est pourquoi l'homme producteur obtient sa part de la richesse naturelle en tant que participant à la production et serviteur de celle-ci. Par conséquent, la base théorique de répartition entre l'homme producteur et les moyens matériels qui participent avec lui à l'opération de la production devient la même.

En revanche, la place que la vision islamique assigne à l'homme se situe au niveau du but, et non pas de l'instrument. L'homme n'est pas au niveau des autres moyens matériels pour que la distribution de la richesse produite soit effectuée entre lui et ceux-ci d'une façon égale. Les moyens matériels sont considérés comme serviteurs de l'homme dans la réalisation de l'opération de production, car celle-ci est elle-même destinée à l'homme. C'est pourquoi la part de l'homme producteur diffère de celle des moyens matériels dans le fondement théorique. Si les moyens matériels sont la propriété d'un autre que le travailleur, et que cet autre propriétaire les mette au service de la production, il a un droit sur l'homme producteur, celui d'être récompensé de son service. La récompense est ici une dette contractée par le producteur, lequel doit régler cette dette en contrepartie du service rendu ; cela ne signifie pas théoriquement une participation des moyens matériels dans la richesse produite.

Ainsi, la place des moyens matériels, dans la vision islamique, impose à ceux-ci, en leur qualité de serviteurs de l'homme producteur, d'obtenir de celui-ci une récompense, et non pas une part de la richesse produite et en tant que participant dans sa production. De même, la place de l'homme dans l'opération de la production impose à celui-ci, en tant que but de cette opération, d'être le seul ayant droit dans la richesse naturelle qu'Allah a créée pour le service de l'homme.

Parmi les plus importants phénomènes que reflète cette différence essentielle entre les deux théories, islamique et capitaliste, figure la position des deux doctrines vis-à-vis de la production capitaliste dans les domaines de la richesse naturelle brute. En effet, le capitalisme doctrinal autorise le capital à exercer cette sorte de production. Il peut, par exemple, louer des ouvriers pour couper le bois des arbres de la forêt ou extraire le pétrole de ses puits, et leur payer leurs salaires -et c'est tout le dû du travailleur dans la théorie capitaliste de la distribution- et le capital devient ainsi le propriétaire de tout ce que les salariés apportent -bois ou minerais de la nature- et acquiert le droit de les vendre au prix qu'il veut.

En revanche, dans la théorie islamique de la distribution, il n'y a pas de place pour cette sorte de production(174), car le capital n'y obtient rien par l'emploi des salariés pour couper le bois et extraire les minerais et la fourniture des instruments nécessaires, étant donné que la théorie islamique fait de l'accomplissement du travail la condition de l'appropriation de la richesse naturelle, et accorde au seul travailleur le droit de s'approprier le bois qu'il coupe ou le minerai qu'il extrait. C'est de cette façon que l'Islam abolit la possession des richesses naturelles brutes par le travail payé, et fait disparaître le contrôle du capital sur ces richesses qu'il s'approprie dans le système capitaliste, par le simple fait de sa capacité à payer les salaires des ouvriers et à leur fournir les outils nécessaires, et le fait remplacer par le contrôle de l'homme sur les richesses naturelles.

La disparition de ce mode de production capitaliste dans le domaine des richesses naturelles brutes n'est pas un événement accidentel, ni un phénomène passager ou une différence secondaire entre la théorie islamique et la doctrine capitaliste, mais traduit d'une façon claire et sur une base théorique - comme nous l'avons vu - la contradiction polarisée entre eux, et l'originalité du contenu théorique de l'Economie islamique.

La déduction de la théorie à partir de la superstructure

Nous avons examiné jusqu'à présent la théorie islamique de la post-production, théorie que nous posons simplement en postulat dans la mesure où l'exige sa comparaison avec la théorie capitaliste quant à son fondement théorique de la distribution de la richesse sur les éléments de la production.

Pour démontrer le bien-fondé de notre conception de la théorie, nous revenons à présent à la superstructure évoquée au début de notre recherche, afin d'en déduire l'aspect que nous avons supposé de la théorie islamique, et mettre en évidence la signification de cet aspect et le degré de sa concordance avec l'image que nous avons présentée.

Les statuts que nous avons passés en revue dans la superstructure décident que :

1 - Le mandant n'a pas le droit de récolter le fruit du travail de son mandataire dans les richesses naturelles brutes. Ainsi, si une personne en mandate une autre pour lui couper du bois de la forêt, par exemple, elle n'aura pas le droit de s'approprier le bois obtenu par son mandataire, tant qu'elle n'effectue pas le travail et le coupage du bois elle-même ; car la propriété résultant du travail appartient uniquement au travailleur. Ceci est évident dans les huit premiers articles de la superstructure.

2 - Le contrat de louage est comme le contrat de mandat. De même que le mandant ne possède pas les richesses qu'obtient de la nature son mandataire, de même le loueur ne possède pas les richesses naturelles qu'acquiert son salarié du simple fait qu'il lui a payé un salaire, car lesdites richesses ne peuvent être possédées que par le travail directement effectué. Ceci est clair à l'article 6.

3 - Si l'individu producteur, exploitant les richesses naturelles, utilise pour cette exploitation un instrument ou un outil qui appartient à un tiers, l'instrument en question n'a pas de part dans la richesse obtenue de la nature par le travailleur. Toutefois, l'homme producteur devient redevable au propriétaire de l'instrument d'une récompense pour le service qu'il lui a rendu dans l'opération de la production. Quant au produit, il est entièrement la propriété du travailleur. Ceci ressort à l'évidence dans les articles 9, 10 et 12.

Ces trois points suffisent pour découvrir la théorie générale de la post-production, sur laquelle se fonde la superstructure de tous ces statuts. De même, ils suffisent pour montrer le bien-fondé de notre découverte de la théorie et lui conférer le contenu et les traits que nous avons définis.

L'homme producteur possède donc la richesse produite de la nature brute, non pas en sa qualité de participant à la production et de son serviteur, mais parce qu'il est lui-même le but que poursuit la production. C'est à ce titre qu'il fait sienne toute la richesse produite qu'il n'a pas à partager avec les autres forces et instruments qui ont servi la production et y ont participé.

Quant à ces moyens matériels, ils toucheront leur salaire pour les services qu'ils ont rendu, de l'homme travailleur qui accomplit la production, car ils sont considérés comme son serviteur et non pas comme son égal(175)

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C'est de cette façon que nous obtenons, par l'utilisation de la superstructure précitée, le fondement islamique de la distribution de la post-production, et que nous prouvons à sa lumière la véracité de l'image que nous avons présentée de la théorie islamique, lorsque nous l'avons comparée avec la théorie capitaliste.

Continuons à présent notre découverte et entamons l'étude d'un autre aspect de la théorie pour le mettre en évidence, en comparant celle-ci avec le marxisme, et en déterminant les aspects de la différence entre les deux.



Notes



149. Dans la "Théorie de la Distribution de la Pré-production", nous avons essayé de déterminer les droits que les individus acquièrent dans les richesses naturelles brutes en tant qu'un des aspects de leur distribution. Et étant donné que ces droits résultent du travail, notre recherche a tendu à déterminer le rôle du travail dans lesdites richesses naturelles. La richesse naturelle que le travail développe est, à cet égard, classée dans la richesse de la post-production. C'est pourquoi les deux recherches -la recherche sur la distribution de la pré-production et celle sur la distribution de la post-production ont interféré partiellement, interférence indispensable pour assurer la clarté des idées relatives à chacun des deux domaines de la distribution.

150. "Charâ'i' al-Islâm" d'al-Muhaqqiq Najm al-Dîn Ja'far ibn al-Hassan, Tome II, p. 195, nouvelle édition.

151. "Tath-kirat al-Foqahâ'" d'al-'Allâmah al-Hillî al-Hassan ibn Yûsuf al-Motahhar, Tome II, édition de Pierre, Chap. du "Mandat", Section 4, alinéa 2, question n° 5.

152. "Qawâ'id al-Ahkâm" d'al-'Allâmah al-Hillî, Chapitre du "Mandat".

153. Voir "Miftâh al-Karâmah" de Sayyed Jawâd al-'Amilî, tome VII, p. 559.

154. Ibid.

155. Voir "Al-Mughnî" d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 5.

156. Voir édition arabe, Annexe 14.

157. "Tath-kirat al-Foqahâ'" d'al-'Allâmah al-Hillî, ibid.

158. "Kitâb al-Ajârah, du Chaykh Muhammad Hussayn al-Içfahânî, pp. 120-121.

159. "Al-Masâlik", Tome II, Kitâb al-Charikah, 3e partie, les annexes, Edition de Pierre.

160. "Qawâ'id al-Ahkâm", d'al-'Allâmah al-Hillî, al-Maqçad al-Sâdis, al-Rukn al-Râbi', concernant le mandat.

161. L'auteur d'"al-Charâ'î'" (Charâ'î' al-Islâm).

162. L'auteur d'"al-Tath-kirah", "al-Qawâ'id".

163. Tome II, p. 420.

164. "Qawâ'id al-Ahkâm" d'al-'Allâmah al-Hillî (al-Hassan ibn Yûsuf...), al-Maqçad al-Qâmis, al-Qarâdh, chap. III.

165. Voir "Miftâh al-Karâmah", al-'Amîlî, tome VII, p. 441.

166. "Charâ'i' al-Islâm", al-Muhaqqiq al-Hillî, tome III, p. 203.

167. "Jawâhir al-Kalâm fî Charh Charâ'i' al-Islâm" d'al-Faqîh al-Muhaqqiq Muhammad Hassan al-Najafî, tome VI, édition de pierre, édition arabe, annexes du "Kitâb al-Çayd".

168. "Al-Mabsût", d'al-Sarkhacî, tome XXII, p. 35.

169. "Al-Mabsût fî Fiqh al-Imâmiyyah", d'al-Chaykh al-Tûsî, tome II, p. 346.

170. "Charâ'i' al-Islâm", d'al-Muhaqqiq al-Hillî (Ja'far ibn al-Hassan), tome II, pp. 132-133.

171. "Qawâ'id al-Ahkâm", d'al-'Allâmah al-Hillî (al-Hassan ibn Yusif), al-Maqçad al-Râbi' : al-Charikah.

172. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 11.

173. "Al-Mabsût", tome II, p. 346.

174. Comme nous l'avons vu dans la superstructure où al-Muhaqqiq al-Hillî interdit, dans les "Charâ'i'", le mandat dans le coupage de bois et dans d'autres sortes semblables de moyens d'acquisition de "mubâhât", où al-Chaykh al-Tûsî interdit dans certains exemplaires de "Al-Mabsût" le mandat dans la mise en valeur de la terre, où al-Muhaqqiq al-Içfahânî affirme dans "Kitâb al-Ijârah" que le loueur ne possède pas par le contrat de louage ce que son salarié acquiert dans les richesses naturelles.

175. Pour déduire, sur le plan théorique, ces résultats, il nous suffit de reposer la recherche sur les deux derniers des trois points dans lesquels nous avons résumé la signification de la superstructure, car même si nous ne reconnaissions pas le premier point, la structure théorique que nous avons édifiée reste bien fondée. En effet, si nous supposons que la richesse naturelle brute produite par un individu (mandataire) travaillant pour le compte d'un autre (mandant) appartienne au second (le mandant) et non pas au premier (le mandataire, celui qui l'a produite) -et c'est ce vers quoi je penche dans mon exposé jurisprudentiel (voir édition arabe, annexe 15), ceci ne s'oppose pas au principe stipulant que "l'homme producteur est le seul ayant droit de la richesse qu'il produit", car l'homme producteur cède ici de lui-même son droit et fait don effectif de la richesse à une autre personne dès qu'il décide de l'obtenir pour ladite personne. En effet, le principe stipulant que "l'homme producteur est le seul ayant droit de la richesse qu'il produit" est lié au point de la superstructure, qui affirme que "le moyen matériel de production ne partage pas avec le travailleur la richesse produite, et l'autre point qui indique que "le capitaliste ne possède pas la richesse que le travailleur acquiert, par le simple fait qu'il lui achète son travail et qu'il lui fournit les outils nécessaires pour la production".

Ainsi, la différence entre l'idée de la possession par le mandant de la richesse qu'acquiert son mandataire et celle de la possession par l'individu de la richesse qu'acquiert son salarié s'avère fondamentale, car alors que la seconde idée est capitaliste de par sa nature, étant donné qu'elle confère au capital monétaire et producteur, au lieu du travail humain, le droit direct de posséder la richesse, la première idée, au contraire, reconnaît au travailleur son droit dans la richesse, et considère le mandat que lui donne un autre, pour le coupage du bois de la forêt par exemple, comme une expression tacite du don fait par le travailleur de la propriété du bois à l'autre personne, et une cession à celle-ci de la richesse qu'il a produite.

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