Ven04192024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

Back Vous êtes ici : Accueil Bibliothèque Général l'Homme et La Foi Chapitre 2: La science et la foi

Chapitre 2: La science et la foi

Chapitre 2:

La science et la foi


1- LA RELATION ENTRE LA SCIENCE ET LA FOI:

Nous avons expliqué dans les pages précédentes la relation entre l'humanité de l'homme et son animalité, c'est-à-dire la relation entre sa vie intellectuelle et spirituelle et sa vie matérielle. Nous avons constaté que l'humanisme est originel et indépendant chez l'homme et qu'il n'est pas un simple reflet de sa vie animale.

Nous avons remarqué également que la science et la foi sont deux piliers essentiels de l'humanité de l'homme. Dans ce chapitre nous allons éclaircir la relation existant entre ces deux piliers humains.

Des idées sont malheureusement apparues dans le monde chrétien qui laissent croire à l'existence de contradictions entre la science et la foi. Ces idées puisent leur existence dans les déviations(3) de l'Ancien Testament qui dit:

«Et Dieu fit à l'homme ce commandement: "Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement"(4).

»Et d'ajouter: "Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Dieu avait faits. Il dit à la femme: "Alors Dieu a dit: vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin!" La femme répondit: "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas sous peine de mort". Le serpent réplique à la femme: "Pas du tout! Vous ne mourrez pas! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le Bien et le Mal". La femme constata que l'arbre était bon à manger, beau à voir et désirable pour l'acquisition de l'entendement. Elle en cueillit quelques fruits dont elle mangea un peu. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus: ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes"(5). Sur ce, Dieu dit: "Voilà que l'homme est devenu l'un de nous, pour connaître le Bien et le Mal! Qu'il n'étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et ne vive pour toujours"(6).

 

Selon cette conception donc, l'arbre interdit n'est autre que celui du savoir; l'ordre de Dieu - la religion - exigea que l'homme ne s'approchât pas de cet arbre; lorsque l'homme désobéit et devint con-naisseur, il fut chassé du paradis!

Tous les mauvais conseils que l'homme reçoit ont ainsi trait à la connaissance. De là, Satan - le mauvais conseilleur - ne serait autre, selon l'Ancien Testament, que la raison elle-même.

Le Musulman ne peut que s'étonner d'entendre de telles assertions car le Coran lui a appris que Dieu avait enseigné à Adam tous les Attributs (donc les Vérités) et qu'IL a demandé aux Anges de se prosterner devant lui (Adam), que ces derniers se sont exécutés, à l'exception d'Iblis qui a désobéi, refusant de se prosterner devant Adam, connaisseur des Vérités.

Il s'étonne car la Sunna lui a appris que l'arbre interdit est le symbole de la culpabilité, de la convoitise et de tous les défauts liés à l'animalité de l'homme, et non à son humanité, et que Satan, le mauvais conseilleur, le pousse toujours vers tout ce qui est contraire à la raison et lié au caprice de son animalité. Or, c'est celle-ci, et non la raison, qui, dans l'existence humaine, représente la force satanique.

Oui, l'homme musulman, imprégné de ces conceptions, s'étonne lorsqu'il entend ce qui est dit dans la Genèse.

On peut, à partir de là, comprendre la cause de la division de l'histoire de la civilisation européenne durant les 25 derniers siècles en deux ères distinctes: l'ère de la foi et celle de la science, et la raison de l'existence d'une contradiction, dans l'esprit de l'Européen, entre la science et la foi. Cette division et cette contradiction n'ont pas d'équivalent dans l'histoire de la civilisation islamique dont se dégagent deux époques où la foi et la science font route commune vers le progrès et la décadence:

1)- L'époque de l'épanouissement de la foi et de la science;

2)- L'époque de la décadence de la foi et de la science.

Le Musulman doit donc être très prudent vis-à-vis de la conception européenne de la relation entre la science et la foi et prendre garde de tomber dans l'imitation aveugle de cette conception qui pourrait porter le plus grand tort à la science et à la foi.

Cela dit, il nous faut à présent traiter de cette question d'une façon plus approfondie et examiner les fondements de l'allégation selon laquelle il y aurait une opposition entre la science et la foi, en commençant par répondre à la question suivante: la vie humaine est-elle constamment condamnée à subir deux sortes de malheur: celui de la misère et celui de l'incroyance?

Notons d'abord que toue foi se fonde forcément sur une vision particulière de l'univers et de la vie - comme nous allons l'expliquer dans les chapitres prochains - et que cette vision s'oppose parfois aux fondements de la science et de la logique, ce qui ne fait pas l'objet de la présente étude. Ce que nous voulons étudier ici c'est la vision qui, d'une part, peut être soutenue par la science et la logique et qui, d'autre part, reconstitue la base solide d'une foi inspirant le bonheur.

Si nous parvenons à prouver l'existence de cette vision nous aurons répondu à la question que nous avons soulevée tout à l'heure.

On peut étudier la relation entre la science et la foi sur deux plans:

1)- Etudier la possibilité de l'existence d'une conception de l'univers et de la vie soutenue par la science et la logique, d'une part, et caractérisée par la foi et le finalisme, d'autre part, et c'est ce dont nous traiterons dans le Chapitre de "La Conception".

2)- Etudier l'influence de la science et l'influence de la foi sur l'homme; savoir à quel point il y a opposition ou concordance entre ces deux influences.

A notre avis, la relation entre la science et la foi est une relation de complémentarité; c'est-à-dire que l'une complète l'autre.

Ainsi:

- la science nous confère la force et nous éclaire le chemin tandis que la foi fait naître dans nos coeurs l'espérance et l'enthousiasme;

- la science permet de fabriquer la machine, la foi dessine l'objectif de celle-ci;

- la science pousse à la vitesse, la foi détermine la direction;

- la science est la force, la foi est une volonté saine;

- la science découvre ce qui existe, la foi ce qu'il faut faire;

- la science est une révolution extérieure, la foi une révolution intérieure;

- la science transforme le monde en un monde humain, la foi le dote d'une âme humaine;

- la science élargit horizontalement le cadre de l'existence de l'homme, la foi rehausse verticalement le niveau de cette existence;

- la science fait la nature, la foi fait l'homme;

- la science et la foi confèrent toutes deux la force à l'homme, mais alors que la première lui confère une force "séparée", la foi lui confère une force "reliée";

- la science est une beauté, la foi aussi. Mais la première est la beauté de la raison, la seconde est celle de l'âme. La première est la beauté de la pensée, la seconde, celle des sentiments;

- la science et la foi sont toutes deux sécurisantes, mais la science est la sécurité extérieure et la foi, la sécurité intérieure;

- la science protège l'homme des maladies du corps et des désastres naturels, la foi le prévient des maladies et des complexes psychologiques;

- la science concilie le savoir et l'homme, la foi concilie l'homme et son âme.

Le besoin de l'homme en science et en foi en même temps a capté l'attention des penseurs. Muhammad Iqbal al-Lahour dit à ce propos:

"L'humanité a besoin de trois choses aujourd'hui: une explication spirituelle du monde, une liberté spirituelle de l'être humain, des principes fondamentaux ayant une influence internationale qui, sur une base spirituelle, pousse la marche de l'humanité.

"Il ne fait pas de doute que l'Europe moderne a réussi à fonder des centres intellectuels idéaux. Mais l'expérience a prouvé que toute vérité qui résulte uniquement de la raison ne peut comporter la chaleur d'une foi vivante qui ne saurait émaner que de l'inspiration personnelle; c'est ce qui explique pourquoi la raison pure n'a pas exercé une influence notable sur le genre humain, alors que la religion a toujours constitué un facteur de l'élévation des individus et de la transformation des sociétés humaines.

"L'idéalisme de l'Europe n'a pas pénétré, comme facteur actif, dans la vie sociale. Cela a favorisé l'apparition d'un type d'homme indécis devant les démocraties contradictoires, et toujours à la recherche de son identité, puisque ces démocraties ont tendance à exploiter les pauvres au profit des riches.

"Aujourd'hui, alors que l'Europe constitue le plus grand obstacle au progrès de l'éthique humaine, le monde islamique possède une pensée et une croyance sublimes et intégrales, fondées sur la révélation. Elles jaillissent des profondeurs de la vie pour orner les apparences de celle-ci d'une qualité intime.

"Le Musulman croit dogmatiquement au fondement spirituel de la vie et il est prêt à se sacrifier généralement pour cette croyance"(7).

Will Durant, le célèbre auteur de "L'Histoire de la Civilisation" dit (bien qu'il ne soit pas pratiquant):

"Le monde moderne de la machine diffère de l'ancien monde seulement par les moyens, et point par les buts (...). Que dirons-nous si tous nos développements s'orientaient vers la réforme des méthodes et des moyens et se détournaient de la réforme des buts et des objectifs"(8).

Et d'ajouter: "La richesse est une source de surmenage, la raison et la sagesse constituent une lumière pâle et froide, alors que l'amour, c'est lui qui, d'une façon inexprimable, donne de la chaleur au coeur"(9).

La plupart des penseurs se sont rendus compte aujourd'hui que la science est incapable de créer l'homme, que l'éducation purement scientifique fabrique un demi-homme et non un homme complet, un homme fort et puissant, et non pas vertueux.

Personne de nos jours n'ignore que l'ère de la pure science est finie, que les sociétés sont menacées d'un vide spirituel et que pour remplir ce vide, d'aucuns recourent à la philosophie pure, d'autres se réfugient dans la littérature, l'art et les sciences humaines.

En Iran, il y a eu (avant la victoire de la Révolution Islamique) des tentatives de remplir ce vide par la littérature mystique, telle celle de Mawali, de Sa'adi et de Hafèz. Les artisans de ces tentatives ont oublié que les littératures de ces mystiques puisaient leur âme et leur attrait dans la religion.

L'âme humaine, dans ces littératures, était l'âme islamique. De là, leur attrait. La preuve en est l'absence, dans certaines productions littéraires contemporaines qui se détachent de la religion, de toute âme et de toute vie, bien qu'elles prétendent être humaniste.

Le contenu humain de la littérature mystique persane émane d'une conception spécifique de l'univers et de la vie, en l'occurrence la conception islamique. Si nous dépouillons ces merveilles littéraires de leur âme islamique, elles se transforment en un corps sans âme.

Will Durant est de ceux qui ont senti ce vide spirituel, aussi a-t-il proposé de le combler par la littérature et la philosophie, déclarant:

"Le plus grand mal qui a frappé nos écoles et nos universités vient de la théorie éducative de Spencer, laquelle a défini l'éducation comme une adaptation de l'homme à son milieu environnant.

"Cette définition mécanique et sans âme a pour point de départ la philosophie de «la supériorité de la mécanique», alors que l'esprit créatif et l'âme créative sont réfractaires à cette définition...

"Il en est résulté que nos écoles sont chargées de sciences mécaniques et dépourvues de littérature, d'histoire, de philosophie et d'art, dont on dit qu'ils sont inutiles...

"L'éducation qui se limite à la science n'engendre que la machine et aliène l'homme de la beauté et de la sagesse. Il aurait été préférable au monde que Spencer n'eût écrit aucun livre"(10).

Will Durant reconnaît que le vide qui prévaut est un vide de foi, un vide de finalité, un vide de dessein, de but et d'objectifs, qui conduit à l'absurde. Il est étrange qu'il croie, malgré cela, que ce vide peut être comblé par n'importe lequel des sujets spirituels et moraux, même si ces sujets ne dépassent pas les limites de la faculté imaginative.

Il pense que s'occuper de l'histoire, de l'art, de la beauté et de la musique suffit à combler ce vide qui puise son existence dans la nature humaine, cette nature qui tend vers des buts sublimes et la perfection humaine.

Vous n’avez pas le droit de laisser des commentaires