Jeu04182024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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La loi generale de remuneration des sources materielles de la production La superstructure

3- LA LOI GENERALE DE REMUNERATION DES SOURCES MATERIELLES DE LA PRODUCTION

La superstructure

1 - L'homme-producteur peut légalement louer un instrument ou un outil de production à un autre pour s'en servir dans ses opérations, et payer au propriétaire de l'outil une récompense fixée d'accord avec lui. Cette récompense est considérée comme le salaire du propriétaire de l'outil pour le rôle que celui-ci joue dans l'opé- ration de production, et comme une dette que l'homme-producteur doit acquitter, abstraction faite de l'ampleur et de la nature des gains qu'il réalise par l'opération de production. Tout ceci est confirmé par les faqîh.

2 - De même qu'il peut louer un outil de production, tel que charrue, atelier de tissage, etc., de même l'homme-producteur peut louer, contre une indemnité fixée, une terre à son maître qui en a l'usage exclusif en tant que droit ou propriété. Si vous êtes cultivateur, par exemple, vous pouvez utiliser la terre d'autrui, avec son accord, contre paiement d'une indemnité pour le récompenser du service que sa terre vous a rendu dans l'opération de production.

Ce statut a l'aval de la plupart des faqîh musulmans. Il n'y a pas, sur ce point, de désaccord, si ce n'est chez certains Compagnons et un nombre limité de penseurs musulmans qui ont nié la licéité du louage de la terre, invoquant quelque hadith attribués au Prophète (Ç), et que nous étudierons dans un prochain chapitre pour montrer qu'ils ne contredisent pas l'avis jurisprudentiel dominant.

 

De même, il est permis de louer les services d'un ouvrier pour la couture de vêtements, le tissage de laine, la vente de livres, l'achat de marchandises commerciales. Si le salarié accomplit la mission qui lui est confiée, celui qui loue ses services doit lui payer le salaire convenu.

3 - L'Islam a institué le bail à métayage comme moyen d'organiser une association déterminée entre le propriétaire de la terre et le cultivateur, bail en vertu duquel le cultivateur s'engage à cultiver la terre et à partager avec le propriétaire de la terre le produit de son travail, et dans lequel la part de chacune des deux parties contractantes est fixée par un pourcentage du total du produit.

Faisons notre idée du bail à métayage à partir d'un texte du Chaykh al-Tûsî, dans son livre "Al-Khilâf", dans lequel texte il explique le concept de métayage et ses limites légales :

«Le propriétaire de la terre peut légalement fournir celle-ci à un tiers contre une partie de ce qui y pousse. Il fournit la terre et les graines, alors que le preneur(188) doit la cultiver, l'arroser, et en prendre soin.»(189)

A la lumière de ce texte, nous apprenons que le bail à métayage est une association entre deux parties : l'une, le travail accompli par le travailleur-cultivateur, l'autre, la terre et les graines fournies par le propriétaire de la terre. En vertu de cette précision apportée par le Chaykh al-Tûsî, il est illicite de conclure le bail à métayage en convenant que le propriétaire de la terre fournit sa terre, et qu'il charge le travailleur à la fois du travail et des graines, étant donné que la fourniture des graines par le propriétaire de la terre est une condition essentielle du bail à métayage, mentionnée dans le texte précité. La question des graines étant soulignée dans ce texte, nous pouvons comprendre maintenant -à sa lumière- l'interdiction de la "mukhâbarah" (fermage) faite par le Prophète (Ç). En effet, la "mukhâbarah" est une sorte de métayage dans lequel le propriétaire de la terre est tenu de fournir la terre sans les graines. Ainsi, nous savons, d'après les limites du texte du Chaykh al-Tûsî, que l'engagement du propriétaire de la terre de fournir les graines au travailleur est un élément essentiel dans le bail à métayage, élément à défaut duquel le bail n'est pas valable.

Ce point de vue est également partagé par de nombreux faqîh. Ainsi, Ibn Qudâmah écrit :

«Il apparaît de la doctrine (math-hab) que le bail à métayage est valable si les graines sont fournies par le propriétaire de la terre, et le travail par le travailleur. C'est ce que Ahmad(190) a ressorti d'après un groupe, et c'est ce qu'ont choisi l'ensemble des Compagnons, et c'est enfin la doctrine d'Ibn Sîrîn, de Châfi'î et de Ishâq.»(191)

4 - Le bail à arrosage (musâqât) est un autre contrat similaire au bail à métayage. Il s'agit d'une sorte de convention entre deux personnes, l'une possédant des arbres ou des plantations, l'autre prête à effectuer leur arrosage jusqu'à ce qu'ils portent leurs fruits.

Dans ce contrat, le travailleur s'engage à arroser ces arbres et plantations jusqu'à ce qu'ils fructifient, contre le partage des fruits avec le propriétaire, selon un pourcentage déterminé dans le contrat.

L'Islam a autorisé cette sorte de contrat, dans de nombreux textes jurisprudentiels.

5 - La responsabilité du propriétaire de la terre ne se limite pas à la fourniture de la terre seulement. Il doit aussi fournir les dépenses nécessaires pour fumer la terre, si celle-ci en a besoin. Al-'Allâmah al-Hillî écrit, dans "Al-Qawâ'id" :

«Si la terre a besoin de fumier, le propriétaire doit l'acheter, et l'ouvrier le répandre.»(192)

Plusieurs autres sources jurisprudentielles, telles que "Al-Tath-kirah", "Al-Tahrîr", "Jâmi' al-Maqâçid", ont confirmé cet avis.

6 - La spéculation (mudhârabah), en Islam, est un contrat légal, dans lequel le travailleur conclut, avec le capitaliste, un accord pour commercer avec son argent, moyennant le partage des bénéfices selon un pourcentage déterminé. Si le travailleur réalise des bénéfices dans son commerce, il les partage avec le capitaliste, conformément à l'accord intervenu dans le contrat. Mais s'il perd, c'est le capitaliste qui supporte tout seul la perte, alors que le travailleur accepte la perte de ses efforts et de ses peines qui n'ont abouti à rien. Le propriétaire capitaliste n'a pas le droit de faire supporter au travailleur cette perte. Toutefois, si le travailleur se porte garant contre toute perte dans un cas donné, le capitaliste n'a pas droit aux bénéfices, comme le précise l'Imam 'Alî (S) :

«Si quelqu'un garantit un commerçant [du remboursement de son capital en cas de perte], celui-ci n'a droit qu'à son capital, et rien dans les bénéfices.»

Dans un autre hadith, il est précisé que :

«Celui qui obtient la garantie d'une spéculation [c'est-à-dire le capitaliste qui obtient du travailleur-spéculateur la garantie du remboursement de son capital] n'aura que le capital, et rien dans les bénéfices.»

Par conséquent, l'existence du risque pour le capitaliste, et le fait que le travailleur ne lui garantisse pas le remboursement de son capital, est une condition fondamentale de validité du contrat de spéculation, condition à défaut de laquelle l'opération devient un prêt, et non pas une spéculation, et le bénéfice dans sa totalité en revient au travailleur.

De même, il n'est pas permis au travailleur ayant déjà conclu un contrat de spéculation avec un capitaliste, de confier son travail à un autre travailleur qui accepterait de recevoir un pourcentage moindre que le bénéfice devant revenir au premier, et d'obtenir, en fin de compte, la différence entre les deux pourcentages (le bénéfice réalisé qui devrait revenir au travailleur, et la part qu'il donne effectivement à celui qui s'est chargé de la spéculation), sans qu'il travaille lui-même ; c'est-à-dire, par exemple, s'il s'était mis d'accord avec le capitaliste sur le partage à cinquante-cinquante des bénéfices réalisés, et que le second travailleur se contente de vingt-cinq pour cent, et qu'il obtienne lui-même, en fin de compte, vingt-cinq pour cent des bénéfices, de cette façon, sans avoir déployé aucun effort.

Al-Muhaqqiq al-Hillî souligne, dans le chapitre de la spéculation du livre "Al-Charâ'i'", l'illicéité d'une telle pratique :

«Si le travailleur conclut un accord de prêt [c'est-à-dire de spéculation] avec un autre travailleur, et que cet accord soit conclu avec le consentement du propriétaire, et à la condition que le bénéfice soit partagé entre le second travailleur et le propriétaire, le contrat est valable. Mais s'il met comme condition, une part pour lui-même dans le bénéfice, le contrat ne sera pas valable, étant donné qu'il n'effectue aucun travail dans l'opération.»(193)

Selon un hadith, lorsqu'on a demandé à l'Imam 'Alî (S) si un homme qui emprunte de l'argent en vue d'une spéculation, a le droit de charger un autre de faire le travail, avec une part dans le bénéfice inférieure à la part qui devait revenir initialement à celui qui effectue le travail, il a répondu que non(194).De même, il est dit dans le livre "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, à ce propos :

«Si le capitaliste autorise le premier travailleur à confier l'argent de la spéculation à un tiers, cela est licite. Si le premier travailleur confie le capital à un autre travailleur sans demander une part de bénéfice pour lui-même, le contrat est valable. Mais s'il exige une part du bénéfice pour lui-même, le contrat n'est pas valable, étant donné qu'il ne fournit ni le capital, ni le travail, et que le bénéfice n'est mérité que par l'un de ces deux travailleurs.»(195)

7 - L'intérêt usuraire sur le prêt est interdit en Islam. L'intérêt usuraire consiste à prêter à autrui une somme d'argent pour une certaine échéance, à condition que l'emprunteur paie un intérêt lorsqu'il règle la somme à l'échéance convenue. Le prêt n'est permis que s'il est consenti sans intérêt. Le prêteur n'aura que la restitution de la somme prêtée, sans aucune augmentation, si insignifiante soit-elle. Ce statut est considéré, islamiquement, quant au degré de son évidence, au même rang que les nécessités dans la Législation islamique.

Les Versets coraniques suivants suffisent pour prouver ce statut :

«Ceux qui se nourrissent de l'usure ne se dresseront au Jour du Jugement que comme se dresse celui que le démon a violemment frappé. Il en sera ainsi parce qu'ils disent : La vente est semblable à l'usure. Mais Allah a permis la vente, et IL a interdit l'usure. Celui qui renonce au profit de l'usure, dès qu'une exhortation de son Seigneur lui parvient, gardera ce qu'il a gagné. Son cas relève d'Allah. Mais ceux qui retournent à l'usure seront les hôtes du Feu, où ils demeureront immortels.» (Sourate al-Baqarah, 2 : 175)

«O vous qui croyez ! Craignez Allah ! Renoncez, si vous êtes croyants, à ce qui vous reste des profits de l'usure !» (Sourate al-Baqarah, 2 : 178)

8 - Ce dernier Verset coranique limite le droit du prêteur au capital qu'il a prêté, et ne l'autorise, s'il se repent, qu'à récupérer son bien originel ; c'est une preuve évidente de l'interdiction de prêter avec intérêt, et de la prohibition de l'intérêt sous toutes ses formes, et si insignifiant et si dérisoire soit-il, car il est considéré comme une sorte d'injustice faite par le prêteur à l'emprunteur, selon la conception coranique. Tous les faqîh de la Ummah sont d'accord sur ce statut, si l'on en croit leurs sources jurisprudentielles.

Ainsi, al-Jazîrî rapporte, en se référant aux faqîh mâlikites, qu'il est interdit au prêteur d'assortir le prêt d'une condition entraînant un profit, et en se référant aux faqîh châfi'ites, que le prêt est rendu caduc s'il est assorti d'une condition de profit pour le prêteur, et en se référant aux hanafites, qu'il n'est pas autorisé d'assortir le contrat de prêt d'une condition entraînant un profit pour le prêteur(196).

Selon Ibn Qudâmah :

«Il n'est autorisé en aucun cas que le prêteur consente un prêt sous la condition que l'emprunteur accepte de lui louer sa maison, ou de lui vendre quelque chose, ou de lui consentir à son tour un prêt [dans l'avenir]. Abû Mûsâ, cité par Abî Bardah, cité par al-Bukhârî, raconte : "Je suis allé à Médine, et je me suis rendu chez 'Abdullâh ibn Salam, lequel m'a cité un hadith et m'a dit : Tu es sur une terre dans laquelle l'usure est répandue. Si quelqu'un a une dette envers toi, et qu'il t'offre un chargement de figues, d'orge ou de qât(197), refuse-le, car c'est de l'usure."»(198)

9 - Selon un hadith du Prophète (Ç), le pire du gain est l'usure. Celui qui en mange, Allah remplit son ventre d'une quantité de feu de la Géhenne équivalente à celle qu'il a mangée, et s'il gagne un bien de cette façon, Allah n'acceptera rien de son action (d'adoration), et tant qu'il en possède un carat, il sera l'objet de l'anathème d'Allah et des Anges.

10 - L'indemnité (al-Ju'âlah) est autorisée par la Charî'ah. Elle consiste en un engagement par lequel quelqu'un promet de récompenser un travail licite. L'exemple en est lorsqu'on annonce une récompense d'un dinar pour celui qui retrouve le livre que l'on a perdu, ou quand un homme alloue un dirham pour quiconque raccommode son vêtement. Ici, le dinar ou le dirham est une compensation que le propriétaire du livre ou du vêtement s'est engagé à payer à celui qui accomplit un travail concernant son bien. Il n'est pas obligatoire que la compensation soit déterminée, comme le dirham ou le dinar. On peut annoncer une compensation dont la nature n'est pas déterminée, et sous cette forme : "Celui qui accepte de planter ma terre que voici, aura la moitié de la récolte" ; ou encore : "Celui qui me rapportera mon stylo que j'ai perdu aura une part de cinquante pour cent". C'est du moins ce qu'ont expliqué al-'Allâmah al-Hillî dans "Al-Tath-kirah"(199), son fils dans "Al-Îdhâh", al-Chahîd dans "Al-Masâlik", al-Muhaqqiq al-Najafî dans "Al-Jawâhir".

La différence entre l'indemnité (ju'âlah) et le louage (ajârah), du point de vue jurisprudentiel, réside en ceci que si vous louez les services d'une personne pour recoudre votre vêtement, par exemple, vous devenez, en vertu du contrat de louage, propriétaire de l'un des services de la personne dont vous avez loué les services, en l'occurrence son travail de couture de votre vêtement ; alors que la personne dont les services ont été loués possède la rétribution précisée dans le contrat. Tandis que lorsque vous allouez un dirham à celui qui recoud votre vêtement, vous ne possédez rien du travail de couture, et le couturier ne pourra rien vous réclamer tant qu'il n'aura pas commencé le travail. Mais lorsqu'il aura terminé la couture, vous lui devrez le dirham que vous avez annoncé comme récompense du travail de couture.

11 - La spéculation dont il a été question au point n° 6 est définie législativement dans le cadre des opérations de vente et d'achat : quiconque possède un article, ou de l'argent, a la possibilité de conclure un accord avec un travailleur, qui se charge de commercer avec son argent, de vendre son article, ou d'acheter avec cet argent un article pour le revendre ensuite. Dans cette opération, le propriétaire partage, selon un pourcentage déterminé, le bénéfice réalisé par le travailleur, comme cela a été indiqué au paragraphe 6.

Mais, en dehors du cadre commercial limité jurisprudentiellement aux opérations de vente et d'achat, la spéculation n'est pas admise. Ainsi, celui qui possède un outil de production, par exemple, ne pourra pas conclure un contrat de spéculation avec un travailleur sur la base de cet outil. S'il le met à la disposition du travailleur pour qu'il l'exploite, il n'a pas le droit d'en exiger une part des bénéfices résultant de l'opération de production, ni un pourcentage dans la production.

C'est pour cette raison qu'al-Muhaqqiq al-Hillî écrit, dans le chapitre de la "spéculation" de son livre "Al-Charâ'i'" :

«Si un propriétaire met à la disposition d'un travailleur un outil de chasse, contre une participation au tiers du produit, par exemple, et que le travailleur ait une prise, cela ne constituera pas un contrat valable de spéculation. La prise devra légalement revenir dans sa totalité au chasseur, le propriétaire de l'outil n'y aura aucune part. Mais le chasseur devra lui payer le loyer de l'outil qu'il a utilisé.»(200)

Le faqîh al-Hanafî al-Sarkhacî a mentionné le même statut :

«Si quelqu'un prête, sur une base de partage de la prise, à autrui un filet, en vue de pêcher des poissons, et que ce dernier attrape une grande quantité de poissons, toute la prise reviendra à celui qui a pêché, car l'acquéreur est celui qui réalise la prise, et non pas l'outil. En conséquence, la prise sera à lui, et comme il a utilisé l'outil d'autrui, il devra en indemniser le propriétaire, et le montant de l'indemnité n'étant pas préalablement fixé, il devra payer le prix courant.»(201)

Ainsi, il ressort que la simple participation par un outil à l'opération de production ne justifie pas la participation du propriétaire de l'outil aux bénéfices. Le propriétaire est autorisé à partager le bénéfice du travailleur seulement lorsqu'il lui fournit un article ou de l'argent en le chargeant de l'utiliser en vue d'en faire un moyen de commerce consistant en achat et vente, et fondé sur le partage des bénéfices.

Et, de même qu'il n'est pas permis de fonder la spéculation et le partage des bénéfices sur l'outil de production, de même il n'est pas permis d'établir un contrat de métayage (contrat dont nous avons parlé au paragraphe 3) sur cette même base. Ainsi, le propriétaire d'outils de production n'a-t-il pas le droit de partager avec le travailleur sa production agricole au motif qu'il lui aurait seulement fourni les outils de production, tels que charrue, boeufs, outils. Un tel partage est possible seulement pour celui qui participe à la fois par la terre et les graines, comme cela a été indiqué dans le texte du Chaykh al-Tûsî cité précédemment.

12 - On n'a pas le droit de louer une terre ou un outil de production à un prix donné, pour le sous-louer à un prix supérieur sans avoir apporté à la terre ou à l'outil un travail qui justifie la hausse que l'on demande. Ainsi, si vous louez une terre pour dix dinars, vous n'avez pas le droit de la sous-louer à un tiers avec un loyer supérieur à celui que vous avez payé initialement au propriétaire de cette terre, si vous n'avez pas dépensé sur cette terre un effort -pour la bonifier et fertiliser son sol- qui justifie la différence de prix que vous prélevez.

Ce statut est formulé d'une façon ou d'une autre par un groupe de grands faqîh, tels que al-Sayyed al-Murtadhâ, al-Halûb, al-Çadûq, Ibn al-Barrâj, al-Chaykh al-Mufîd et al-Chaykh al-Tûsî, qui se réfèrent à de nombreux hadith dont nous soulignons ci-après quelques-uns.

a) Le hadith de l'Imam al-Çâdiq (S), rapporté par Sulaymân ibn Khâlid :

«Je déteste de louer le moulin à bras uniquement dans le but de le sous-louer ensuite à un prix supérieur au prix que je l'ai loué, sans y effectuer quelque chose.»(202)

b) Al-Halabî rapporte :

«J'ai demandé à al-Çâdiq (S) :

Acceptes-tu la terre sur la base [d'une participation] du tiers ou du quart [de la production] pour me la consentir sur la base de moitié-moitié ?

Pourquoi pas, répondit-il ?

Je lui dis alors :

L'acceptes-tu contre mille dirham, pour me la consentir contre deux mille [dirham] ?

Non, cela n'est pas licite, répondit-il.

Pourquoi cela, lui dis-je ?

Parce que le premier cas est garanti, et le second n'est pas garanti.»(203)

c) Le hadith de l'Imam al-Çâdiq (S), rapporté par Ishâq ibn 'Ammâr :

«Si vous louez une terre contre (paiement d'une quantité) de l'or ou de l'argent, ne la sous-louez pas contre une quantité supérieure d'or ou d'argent. Mais si vous la louez sur la base du partage (de la production) à cinquante-cinquante ou un tiers-deux tiers, vous pouvez la sous-louer pour plus que ce pour quoi vous l'avez louée, car l'or et l'argent constituent une garantie.»

d) Ismâ'îl ibn al-Fadhl al-Hâchimî raconte :

«J'ai demandé à Ja'far ibn Muhammad al-Çâdiq (S) s'il est permis que quelqu'un loue du sultan une terre "kharâjite" en échange d'une quantité donnée de dirham ou de denrées alimentaires, et qu'il la sous-loue ensuite à la condition de partager avec celui qui la cultivera [la récolte] à raison de moitié-moitié, ou un peu plus, ou un peu moins, et de lui laisser ensuite le reste. Oui, s'il a creusé une rivière, ou fait quelque chose par quoi il l'aide [le sous-locataire](204).

Et je lui ai demandé :

Si quelqu'un loue une terre kharâjite contre une quantité donnée de dirham ou une denrée alimentaire donnée, et qu'il la sous-loue ensuite, entièrement ou par parcelles, contre quelque chose, et qu'il obtienne de ce fait un surplus par rapport au prix payé au sultan, et ce sans qu'il n'y dépense rien, ou bien s'il sous-loue cette terre par parcelles en fournissant [aux travailleurs] les graines et les frais, et que de ce fait il aura un surplus par rapport au loyer qu'il a payé, dans tous ces cas, le sol de la terre lui appartient-il, ou non ?

Si tu loues une terre et que tu y consentes des dépenses, ou que tu y effectues des réparations, dans de tels cas ce que tu viens de soulever est valable, répondit l'Imam al-Çâdiq (S).»

e) Le hadith de l'Imam al-Çâdiq (S) rapporté par Abî Baçîr, et selon lequel :

«Si vous louez une terre contre (paiement d'une quantité) de l'or ou de l'argent, ne la sous-louez pas contre une quantité supérieure d'or ou d'argent. Mais si vous la louez sur la base du partage (de la production) à cinquante-cinquante ou un tiers-deux tiers, vous pouvez la sous-louer pour plus que ce pour quoi vous l'avez louée, car l'or et l'argent constituent une garantie.»

f) Le hadith de l'Imam al-Çâdiq (S) rapporté par al-Halabî, concernant le statut d'un homme qui loue une maison pour la sous-louer ensuite à un prix supérieur. L'Imam al-Çâdiq (S) dit à ce propos :

«Cela n'est licite que si le premier locataire opère quelque chose [dans la maison louée].»

g) Selon Ishâq ibn 'Ammâr, l'Imam Muhammad al-Bâqir (S) a dit :

«On peut louer une maison, une terre ou un bateau, pour les sous-louer ensuite à un prix supérieur au loyer originel, après y avoir effectué des réparations.»

h) Selon Somâ'ah :

«Lorsque j'ai demandé à l'Imam al-Bâqir (S) le statut d'un homme qui loue un pâturage à cinquante dirham ou plus ou moins, en vue de s'en servir comme pâturage, et qui accepte que d'autres l'exploitent avec lui à condition de payer le prix qu'il a lui-même payé, l'Imam a répondu :

Il peut amener qui il veut contre une partie du prix qu'il a payé. Il peut par exemple s'associer avec d'autres contre quarante-neuf dirham, et il aura payé ainsi un dirham pour le pâturage de son bétail, même s'il a déjà exploité la prairie pendant un ou deux mois ou davantage, à condition qu'il en informe ses futurs associés. Mais il n'a pas le droit de revendre(205) sa concession à cinquante dirham tout en partageant l'exploitation du pâturage avec les sous-locataires, ni à plus de cinquante dirham, même sans partager l'exploitation, à moins qu'il n'ait effectué un travail dans la prairie -creusement d'un puits, ou d'un ruisseau, par exemple- avec le consentement des propriétaires de la prairie ; dans ce cas, il peut la revendre à un prix supérieur à celui auquel il l'a achetée.»(206)

Al-Jazîrî a rapporté des faqîh hanafites que si quelqu'un loue une maison ou une boutique à un prix donné, par exemple une livre par mois, il n'a pas le droit de les sous-louer à autrui à un prix supérieur(207) ; ceci est identique au jugement des faqîh imamites, comme nous l'avons déjà vu.

Selon al-Sarkhacî al-Hanafî, citant dans son "Al-Mabsût", al-Cha'bî :

«On peut louer une maison et la sous-louer ensuite à un prix supérieur au loyer initial, si le premier locataire en ouvre et referme la porte pour en sortir les meubles. Ici, l'augmentation est licite.»

Al-Sarkhacî commente cet avis pour justifier l'augmentation comme suit :

«Il a le droit d'augmenter le prix s'il y effectue un travail, tel que l'ouverture de la porte, l'enlèvement des meubles, l'augmentation étant ici justifiée par son travail. Mais c'est une augmentation au sujet de laquelle nos prédécesseurs étaient en désaccord. Ainsi, Ibrâhîm détestait [considérait comme répréhensible] l'augmentation, sauf si on ajoute quelque chose [dans l'immeuble loué]. Donc, si on ajoute quelque chose, l'augmentation est licite. Aussi nous en tenons-nous à l'avis d'Ibrâhîm.»(208)

De même qu'il n'est pas permis à celui qui loue une terre ou un outil de production de le sous-louer plus cher, de même il ne lui est pas permis de se mettre d'accord avec un autre pour accomplir un travail contre un salaire déterminé, et de confier ce travail à un autre travailleur contre un salaire inférieur à celui qu'il a touché dans le contrat initial, dans le but de conserver pour lui-même la différence entre les deux salaires.

En effet, selon le témoignage de Muhammad ibn Muslim, il a demandé à l'Imam al-Çâdiq (S) s'il était admis qu'un homme accepte d'accomplir un travail mais le confie ensuite à un tiers pour réaliser de cette façon un profit. L'Imam al-Çâdiq a répondu :

Non, sauf s'il accomplit une partie du travail.


Selon un autre récit, l'Imam al-Bâqir (S) a répondu par la négative à la question de savoir «s'il est permis à un homme d'accepter un travail, mais d'en confier l'accomplissement à un tiers pour réaliser un profit [de cette opération]», que lui avait posée Abû Hamzah.

Selon un troisième texte, quelqu'un a demandé à cet Imam «s'il est permis à un tailleur d'accepter un travail, mais qu'il se contente de couper le tissu pour le confier ensuite à quelqu'un d'autre qui le coudra, et réaliser ainsi un surplus», et l'Imam a répondu :

Oui, c'est possible, puisqu'il y a accompli un travail.

Selon Mujma' :

«J'ai demandé à l'Imam al-Çâdiq (S) :

J'accepte les tissus pour les coudre, mais je les confie à des garçons contre les deux tiers de la somme reçue.

Il m'a demandé :

N'y effectues-tu pas un travail ?

J'ai répondu :

Je les coupe, et j'achète les fils.

Dans ce cas, c'est possible.»

Selon un autre récit :

«Un orfèvre a demandé à Abî 'Abdullâh al-Çâdiq (S) :

J'accepte un travail, puis je le confie à des garçons qui travaillent avec moi pour les deux tiers du salaire.

L'Imam a répondu :

Cela n'est permis que si tu y travailles avec eux.»(209)

De la théorie

Nous avons déjà étudié sur le plan théorique le statut d'un travail qui exploite une matière qui ne constituait pas antérieurement la possession d'une autre personne, et nous avons pu constater clairement que la théorie islamique de la distribution de la post-production accorde au travailleur dans ce cas toute la richesse qu'il a réalisée à travers l'opération de la production, et n'y associe pas les éléments matériels, lesquels sont des forces qui servent l'homme-producteur et ne s'élèvent pas à son niveau ; c'est pourquoi ils reçoivent de l'homme leur récompense, et ne partagent pas avec lui la production.

Nous avons étudié également le statut du travail d'une matière qui constitue la propriété d'un tiers, tel le cas du filage d'une laine appartenant au berger, et nous avons appris que, selon la théorie, la matière demeure dans ce cas la propriété de son propriétaire, et que ni le travail, ni les éléments matériels qui participent à l'opération de la production n'y ont de part. Toutefois, le propriétaire de cette matière doit récompenser ces éléments pour les services qu'ils lui ont rendus pour développer et améliorer la matière.

Nous voudrions à présent étudier, à travers la nouvelle superstructure, cette récompense qu'obtiennent les éléments ou les sources de la production dans ce cas, et découvrir ses limites et sa nature (de la récompense), et par conséquent son fondement théorique.

C'est en déterminant la nature de la récompense à laquelle ont droit les sources de la production (travail, terre, outil de production, capital) que nous saurons les limites du gain que l'Islam a autorisé à la suite de l'appropriation d'une source de production, et quelles sont les justifications théoriques en Islam de ce gain fondé sur la propriété de ces sources.

La coordination de la superstructure

Tirons à présent, par une opération de coordination de la nouvelle superstructure, les résultats généraux auxquels celle-ci aboutit, puis nous essaierons d'unir ces résultats dans un ensemble théorique cohérent.

Le travail accepte, selon cette superstructure de la législation islamique, deux procédés pour déterminer la récompense qu'il mérite, et le travailleur a le droit de choisir l'un de ces deux procédés :

a) le procédé du salaire ;

b) le procédé de la participation aux bénéfices ou au produit.

Ainsi, le travailleur peut demander comme récompense de son travail un bien déterminé quantitativement et qualitativement. Il peut également demander qu'on l'associe au bénéfice et au produit, et se mettre d'accord avec le propriétaire du capital sur un pourcentage déterminé dans le bénéfice ou le résultat, constituant la récompense de son travail. Le premier procédé a l'avantage de l'élément de garantie, car si le travailleur est d'accord pour être récompensé par une somme d'argent déterminée, ce que nous appelons salaire ou loyer, le propriétaire du capital doit lui payer cette somme déterminée, abstraction faite des résultats du travail ou des éventuels bénéfices ou pertes auxquels aboutit la production. Mais si le travailleur propose de participer avec le propriétaire du capital à la production ou aux bénéfices selon un pourcentage déterminé, dans l'espoir d'obtenir de cette façon une plus grande récompense, il aura lié son sort à l'opération qu'il exerce et perd ainsi la garantie, car il est possible qu'il n'obtienne rien s'il n'y a pas de bénéfice, mais il est possible aussi qu'il obtienne une récompense ouverte et non limitée qui dépasse dans la plupart des cas le salaire fixe, puisque le bénéfice ou le produit est, ici, une quantité qui peut diminuer ou augmenter, et lier la récompense du travail au bénéfice ou au produit, selon un pourcentage déterminé, signifie que la récompense peut elle aussi diminuer ou augmenter par voie de conséquence. Chacun des deux procédés a donc ses avantages.

L'Islam a soumis le premier procédé -le salaire- à la législation du louage, comme nous l'avons vu dans le premier paragraphe, et le second, à la législation du statut du fermage, du contrat d'arrosage, de la spéculation et de la prime, comme nous l'avons vu dans les paragraphes 3, 5, 8, 6. Ainsi, dans le contrat de fermage, le travailleur peut se mettre d'accord avec le propriétaire de la terre et des graines pour utiliser la terre en vue de la plantation des graines, et partager le produit entre eux. Dans le contrat d'arrosage, le travailleur peut conclure avec le propriétaire d'arbres un contrat aux termes duquel il s'engage à arroser ces arbres contre un pourcentage des fruits qu'ils portent. Dans le contrat de spéculation, le travailleur a l'autorisation de faire le commerce d'un article pour le compte du capitaliste et de partager avec lui les bénéfices. Dans le contrat de prime, un commerçant de bois, par exemple, peut se déclarer disposé à offrir à toute personne qui lui fabriquerait un lit avec le bois qu'il lui fournit, la moitié du prix du lit. De cette façon, la récompense du travailleur est liée au sort de l'opération qu'il effectue.

Dans les deux procédés de détermination de la récompense du travailleur, le propriétaire du capital n'a pas le droit de faire supporter au travailleur une partie de la perte. Il doit assumer lui-même toute la perte. La part du travailleur dans la perte se limite à celle de ses efforts lorsqu'il s'associe avec le capitaliste par un contrat de spéculation.

Quant aux outils de production, c'est-à-dire le matériel et les instruments utilisés dans l'opération, tels que le fuseau, la charrue, qui sont utilisés dans le filage de la laine et dans le labourage de la terre, leur récompense se limite légalement à un seul procédé : le loyer. Ainsi, si vous désirez utiliser une charrue appartenant à autrui, ou un filet que possède un particulier, vous pouvez les louer à leurs propriétaires, comme nous l'avons vu au paragraphe 2 de la superstructure. Le propriétaire n'a pas le droit de réclamer une récompense consistant en sa participation aux bénéfices, car le pourcentage du bénéfice autorisé pour le travail est interdit pour les outils de production. Le propriétaire de l'outil n'a pas le droit de faire de son outil un objet de spéculation avec un travailleur, c'est-à-dire de confier à ce dernier un filet en vue de la pêche, par exemple, dans le but de partager avec lui les bénéfices qu'il réalise, comme nous l'avons vu au paragraphe 10 de la superstructure. De même, il n'est pas permis à quelqu'un qui possède une charrue, des boeufs ou un outil agricole, de faire de son outil la base d'un contrat de fermage, en le confiant à un agriculteur dans le but de l'utiliser dans son travail et de partager avec lui le produit, comme cela a été expliqué au paragraphe 3 de la superstructure. Car nous avons appris d'un texte jurisprudentiel du Chaykh al-Tûsî que le contrat de fermage s'établit entre deux individus, dont l'un fournit la terre et les graines, l'autre le travail, et il ne suffit pas, pour être valable, que le premier fournisse seulement l'outil de production. Il en va de même pour le contrat de prime, qui permet au fabricant de lits de bois de partager les bénéfices avec le propriétaire du bois, comme cela a été dit dans le paragraphe 8, puisque ce dernier (le propriétaire du bois) peut promettre la moitié du bénéfice à quiconque accepte de fabriquer des lits avec son bois, mais il ne lui est pas permis d'établir un contrat de prime dans lequel il accorderait la moitié des bénéfices à quiconque lui fournirait les outils de production dont il a besoin pour couper le bois et en fabriquer un lit, étant donné qu'en Islam, l'indemnité (Ju'âlah) consiste en une récompense qu'une personne désirant accomplir un travail, fixe préalablement, et non pas une récompense pour un service quelconque.

En tout état de cause, l'outil de production ne participe pas aux bénéfices ; il perçoit seulement le loyer. Le gain résultant de la possession de l'outil est plus limité que le gain résultant du travail, car alors que celui-là n'a qu'une seule forme, celui-ci en a deux.

A l'opposé des outils de production, le capital commercial n'autorise pas le gain sur la base des salaires. Ainsi, le propriétaire d'un fonds n'a pas le droit de prêter ce fonds pour en obtenir des intérêts ; c'est-à-dire qu'il n'a pas le droit de confier son argent à un tiers pour qu'il s'en serve dans un projet commercial, et d'en percevoir un loyer pour l'argent prêté, car le loyer jouit de l'avantage de la garantie et n'est pas lié aux résultats de l'opération (gain ou perte). La perception d'un tel loyer n'est rien d'autre que de l'usure, légalement interdite selon le paragraphe 7. Le propriétaire de l'argent ou de l'outil peut confier son bien au travailleur pour en commercer. En cas de perte, c'est lui seul qui assume la perte, alors que le travailleur participe aux bénéfices selon un pourcentage déterminé au cas de bénéfice. La participation aux bénéfices et l'acceptation de la totalité de la perte constituent le seul statut du capital.

Ainsi, nous savons maintenant que l'outil de production et le capital commercial sont à l'opposé en ce qui concerne la façon légale de gagner. Chacun d'eux a sa façon propre, alors que le travailleur, lui, réunit les deux façons.

Quant à la terre, elle est comme l'outil de production. Il lui est permis de réaliser un gain sur la base du loyer, et il lui est interdit de participer au produit et aux bénéfices de l'opération agricole.

Certes, dans un contrat de fermage, le propriétaire de la terre participe aux bénéfices selon un pourcentage ; mais nous avons appris du texte jurisprudentiel du Chaykh al-Tûsî (paragraphe 3) que le contrat de fermage est valable lorsqu'il est conclu entre deux personnes dont l'une est le travailleur, l'autre celle qui fournit la terre et les graines. Ainsi, le propriétaire de la terre, dans le contrat de fermage, est aussi le propriétaire des graines selon l'avis du Chaykh al-Tûsî -comme cela ressort dudit texte. Donc, sa participation au produit n'a pas pour fondement la terre, mais sa possession de la matière, en l'occurrence les graines.

Le gain est fondé sur la base du travail effectué

Ayant coordonné la superstructure, et résumé ses phénomènes généraux, il nous est facile de parvenir à l'aspect doctrinal de la théorie, lequel lie ces phénomènes les uns aux autres et les unifie, et de connaître la base qui explique la diversité du gain résultant de la propriété des sources de la production et qui justifie l'autorisation de certaines catégories de ces gains, et l'interdiction d'autres.

La base que toutes les législations de la superstructure s'accordent pour souligner ou suivre est le gain qui ne se fonde que sur la base de l'accomplissement d'un travail dans le projet, et dans ce cas le travail effectué est la seule justification essentielle qui permet au travailleur d'obtenir une récompense du propriétaire du projet pour le compte duquel il a effectué le travail ; et sans une participation par un travail effectué, il n'y a pas de justification pour un gain.

Cette base a une signification positive, et une autre négative. Positive, elle postule que le gain à base de travail effectué est autorisé. Négative, elle stipule l'abolition du gain non fondé sur la base du travail effectué dans un projet.

L'aspect positif de la base
L'aspect positif se reflète dans les statuts de l'Ajârah, du louage (paragraphes 1 et 2). En effet, il est permis au salarié, embauché pour travailler dans le cadre d'un projet donné, d'obtenir un salaire en récompense de son travail effectué dans ledit projet.

Il est permis aussi à quiconque possède un outil de production de donner celui-ci à une autre personne pour qu'elle l'utilise dans son projet, contre une indemnité qu'elle paie au propriétaire de l'outil, étant donné que l'outil incarne un travail emmagasiné qui se dissipe et se disloque lors de son utilisation dans l'opération productive. Ainsi, le fuseau incarne, par exemple, un travail transformant un morceau de bois ordinaire en un instrument de filage, et ce travail qui y est emmagasiné, se dépense et se consume progressivement lors des opérations de filature, ce qui procure au propriétaire du fuseau le droit d'obtenir un gain résultant de la consommation du travail emmagasiné dans l'instrument. Le salaire qu'obtient le propriétaire de l'outil est du type du salaire qu'obtient le salarié. L'origine des deux salaires à la fois est le gain à base d'un travail effectué dans le projet, avec toutefois une différence dans le type de travail, car le travail que le salarié dépense dans le projet est un travail direct ayant trait audit projet au moment où il est dépensé, puisqu'il accomplit et dépense en même temps ; tandis que le travail consommé et dépensé dans l'utilisation de l'outil de production est un travail séparé du propriétaire de l'outil, un travail accompli et préparé antérieurement pour être dépensé et consommé par la suite dans des opérations de production. Ainsi, nous apprenons que le travail dépensé que la théorie a considéré comme la seule source du gain n'est pas seulement le travail direct, mais englobe aussi le travail emmagasiné ; car tant qu'il y a dépense et consommation du travail, le propriétaire de ce travail dépensé a le droit d'obtenir la récompense sur laquelle il s'accorde avec le propriétaire du projet, et ce, que le travail consommé par le projet soit direct ou séparé.

Et c'est sur la base de cette détermination du travail dépensé et comprenant les deux types (de travail) que nous pouvons ajouter aux outils de production la maison, au propriétaire de laquelle l'Islam a donné l'autorisation de la louer et d'en tirer un gain en contrepartie de son utilisation par autrui. Car la maison est, elle aussi, l'emmagasinage d'un travail antérieur accompli que l'utilisation de la maison consomme et dissipe, même si c'est à long terme ; de là, le propriétaire de la maison acquiert le droit d'obtenir une récompense pour le travail emmagasiné dans la maison, et que le locataire consomme lors de l'utilisation de celle-ci.

De même, dans la terre cultivable que son propriétaire remet à un agriculteur contre un salaire, celui-là tire son droit dans cette terre du travail qu'il y a effectué pour la mettre en valeur, la préparer et la rendre fertile. Son droit disparaît dès que ce travail aura été consommé et que ses traces se seront effacées, et ce conformément aux textes jurisprudentiels que nous avons eu l'occasion d'examiner. Donc, tant qu'il y a un travail incorporé et un effort emmagasiné dans la terre, il a droit à un salaire que le cultivateur doit lui payer en contrepartie de l'utilisation de sa terre, car cette exploitation faite par le cultivateur consomme une partie du travail effectué lors des travaux de la mise en valeur.

Ainsi, le salaire, dans les limites autorisées par la théorie, se fonde toujours sur le travail d'un individu, consommé par un autre lors de l'exécution d'un projet, celui-ci devant payer à celui-là un salaire. Sur cette base, il n'y a pas de différence entre le salaire d'un travail et celui des outils de production, des biens immobiliers, et de la terre agricole, même si la nature du lien qui lie le salarié au travail diffère ; car le travail salarial est un effort direct que le salarié retrouve et consomme pour le compte du promoteur du projet lors de l'opération de production ; tandis que le travail emmagasiné dans un outil de production par exemple est un effort qui a été séparé du travailleur et emmagasiné dans l'outil antérieurement ; c'est pourquoi quelqu'un d'autre que le travailleur commence à le consommer à travers l'exécution du projet. Ainsi, le salaire que le salarié touche est un salaire payé pour un travail immédiat, effectué et consommé par le salarié lui-même, alors que le salaire que touche le propriétaire de l'outil est en réalité un salaire pour un travail antérieur que le propriétaire de l'outil a emmagasiné dans son outil et que le propriétaire du projet a consommé dans l'exécution de son projet.

Telle est la signification positive de la base qui explique le gain résultant de la propriété des sources de production. Nous avons appris que cette signification est reflétée dans tous les domaines où le salaire et le gain résultant de la possession de sources de production sont autorisés.

L'aspect négatif de la base
Quant à la signification négative qui abolit tout gain non justifié par un travail effectué au cours de l'opération, elle est claire dans les textes et les statuts. Ainsi, on a vu dans le texte législatif (c) de l'alinéa (10) que si le berger achète un pâturage à cinquante dirham, il n'a pas le droit de le revendre à plus de cinquante dirham, à moins qu'il n'ait effectué dans le pâturage un travail, tel que le creusage d'un puits ou d'une rivière, ou une amélioration générale réalisée avec l'autorisation des propriétaires du pâturage ; et dans un tel cas, il pourrait le revendre à un prix supérieur au montant de l'achat, augmentation justifiée par le travail effectué.

Ce texte indique clairement la signification négative de la base, car il interdit au berger de réaliser un gain résultant de la revente du pâturage ou de sa sous-location à un prix supérieur à celui qu'il a payé aux premiers propriétaires du pâturage, sans avoir effectué un travail dans celui-ci ; et il ne l'autorise à réaliser un tel gain ou salaire que s'il consent un effort -le creusage d'un puits ou d'une rivière ou tout autre travail de ce genre- qui justifierait ce gain.

Le texte affirme à la fin que si quelqu'un fait dans le pâturage un travail, il justifie alors son gain ou la différence ainsi gagnée du travail qu'il a fourni (car il aurait effectué un travail qui le justifie).

On dirait que le texte voulait affirmer par cette association entre le gain et le travail, la signification négative de la base ; car c'est par le travail que le berger peut réaliser un nouveau gain dans son pâturage, et sans ce travail, il ne le peut pas. Il est clair que cette argumentation donne au texte le sens de règle générale, et dépasse le cadre d'un jugement limité au berger et au pâturage. Il étend sa signification pour en faire une base générale du gain(210)

Le gain selon ce texte n'est donc pas autorisé sans un travail direct, tel que le travail du salarié, ou un travail séparé et emmagasiné, tel celui emmagasiné dans les outils de production, les biens immobiliers et autres...

Cette même vérité apparaît dans le texte (b) de l'alinéa (10), puisque la personne qui loue une terre contre mille dirham n'est pas autorisée à la sous-louer contre deux mille sans y avoir effectué un travail. Le texte a fait suivre l'interdiction de la règle qui l'explique et du motif général sur lequel se fonde l'interdiction en disant : «car cela est garanti.»(211)

Conformément à cette argumentation et cette interprétation qui relève le jugement en tant que jugement d'un cas particulier au niveau d'une règle générale, personne n'est autorisé à s'assurer un gain sans travail, car le travail est la justification essentielle du gain dans la théorie(212).Ainsi, la signification négative de la règle est définie directement par les textes, et plusieurs jugements de la superstructure précitée sont liés à cette signification.

Parmi ces jugements figure celui qui interdit au locataire d'une terre, d'une maison ou de tout outil de production de le sous-louer à un prix supérieur au coût de sa location sans y avoir effectué un travail, car sans cette interdiction, il pourrait gagner une différence (de loyer) sans travail effectué, direct ou séparé. Ainsi, quelqu'un pourrait louer une maison à dix dinar et la sous-louer à vingt, réalisant de cette façon dix dinar de gain net sans aucun travail effectué. Il était donc naturel qu'on interdise ce gain conformément à la règle que nous avons relevée.

Parmi les jugements qui ont trait à la règle figure aussi celui qui interdit au salarié de louer les services d'un autre salarié pour effectuer à sa place et contre un salaire inférieur à celui qu'il a touché, un travail pour lequel il est payé, comme nous l'avons vu à l'alinéa 12. Ainsi, quelqu'un qui est payé dix dirham par exemple pour coudre un vêtement n'a pas le droit de louer les services d'une autre personne pour faire ce travail contre un salaire de huit dirham, car cette pratique lui permettrait de garder la différence entre les deux salaires et de gagner deux dirham sans travail. C'est pourquoi la Charî'ah a interdit ladite pratique en application de la règle dans sa signification négative qui refuse toute sorte de salaire non basé sur le travail. Le couturier loué par le propriétaire du vêtement est autorisé dans un seul cas à sous-louer les services d'un tiers pour effectuer le travail contre huit dirham et garder pour lui deux dirham : s'il fait lui-même une partie du travail et accomplit une étape de la couture pour laquelle il a été payé, afin que le gain de deux dirham soit consécutif à un travail fait sur le vêtement.

Il y a un troisième statut dans la superstructure, lié aussi à la règle et à sa signification négative. Il s'agit de ce que nous avons déjà vu dans l'alinéa 6, concernant l'interdiction faite au capitaliste d'exiger du travailleur une assurance dans le contrat de spéculation, c'est-à-dire que si un commerçant veut confier son capital commercial (argent ou marchandises) à un travailleur pour qu'il en fasse un fonds de commerce sur la base d'un partage des bénéfices, il n'a pas le droit d'exiger du travailleur qu'il compense une perte éventuelle dans les résultats.

L'explication de ce statut réside dans le fait que le capitaliste a le choix entre deux façons de traiter avec le travailleur :

1 - accorder la propriété du capital commercial au travailleur contre une indemnité que ce dernier s'engage à payer au terme de l'opération commerciale. Dans ce cas, le travailleur devient le garant de l'indemnité convenue et responsable de son paiement -lorsque toutes les conditions légales sont remplies- quel que soit le résultat de son opération commerciale, gain ou perte. Mais, dans ce cas, le capitaliste ne partage pas les bénéfices et n'a droit qu'à l'indemnité convenue, car le capital commercial est devenu la propriété du travailleur, et il a tous les bénéfices pour lui, car c'est lui qui possède la matière. C'est pourquoi il est dit dans le hadith que nous avons vu dans l'alinéa 12 que quiconque garantit un commerçant -c'est-à-dire un travailleur qui fait commerce d'un bien- n'a droit qu'à son capital.

2 - Le capitaliste conserve pour lui la propriété du bien commercial et emploie un travailleur pour faire du commerce avec ce bien sur la base du partage des bénéfices. Dans ce cas, le propriétaire du bien a droit aux bénéfices, car le bien lui appartient ; mais il n'a pas le droit d'exiger du travailleur, dans le contrat, qu'il compense la perte éventuelle. C'est de ce jugement que nous avons dit qu'il a trait à la règle que nous sommes en train d'établir à partir de la superstructure. Car dans le commerce, la perte ne signifie pas que le travailleur consomme, pendant l'opération commerciale, un travail séparé du propriétaire du bien, emmagasiné dans son bien, comme cela a été le cas pour le propriétaire de la maison ou de l'outil de production, qui a le droit de vous autoriser à utiliser sa maison ou ses outils dont vous garantissez tout ce qui en est consommé pendant l'utilisation. Car lorsque vous utilisez la maison ou les outils d'un autre pendant un certain temps, vous en aurez consommé une partie et par conséquent vous aurez une partie du travail qui y est investi. Dès lors, le propriétaire de la maison ou des outils a le droit d'être indemnisé de ce que vous aurez consommé, et cette indemnisation qu'il obtient de vous a pour base un travail dépensé. Mais lorsque vous recevez cent dinars d'un capitaliste pour en faire un fonds de commerce sur la base du partage des bénéfices, et que vous achetez avec cet argent cent stylos que vous serez obligé par la suite de revendre à quatre-vingt-dix dinars pour une raison quelconque, vous ne serez pas responsable de cette perte, ni obligé d'indemniser la part perdue du capital, car cette perte n'est pas le résultat de votre consommation d'une partie du capital et du travail qu'il renfermait au cours de l'opération commerciale ; mais elle résulte de la dépréciation de la valeur d'échange des stylos ou de la baisse de son prix dans le marché. Il ne s'agit donc pas là d'une question de travail emmagasiné de quelqu'un, que vous auriez consommé et dépensé lors de votre utilisation de ce travail pour que vous deviez l'indemniser. Au contraire, le travail emmagasiné dans le capital commercial est encore intact ; il n'est ni dissipé, ni consommé ; seulement sa valeur s'est dépréciée ou son prix a baissé. Dès lors, vous n'avez pas à indemniser le propriétaire, car s'il obtenait de vous quelque chose à ce titre, cela constituerait un gain sans travail effectué, et son obtention d'un gain de vous sans que vous ayez consommé une partie de son travail lors de l'utilisation est ce que refuse la règle dans sa signification négative.

Le rattachement de l'interdiction de l'usure à l'aspect négatif

De même que l'interdiction d'imposer au travailleur une garantie est liée à la signification négative de la règle que nous étudions, de même nous pouvons considérer aussi l'interdiction de l'usure comme une brique de la superstructure qui repose sur cette signi- fication négative de la règle. On peut dire même que l'interdiction de l'usure est l'une des parties les plus importantes de cette structure. Nous avons déjà parlé de l'interdiction de l'usure à l'alinéa 9 de la superstructure précitée, lequel stipulait que l'Islam prohibe toutes les formes de prêt à intérêt. L'intérêt est considéré dans la norme capitaliste qui l'autorise comme le salaire du capital monétaire que les capitalistes prêtent aux projets commerciaux et autres contre un salaire annuel déterminé par un pourcentage précis de l'argent prêté. Et c'est ce salaire qu'on appelle intérêt. Celui-ci ne diffère pas beaucoup dans son acception juridique du salaire que les propriétaires fonciers et les propriétaires d'outils de production obtiennent de la location de leurs biens immobiliers ou de leurs outils de production. Ainsi, de même que vous pouvez louer une maison pour y habiter pendant un certain temps, et puis vous la rendez à son propriétaire en lui payant un loyer donné, de même il vous est permis selon la norme qui autorise l'intérêt, d'emprunter une somme d'argent pour l'utiliser dans un dessein commercial ou de consommation, puis de rendre la même somme ou une somme identique avec un salaire donné à la personne à qui vous l'avez empruntée.

Lorsque l'Islam interdit les prêts à intérêt et autorise le gain résultant du louage des biens immobiliers et des outils de production, il nous montre une différence théorique entre le capital monétaire d'une part, les outils de production et les biens fonciers de l'autre. Et c'est cette différence que nous devons expliquer à la lumière de la théorie et sur la base de la règle que nous essayons de définir, pour comprendre la raison qui a conduit la doctrine économique à abolir le loyer du capital, ou en d'autres termes à abolir le gain résultant de la possession du capital monétaire, tout en autorisant le loyer des outils de production et le gain garanti résultant de la possession de ces outils. Pourquoi donc a-t-il permis au propriétaire de l'outil d'en tirer en le louant un gain garanti sans peine, et pourquoi n'a-t-il pas permis au capitaliste d'obtenir de son capital, en le prêtant, un gain garanti, sans peine ? C'est à cette question que nous devons répondre effectivement.

Il suffit, en réalité, de retourner à la règle dans sa formule que nous avons découverte et dans sa signification positive et négative. En effet, le gain garanti -le salaire- résultant de la possession des outils de production se classe dans la signification positive de la règle, car l'outil est l'emmagasinage d'un travail antérieur dont une partie seulement peut être consommée par le locataire dans l'utilisation de l'outil lors de l'opération productrice qu'il entreprend. Le salaire qu'il paie au propriétaire de l'outil est en réalité le salaire d'un travail antérieur et est considéré par conséquent comme un gain à base de travail dépensé, c'est pourquoi il est autorisé selon la signification positive de la règle. Quant au gain garanti, résultant de la possession du capital monétaire -l'intérêt- il n'a pas de justification théorique, car le commerçant qui emprunte mille dinar en vue d'un projet commercial, avec un intérêt déterminé, paiera au créancier à l'échéance prévue mille dinar sans qu'il en consomme un atome. C'est pourquoi l'intérêt devient un gain illicite, car non fondé sur aucun travail dépensé, et il est classé ainsi dans la signification négative de la règle.

Ainsi, nous savons maintenant que la différence entre l'intérêt sur le capital monétaire et le salaire des outils de production résulte dans la législation islamique de la différence entre la nature de l'utilisation du capital prêté et la nature de l'utilisation des outils de production loués. L'utilisation par l'emprunteur du capital ne conduit pas naturellement à la consommation d'une partie de ce capital ou du travail qui y serait incarné, car il est tenu aux termes du contrat de prêt de rendre la somme à l'échéance prévue et l'argent rendu par acquittement du prêt est égal à la valeur de l'argent emprunté sans aucune différence de valeur.

En revanche, l'utilisation par le locataire de l'outil qu'il a loué lors de l'opération de production, par exemple, conduit à la consommation partielle de l'outil et à la consommation du travail qui y est incorporé. C'est pourquoi le propriétaire de l'outil a le droit d'obtenir un gain de la location de l'outil, à cause du travail dépensé et de l'effort consommé lors de l'utilisation de l'outil, alors que le capitaliste n'avait pas à obtenir un tel gain, étant donné qu'il récupère son capital intact sans aucune consommation.

Nous pouvons ajouter à la série des statuts que nous avons présentés en vue de trouver la corrélation entre la structure et la théorie, un autre statut que nous avons déjà vu dans l'alinéa 9, et qui stipule l'interdiction pour le travailleur lié par un contrat de spéculation de se mettre d'accord avec un autre travailleur pour qu'il effectue à sa place le travail (convenu dans le contrat) contre un pourcentage des bénéfices inférieur à celui qu'il (le premier travailleur) doit toucher lui-même. Il est clair que l'interdiction d'une telle opération concorde parfaitement avec la signification négative de la règle que nous sommes en train de chercher, à savoir le refus du gain non fondé sur le travail dépensé, car lorsque le premier travailleur se livre à une telle opération, il aura gardé pour lui la différence entre les deux pourcentages, et cette différence aura constitué un gain sans travail dépensé qu'il est normal d'abolir selon la règle générale.

Pourquoi les moyens de production ne participent-ils pas au bénéfice ?

Il nous reste à envisager une dernière question concernant les statuts de la participation aux bénéfices dans la superstructure précitée. Entreprenons une introduction à cette question en résumant les renseignements que nous avons découverts jusqu'à présent. Ainsi, nous avons déjà appris que le gain n'est permis dans la théorie de la distribution de la post-production en Islam que sur la base du travail dépensé, et que le travail dépensé est de deux sortes : un travail direct qu'on trouve et qu'on dépense en même temps, comme le travail du salarié, et un travail séparé, emmagasiné, qui se trouve antérieurement et qui est dépensé lorsque le locataire l'utilise, comme c'est le cas dans le travail emmagasiné dans la maison ou dans l'outil de production, que l'on dépense et consomme lors de l'utilisation de la maison et de son habitation par le locataire. Nous avons aussi appris que la propriété du capital monétaire n'est pas une source de gain et que c'est pour cette raison que le prêt à intérêt est prohibé, étant donné que l'intérêt n'a pas pour base un travail dépensé. Nous avons pu comprendre toutes ces sortes de salaires fixes -ceux autorisés, comme le loyer de la maison, et ceux interdits, comme l'intérêt usuraire- et leur appliquer avec succès la règle dans ses significations positive et négative. Toutefois, nous n'avons rien dit jusqu'à présent à propos de l'explication d'autres choses que les salaires fixes, à savoir les différentes sortes de gains que nous avons passés en revue dans la superstructure précitée. J'entends par là, la participation au gain et la subordination du sort aux résultats de l'opération : bénéfice ou perte. Ainsi, le travailleur n'a pas, dans le contrat de spéculation, un salaire fixe qu'il percevrait dans tous les cas du capitaliste, il est seulement associé dans les bénéfices. Son gain se limite ou s'étend selon les résultats de l'opération. Il en va de même pour le travailleur dans le contrat de fermage ou d'arrosage : il est autorisé à réaliser des gains sur la base d'une participation aux bénéfices ou aux résultats, comme nous l'avons vu dans les alinéas 3, 6 et 8. C'est pourquoi nous avons dit au début de notre recherche que l'on a autorisé le travail à permettre deux sortes de gains : le salaire, et la participation aux bénéfices.

De même que le propriétaire du capital dans le contrat de spéculation, celui de la terre dans le contrat de fermage, et celui des arbres et des plantations dans le contrat d'arrosage ont été autorisés, eux aussi, à réaliser un gain ayant pour base le bénéfice. Chacun d'eux a, en effet, une part dans le bénéfice, convenue préalablement dans leurs contrats respectifs, comme cela a été mentionné dans les alinéas précités.

En revanche, les outils de production ont été interdits de participation aux bénéfices et ils n'ont pas été autorisés à réaliser des gains sur cette base ; mais on leur a offert la possibilité de réaliser des gains sur la base d'un salaire fixe. Ainsi, celui qui possède un outil de production n'a pas le droit de le fournir à un travailleur contre une participation dans le produit ou le bénéfice, comme nous l'avons déjà vu dans l'alinéa 11 de la superstructure précitée, lequel alinéa stipule que celui qui possède un filet ou tout autre outil n'a pas le droit de le fournir à un travailleur contre une participation à la prise, et que si le travailleur obtient une prise, il la garde pour lui entièrement, et le propriétaire du filet n'y a aucune part.

Ces stipulations sont clairement indiquées dans la superstructure, et notre recherche nous conduit naturellement à poser à leur propos la question suivante : pourquoi a-t-on autorisé au travail la réalisation d'un gain sur la base de la participation aux bénéfices, alors que cette autorisation n'a pas été accordée aux outils de production ? Comment a-t-on interdit aux outils de production cette sorte de gain, alors qu'on a permis au propriétaire du capital commercial, ou au propriétaire de la terre, ou au propriétaire d'arbres, de l'avoir ?

En vérité, la différence entre le travail et les outils de production, différence qui fait qu'on autorise le travail à participer au produit, mais non pas les outils de production, découle de la théorie de la distribution de l'anté-production. Nous avons appris, dans cette théorie, que le travail -la pratique des travaux d'utilisation et d'exploitation- est la cause générale des droits individuels dans la richesse brute de la nature, et qu'il n'y a pas, du point de vue de la doctrine économique, d'autre raison à la propriété et à l'acquisition d'un droit sur elle. De même, nous avons appris aussi que si un individu acquiert un droit individuel dans la richesse naturelle par l'accomplissement d'un travail, son droit reste intact tant que le type de travail sur la base duquel il a acquis ce droit y demeure. Dans un tel cas, il n'est pas permis à un autre d'acquérir un droit individuel dans cette richesse en y effectuant un nouveau travail, comme cela a été expliqué en détail par la théorie de la distribution de l'anté-production. Mais cela ne signifie pas que le nouveau travail soit différent, de par sa nature, du premier. Non, chacun des deux travaux est considéré à lui seul comme une raison suffisante pour l'appropriation par le travailleur de cette matière dans laquelle il a travaillé. Si le second travail est privé d'effet, c'est à cause de l'antériorité du premier travail dont l'effet a déjà conduit le premier travailleur à s'approprier la matière. Donc, c'est le droit du premier travailleur, dû à l'antériorité, qui empêche le second travail de produire son effet. C'est pourquoi il devient naturel que le second travail recouvre son effet et produise son influence si le (premier) travailleur renonce à son droit ; et c'est exactement ce qui se passe dans les contrats de fermage, d'arrosage, de spéculation, et de prime (Ja'âlah). Ainsi, dans le contrat de fermage par exemple, le travailleur déploie un effort et exerce un travail lorsqu'il exploite les graines et les transforme en plantes. Si ce travail qu'il exerce ne lui donne pas le droit à la propriété sur les plantes, c'est parce que la matière dans laquelle il exerce son travail -les graines- est déjà la propriété d'un autre, à savoir le propriétaire de la terre. Si le propriétaire de la terre autorise le travailleur, dans le contrat de fermage, à cueillir les fruits de son travail, et renonce à son droit à la moitié de la matière par exemple, il ne reste plus rien qui puisse empêcher le travailleur de s'approprier la moitié des plantes.

De là, nous apprenons que la participation du travailleur au produit traduit en réalité le rôle du travail qu'il exerce dans la matière -les graines, les arbres, ou le capital commercial, par exemple- et du droit résultant de l'accomplissement de ce travail, et ce selon la théorie générale de la distribution de l'anté-production. Si ce rôle ou ce droit est parfois suspendu, c'est à cause d'un rôle ou d'un droit antérieur dont jouit une autre personne. Si cette personne renonce à son droit dans un contrat, tel le contrat de fermage ou d'autres contrats d'association entre le travailleur et le propriétaire du capital, il n'y a plus rien qui puisse empêcher d'accorder au travailleur son droit dans la matière -et dans les limites du renoncement de son ancien propriétaire- comme conséquence du travail qu'il y a accompli.

Quant aux outils de production, ils diffèrent fondamentalement du travail accompli par un travailleur en vertu desdits contrats. Car l'agriculteur qui est lié au propriétaire de la terre et des graines par un contrat de fermage, accomplit un travail et fait un effort au cours de l'opération agricole, et a de ce fait le droit de posséder le produit dans les limites autorisées par le contrat, alors que le propriétaire du filet, qui fournit celui-ci au chasseur, n'accomplit pas un travail dans l'opération de la chasse, ni ne dépense un effort pour s'emparer du gibier : c'est le chasseur tout seul qui accomplit le travail et dépense un effort. Dès lors, rien ne justifie que le propriétaire du filet acquière le droit de posséder la prise, étant donné que la justification en est le travail, et que le propriétaire du filet n'accomplit pas ce travail qui justifierait l'obtention de ce droit. Le fait que le chasseur lui concède ce droit ne suffit pas pour qu'on le lui accorde, étant donné que ce n'est pas conforme à la théorie générale de la distribution. Donc, ce n'est pas le droit du chasseur qui empêche le propriétaire du filet de s'approprier la prise, mais l'absence d'une justification théorique.

Ainsi, nous apprenons la différence, sur ce plan, entre le travail direct et le travail emmagasiné. Le travail direct est un travail fait sur la matière, et qui justifie qu'il s'en approprie une partie, si son précédent propriétaire renonce à son droit d'antériorité. Quant au travail emmagasiné dans l'outil de production, il ne constitue pas un travail accompli par le propriétaire de l'outil dans l'opération, c'est pourquoi il n'a pas de droit sur la matière, et ce, que le travailleur -le chasseur par exemple- renonce ou non à son droit. Il a seulement droit à un loyer en tant que récompense et compensation de la part dissipée de son travail emmagasiné, pendant l'opération.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons aussi apprendre la différence entre les propriétaires des outils de production, qu'on n'a pas autorisés à participer au produit, et le propriétaire de la terre dans un contrat de fermage, le propriétaire du capital commercial dans un contrat de spéculation, ainsi que d'autres semblables à qui il est permis d'avoir une part dans le bénéfice ; car ces propriétaires à qui on a permis d'avoir une partie du bénéfice ou du produit possèdent en réalité la matière sur laquelle travaille le travailleur. Ainsi, le propriétaire de la terre possède les graines que sème le travailleur, le propriétaire du capital commercial possède l'article mis en commerce par le travailleur. Or nous avons appris, de la théorie de la distribution de la pré-production, que la possession d'une matière par quelqu'un ne disparaît pas à la suite du développement de cette matière par un tiers, ni de son acquisition de nouvelles utilités. Car il est naturel que le propriétaire des graines ou du capital obtienne un droit sur le produit ou le bénéfice tant qu'il possède la matière sur laquelle le travailleur effectue un travail.

L'examen des cas dans lesquels le propriétaire est autorisé à posséder le produit ou le bénéfice -comme c'est le cas dans le fermage, la spéculation, l'arrosage, etc.- corrobore la justesse de l'interprétation que nous avançons de cette propriété, car tous ces cas ont pour point commun un seul phénomène, à savoir que la matière sur laquelle le travailleur travaille est antérieurement la propriété du propriétaire du bien.

Remarques

Le rôle du risque dans l'Economie islamique

Les découvertes que nous avons faites concernant la théorie de l'après-production indiquent clairement que cette théorie ne reconnaît pas au risque la qualité de facteur de gain, et qu'aucune d'entre les sortes de gains qu'elle a autorisées ne puise sa justification théorique dans l'élément "risque".

Car le risque n'est pas, en réalité, un article que celui qui le prend fournit à un autre pour qu'il puisse lui en demander le prix. Il n'est pas non plus un travail que celui qui prend le risque effectue sur une matière pour qu'il ait le droit de se l'approprier ou en réclamer un salaire de son propriétaire. Le risque est un état de sentiment particulier que l'homme éprouve lorsqu'il s'apprête à entreprendre une affaire dont il craint les conséquences ; auquel cas, ou bien il recule cédant à sa crainte, ou bien il surpasse les facteurs de crainte et poursuit sa détermination. C'est donc lui-même qui trace son chemin et choisit tout volontairement de supporter les problèmes de la peur en entreprenant un projet qui risquerait probablement une perte. Dès lors il n'a pas le droit de réclamer une indemnité matérielle pour cette peur, tant que celle-ci est un sentiment personnel et non pas un travail investi dans une matière ni un article produit.

Certes, vaincre la peur pourrait avoir parfois une grande importance sur le plan psychologique et moral, mais l'appréciation morale est une chose, l'appréciation économique en est une autre.

Beaucoup ont commis une erreur sous l'influence de la pensée capitaliste dogmatique qui tend à expliquer et justifier le gain par le risque, en disant : le gain autorisé au capitaliste dans le contrat de spéculation est fondé en théorie sur le risque ; car même si le capitaliste ne dépense pas un travail, il supporte tout de même le fardeau du risque et s'expose à la perte en payant au travailleur un bien pour qu'il le mette en commerce ; et par conséquent le travailleur doit l'indemniser pour le risque qu'il a pris, par un pourcentage du gain, sur lequel ils se mettent d'accord lors de la conclusion de l'accord de spéculation.

Mais la vérité telle qu'elle est apparue dans les chapitres précédents est que le gain obtenu par le propriétaire comme conséquence de la commercialisation de ses biens par un travailleur n'est pas fondé sur le risque. Il tire sa justification de la possession par le propriétaire du capital de l'article mis en commerce par le travailleur. Cet article, bien que sa valeur augmente souvent par le travail commercial qu'y dépense le travailleur en le transportant au marché et en le mettant à la disposition des consommateurs, reste cependant propriété du propriétaire du capital, car toute matière ne perd pas sa qualité de propriété de son propriétaire à la suite de son développement par une autre personne. C'est ce que nous avons appelé le phénomène de constance dans la propriété.

Ainsi, le droit du propriétaire du capital dans le gain, résulte de sa possession de la matière dont le travailleur a fait son objet de travail et de commerce et dont il a réalisé un gain en le vendant. Ce droit est, en cela, similaire au droit du propriétaire des planches dans le lit fabriqué avec ses planches.

C'est pourquoi le propriétaire du capital a droit au gain même s'il n'éprouve aucune sorte de sentiment de risque. De même, si une personne met en commerce les biens d'une autre personne à son insu, et qu'elle réalise un gain dans cette opération, le propriétaire de ces biens peut, dans ce cas, aussi bien donner son consentement et s'approprier les gains, que s'y opposer et obtenir du travailleur la restitution de ses biens ou de leur équivalent.

Ainsi, la prise des gains par le propriétaire dans cet exemple ne se fonde pas sur la base du risque, étant donné que son bien est garanti dans tous les cas, mais c'est le travailleur qui a pris le risque en acceptant de garantir le bien et de le rembourser en cas de perte.

Cela signifie que le droit du propriétaire du capital dans le gain ne résulte pas, sur le plan théorique, du risque ni ne représente une indemnité de risque ou une récompense au propriétaire du bien pour avoir vaincu ses craintes, comme nous le lisons habituellement chez les écrivains du capitalisme traditionnel, qui s'efforcent de conférer au risque les traits de l'héroïsme et d'en faire (de ces traits) une raison justificative de l'obtention d'un gain proportionnel à cet héroïsme.

Il y a plusieurs indices dans la Charî'ah, qui montrent sa position négative à l'égard du risque et son refus de lui reconnaître un rôle positif dans la justification du gain.

Ainsi, beaucoup ont eu l'habitude de justifier et d'expliquer l'intérêt usuraire, par exemple, par l'élément de risque que comporte l'emprunt -comme nous allons l'aborder dans la note suivante- car le prêt que fait le prêteur de son bien est considéré comme une sorte de risque qui pourrait conduire à la perte de son bien, si le débiteur se trouvait dans l'avenir dans l'impossibilité de s'acquitter au cas de malchance, auquel cas donc le créancier n'aurait rien. C'est pourquoi il a le droit d'obtenir un salaire ou une indemnité pour avoir risqué son bien pour le débiteur. Cette indemnité est l'intérêt.

L'Islam ne reconnaît pas cette façon de penser et n'a pas trouvé dans ce prétendu risque une justification de l'intérêt qu'obtient le créancier du débiteur. C'est pourquoi il l'a interdit formellement.

La prohibition des paris et l'interdiction du gain obtenu sur cette base constituent un autre des aspects de la Charî'ah, qui prouvent la position négative de celle-ci vis-à-vis de l'élément risque. Car le gain résultant d'un pari n'est pas fondé sur la base d'un travail d'utilisation ou d'investissement, mais sur le seul risque. Le gagnant dans ce cas obtient la mise pour avoir risqué son argent et accepté de laisser sa mise à son adversaire s'il perdait le pari.

Nous pouvons ajouter à l'abolition des paris, l'abolition de l'association d'"abdân". En effet, beaucoup de faqîh, tels que al-Muhaqqiq al-Hillî, dans "Al-Charâ'i'", et Ibn Hazm, dans "Al-Muhallâ", se sont prononcés pour son abolition.

Ils entendent, par cette association (d'abdân), un accord conclu entre deux personnes ou plus, selon lequel chacun d'eux exerce son propre travail, et le partage entre eux de l'ensemble des gains qu'ils ont réalisés. Comme dans le cas, par exemple, de deux médecins qui décident de travailler chacun dans son cabinet, et d'obtenir à la fin du mois la moitié de la totalité des honoraires qu'ils ont obtenus tous les deux pendant un mois.

L'abolition d'une telle association concorde avec la position négative générale de la Charî'ah vis-à-vis de l'élément risque, car le gain y est fondé sur le risque et non pas sur le travail. Ainsi, si les deux médecins dans l'exemple susmentionné établissent cette sorte d'association, c'est parce qu'ils ne savent pas au préalable le montant des honoraires qu'ils vont toucher. Chacun d'eux envisage aussi bien la possibilité que son associé gagne plus que lui que la possibilité inverse. C'est pourquoi chacun d'eux recourt à l'association, se résignant à céder une partie de ses honoraires s'ils sont supérieurs à ceux de son associé, dans la perspective d'obtenir, en contrepartie, une partie des honoraires de son associé au cas où celui-ci gagnerait plus que lui. Il en résulte que le médecin qui gagne le moins a le droit d'obtenir une partie du gain et les fruits du travail de l'autre, car il a pris préalablement un risque en acceptant de payer une partie de son propre gain si le résultat était le contraire. Cela signifie que le gain du médecin au revenu inférieur découle de l'élément risque, et ne se fonde pas sur un travail dépensé. D'où le fait que la Charî'ah l'a invalidé et qu'elle s'est prononcée pour l'abolition de l'association d'"abdân" confirme sa conception négative du risque.

Les justifications capitalistes de l'intérêt et la critique de ces justifications

Nous venons de voir que le risque vis-à-vis duquel l'Islam adopte une attitude négative est l'une des justifications sur lesquelles s'est appuyé le capitalisme pour expliquer l'intérêt et le droit du capitaliste de l'imposer au débiteur.

Nous avons appris également que la justification de l'intérêt par l'élément risque est fondamentalement erronée aux yeux de l'Islam, car il ne considère pas le risque comme une base légale du gain, mais il lie le gain au travail direct ou emmagasiné.

En avançant cette justification de l'intérêt, le capitalisme oublie le rôle du gage dans la garantie du bien du créancier et la disparition de l'élément risque de l'opération de prêt. Que pense-t-il donc des prêts assortis de gage et de garanties suffisantes ?

Les penseurs capitalistes ne se sont pas contentés de lier l'intérêt à l'élément risque et de l'expliquer de la sorte, mais ils ont avancé plusieurs explications pour le justifier sur le plan doctrinal.

Ainsi, certains penseurs capitalistes ont énoncé que l'intérêt que paie le débiteur au capitaliste est à titre d'indemnisation de sa non-utilisation de l'argent prêté, et de récompense pour son attente tout au long du temps convenu, ou d'un salaire que perçoit le capitaliste en contrepartie de l'utilisation par le débiteur de l'argent qu'il lui a emprunté, à l'instar du salaire qu'obtient le propriétaire de la maison du locataire contre son utilisation comme logement.

Nous réalisons, à la lumière de la théorie islamique -telle que nous l'avons définie- la contradiction entre cette tentative (de justification) et le mode de penser islamique concernant la distribution. Car nous avons appris que l'Islam ne reconnaît le gain sous l'appellation de salaire ou de récompense que sur la base de la dépense d'un travail direct ou emmagasiné. Or, le capitaliste ne dépense pas un travail direct ou emmagasiné qu'absorbe le débiteur pour qu'on lui en paye un salaire, tant que le bien emprunté sera restitué au capitaliste sans qu'il ait subi aucune consommation ni aucun effritement. C'est pourquoi, du point de vue islamique, il n'y a pas de justification pour la reconnaissance de l'intérêt, vu que le gain sans travail s'oppose aux conceptions islamiques de la justice.

D'aucuns justifient l'intérêt en le considérant comme l'expression du droit du capitaliste à une partie des gains réalisés par l'emprunteur grâce à l'argent qu'il lui a fourni.

Cette affirmation n'a pas de place dans les emprunts que les débiteurs font pour satisfaire leurs besoins personnels et sur lesquels ils ne réalisent donc aucun gain, mais elle justifie l'obtention par le capitaliste d'un peu de gain lorsqu'il offre son argent à quelqu'un qui le met en commerce et le fait fructifier. Dans un tel cas, l'Islam reconnaît ce droit au capitaliste, mais ce droit signifie le partage des gains entre le capitaliste et le travailleur et la subordination du droit du capitaliste aux résultats de l'opération, et ceci est la signification de la spéculation en Islam, dans laquelle le capitaliste seul supporte la perte, et il partage avec le travailleur le gain -si gain il y a- selon un pourcentage déterminé dans le contrat.

Or ceci diffère essentiellement de l'intérêt dans son acception capitaliste, lequel lui garantit un salaire fixe indépendant des résultats de l'opération commerciale.

Le capitalisme a enfin présenté, sous la plume de certains de ses tenants, ses plus solides justifications de l'intérêt, en l'expliquant comme étant l'expression de la différence entre la valeur actuelle des marchandises et leur valeur dans l'avenir, croyant que le temps joue un rôle actif dans la formation de la valeur. Ainsi, la valeur d'échange du dinar aujourd'hui serait supérieure à la valeur d'échange du dinar futur. Si vous prêtez donc à quelqu'un un dinar pour une période d'un an, vous auriez droit à plus d'un dinar à la fin de l'année pour que vous retrouviez la valeur d'échange du dinar que vous avez prêté. Et plus l'échéance d'acquittement est longue, plus l'intérêt auquel aurait droit le capitaliste augmente suivant l'augmentation de la différence entre la valeur présente et la valeur future, résultant de la prolongation et de l'éloignement de l'échéance (distance temporelle).

L'idée de cette justification capitaliste se fonde sur une base erronée, à savoir le rattachement de la distribution de l'après production à la théorie de la valeur. Car, en Islam, la théorie de la distribution de l'après-production est distincte de la théorie de la valeur. C'est pourquoi nous avons remarqué que beaucoup d'éléments qui entrent dans la formation de la valeur d'échange de l'article produit n'ont pas de part dans cet article dans la distribution islamique, mais ont droit à des salaires (loyers) payés par le propriétaire de l'article en échange des services qu'ils lui ont rendus dans l'opération de production.

La distribution aux individus ne se fonde pas en Islam sur la valeur d'échange, pour que chacun des éléments de la production obtienne une part du produit équivalant à son rôle dans la formation de la valeur d'échange. La distribution de la richesse produite est liée en Islam à ses concepts doctrinaux et à ses conceptions de la justice.

Ainsi, du point de vue islamique, il ne faut pas payer au capitaliste un intérêt sur le prêt, même s'il est vrai que les articles aujourd'hui ont une valeur supérieure à celle qu'ils auront dans l'avenir, car cela ne suffit pas doctrinalement à justifier l'intérêt usuraire qui traduit la différence entre les deux valeurs, tant que l'intérêt ne concorde pas avec les conceptions de la justice que la doctrine adopte.

Nous avons appris précédemment que l'Islam ne reconnaît pas, du point de vue doctrinal, un gain qui ne soit pas justifié par la dépense d'un travail direct ou emmagasiné. Etant donné que ce genre d'intérêt résulte, d'après la dernière explication capitaliste, uniquement du facteur de temps, et sans travail dépensé, la doctrine a le droit d'interdire au capitaliste d'exploiter le temps pour obtenir un gain usuraire, même si la doctrine reconnaît le rôle positif du facteur temps dans la formation de la valeur.

De là, nous apprenons que le rattachement de la justice de la distribution à la théorie de la valeur est une erreur, et que celle-ci traduit la non-distinction entre la recherche doctrinale et la recherche scientifique.

La limitation du contrôle du propriétaire sur l'utilisation

Il y a en Islam de nombreuses restrictions au contrôle du propriétaire sur l'utilisation de son bien. Ces restrictions ont des sources théoriques différentes. Les unes découlent de la théorie de la pré-production, telle la restriction temporelle qui limite le contrôle du propriétaire sur son bien à la durée de sa vie, et lui interdit de décréter du sort de la fortune qu'il possède après sa mort, comme nous l'avons vu lors de nos recherches sur cette théorie. D'autres résultent de la théorie de la distribution de l'après-production, telle la limitation du contrôle du capitaliste sur le capital qu'il possède, par l'interdiction de réaliser un gain usuraire de son capital, et de consentir des prêts à intérêt. Cette limitation résulte de la théorie de la distribution de l'après-production qui, comme nous l'avons vu, a lié le gain au travail dépensé -direct ou emmagasiné.

Il y a aussi, dans l'Economie islamique, des restrictions qui ont trait au concept religieux et moral de la propriété privée. En effet, le droit de l'individu à la propriété est regardé religieusement et moralement comme le résultat de sa qualité de membre d'un groupe auquel et au service duquel Allah a préparé la nature et ses richesses. C'est pourquoi la propriété privée ne doit pas être abolie et devenir de ce fait un facteur de nuisance et de malheur pour le groupe, sinon elle perdrait sa qualité d'un des aspects de l'utilisation du groupe et d'un droit de l'individu en tant que membre du groupe à l'utilisation duquel les richesses de l'univers ont été préparées. Partant de cette base, il est naturel que le contrôle du propriétaire sur l'emploi de son bien soit assorti d'une restriction : ne pas l'exploiter de telle sorte que cette utilisation porterait atteinte et préjudice au groupe.

Contrairement à cela, dans le droit à la propriété sur la base capitaliste, ce droit n'est pas considéré comme un aspect de l'utilisation du groupe, mais comme le droit de l'individu d'avoir la plus grande part de liberté possible dans tous les domaines. Il est donc naturel que ce droit ne soit limité que par la liberté d'autrui. L'individu peut ainsi exploiter ses biens à sa guise tant qu'il n'usurpe pas aux autres leur liberté formelle(213).

Ainsi, si vous possédez par exemple un projet colossal, vous pouvez, selon la conception capitaliste de la propriété privée, adopter, dans ce projet, tous les procédés qui vous permettront de venir à bout des petits projets et de les rejeter hors du marché de telle sorte qu'ils soient conduits à la destruction et au dommage de leurs propriétaires, car cela ne s'oppose pas à leur liberté formelle, liberté formelle que le capitalisme tient à assurer à tout le monde(214).

Le principe législatif qui limite islamiquement la liberté du propriétaire de disposer à sa guise de son bien par l'obligation de ne pas porter préjudice aux autres figure dans une série de Récits et de hadith dont nous mentionnons les suivants :

1 - Selon plusieurs récits, Samrah ibn Jandab avait un palmier dont l'accès se trouvait dans la cour de la maison d'un homme des Ançâr. Il avait l'habitude d'entrer dans la maison pour se rendre à son palmier sans demander la permission d'entrer à cet homme. Celui-ci lui dit un jour :

-O Samrah ! Tu continues à nous surprendre dans des situations où nous n'aimerions pas être surpris de la sorte ! Quand tu entres, demande donc la permission !

Samrah rétorqua :

-Je ne demande pas la permission pour un chemin qui conduit à mon palmier.

L'homme des Ançâr se plaignit alors au Prophète (Ç). Celui-ci convoqua Samrah et lui dit :

-Untel s'est plaint de toi, et a prétendu que tu entres chez lui et sa famille sans permission. Demande-lui désormais la permission quand tu veux entrer !

Samrah répondit :

-O Messager d'Allah ! Comment ? Je dois demander la permission pour prendre le chemin conduisant à mon palmier !

Le Prophète lui dit alors :

-Renonce à ton palmier. Tu en auras un autre dans tel ou tel endroit.

Et d'ajouter (en constatant le refus de Samrah de tout compromis) :

-Tu es un homme nuisible ! Or, le dommage et l'endommagement sont interdits à un Croyant [Lâ Dharar wa lâ Dherâr].

Puis le Messager d'Allah ordonna qu'on arrachât le palmier, qu'il donna à Samrah(215).

2 - Selon al-Çâdiq (S), le Prophète (Ç) a jugé entre les gens de Médine en ce qui concerne les terres de dattiers qu'il ne faut pas interdire l'utilité d'une chose, et il a jugé entre les gens de Bâdiyah qu'il ne faut pas interdire le surplus d'eau afin de ne pas interdire le surplus de l'herbe, et il a dit :

«Ni dommage, ni endommagement.»(216)

Selon al-Châfi'î, citant Abû Hurayrah :

«Le Messager d'Allah (Ç) a dit :

"Quiconque interdit les surplus d'eau au fourrage, Allah lui interdira la grâce de Sa Miséricorde le Jour de la Résurrection."»

Commentant ce hadith, al-Châfi'î a écrit :

«Ce hadith nous montre que personne n'a le droit d'interdire le surplus de son eau. Car Allah interdit la grâce de Sa Miséricorde à celui qui Lui désobéit. Et étant donné que l'interdiction du surplus de l'eau est une désobéissance (péché), personne ne doit interdire le surplus de l'eau.»(217)

3 - Lorsqu'on a demandé à al-Çâdiq (S) son jugement dans le cas d'un homme qui refuse de reconstruire son mur qui constitue le voile de séparation entre lui et son voisin, lorsqu'il tombe, il a dit :

«Il ne peut pas être contraint de le faire, sauf s'il doit cela au propriétaire de l'autre maison selon un droit ou une condition inscrits dans l'acte originel de propriété. Mais on dira au propriétaire de la maison : protège ton intimité dans ton droit (ta maison) si tu veux.»

On a demandé alors à al-Çâdiq (S) :

Et si le mur n'est pas tombé tout seul, mais que c'est lui qui le démolit ou veut le démolir pour nuire à son voisin et sans avoir besoin de le démolir ?

Il a répondu :

Non, on ne le laisse pas faire, car le Messager d'Allah  (Ç) a dit : "Ni dommage, ni endommagement." Par conséquent, s'il le détruit, il doit le reconstruire.

4 - Et selon 'Obâdah, cité dans "Musnad" de l'imam Ahmad :

«Le Messager d'Allah (Ç) a jugé que : "ni dommage, ni endommagement", et "le travail d'un homme injuste n'engendre pas un droit." Et il a jugé entre les gens de Médine en ce qui concerne les dattiers :
"Il ne faut pas interdire l'utilisation d'un puits", et entre les gens d'al-Bâdiyah : "Il ne faut pas interdire le surplus de l'eau afin de ne pas interdire le surplus de l'herbe."»


Notes


188. Le travailleur qui utilise la terre d'un autre.

189. "Al-Khilâf fî-l-Fiqh", du Chaykh al-Tûsî (Muhammad ibn al-Hassan), tome I, p. 705.

190. Ahmad ibn Hanbal.

191. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 348.

192. Voir "Miftâh al-Karâmah fî Charh Qawâ'id al-'Allâmah", de al-Sayyed al-'Amilî, tome VIII, p. 360.

193. "Charâ'i' al-Islâm", tome II, p. 143, nouvelle édition..

194. "Wasâ'il al-Chî'ah", du Chaykh al-Hor al-'Amilî, tome XIII, p.101, nouvelle édition, section 14 de la partie de "Spéculation".

195. "Al-Mughnî", tome V, p. 42.

196. "Al-Fiqh 'alâ al-Math-hâhib al-Arb'ah", tome II, pp. 342-345

197. Sorte d'herbe séchée, aux effets narcotiques, que l'on mâche.

198. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome IV, pp. 286-287

199. "Tath-kirah al-Foqahâ'", d'al-'Allâmah al-Hillî, Kitâb al-Ja'âlah, le 4ème pilier, la 1ère question, ainsi que "Qawâ'id al-Ahkâm", édition de Pierre, p. 200. Voir aussi le reste de l'ouvrage.

200. "Charâ'i' al-Islâm", al-Muhaqqiq al-Hillî, tome II, p. 139, nouvelle édition.

201. "Al-Mabsût", d'al-Sarkhacî.

202. "Al-Wasâ'il", d'al-Hor al-'Amîlî, tome III, p. 259. Voir aussi dans les pages suivantes (de cet ouvrage) les autres récits (hadith).

203. Le détail de ce texte, et du texte suivant, peut se résumer dans la différence entre le louage et le métayage : dans le cas du louage, lorsque quelqu'un loue une terre à cent dinar, par exemple, il n'a pas le droit de la sous-louer à plus de cent dinar s'il n'avait pas travaillé la terre entre-temps ; tandis que dans le cas du métayage, lorsque le travailleur se met d'accord avec le propriétaire de la terre et des graines pour cultiver sa terre contre une participation de l'ordre de cinquante pour cent par exemple à la production, il aura le droit de céder la terre à un autre travailleur qui la cultivera contre trente pour cent (de sa part) par exemple, et il gardera pour lui vingt pour cent.

Le texte tente d'expliquer cette différence entre les deux cas (celui du louage et celui du métayage) en la justifiant par l'expression : «le premier cas est garanti, et le second cas n'est pas garanti», qui signifie que le sous-locataire garantit au locataire -dans le contrat de louage-le loyer convenu. Celui-ci est donc garanti dans le même contrat. Tandis que le cultivateur qui reçoit la terre du premier locataire pour y travailler en vertu d'un contrat de métayage ne garantit rien, dans le contrat de métayage, au premier locataire. Ce qu'obtient le premier locataire, par suite du contrat de métayage, ne lui est pas garanti dans le contrat de métayage lui-même. C'est en fait comme si le texte voulait dire que la différence qu'obtient le premier locataire (dans le contrat de louage) lorsqu'il sous-loue la terre à un prix supérieur à celui auquel il l'a louée, est garantie dans le même contrat de louage, et de ce fait elle est due obligatoirement à un travail effectué avant le contrat, travail qui justifie ce gain garanti, étant donné que la Charî'ah ne reconnaît un gain garanti qu'en contrepartie d'un travail. En revanche, dans le contrat de métayage, la différence qu'obtient le locataire lorsqu'il loue la terre sur la base de moitié-moitié, par exemple, ne lui est pas garantie dans le contrat de métayage même, et par conséquent il n'est pas obligatoire qu'un travail du premier locataire dans la terre, justifiant ce gain, ait précédé le contrat de métayage.

204. L'explication de ce texte est la suivante : Si la personne loue une terre contre cent dirham, et qu'elle la remette à un cultivateur pour qu'il la cultive sur une base de participation d'un pourcentage donné - disons cinquante pour cent- à la production, et que les cinquante pour cent dépassent les cent dirham, le locataire n'a pas le droit de toucher le surplus s'il n'a pas dépensé un travail sur la terre - creusage de canal d'irrigation ou autre. Beaucoup de faqîh ont considéré que ce texte abolit la différence entre le métayage et le louage. Ainsi, de même que le locataire n'a pas le droit de louer la terre à un prix inférieur pour prélever la différence entre les deux loyers sans avoir effectué un travail, de même il n'a pas le droit, d'après ce texte, d'obtenir la différence résultant d'un contrat de métaya. C'est pourquoi, à leur avis, ce texte contredit les deux textes précédents qui ont affirmé qu'il y a une différence entre le métayage et le louage, et que le surplus résultant de la différence entre les deux loyers n'est pas permis sans un travail (qui le justifierait). Quant au surplus résultant de la différence entre deux pourcentages dans deux métayages, il est autorisé. Mais en réalité, les trois textes sont concordants, et ne souffrent d'aucune contradiction. Cela peut s'expliquer par la méthode de recherche jurisprudentielle : les deux premiers textes traitent d'un sujet précis, à savoir la différence entre l'accord du locataire avec le propriétaire, et son accord avec son travailleur (le sous-locataire), et le gain que le locataire intermédiaire entre le propriétaire et le travailleur effectif, réalise comme conséquence de cette différence. Ces deux textes traitent cette question de la façon suivante : le gain que réalise la personne intermédiaire entre le propriétaire de la terre et le travailleur effectif, résulte de la différence entre deux métayages, et il est licite même si la personne intermédiaire n'effectue aucun travail dans la terre avant de conclure un contrat de métayage à un pourcentage inférieur avec son travailleur. Mais si ce gain résulte de la différence entre deux louages, il est illicite si le locataire n'effectue pas dans la terre un travail particulier avant de la sous-louer avec un pourcentage inférieur. Quant au dernier texte, cité par al-Hâchimî, il considère le travail du locataire intermédiaire dans la terre -creusage d'un canal ou autre chose-comme la condition de la validité du métayage sur lequel il conclut un accord avec le travailleur, et par conséquent comme la condition de la licéité de la possession par ce locataire intermédiaire du surplus résultant de la différence entre ce qu'il donne au propriétaire de la terre et ce qu'il obtient du travail effectué.

Pour comprendre pourquoi cela n'est pas en opposition avec la signification des deux premiers textes, il faut savoir que :

1 -Le travail que le texte - rapporté par al-Hâchimî-considère comme la condition de la validité du métayage conclu entre le locataire intermédiaire et son travailleur est un travail effectué après le contrat de métayage et non pas avant. La preuve en est le fait de dire : «Oui, s'il creuse pour lui une rivière ou s'il effectue un travail pour l'aider, il le peut...» Ainsi, le creusage de la rivière,

et le travail qu'il effectue pour aider son travailleur, se réaliseront après l'accord de métayage. Mais si le locataire creuse dans la terre avant de trouver des sous-métayers, ce creusage ne peut pas être qualifié d'une aide pour ceux-ci, ni d'un travail pour leur compte. La phrase indique que le travail rendu comme une condition dans ce contrat est un travail postérieur au contrat. Tandis que le travail considéré comme la condition du loyer à un prix supérieur, dans les deux textes

précédents, est un travail effectué par le locataire avant de louer la terre à un prix supérieur à celui auquel il l'avait prise en location.

2 -Ce texte ne suppose pas l'existence d'une augmentation dans le contrat. L'augmentation est survenue fortuitement, car le locataire avait loué la terre à un prix déterminé, puis il a conclu un accord avec un travailleur pour la cultiver sur la base de moitié-moitié. Or la moitié (d'une quantité indéterminée) est, par nature, indéterminée. Elle pourrait être aussi bien inférieure au

loyer payé par le locataire, qu'égale ou supérieure. Donc, l'augmentation dont parle le texte n'est pas présupposée dans la nature du contrat, car le contrat, par sa nature, n'impose pas au travailleur effectif de payer au locataire intermédiaire un loyer supérieur à celui que ce dernier a payé au propriétaire. Le contrat oblige le travailleur à payer un pourcentage donné du produit au propriétaire, abstraction faite de sa quantité, de sa supériorité ou de son infériorité au loyer que le propriétaire a reçu du locataire intermédiaire. Lorsque nous aurons tenu compte de ces deux remarques, nous pourrons dire que la condition de travail posée par ce texte (d'al-Hâchimî) au locataire intermédiaire entre le propriétaire et le travailleur, ne vise pas à justifier le surplus obtenu par le locataire intermédiaire résultant de la différence entre le loyer qu'il a payé au propriétaire de la terre et le pourcentage qu'il reçoit du travailleur effectif et que nous pourrions supposer à titre d'exemple de cinquante pour cent, mais pour valider le contrat de métayage et fournir ses fondements légaux en tant que contrat particulier, abstraction faite de l'augmentation et de la diminution, et ce conformément à une assertion jurisprudentielle selon laquelle : «Dans le métayage, il ne suffit pas que le propriétaire de la terre fournisse celle-ci pour qu'il soit valide, le propriétaire doit s'engager à fournir autre chose que la terre», comme le prouve le texte jurisprudentiel que nous avons rapporté du Chaykh al-Tûsî dans le point 3 : ce texte stipule en effet que le propriétaire de la terre doit fournir les graines aussi. Dans l'hypothèse dont traite le texte cité par al-Hâchimî, il n'est pas supposé que le locataire intermédiaire s'engage à fournir les graines au travailleur avec lequel il a conclu un contrat de métayage. C'est pourquoi il fallait que le texte le charge de participer au travail qu'effectue le travailleur qu'il a engagé comme métayer. Il en résulte que le propriétaire de la terre (qui possède celle-ci en pleine propriété ou en usufruit) doit participer par le travail, les graines ou d'autres dépenses à l'opération de l'exploitation dont se charge le travailleur avec lequel il a conclu un contrat de métayage.

A la lumière de ce qui précède, l'interprétation du texte d'al-Hâchimî n'est nullement en contradiction avec son apparence. Elle maintient la différence entre le métayage et le louage, conformément à l'énoncé des deux textes précédents. Car le travail qui donne le droit au locataire de sous-louer la terre à un prix supérieur au loyer qu'il a payé est le travail antérieur au contrat de métayage et vise à corriger la différence entre les deux loyers.

Quant au travail qui donne le droit au locataire de conclure un contrat de métayage avec un tiers pour l'exploitation de la terre sur la base de cinquante pour cent, par exemple, c'est un travail que le locataire intermédiaire effectue après le contrat, et qui vise à corriger l'origine du métayage et non pas seulement la différence.

205. "Vendre" ne désigne pas ici le sens propre et réel de ce mot, puisqu'il est suivi de l'expression : «sauf s'il a effectué dans la prairie un travail (...) avec le consentement des propriétaires de la prairie», ce qui indique que la prairie a d'autres propriétaires, et cela contredit la supposition d'un achat réel par le berger. Il faut donc comprendre le sens du mot "vendre" dans un sens général qui s'applique au louage.

206. Voir note précédente.

207. "Al-Fiqh 'alâ al-Math-hâhib al-Arba'ah", tome III, p. 117.

208. "Al-Mabsût", d'al-Sarkhacî, tome XV, p. 78.

209. Voir ces hadith dans "Al-Wasâ'il", d'al-Hor al-'Amîlî, tome XIII, pp. 265-266.
(édition arabe).

210. Le cas est ici similaire à l'affirmation : «Ne suis pas Untel dans sa fatwâ (décret religieux), à moins qu'il ne soit Mujtahid.» S'il l'était, tu aurais le droit de suivre son avis, car il serait Mujtahid et de ce fait tu pourrais le suivre. On comprend, d'après la norme, de cette affirmation que suivre un avis est toujours lié à l'Ijtihâd. Ainsi, de même qu'il n'est pas permis de suivre l'avis d'Untel s'il n'est pas Mujtahid, de même il n'est pas permis de suivre l'avis d'un autre dans ce cas (de non-Ijtihâd). En d'autres termes, la norme abolit la particularité du cas du jugement justifié par la présomption de la justification et rend la corrélation entre le gain et le travail ou l'imitation (le fait de suivre) et l'ijtihâd une règle générale.

211. Le texte détaillé est le suivant, selon al-Halabî :

«J'ai dit à al-Çâdiq (S) :

-Acceptes-tu la terre contre le tiers ou le quart, pour me la recéder contre la moitié ?

Il répondit :

-Pourquoi pas ?

Puis je lui ai demandé :

-L'acceptes-tu contre mille dirham pour me la recéder contre deux mille ?

Il a répondu :

-Non, cela n'est pas licite ; car ceci est garanti, alors que cela ne l'est pas.»

Nous avons vu ce texte dans la superstructure.

212. Voir édition arabe, annexe 16.

213. Pour éclairer le sens de la liberté formelle et de la liberté réelle, voir p. 259 du tome I de "Notre Economie" (édition arabe).

214. L'utilisation par le propriétaire de son bien de façon à porter préjudice aux autres est de deux sortes :

1 - L'utilisation qui porte préjudice pécuniaire directement à unautre, aboutissant à la dépréciation de son bien ; par exemple, lorsquevous creusez dans votre terrain un fossé qui conduirait à la destructiond'une maison voisine appartenant à une autre personne.

2 - L'utilisation indirectement nuisible, qui conduit à la détériorationde la situation d'autres personnes sans dévaluer effectivement leurs biens, comme dans le cas des procédés qu'utilise un grand projet capitaliste pour détruire les petits projets. De tels procédés ne conduisent pas à la perte effective d'une partie de la marchandise que possède le détenteur d'un petit projet, mais ils l'obligent à écouler sa marchandise à des prix plus bas, à se retirer du marché, et à ne plus pouvoir continuer de travailler.

Pour ce qui concerne la première sorte d'utilisation préjudiciable, elle se classe dans la règle islamique générale : "Lâ dharar wa lâ dherâr" (ni dommage, ni endommagement). C'est selon cette règle qu'on interdit au propriétaire de faire cette sorte d'utilisation. Quant à la seconde sorte, son classement dans cette règle générale est lié à la définition de la conception que se fait ladite règle du dommage. Si le dommage signifie : une diminution directe dans le bien ou la personne, comme l'affirment beaucoup de faqîh, ce dommage n'entre pas dans le cadre de cette règle, car il ne constitue pas un endommagement dans ce sens. Mais si le dommage signifie la détérioration de l'état, comme cela se trouve dans les livres linguistiques, dans ce cas il s'agit d'un concept plus large que la diminution pécuniaire directe, et on peut sur cette base classer la deuxième sorte dans ce cocept et se prononcer pour la limitation du pouvoir du propriétaire sur son bien et lui interdire de pratiquer toutes les deux sortes d'utilisations préjudiciables précitées, car toutes les deux conduisent à la détérioration de l'état des autres, et la détérioration de l'état conduit aussi à la diminution de valeur, comme nous l'avons expliqué dans nos recherches sur les fondements et où nous avons démontré qu'il est copris dans la règle générale précitée.

215. "Al-Kâfî" de Thiqat al-Islâm Mohammad Ibn Ya`qûb al-Kulaynî, tome V, p. 249.

216. "Al-Kâfî", d'al-Kulaynî, tome V, p. 293.

217. "Al-Om", de l'imam Idrîs al-Châfi`î, tome IV, p.49.

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