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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Les aspects de la difference entre la theorie islamique et le marxisme La superstructure

2- LES ASPECTS DE LA DIFFERENCE ENTRE LA THEORIE ISLAMIQUE ET LE MARXISME

La superstructure


1 - Dans le chapitre du "Louage" de son livre "Charâ'i' al-Islam", al-Muhaqqiq al-Hillî écrit :

«Si quelqu'un confie à un autre un article pour qu'il y effectue un travail donné, ce dernier (le travailleur) a droit à un salaire correspondant à son travail s'il est habituellement payé pour ce genre de travail (s'il est teinturier de son état, par exemple). Mais s'il s'agit de quelqu'un qui ne reçoit pas normalement un salaire pour ce travail, deux cas de figure se présentent : a- le travail qu'il a fait est quand même généralement payant, auquel cas il a droit à un salaire correspondant au travail qu'il a effectué, car c'est celui qui est censé savoir qu'il a fait le travail dans l'intention d'être payé ; b- le travail n'est pas habituellement payant, auquel cas sa revendication d'un salaire est négligeable.»(176)

Les commentateurs ont expliqué et justifié ceci par le fait que si quelqu'un laisse entendre qu'il fait un travail donné gratuitement, il n'a pas le droit d'exiger par la suite d'être payé pour le travail qu'il a effectué.

 

2 - Al-Muhaqqiq al-Najafî écrit, dans le chapitre de "l'Usurpation" (al-Ghaçb) de son livre "Jawâhir al-Kalâm..." :

«Si quelqu'un usurpe des grains qu'il sème, ou des oeufs qu'il transforme en poussins [faire couver], le produit en reviendra, selon la plupart des Jurisconsultes (faqîh), à la victime de l'usurpation (le propriétaire des grains ou des oeufs). Et selon le livre "Al-Naçiriyyah", il n'y a même pas divergence de vue sur ce point ; et, encore mieux, selon "Al-Sarâ'ir", tous les Jurisconsultes sont unanimement de cet avis, ce qui correspond vraisemblablement le mieux aux fondements et aux règles de notre doctrine.»(177)

Et il a mentionné un autre avis jurisprudentiel prétendant que : «Les plantes et les poussins produits appartiendront à l'usurpateur, car les grains et les oeufs qui appartenaient à la victime de l'usurpation sont considérés comme étant dissipés et détériorés, ce qui amène à considérer les plantes et les poussins comme un nouveau produit que possède l'usurpateur par la faveur du travail qu'il y a effectué.

Al-Mirghinânî est de cet avis, puisqu'il écrit :

«Si les aspects d'une chose usurpée changent tellement, grâce au travail de l'usurpateur, que le nom de cette chose disparaît et que son utilité augmente, le titre de propriété de la victime de l'usurpation en disparaît par là-même pour passer à l'usurpateur.»(178)

Et selon al-Sarkhacî :


«Si quelqu'un usurpe du blé et le sème, et que le propriétaire légitime se présente alors que son blé est déjà transformé en plante ou en blé encore vert, pour réclamer son bien usurpé, il n'a droit qu'à l'équivalent de son blé ; il n'a pas droit à la plante. Tandis que pour moi et pour al-Châfi'î, la plante lui appartient, car elle émane de sa propriété.»(179)

3 - Dans le même livre, il est écrit :

«Si quelqu'un usurpe une terre et qu'il la cultive ou y plante des arbres, la production en est sans conteste au cultivateur (usurpateur), lequel doit toutefois payer au propriétaire de la terre le loyer courant.»

De nombreux hadith ont confirmé cet avis. Ainsi, 'Oqbah ibn Khâlid raconte qu'il a demandé un jour à l'Imam al-Çâdiq (S) quel est son jugement dans le cas de figure suivant :

«Supposons qu'un homme cultive une terre appartenant à un autre, sans sa permission, et que lorsque la terre commence à produire, son propriétaire se présente et dise au cultivateur : "Tu as cultivé ma terre sans ma permission, cette production m'appartient donc, et j'ai à te payer les dépenses que tu as faites." A-t-il raison ou tort ?» L'Imam al-Çâdiq (S) a répondu: «La production revient au cultivateur, et le propriétaire de la terre doit toucher le loyer de sa terre.»(180)

Selon Ibn Qudâmah :

«Si quelqu'un usurpe une terre, qu'il y plante des arbres et que ces arbres commencent à produire ; si le propriétaire se présente alors que l'usurpateur a déjà récolté le produit, celui-ci appartient à ce dernier ; et même s'il se présente alors que le produit est encore sur les arbres, celui-ci (le produit) revient à l'usurpateur (cultivateur), car il est le produit de ses arbres et il est considéré comme s'il se trouvait sur sa propre terre.»(181)

4 - Dans le chapitre "al-Muzâra'ah" de "Jawâhir al-Kalâm", il est dit :

«Dans chaque cas où le métayage est déclaré illicite, le propriétaire de la terre a droit au loyer, et la culture deviendrait propriété du cultivateur lui-même, si les grains lui appartenaient ; mais si c'est le propriétaire de la terre qui a fourni les graines, la culture lui appartiendra et il devra payer le salaire du cultivateur ainsi que le loyer des outils. Si les graines appartenaient à tous les deux (le propriétaire de la terre et le cultivateur), la récolte doit être partagée entre eux proportionnellement.»(182)

On peut déduire de cette explication que la culture appartient au propriétaire des graines -qu'il soit le cultivateur ou le propriétaire de la terre- car les graines constituent la matière essentielle de la culture. Au cas où les graines appartiennent au cultivateur, la terre n'a pas de droit sur la culture, mais son propriétaire a droit à un loyer que le cultivateur doit lui payer pour avoir utilisé sa terre pour le semis de ses graines.

La jurisprudence d'"Al-Mabsût" d'al-Sarkhacî dit la même chose, puisque ce dernier lie la possession de toute la culture par le propriétaire de la terre en cas de résiliation du contrat de métayage au fait du développement des graines : le maître de la terre possède la récolte en sa qualité de propriétaire des graines et non pas de propriétaire de la terre(183).

Al-Chaykh al-Tûsî déclare que, dans le cas d'un métayage résilié, la culture revient au propriétaire des graines, car la culture n'est autre que les graines développées et augmentées. Le cultivateur doit payer au propriétaire de la terre le loyer de sa terre(184).

5 - Dans le chapitre "al-Musâqât" d'al-Jawâhir, il est dit que, dans le cas d'un contrat d'arrosage résilié, le travailleur doit recevoir son salaire et le fruit revient au propriétaire de "l'origine" (l'arbre), car la propriété du développement suit celle de l'origine(185).

L'explication en est que si un individu possède des arbres qui ont besoin d'arrosage et de surveillance pour porter leurs fruits, il peut les confier à un travailleur en signant avec lui un contrat aux termes duquel ce dernier s'engage à les soigner et à les arroser en contrepartie du partage, avec le propriétaire des arbres, des fruits, dans une proportion déterminée audit contrat. Ce type d'accord entre le propriétaire des arbres et le travailleur est appelé en jurisprudence "Musâqât". Les faqîh insistent sur la nécessité du respect par les deux contractants du contenu du contrat, au cas où les conditions y sont complètement indiquées. Mais si un point fondamental, ou une condition du contrat, disparaissent, le contrat n'a plus de valeur sur le plan juridique, auquel cas le texte jurisprudentiel que nous avons présenté stipule qu'en cas de résiliation du contrat, la récolte devient en totalité propriété du propriétaire des arbres, le travailleur n'ayant que le salaire convenable qu'on appelle jurisprudentiellement "le salaire du pareil" (ojrat al-mithl), comme récompense des services et des efforts qu'il a faits pour faire fructifier les arbres.

6 - Le contrat de spéculation est un contrat particulier par lequel le travailleur conclut avec le propriétaire du bien un accord pour l'exploitation com- merciale dudit bien contre partage des bénéfices. Si le contrat ne remplit pas les conditions de sa licéité, pour quelque raison que ce soit, tous les bénéfices iront au propriétaire, selon le jugement des jurisconsultes dans "Al-Jawâhir", et d'autres références, et le travailleur n'aura que le salaire convenable dans certains cas(186).

De la théorie

Nous avons, jusqu'à présent, découvert une partie de la théorie générale de la distribution de la post-production en Islam, la partie qu'a exigée la comparaison entre ladite théorie et la théorie capitaliste concernant le fondement théorique de la distribution. Nous voulons maintenant poursuivre notre découverte des aspects et des caractéristiques de la théorie islamique, en la comparant à la théorie marxiste de la distribution de la post-production, et en déterminant les points de différences entre les deux théories.

Nous allons commencer -comme nous l'avons fait lors de l'étape précédente- par la présentation du portrait et la mise en évidence des points de divergence entre les deux théories comme nous y croyons, avant d'aborder dans un deuxième temps la superstructure. Et lorsque nous aurons pu nous faire clairement une idée des points de divergence et de la signification doctrinale de cette différence, nous reviendront à l'examen de la superstructure pour en déduire les arguments qui appuient notre conception et prouvent jurisprudentiellement sa justesse.

Le phénomène de la constance de la propriété dans la théorie

Nous pouvons résumer la différence entre la théorie islamique et la théorie marxiste en deux points essentiels :

Le premier point est que la théorie islamique de la distribution de la post-production accorde à l'homme-travailleur toute la richesse qu'il a produite, si la matière essentielle dont le travailleur s'est servi dans l'opération de production est une richesse naturelle qui ne soit la propriété de personne d'autre, comme c'est le cas du bois que le travailleur coupe dans la forêt, des poissons dans la mer, qu'il pêche, des oiseaux en vol, qu'il chasse dans la nature, des minerais qu'il extrait de leurs gisements, de la terre morte qu'il met en valeur et qu'il rend propre à produire, de la source d'eau qu'il découvre dans les profondeurs du sol, etc. Ainsi, toutes ces richesses, lorsqu'elles se trouvent dans leur emplacement naturel, n'appartiennent à personne. C'est l'opération de production qui confère un droit personnel sur elles, et les moyens matériels de la production ne partagent pas avec le travailleur, comme nous l'avons déjà indiqué, la possession de ces richesses.

Mais si la matière essentielle que l'ouvrier travaille dans l'opération de production est la propriété ou le droit d'autrui, droit ou propriété fondés sur l'une des bases que nous avons passées en revue dans la théorie de la distribution de la pré-production, cela signifie que ladite matière a déjà été possédée ou appropriée lors d'une distribution antérieure. Aussi n'est-il plus possible de l'accorder en vertu de la production nouvelle au travailleur, ni à aucun des moyens qu'il a utilisés dans l'opération. Ainsi, celui qui file et tisse une certaine quantité de laine appartenant au berger n'a pas le droit de prendre possession de la laine qu'il tisse, ni de partager avec le berger sa propriété sur la base du travail qu'il y a dépensé. La totalité de la laine est considérée comme la propriété du berger étant donné que c'est lui qui en possède la matière essentielle, à savoir la laine brute. Donc, la propriété du berger sur la laine qu'il a produite demeure valable et ne disparaît ni ne diminue du fait qu'un nouveau travail a été effectué par un autre individu, qui a par exemple filé et tissé la laine. C'est ce que nous appelons le phénomène de "la constance dans la propriété".

Tout au contraire, le marxisme estime que l'ouvrier qui reçoit du capitaliste les matières premières, et qui y dépense son effort, possède de celles-ci l'équivalent de la nouvelle valeur d'échange que son travail a conféré à ces matières. C'est pourquoi le travailleur est, selon le marxisme, l'ayant droit légitime de l'article produit, à l'exception de la valeur de la matière première qu'il a reçue du capitaliste avant l'opération de production.

La raison de cette différence entre le point de vue de l'Islam et celui du marxisme tient au fait que ce dernier lie d'une part la propriété à la valeur d'échange, et d'autre part la valeur d'échange au travail. En effet, le marxisme croit -sur le plan scientifique- que la valeur d'échange est née du travail(187), et justifie -sur le plan doctrinal- que l'ouvrier s'approprie la matière qu'il travaille par la valeur d'échange que produit son travail dans la matière. Par conséquent, tout ouvrier qui confère à une matière une nouvelle valeur d'échange aura le droit de posséder cette valeur qu'il a incorporée dans ladite matière.

En revanche, à la différence du marxisme, l'Islam sépare la propriété de la valeur d'échange et ne confère pas à l'ouvrier le droit de s'approprier la matière sur la base de la nouvelle valeur qu'il lui a conférée. Il fait du travail une base directe de la propriété, comme nous l'avons vu dans la recherche sur la théorie de la distribution de la pré-production. Dans le cas où un individu possède la matière sur la base d'un travail, et que cette base demeure valable, il n'est pas permis à autrui d'obtenir un nouveau droit de propriété sur cette matière, quand bien même il lui conférerait, par son travail, une nouvelle valeur.

Ainsi, nous pouvons résumer la théorie islamique de la façon suivante :

Si la matière que l'homme-producteur travaille n'était pas, antérieurement, l'objet d'un droit de propriété, la richesse produite revient entièrement à cet homme ; toutes les autres forces participant à la production sont considérées comme des serviteurs de cet homme, dont elles doivent recevoir une récompense, et non pas comme ses associés dans la production sur la base de leur participation au même titre que l'homme.

Mais si la matière était déjà la propriété d'un autre individu en particulier, elle demeure sa propriété quel que soit le développement qu'elle ait subi, et ce conformément au phénomène de la constance, comme nous l'avons vu dans l'exemple de la laine.

D'aucuns pourraient s'imaginer que cette propriété, c'est-à-dire l'appropriation par le propriétaire de la laine du tissu fabriqué à partir de cette laine, et la conservation par le propriétaire de la matière de sa propriété, quel que soit le développement qu'elle subit par suite du travail qu'un tiers y effectue, signifie que la richesse produite devient l'exclusivité du capital et des forces matérielles de la production du fait que la matière de base de la marchandise, la laine dans notre exemple, est considérée du point de vue économique comme une sorte de capital dans l'opération de filage et de tissage, étant donné que la matière brute de tout article produit constitue une sorte de capital dans l'opération de sa production. Mais l'explication du phénomène de la constance sur une base capitaliste est erronée, car conférer au propriétaire de la laine la propriété du tissu que le travailleur a tissé à partir de sa laine, ne se fait pas sur la base du caractère capitaliste de la laine, ni ne signifie que le capital ait le droit de posséder l'article produit -le tissu- en sa qualité de participant ou de fondement dans l'opération de production du tissu.

En effet, la laine, bien qu'elle soit un capital dans l'opération de production du filage et du tissage, en tant que matière première de cette opération, les outils utilisés dans son filage et son tissage ont eux aussi un caractère capitaliste et participent à l'opération en tant qu'une autre sorte de capital, bien qu'ils ne confèrent pas à leur propriétaire la propriété de la richesse produite, ni ne lui permettent de partager avec le propriétaire de la laine la propriété du tissu. Ceci prouve que la théorie islamique, lorsqu'elle conserve au berger la propriété de la laine après que le travailleur en a produit un tissu, ne vise pas, par là, à accorder au seul capital l'exclusivité du droit de prendre possession de la richesse produite -la preuve en est qu'elle n'accorde pas ce droit au capital représenté par les instruments et les outils- mais montre le respect qu'elle a pour la propriété privée déjà acquise dans la matière avant le filage et le tissage. En effet, la théorie considère que le simple fait de développer le bien ne fait pas perdre à celui-ci sa qualité de propriété de son premier propriétaire, même si ce développement conduit à y créer une nouvelle valeur. C'est ce que nous avons appelé le phénomène de la constance dans la propriété.

Donc, le capital et les forces matérielles participant à la production ne confèrent pas, en tant que tels, dans la théorie islamique, le droit dans la richesse produite, car en tant que capital et forces matérielles participant à la production, ils ne sont considérés que comme serviteurs de l'homme, lequel est le pôle principal dans l'opération de la production, et ils reçoivent de lui, à ce titre, leur récompense. Si le berger qui est propriétaire de la laine obtient, dans notre exemple, le droit de propriété du tissu, c'est parce que le tissu est cette même laine qu'il possédait déjà, et non parce que la laine serait un capital dans l'opération de production du tissu.

La séparation, par la théorie, entre la propriété et la valeur d'échange

Quant à l'autre point sur lequel la théorie islamique diffère de la théorie marxiste, c'est le fait que le marxisme, qui accorde à tout individu le droit de s'approprier l'équivalent de la valeur d'échange qu'il a incorporée dans la richesse, croit -du fait qu'il lie la propriété à la valeur d'échange- que le propriétaire des forces et des moyens matériels de la production jouit d'une part dans la richesse produite, étant donné que ces forces et moyens entrent dans la formation de la valeur de l'article produit proportionnellement à ce qui en est consommé pendant l'opération de production, et que le propriétaire de l'instrument consommé devient ainsi propriétaire dans la richesse produite pour laquelle cet instrument a été consommé, proportionnellement à la participation de son instrument dans la formation de la valeur de ladite richesse.

Quant à l'Islam, il sépare, comme nous l'avons déjà appris, la propriété de la valeur d'échange. Ainsi, même si nous supposons scientifiquement que l'instrument de la production entre dans la formation de la valeur du produit proportionnellement à ce qui en est consommé, cela ne signifie pas nécessairement qu'il faille accorder au propriétaire de l'instrument un droit de propriété dans la richesse produite, car l'instrument n'est considéré toujours, dans la théorie islamique, que comme le serviteur de l'homme dans l'opération de la production, et il n'acquiert de droit qu'à ce titre. Tout cela découle de la séparation entre la propriété et la valeur d'échange. Les forces matérielles qui participent à la production reçoivent toujours -sur la base de cette séparation- leur récompense de l'homme, en tant que serviteurs de celui-ci, et non pas de la richesse produite elle-même, en tant que faisant partie de la formation de sa valeur d'échange.

La déduction de la théorie à partir de la superstructure

Ayant passé en revue les divers points de différences entre la théorie islamique et la théorie marxiste, telles que nous les imaginons et les supposons, nous pouvons à présent déterminer les arguments et les justifications de ces différences, à partir de la superstructure que nous avons déjà présentée, et ceci conformément à notre méthode pour découvrir la théorie à partir de sa citadelle législative supérieure.

Tous les points mentionnés dans la superstructure ont en commun un seul phénomène : la matière qui entre dans l'opération de production était antérieurement la propriété d'un individu donné. C'est pourquoi tous ces points affirment qu'elle demeure, après son développement lors de l'opération de production, la propriété de son ancien propriétaire.

Ainsi, l'article que le propriétaire confie à un salarié pour le travailler et le développer, dans le pre- mier point, demeure sa propriété, et le salarié n'a pas le droit de se l'approprier sur la base de son travail, et ce même s'il l'a développé et y a créé une nouvelle valeur, car il faisait déjà, auparavant, l'objet d'une propriété.

Dans le troisième point, le travailleur qui usurpe la terre d'autrui et y plante ses graines, possède la culture produite ; le propriétaire de la terre n'a pas de part dans cette culture, car c'est le cultivateur qui possédait les graines, lesquelles constituent l'élément essentiel de la matière qui s'est développée, à travers la production agricole, en culture. Quant à la terre, en tant que force matérielle participant à la production, elle est considérée, dans la théorie islamique, comme un serviteur du cultivateur, lequel doit lui attribuer -à son propriétaire- une récompense. L'Islam distingue donc entre les graines et la terre, en accordant le droit de propriété au propriétaire des graines sans faire de même pour celui de la terre, bien que toutes deux constituent un capital au sens économique et une force matérielle participant à la production.

Cela nous confirme clairement la vérité que nous avons déjà montrée, à savoir que si le propriétaire de la matière brute que la production travaille et développe possède cette matière après son développement, c'est parce qu'il s'agit de la même matière qu'il possédait déjà, et non pas parce que la matière brute porte le caractère capitaliste dans l'opération de production. Autrement, l'Islam n'aurait pas distingué entre la graine et la terre, ni n'aurait privé le propriétaire de la terre de la propriété de la culture tout en l'accordant au propriétaire des graines, bien que les graines et la terre aient en commun leur caractère capitaliste au sens général du capital, qui comprend toutes les forces matérielles de la production.

Les quatrième et cinquième points s'accordent tous deux sur le principe stipulé par le troisième point, à savoir que la propriété de la culture ou de la récolte est accordée à celui qui possède la matière développée en culture ou récolte lors de la production, à l'exclusion du propriétaire de la terre et du propriétaire de toute autre force parmi celles qui participent à l'opération de la production agricole et qui ont un caractère capitaliste dans l'opération.

Le dernier point accorde la propriété du bénéfice au propriétaire du bien si le contrat de spéculation venait à être résilié, et il n'autorise pas le travailleur à en prendre possession ou à en partager la propriété, car ce bénéfice, bien qu'il soit -le plus souvent- le résultat de l'effort que déploie le travailleur en achetant un article et en le mettant à la disposition des consommateurs, ce qui justifie sa vente à un prix plus élevé, toutefois cet effort n'est que l'équivalent de l'effort du travailleur dans le filage ou le tissage de la laine que possède le berger, et n'a pas d'effet dans la théorie, étant donné que la matière - l'argent de la spéculation ou la laine - est possédé par une propriété antérieure.

Quant au deuxième point, nous l'abordons à part. Il s'agit de ce point qui stipule que si un individu usurpe les oeufs ou les graines d'un autre et qu'il les exploite dans une production animale ou agricole, le produit -poussin ou culture- est, selon l'avis jurisprudentiel dominant, propriété du propriétaire des oeufs ou des graines, et selon un autre avis jurisprudentiel, il devient propriété de l'usurpateur qui a effectué l'opération de la production.

Nous avons vu dans ce point qui expose ces deux avis que leur explication jurisprudentielle tient à la convergence des faqîh quant à la détermination du type de rapport entre les oeufs et l'oiseau des entrailles duquel ils sont sortis, ainsi qu'entre les graines et la culture qui en est résultée. Les uns, croyant à leur unité, et estimant que leur différence est une différence de degré, telle celle entre les planches de bois et le lit qui en sort, adoptent le premier avis, et considèrent la personne dont on a usurpé les oeufs ou les graines comme propriétaire du produit ; les autres, estimant que la matière -les oeufs ou les graines- a disparu dans l'opération de la production et que le produit est une chose nouvelle, selon la norme générale, fondée sur les débris de la première matière grâce au travail de l'usurpateur et à l'effort qu'il a dépensé lors de l'opération de la production, pensent que le propriétaire du produit est l'usurpateur, étant donné que ce produit est une chose nouvelle que le propriétaire des oeufs ou des graines ne possédait pas antérieurement et que, par conséquent, le travailleur, même s'il était usurpateur, a le droit de le posséder sur la base de son travail.

Il ne nous importe pas ici de résoudre jurisprudentiellement cette contradiction entre les deux avis, ni d'examiner les points de vue les concernant. Nous visons seulement à utiliser la signification théorique de cette contradiction pour notre position doctrinale vis-à-vis de la théorie, car ce conflit jurisprudentiel montre avec plus de clarté la vérité que d'autres points de la superstructure ont déjà montrée, à savoir que le fait d'ac- corder au propriétaire de la laine la propriété du tissu, et à celui de toute autre matière la propriété de celle-ci après qu'elle a été utilisée dans l'opération de la pro- duction, n'a nullement pour fondement le fait que la laine ou toute autre matière première soit une sorte de capital dans l'opération de filage ou de tissage, etc. mais la "constance de la propriété" qui stipule que celui qui possède une matière conserve sa propriété tant que cette matière demeure, et que les justifications islamiques de la propriété demeurent. En effet, lorsque les faqîh ont divergé quant à la propriété du produit des oeufs ou des graines, ils ont lié leur position jurisprudentielle vis-à-vis de cette question à leur point de vue sur la nature du lien entre la matière et le résultat. Cela signifie que celui qui accorde à "l'usurpé" la propriété du produit ne le fait pas sur la base d'une conception capitaliste, et que s'il opte pour l'appropriation du produit par le propriétaire des oeufs ou des graines, ce n'est pas parce que celui-ci est le propriétaire du capital ou d'une sorte de capital dans l'opération de la production ; car si tel était le fondement de son option, le résultat jurisprudentiel n'aurait pas différé, pour les faqîh, selon l'unité de la matière et du résultat et de leur multiplication. En effet, la matière est un capital dans l'opération de la production dans tous les cas : qu'elle soit consommée dans l'opération, ou incorporée dans le produit auquel a abouti le travail. Aussi aurait-il été obligatoire pour les faqîh, du point de vue capitaliste, d'accorder au propriétaire de la matière - les oeufs ou les graines- le droit de propriété du produit, quelle que soit la relation entre celui-ci et la matière. Or, contrairement à ce point de vue, ils n'ont accordé au propriétaire de cette matière -les graines par exemple- le droit de propriété sur la culture que s'il était prouvé, dans la norme générale, que le produit est la matière elle-même, à un stade précis de l'évolution. Cela montre clairement que le fait d'accorder la propriété de l'article produit au propriétaire de cette matière et non pas au travailleur s'explique par ce que nous avons appelé "le phénomène de la constance dans la propriété", et ne tire nullement sa justification islamique du point de vue capitaliste stipulant que l'article produit est la propriété du capital, le travailleur étant un salarié du capital, et recevant de celui-ci le salaire de son travail.

Ainsi, nous percevons avec clarté le degré de la différence théorique entre l'explication islamique du fait d'accorder au propriétaire de la matière première de la production la propriété de la richesse produite, et l'expli- cation de ce fait sur la base du point de vue capitaliste.



Notes



176. "Charâ'i' al-Islâm" d'al-Muhaqqiq al-Hillî (Ja'far ibn al-Hassan), Tome II, p. 188.

177. "Jawâhir al-Kalâm fî Charh Charâ'î' al-Islâm", Tome VI, Chapitre "al-Ghaçb", annexes de la question n° 6, ancienne édition.

178. Voir "Charh Fat-h al-Qadîr", Tome VII, p. 375.

179. "Al-Mabsût" d'al-Sarkhacî, Tome XI, p. 95

180. "Al-Wasâ'il" d'al-Hor al-'Âmilî (Mohammad ibn al-Hassan), Tome XVII, p. 310.

181. "Al-Mughnî" d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 212.

182. "Jawâhir al-Kalâm fî Charâ'i' al-Islâm", tome IV, Chapitre (Kitâb) de Muzâra'ah (Métayage), article 6, Edition de Pierre.

183. Voir "Al-Mabsût", d'al-Sarkhacî, tome XXIII, p. 116.

184. "Al-Mabsût", d'al-Chaykh al-Tûsî, tome II, p. 359.

185. "Jawâhir al-Kalâm", tome IV, Kitâb al-Musâqât, le 1er article.

186. Voir "Miftâh al-Karâmah", d'al-Sayyed al-'Amilî, tome VIII, p.437, et "Al-Mabsût", d'al-Sarkhacî, tome XXII, p. 22.

187. Pour plus de détails, voir "Notre Economie", tome I, p. 154 (édition arabe).

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