Le lien de la doctrine avec la production L'opération de production a deux aspects

 CHAPITRE 5-   LA THEORIE DE LA PRODUCTION

1- LE LIEN DE LA DOCTRINE AVEC LA PRODUCTION

L'opération de production a deux aspects :


1 - L'aspect objectif, représenté par le moyen utilisé, la nature exercée et le travail dépensé au cours de la production.

2 - L'aspect subjectif, représenté par la motivation psychologique, le but recherché dans cette opération et l'appréciation de celle-ci selon les conceptions de la justice adoptées.

C'est l'aspect objectif de l'opération qui constitue le sujet qu'étudie la science économique toute seule ou avec la participation des sciences naturelles, en vue de découvrir les lois générales qui régissent le moyen et la nature, afin que l'homme puisse maîtriser ces lois après leur découverte, et organiser l'aspect objectif de l'opération de production d'une façon meilleure et plus réussie.

Ainsi, la science économique découvre par exemple la loi de la récolte régressive dans l'agriculture, loi qui stipule que l'ajout d'unités supplémentaires de travail et de capital à un taux précis a pour contrepartie une augmentation d'un taux inférieur dans les résultats, et que cette différence entre le taux d'augmentation des unités et le taux d'augmentation des résultats continue, entraînant une diminution continuelle de l'augmentation de la récolte jusqu'à ce qu'elle tombe au niveau de l'augmentation des unités de travail et de capital. Dès lors, le cultivateur n'a plus intérêt à accroître encore la dépense dans la terre. Cette loi jette une lumière sur l'opération, et en la découvrant, le producteur peut éviter de gaspiller le travail et le capital, et déterminer les éléments de la production de façon qu'ils lui assurent la plus grande production possible.

 

Pareille à cette loi est la vérité selon laquelle la division du travail conduit à l'amélioration et à l'abondance de la production. C'est là une vérité objective que la science a le droit de découvrir et de mettre au service des producteurs afin qu'elle serve à améliorer et à développer la production.

Ainsi, la fonction que la science économique remplit pour la production est la découverte de ces lois qui permettent au producteur, en les connaissant, d'organiser l'aspect objectif de l'opération de production de telle sorte que cela aboutisse à un résultat plus grand et à une production plus abondante et de meilleure qualité.

Dans ce domaine, la doctrine économique, quelle qu'elle soit, n'a aucun rôle positif, car la découverte des lois générales et des relations objectives entre les phénomènes cosmiques ou sociaux relève de la fonction de la science, et n'entre nullement dans les compétences de la doctrine économique. C'est pourquoi, des sociétés qui divergeaient quant à leur doctrine économique pouvaient converger sur le plan scientifique et se mettre d'accord pour utiliser les données de la science économique et de toutes les sciences, et s'orienter à leur lumière dans les domaines de la production.

Le rôle positif de la doctrine apparaît seulement dans l'aspect subjectif de l'opération. Dans cet aspect se reflète en effet la contradiction doctrinale entre les sociétés qui divergent quant à leur doctrine économique. Car là, chaque société a son point de vue spécifique sur l'opération de production, son appréciation propre de cette opération, fondée sur ses conceptions générales, ainsi que sa méthode doctrinale pour définir les motivations et présenter les idéaux sublimes dans la vie.

Pourquoi produire ? Jusqu'à quelle limite ? Quels sont les buts recherchés de la production ? Quelles sortes d'articles produire ? Y a-t-il une force centrale qui supervise et planifie la production ? C'est à ces questions que la doctrine économique doit répondre.

2- LE DEVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION

Peut-être le seul point sur lequel sont d'accord, au plan doctrinal, toutes les doctrines, islamique, capitaliste et marxiste, est le développement de la production et l'utilisation de la nature au maximum dans le cadre général de la doctrine.

Toutes ces doctrines s'accordent pour reconnaître l'importance de ce but et la nécessité de le réaliser par tous les moyens et façons qui concordent avec le cadre général de la doctrine, et elles refusent ce qui n'est pas conforme à leurs propres cadres respectifs, pour des raisons de cohésion interne de chaque doctrine. Car le principe du développement de la production et de l'utilisation de la nature au maximum est une partie d'un tout, et c'est pourquoi il est en corrélation avec les autres parties dans chaque doctrine, et s'adapte selon sa position dans le complexe et ses relations avec les autres parties. Ainsi, le capitalisme par exemple refuse les moyens de développement de la production et d'augmentation de la richesse qui s'opposent au principe de la liberté économique, tandis que l'Islam refuse ceux qui ne concordent pas avec ses théories de la distribution et ses idéaux de justice, et le marxisme quant à lui croit que la doctrine ne s'oppose pas au développement de la production, mais qu'elle marche avec elle côte à côte, et ce conformément à son optique de la corrélation inévitable entre les rapports de production et la forme de la distribution, comme nous le verrons plus loin.

En tout état de cause, nous allons prendre pour point de départ de l'étude de la théorie islamique de la production le principe du développement de la production auquel l'Islam a cru, et qu'il a imposé à la société islamique de cheminer conformément à lui. C'est en vertu de ce principe que l'Islam a fixé comme objectif pour tout le monde le développement de la richesse et l'utilisation de la nature jusqu'au maximum doctrinalement possible. C'est à la lumière de ce principe que l'Islam définit sa politique économique, déterminée d'une part par le cadre doctrinal général, par les conditions et les circonstances objectives de la société de l'autre, et que l'Etat applique cette politique dans le cadre de ces limites.

Ce principe du développement de la production, nous pouvons l'apercevoir clairement à travers son application à l'époque de l'Etat islamique et à travers les Enseignements islamiques officiels dont l'Histoire garde encore de nos jours quelques traces. Citons parmi ces Enseignements, le programme que l'Imam 'Alî (S) a préparé à son gouverneur d'Egypte, Muhammad ibn Abî Bakr, en lui ordonnant de le suivre et de l'appliquer. En effet, selon al Chaykh al-Tûsî, lorsque l'Imam 'Alî (S) nomma Muhammad ibn Abî Bakr gouverneur d'Egypte, il lui écrivit une lettre en lui ordonnant de la lire aux Egyptiens, et de se conduire selon son contenu. Dans cette lettre, l'Imam 'Alî (S) écrivait notamment :

«O serviteurs d'Allah ! Les gens pieux ont obtenu le Bienfait présent et à venir : ils ont partagé avec les gens de ce monde leur vie présente, alors que ces derniers n'ont pas partagé avec eux l'Autre Monde. Allah leur a offert ce qui leur suffit et les satisfait totalement dans ce bas-monde. Allah, IL est Puissant et Glorifié, a dit en effet(218):

"Qui donc a déclaré illicites les parures qu'Allah a produites pour Ses serviteurs, et les excellentes nourritures qu'IL vous a accordées ? Dis : Ceci appartient aux Croyants durant leur vie de ce monde, mais surtout le Jour de la Résurrection ! Voilà com- ment nous expliquons les Signes à un peuple qui sait."

«Ils ont vécu ce bas-monde de la meilleure façon qu'il peut être vécu, et ils l'ont quitté de la meilleure façon qu'il peut être quitté. Ils ont ainsi partagé avec les gens de ce bas-monde celui-ci, en mangeant avec eux les excellentes nourritures qu'ils mangent, et en buvant les excellentes boissons qu'ils boivent, et ils ont porté les meilleurs vêtements qu'ils portent, habité les meilleurs logements qu'ils habitent, utilisé les meilleures montures qu'ils utilisent. Ils ont atteint les plaisirs de ce bas-monde avec les gens de ce bas-monde. Ils seront demain les voisins d'Allah : ils Lui exprimeront leurs voeux et IL les exauce. Rien ne leur sera refusé, et il ne leur manquera rien dans leur part au plaisir. A tout ceci, aspire donc, ô serviteurs d'Allah, tout homme sain d'esprit, et en vue de ceci on oeuvre en craignant Allah. Car il n'y a ni puissance ni force qui ne soient accordées par Allah.»

Cette lettre historique merveilleuse ne racontait pas une histoire dans laquelle l'Imam eût parlé de la réalité des hommes pieux sur la terre ou dans l'Histoire. Il visait à exprimer la théorie de la vie chez les gens pieux, et l'idéal que doit réaliser la société des gens pieux sur cette terre. C'est pourquoi il a ordonné qu'on applique ce qu'il y a dans la lettre et qu'on suive une politique conforme aux recommandations et aux instructions qui y figurent. La lettre indique donc très clairement que l'aisance matérielle que réalisent le développement de la production et l'exploitation maximale de la nature est un but que recherche la société des gens pieux et qu'impose la théorie que cette société adopte et à la lumière de laquelle elle s'achemine dans la vie.

Le but est en même temps revêtu du cadre doctrinal et déterminé par les limites de la doctrine comme le décide le Coran :

«O vous qui croyez ! Ne déclarez pas illicites les excellentes nourritures qu'Allah vous a permises. Ne soyez pas des transgresseurs. Allah n'aime pas les transgresseurs.»(219)

La prohibition de la transgression dans le domaine de l'utilisation et de l'exploitation de la nature est une expression coranique de ce cadre doctrinal général.

Les moyens islamiques du développement de la production

Lorsque l'Islam a adopté ce principe et fixé pour but à la société islamique le développement de la richesse et l'exploitation de la nature, il a mobilisé tous ses moyens doctrinaux pour réaliser ce but et pour trouver les fondements et les moyens dont il dépend.

Les moyens de la réalisation de ce but sont de deux sortes : des moyens doctrinaux, qu'il incombe à la doctrine sociale de trouver et d'assurer, d'une part, et des moyens purement applicatifs que l'Etat adoptant cette doctrine sociale exerce en définissant une politique pratique qui suit la tendance doctrinale générale.

L'Islam a fourni les moyens qui entrent dans son cadre, en sa qualité de doctrine sociale et d'un complexe civilisationnel global.

Les moyens de l'Islam sur le plan idéologique

Sur le plan idéologique, l'Islam a encouragé le travail et la production. Il l'a beaucoup valorisé et lui a lié la dignité de l'homme, son affaire auprès d'Allah et même sa raison. De cette façon, il a créé une base humaine propice à la propulsion de la production et au développement de la richesse, il a présenté des critères moraux et des appréciations spécifiques du travail et du chômage qui n'étaient pas connus avant lui. A la lumière de ces critères et appréciations, le travail est devenu un acte de piété pour lequel l'homme est récompensé, celui qui travaille pour gagner sa vie est préféré par Allah à l'adorateur qui ne travaille pas, et la paresse ou le refus du travail marque une imperfection dans l'humanité de l'homme et une cause de son insignifiance.

Selon un récit, l'Imam Ja'far al-Çâdiq (S) demanda un jour des nouvelles de quelqu'un. On lui répondit :

Il est dans le besoin alors qu'il reste à la maison pour adorer son Seigneur, et ce sont ses frères qui le nourrissent.

L'Imam dit :

Celui qui le nourrit est meilleur adorateur que lui.

Selon un autre récit, le Prophète (Ç) prit un jour la main d'un travailleur, abîmée par le travail, et l'embrassa en disant :

La recherche d'un gain licite est une obligation pour tout Musulman et toute Musulmane. Celui qui se nourrit du fruit du travail de sa main traverse le Çirât(220) comme un éclair. Celui qui mange le fruit du travail de sa main, Allah le regarde avec Miséricorde et ne le tourmente jamais. Celui qui mange le fruit du travail de sa main, d'une façon licite, Allah lui ouvre les portes du Paradis, et il peut y entrer par la porte de son choix.

Selon un autre récit, un homme passa un jour près de l'Imam Mohammad ibn 'Alî al-Bâqir (S) alors qu'il travaillait une terre lui appartenant. Il travaillait si dur qu'il transpirait. L'homme lui dit :

Qu'Allah te réforme ! Et si tu mourais dans cet état ?

L'Imam lui répondit par une formule qui traduit la conception du travail en Islam :

"Si la mort venait vers moi alors que je suis dans cet état, elle m'emporterait alors que je suis dans un état d'obéissance à Allah -IL est Puissant et Glorifié !"

Selon sa noble biographie, le Messager d'Allah avait coutume de se renseigner sur quelqu'un dont l'apparence lui plaisait. Si on lui disait que la personne en question était sans profession et n'exerçait pas de travail, elle se dépréciait à ses yeux, et le Prophète (Ç) commentait :

Si un Croyant n'a pas de profession, il vit de sa Religion.

Selon plusieurs hadith, le travail est considéré comme une partie de la Foi. Dans un hadith, il est dit :

«Travailler en vue d'améliorer ses conditions de vie fait partie de la Foi.»

Selon un autre hadith du Prophète (Ç) :

«Chaque fois qu'un Musulman plante une plante ou repique un plant, et qu'un homme ou une bête en mange, Allah inscrit à son crédit une aumône donnée.»

Selon une "information" (khabar), l'Imam Ja'far al-Çâdiq (S) dit à Ma'âth -un de ses compagnons, qui avait renoncé au travail :

O Ma'âth ! T'es-tu fatigué du commerce, ou l'as-tu déprécié ?

Ma'âth répondit :

Je n'en suis pas devenu incapable, ni ne l'ai déprécié ! J'ai beaucoup d'argent. Il est à ma disposition et je ne dois rien à personne. Je ne crois pas que je puisse l'épuiser avant de mourir !

L'Imam lui dit alors :

Ne le quitte pas, car l'abandonner c'est perdre la raison !

Dans un autre dialogue, l'Imam Ja'far (S) a répliqué à quelqu'un qui lui avait demandé de prier Allah pour qu'il gagne sa vie sans effort :

Je ne prie pas pour toi. Demande ce qu'Allah -IL est Puissant et Glorifié- t'a ordonné de faire.

Selon un récit, un groupe de compagnons se sont cloîtrés dans leurs maisons pour s'adonner exclusivement aux actes d'adoration, à la suite de la Révélation de ces Versets :

«... Quant à celui qui craint Allah, Allah donnera une issue favorable à ses affaires ; IL lui accordera Ses Dons par des moyens sur lesquels il ne comptait pas.»(221)

Et ils disaient : "Cela nous suffit".

Le Prophète (Ç) leur fit parvenir ceci :

«Quiconque agit de la sorte, Allah n'exauce pas ses voeux. Vous devez gagner votre subsistance par le travail.»

De même que l'Islam a résisté à l'idée du chômage, et a incité au travail, de même il a résisté à l'idée de la mise en suspens de certaines richesses naturelles et du gel de certains biens et de leur retrait du domaine de l'utilisation et de la fructification, et il a incité à mettre le plus grand nombre possible de forces et de richesses de la nature au service de la production et de l'homme dans les différents domaines de l'utilisation et de l'exploitation. L'Islam a considéré l'idée de la mise en suspens ou de la négligence de certaines ressources ou richesses de la nature comme une sorte d'ingratitude et de reniement du Bienfait qu'Allah -IL est Exalté- a accordé à Ses serviteurs.

En effet, Allah -IL est Exalté- a dit :

«Dis : Qui donc a déclarés illicites les parures qu'Allah a produites pour Ses serviteurs, et les excellentes nourritures qu'IL vous a accordées ? Dis : Ceci appartient aux Croyants durant leur vie de ce monde, mais surtout le Jour de la Résurrection. Voilà comment nous expliquons les Signes à un peuple qui sait.»(222)

Condamnant le mythe de la prohibition de certaines richesses animales, Allah a dit également :

«Allah n'a institué ni Bahîrah, ni Sâ'ibah, ni Waçîlah, ni Hâmi. Les incrédules ont forgé des mensonges contre Allah. Beaucoup d'entre eux ne comprennent rien.»(223)

Invitant l'homme à exploiter tous les domaines, Allah a dit aussi :

«C'est Lui Qui a fait pour vous la terre très soumise. Parcourez donc ses grandes étendues ! Mangez de ce qu'Allah vous accorde pour votre subsistance. La Résurrection se fera vers Lui.»(224)

L'Islam a préféré les dépenses de production aux dépenses de consommation par souci du développement de la production et de la croissance de la richesse, comme cela apparaît dans les textes transcrits d'après les dires du Prophète (Ç) et des Imams (S), et interdisant la vente du mobilier et de la maison en vue de la consommation

Les moyens de l'Islam sur le plan législatif

Sur le plan législatif, les législations de l'Islam concordent dans beaucoup de domaines avec le principe du développement de la production, auquel croit l'Economie islamique, et aident à son application.

Ci-après, nous passons en revue quelques-unes de ces législations.

1 - L'Islam a statué que si le propriétaire d'une terre suspend l'utilisation de celle-ci et la néglige jusqu'à ce qu'elle tombe en ruine, et qu'il refuse de la remettre en état, on doit l'en déposséder. Dans un tel cas, le Tuteur la met sous son contrôle et l'exploite de la manière qu'il estime bonne, car on n'a pas le droit de suspendre le rôle positif de la terre dans la production. La terre doit rester toujours un facteur solide qui contribue au bien-être de l'homme et à l'aisance de la vie. Si le droit individuel l'empêche de jouer ce rôle, on abolit ce droit, et on adapte la terre de façon à ce qu'elle soit productive(225).

2 - L'Islam a interdit le "hemâ" (la protection) -lequel consiste à contrôler une étendue de terre exploitable, et à la protéger par la force, sans y pratiquer aucun travail en vue de sa mise en valeur et de son exploitation- et il a lié le droit sur la terre au travail de la mise en valeur ou d'autres opérations semblables, en en excluant tous actes de force qui n'ont rien à voir avec la production et l'exploitation de la terre en faveur de l'homme(226).

3 - L'Islam n'a pas donné à l'individu qui commence une opération de mise en valeur d'une source de richesse naturelle, le droit de geler cette source et de suspendre le travail de sa mise en valeur. Il ne lui permet pas non plus de la garder au cas où il cesse de poursuivre le travail dans ce but ; car continuer à la contrôler dans ce cas conduirait à priver la production des énergies et des possibilités de cette source.

C'est pourquoi, en Islam, le Tuteur est chargé de confisquer ces sources à leurs propriétaires, s'ils suspendent leurs travaux de mise en valeur et qu'on ne parvient pas à les amener à y continuer le travail.

4 - L'Islam n'a autorisé le Tuteur à concéder à l'individu, dans les sources de richesse naturelle, que la portion qu'il est capable d'exploiter et de travailler(227), car une concession qui dépasserait sa capacité conduit à dissiper les richesses de la nature et ses possibilités de production.

5 - L'Islam a prohibé le gain sans travail, comme dans le cas d'un individu qui loue une terre contre une somme donnée, et qui la sous-loue ensuite contre un loyer supérieur, afin de gagner la différence entre les deux loyers, et dans d'autres hypothèses semblables dont nous avons parlé précédemment.

Il est évident que l'abolition du rôle de cet intermédiaire entre le propriétaire de la terre et l'agriculteur qui la cultive permet à la production d'économiser, car ledit intermédiaire ne joue aucun rôle positif dans la production, mais vit au détriment de la production sans lui rendre aucun service.

6 - L'Islam a prohibé l'intérêt et aboli le capital usuraire. Ce faisant, il s'assure de la conversion de ce capital dans la société islamique en un capital productif qui participe au projet industriel et commercial.

Cette conversion apporte deux avantages à la production :


a) Elle met fin à la contradiction amère entre les intérêts du commerce et de l'industrie d'une part, du capital usuraire de l'autre ; car dans les sociétés qui croient à l'intérêt usuraire, les capitalistes guettent toujours leur occasion en or -lorsque le besoin de capitaux chez les hommes d'affaires du commerce et de l'industrie se fait de plus en plus sentir, et que leur demande de capitaux augmente- pour rehausser les taux d'intérêts et ne prêter qu'avec un maximum d'intérêts

Mais lorsque la demande de capitaux venant des hommes d'affaires baisse, et que leur besoin de capitaux décroît, et que par conséquent les taux d'intérêts baissent aussi, les capitalistes offrent généreusement et au plus bas loyer leurs capitaux. Il est donc évident que l'abolition de l'intérêt met fin à cette contradiction que vit la classe des usuriers et la classe des commerçants dans la société capitaliste ; car l'abolition de l'intérêt aboutit naturellement à la conversion des capitalistes qui prêtaient leurs capitaux contre des intérêts usuraires en spéculateurs qui participent à des projets industriels et commerciaux sur la base du partage des bénéfices. De cette façon, les choses se précisent et le capital se met au service du commerce et de l'industrie, satisfaisant leurs besoins et suivant leur activité.

b) Elle permet à ces capitaux transférés vers l'industrie et le commerce d'être employés avec détermination et tranquillité dans de grands projets, et des travaux à long terme, étant donné qu'après l'abolition de l'intérêt, le capitaliste n'a d'autre espoir (de faire fructifier son capital) que le gain, lequel espoir le pousse à s'engager dans de grands projets alléchants par la perspective de leurs gains et de leurs résultats, et ce contrairement à ce qui se passe dans une société où prévaut le système d'intérêts et où le capitaliste préfère le prêt à intérêts à l'investissement dans lesdits projets, étant donné que l'intérêt est garanti dans tous les cas. Dans cette société, le capitaliste préfère également prêter à court terme et éviter le prêt à long terme qui pourrait le conduire à un manque à gagner dans les taux d'intérêts dans le cas où ceux-ci augmenteraient dans l'avenir. Cette préférence pour le prêt à court terme oblige donc les emprunteurs à employer leurs capitaux dans des projets à court terme afin de pouvoir rembourser au capitaliste prêteur à l'échéance la somme prêtée et l'intérêt convenu avec lui sur le prêt. En outre, dans un système d'intérêts, les hommes d'affaires ne prennent pas le risque d'emprunter aux capitalistes pour investir dans un projet industriel et commercial si la conjoncture ne leur permet pas la réalisation d'un gain supérieur au montant de l'intérêt exigé par le capitaliste. Ceci les empêche donc d'exercer un tas d'activités dans beaucoup de circonstances, et conduit les capitaux à dormir dans les caisses des capitalistes, les privant de participer au circuit économique et les empêchant de servir dans aucune sorte de dépense productive ou de consommation ; ce qui rend difficile l'écoulement de tous les produits, conduit au marasme du marché, à l'apparition de crises, à l'ébranlement de la vie économique. Par contre, lorsque l'intérêt est aboli et que les usuriers capitalistes se convertissent en commerçants participant directement aux différents projets commerciaux et industriels, ils constatent qu'il est de leur intérêt d'accepter de gagner un peu moins étant donné qu'ils n'ont pas à prélever une partie des gains à titre d'intérêts. Ils constatent également qu'il est aussi de leur intérêt d'investir le surplus de leurs gains dans des projets de production et de commerce, ce qui conduit à dépenser tout le produit dans la consommation et la production et à empêcher qu'une partie de ce produit ne dorme dans la poche des usuriers alors que le commerce et l'industrie en ont besoin et que l'écoulement d'une partie de la production dépend de sa dépense (de son utilisation).

7 - L'Islam a prohibé certaines activités stériles sur le plan de la production, telles que les paris, la magie, l'escamotage, et n'a pas autorisé qu'on gagne sa vie à travers de telles activités.

«Ne mangez pas injustement vos biens entre vous.»(228)

Car ces activités constituent une dilapidation des énergies saines et productives de l'homme, et les salaires injustes que l'on paie à ceux qui s'y adonnent sont une perte d'argent que l'on pourrait convertir en un facteur de développement et de production. Un coup d'oeil global sur l'Histoire et la réalité vécue suffit pour nous convaincre de la dilapidation qui résulte de ce genre d'activités et du fait qu'on en fait un moyen de gagner sa vie, et de la perte énorme que subissent la production et tous les buts bénéfiques à cause de la dilapidation de ces énergies, de ces efforts, et de cet argent.

8 - L'Islam a empêché la thésaurisation de l'argent et son retrait de la circulation et son gel en prélevant un impôt sur la monnaie en or et en argent qu'on thésaurise, et qui constituait la monnaie de l'Etat islamique. Il s'agit de l'impôt de la Zakât, qui absorbe à la longue la monnaie épargnée puisqu'il est renouvelable tous les ans et qu'il prélève chaque fois (chaque année) le quart du dixième de l'argent épargné, et ce jusqu'à ce qu'il n'en reste que vingt dinar. C'est pourquoi la Zakât est considérée comme une confiscation progressive du bien épargné et non utilisé dans le travail. En mettant ainsi fin à la thésaurisation, tous les capitaux se précipitent dans les domaines de l'activité commerciale et exercent peu à peu un rôle positif dans la vie économique. De cette façon, la production gagne beaucoup de ces capitaux qui, sans l'impôt sur l'argent épargné, tendent de par leur nature à dormir dans les poches de leurs propriétaires au lieu de participer aux projets industriels, agricoles, etc.

En vérité, l'interdiction de thésauriser l'argent en Islam n'est pas un phénomène accidentel dans la législation islamique. Elle traduit plutôt l'un des aspects du différend important entre la doctrine islamique et la doctrine capitaliste, et reflète la façon dont l'Islam a pu se débarrasser des problèmes capitalistes conséquents à l'anomalie du rôle capitaliste de l'argent, laquelle anomalie conduit à des complications des plus graves, menace le mouvement de la production et secoue continuellement la société capitaliste.

Pour éclaircir le différend important entre les deux doctrines sur ce point, il faut distinguer entre le rôle originel de l'argent et le rôle accidentel qu'il joue dans le capitalisme, et comprendre la différence entre ces deux rôles quant à leurs conséquences et leurs retombées sur le mouvement de la production et sur d'autres...

En effet, la monnaie est naturellement un instrument d'échange. L'homme s'en est servi comme d'un moyen d'échange pour éviter les problèmes du troc, qui résultaient d'un échange direct des produits. Les premiers producteurs ont constaté, après la division du travail et l'organisation de leur vie sur la base de l'échange, qu'il était difficile d'échanger leurs produits d'une façon directe, car le producteur de blé, par exemple, ne pouvait obtenir de la laine, dont il avait besoin et quand il en avait besoin, auprès du producteur de laine, en échange de son blé, que si celui-ci avait à son tour besoin de blé. De même, lorsque le berger voulait se procurer du blé pour ses besoins journaliers, il ne pouvait pas le faire au moyen du troc, car le mouton qu'il paissait avait une valeur supérieure à celle du blé dont il avait besoin pour sa consommation quotidienne, et il ne pouvait pas le diviser pour la circonstance. En outre, l'échange direct des produits se heurtait à la difficulté d'évaluer la valeur des marchandises offertes à l'échange ; car pour connaître la valeur d'une marchandise, il fallait la comparer à toutes les autres marchandises afin de connaître sa valeur par rapport à celles de toutes les autres(229). Donc, l'invention de la monnaie a constitué une solution à tous ces problèmes. Elle a joué le rôle de critère général de la valeur d'une part, et elle est devenue un instrument d'échange, d'autre part. Ainsi, sur le premier plan, elle était utilisée comme un déterminant des valeurs des marchandises puisqu'en comparant celles-ci avec l'article produit, en tant que monnaie, on pouvait déterminer leurs valeurs respectives, et sur le second plan, elle servait de moyen de circulation. Ainsi, après que la circulation s'est faite sur la base du troc, et de la vente du blé contre la laine, la monnaie est venue transformer cet acte de vente en deux actes : la vente et l'achat, à travers lesquels le propriétaire du blé vend celui-ci à cent dirham, puis accomplit un autre acte en achetant avec cet argent la laine dont il a besoin. De cette façon, deux échanges ont remplacé l'échange direct entre les produits, et par ce moyen toutes les difficultés qui résultaient du système de l'échange ont disparu.

Nous apprenons de ce qui précède que le rôle originel pour lequel la monnaie a été inventée est celui de critère général de la valeur et d'instrument général de la circulation.

Par la suite, le rôle de la monnaie ne se limita plus à cette fonction consistant à résoudre les difficultés et les problèmes du troc, mais il a été utilisé pour jouer un autre rôle, accident et sans rapport avec la résolution desdits problèmes et difficultés, à savoir le rôle de la thésaurisation et de l'épargne. La raison en est que l'entrée de la monnaie dans le domaine de la circulation a transformé l'opération unique -la vente du blé contre la laine- en deux opérations : le producteur du blé devait désormais vendre tout d'abord sa production pour acheter ensuite de la laine, alors qu'auparavant il vendait le blé et achetait la laine en une seule opération. Cette séparation entre l'opération de vente du blé et celle d'achat de la laine a permis au vendeur du blé d'ajourner l'achat de la laine, et bien plus, elle lui a permis de vendre le blé rien que pour satisfaire son désir de transformer ce blé en monnaie et de conserver la monnaie pour un moment de besoin. De là est né le rôle de la monnaie en tant qu'instrument de thésaurisation et d'épargne des biens.

Ce rôle accidentel de l'argent comme instrument de thésaurisation a joué le jeu le plus difficile sous le capitalisme qui a encouragé l'épargne et fait de l'intérêt la plus grande force d'attraction vers l'épargne. Ceci a conduit à un déséquilibre entre la demande totale et l'offre totale de tous les articles de production et de consommation, alors que l'équilibre entre eux était garanti à l'époque du troc qui se faisait sur la base de l'échange direct des produits, car le producteur ne produisait à cette époque-là que la quantité dont il avait besoin pour sa consommation ou pour être échangée contre un autre article de consommation. Ainsi l'article produit garantissait-il toujours une demande équivalente, et par conséquent la production était toujours égale à la consommation, ou en d'autres termes l'offre totale était égale au total de la demande. En revanche, à l'époque de la monnaie, l'opération de la vente étant séparée de celle de l'achat, il n'était plus nécessaire pour le producteur d'avoir une demande égale à l'article qu'il produisait. Il pouvait produire dans le but de vendre, et d'obtenir de l'argent qu'il ajoutait aux économies qu'il avait déjà faites, et non pas dans le but d'acheter un article chez un autre producteur. Il en résultait donc une offre sans demande équivalente, ce qui conduisait à un déséquilibre entre l'offre générale et la demande générale, et ce déséquilibre s'aggravait autant que la volonté de thésaurisation s'affirmait chez les producteurs et les vendeurs et le phénomène de l'épargne se généralisait. Il s'ensuivait qu'une grande partie de la richesse produite demeurait invendue, que le marché capitaliste souffrait du problème de son écoulement et de la crise de son accumulation, et que le mouvement de la production et par voie de conséquence l'ensemble de la vie économique s'exposaient aux plus graves dangers.

Pendant un certain temps, le capitalisme fut inconscient de la vérité de ces problèmes résultant du rôle de thésaurisation que joue la monnaie, car il se fiait à la théorie de l'écoulement selon laquelle lorsqu'un individu veut vendre un article, il ne le fait pas par désir de l'argent en soi, mais pour obtenir un autre article dont il a besoin, ce qui signifierait que la production de tout article crée une demande équivalente d'un autre article, et que par conséquent l'offre et la demande resteront toujours à égalité.

Cette théorie suppose ainsi que le vendeur de l'article vise toujours, par sa vente, l'obtention d'un autre article, alors que cette supposition n'est valable que pour l'époque du troc, lequel unit en une seule opération l'achat et la vente, et elle ne s'applique pas à l'époque de la monnaie, laquelle permet au commerçant de vendre l'article dans l'intention d'obtenir encore plus d'argent à thésauriser et à épargner, et de l'employer par la suite dans des opérations de prêt à intérêt.

Ayant passé en revue ces renseignements concernant l'argent, son rôle originel et son rôle accident, ainsi que leurs conséquences, nous pouvons nous rendre compte de la différence essentielle entre l'Islam et le capitalisme : alors que ce dernier admet l'emploi de l'argent comme un instrument de thésaurisation et l'encourage en instituant le système de l'intérêt, l'Islam le combat en imposant l'impôt sur la monnaie thésaurisée et en encourageant la dépense de l'argent dans les domaines de la consommation et de la production, et ce à tel point que l'Imam Ja'far ibn Mohammad al-Çâdiq (S) a dit :

«Allah vous a donné ces surplus de biens pour que vous les utilisiez dans le domaine qu'Allah leur a assigné ; IL ne vous les a pas donnés pour que vous les thésaurisiez.»

En combattant la thésaurisation, l'Islam a mis fin à l'un des problèmes les plus importants dont souffre le capitalisme. Et ce faisant, il sait que la société islamique qu'il instaure n'est pas obligée de thésauriser et d'épargner en vue de développer la production et de réaliser de grands projets, comme c'est le cas pour la société capitaliste qui a pu former, par la thésaurisation et l'épargne, des capitaux considérables en rassemblant les biens épargnés grâce aux banques et d'autres entreprises, et qui a pu employer ces sommes considérables accumulées d'argent dans les projets de production. Car étant donné que la société capitaliste est dominée par la propriété privée, elle avait impérativement besoin de propriétés privées considérables pour l'aider à réaliser de grands projets de production. Et étant donné qu'il n'était possible de constituer ces propriétés que grâce à l'encouragement à l'épargne et au rassemblement des biens épargnés par l'intermédiaire des banques capitalistes, la société capitaliste était obligée de prendre ces mesures afin de développer et d'amplifier la production. En revanche, la société islamique peut compter sur les domaines de la propriété publique et de la propriété de l'Etat pour la réalisation des grands projets, laissant aux propriétés privées les domaines que peuvent contenir leurs possibilités.

9 - L'interdiction du divertissement (passe-temps) et du badinage. En effet, le hadith a interdit ce qui conduit à se distraire de l'invocation d'Allah, et prohibé plusieurs sortes de divertissements qui conduisent au relâchement et à la mollesse de la personnalité de l'homme, et par conséquent à son écart du domaine de la production et du travail fructueux et à sa tendance à préférer autant que faire se peut une vie de jeu et de divertissement à une vie d'effort et de travail, et de toutes sortes de productions matérielles et morales.

10 - Essayer d'empêcher la richesse de se concentrer, conformément au texte coranique :

«... afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches.»(230)

et c'est ce que nous allons expliquer dans notre étude de la théorie de l'équilibre social et économique en Islam. Bien que cette interdiction de la concentration de richesses soit directement liée à la distribution, elle est également liée indirectement à la production, à laquelle elle finit par nuire, étant donné que lorsque la richesse se concentre entre les mains d'une poignée d'individus, la misère se généralise, le besoin grandit pour l'écrasante majorité des gens, et par voie de conséquence, le public se trouve dans l'incapacité de satisfaire ses besoins en marchandises en raison de la baisse de son pouvoir d'achat. Il s'ensuit que les produits s'accumulent et ne s'écoulent pas, le marasme prévaut dans l'industrie et le commerce, et la production s'arrête.

11 - Réduire les manoeuvres du commerce, en le considérant comme une branche de la production, comme nous l'expliquerons dans une prochaine phase de la découverte de la théorie de la production, où nous constaterons combien cela affecte la production et son développement.

12 - L'Islam attribue la propriété du bien aux proches d'un propriétaire après sa mort. Et c'est là l'aspect positif des statuts de l'héritage, que l'on peut considérer comme un facteur qui, dans le secteur public, pousse l'homme au travail et à l'exercice de différentes sortes d'activités économiques, et même un facteur essentiel dans les dernières étapes de la vie de l'homme, pendant lesquelles la pensée de l'avenir s'affaiblit chez lui pour être remplacée par la pensée des enfants et des proches, et il trouve dans les statuts de l'héritage qui stipulent le partage de ses biens entre ses proches parents après sa mort un facteur qui l'incite au travail et le pousse à développer la fortune par attachement aux intérêts des siens considérés comme un prolongement de son existence.

Quant à l'aspect négatif des statuts de l'héritage, lequel coupe le lien du propriétaire avec ses biens après sa mort et ne lui permet pas de décider par lui-même du sort de sa fortune, il résulte comme nous l'avons vu de la distribution de l'anté-production et il lui est lié.

13 - L'Islam a posé comme nous l'expliquerons dans un prochain chapitre les principes législatifs de la sécurité sociale. La sécurité sociale joue un grand rôle dans le secteur public, car le fait que l'homme ait le sentiment d'être assuré par l'Etat et qu'un niveau de vie convenable lui soit garanti même s'il perd son projet constitue un important crédit psychologique qui renforce son courage, le pousse à s'engager dans les différents domaines de la production, et développe en lui l'élément de la création et de l'invention ; et c'est à l'opposé de celui qui, privé d'une telle garantie et n'ayant pas le sentiment de cette assurance, s'abstient souvent de participer aux différentes activités et à la créativité, par peur d'une éventuelle perte qui non seu- lement menacerait son bien, mais menacerait aussi sa vie et sa dignité en l'absence d'une source qui l'assurerait et lui garantirait une vie convenable s'il perdait son bien sur la lancée du courant. De là, il n'aurait pas ce courage et cette détermination que suscite la sécurité sociale dans l'esprit de ceux qui en bénéficient.

14 - L'Islam a interdit aux gens aptes au travail et à l'exercice d'une activité économique la sécurité (l'aide) sociale, et il leur a interdit de mendier. De cette façon, il les a empêché de fuir le travail fructueux, ce qui conduit naturellement à la mobilisation de leurs énergies dans la production et l'exploitation.

15 - L'Islam a prohibé la prodigalité et la dilapidation. Cette prohibition met une limite aux besoins de consommation et met à la disposition des dépenses de production beaucoup d'argent qui aurait pu être dilapidé et gaspillé dans des dépenses de consommation.

16 - L'Islam a rendu "obligatoire sous réserve de suffisance"(231) pour l'ensemble des Musulmans l'apprentissage de tous les artisanats et industries par lesquels la vie s'organise.

17 - L'Islam ne s'est pas contenté de cette mesure, mais il a aussi imposé aux Musulmans l'obligation d'atteindre le plus haut niveau possible d'expérience de vie générale dans tous les domaines, et ce afin de permettre à la société islamique de posséder tous les moyens moraux, scientifiques et matériels - y compris les différents moyens et possibilités de production- qui l'aident dans son rôle dirigeant dans le monde. Allah a dit, en effet :

«Préparez, pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez de forces...»(232)

Dans ce texte, la force est absolue et n'est pas définie. Elle comprend toutes sortes de forces susceptibles d'accroître la capacité de la Ummah dirigeante à porter son Message vers tous les peuples du monde. En tête de ces forces, figurent les moyens moraux et matériels de développement de la richesse et de l'asservissement de la nature au profit de l'homme.

18 - L'Islam a donné à l'Etat la possibilité de diriger tous les secteurs de la production à travers le secteur public. Il est évident que le fait de mettre un grand domaine de la propriété de l'Etat et la propriété publique à la disposition d'une expérience menée par l'Etat, transforme cette expérience en une force directrice et dirigeante des autres domaines et permet aux projets de production similaires de s'inspirer de ladite expérience et d'adopter les meilleurs moyens d'améliorer la production et de développer la richesse.

19 - L'Islam a conféré à l'Etat la capacité de rassembler un grand nombre de forces humaines actives et de les utiliser dans les domaines du secteur public. De cette façon, il permet à l'Etat d'empêcher la dilapidation de la partie de ces forces qui excéderait le besoin du secteur public et d'assurer la participation de toutes les énergies au mouvement de la production totale.

20 - Enfin, il est accordé à l'Etat -en vertu de statuts spécifiques que nous étudierons dans les phases prochaines de la théorie de la production- le droit de contrôler et de planifier d'une façon centrale la production, afin d'éviter le chaos qui conduit à paralyser le mouvement de la production et à détruire la vie économique.

La politique économique du développement de la production

Tels sont donc les services que l'Islam a rendus, en tant que doctrine, en vue du développement de la production et de la croissance de la richesse. Ceci fait, il a laissé à l'Etat le soin d'étudier les conditions objectives de la vie économique, et de recenser les richesses naturelles du pays, et de comprendre les énergies latentes de la société et les problèmes qu'il vit, et de définir à la lumière de tout cela -et dans les limites doctrinales- la politique économique susceptible de conduire à la croissance de la production et au développement de la richesse, et garantir une vie aisée et un niveau de vie convenable.

C'est de cette façon que nous devons comprendre la relation de la doctrine avec la politique économique que l'Etat définit et détermine pour une période de cinq ans ou de sept ans, ou encore moins, ou bien davantage, en vue d'atteindre un but précis au terme de cette période. Cette politique n'est pas une partie de la doctrine, et celle-ci n'a pas pour fonction de la définir et de la mettre au point, car elle diffère selon les circonstances objectives, la sorte des possibilités que possède la société, et la nature des problèmes et des difficultés qu'il est indispensable de résoudre et d'aplanir. Ainsi, un pays à forte densité d'habitants, par exemple, diffère d'un pays vaste et peuplé d'une population peu nombreuse, quant à ses possibilités, ses problèmes et les moyens de résoudre ces problèmes et de mobiliser toutes ses possibilités. Donc, chaque circonstance objective a une influence sur la définition de la politique à suivre.

C'est pourquoi il était nécessaire que la doctrine laisse à l'Etat le soin de mettre au point les détails de cette politique afin qu'il puisse choisir le plan qui s'adapte aux circonstances ambiantes, et qu'elle se contente de définir les buts principaux de la politique économique, ses limites générales, et son cadre doctrinal global que l'Etat doit respecter et dans les limites duquel il doit mettre au point sa politique.


Notes



218. Sourate al-A'râf, 7 : 3

219. Sourate al-Mâ'idah, 5 : 87

220. La voie menant au Paradis.

221. Sourate al-Talâq, 65 : 2-3

222. Sourate al-A'râf, 7 : 32

223. Sourate al-Mâ'idah, 5 : 103

224. Sourate al-Mulk, 67 : 15

225. Voir la superstructure de la théorie de la Pré-production.

226. Voir la superstructure de la théorie de la Pré-production.

227. Voir la superstructure de la théorie de la Pré-production.

228. Sourate al-Baqarah, 2 : 188, et Sourate al-Nisâ', 4 : 29.

229. Voir tome I, p. 348 de "Notre Economie" (en arabe).

230. Souourate al-Hachr, 59 : 7.

231. "Wâjib Kifâ'i" : obligation de suffisance. Il s'agit d'une obligation qui s'impose à tout le monde jusqu'à ce qu'elle soit acquittée par quelqu'un ou par quelques-uns.

232. Sourate al-Anfâl, 8 : 60