4- L'aspect sensible dans l'adoration:
Ce juste milieu se situe entre deux attitudes:
1)- L'une pousse à l'extrême l'aspect intellectuel de l'homme, le considérant comme une pensée désincarnée, écartant toute expression sensuelle de l'adoration pour se conformer à la nature de l'absolu non sensuelle et non limitée par le temps et l'espace. Il est à noter que cette attitude n'est pas agrée par la Loi islamique, laquelle reconnaît certes l'importance de l'aspect intellectuel (par exemple dans le Hadith suivant: «La méditation d'une heure est meilleure que l'adoration d'une année»), mais manient que la réflexion humble, de la nature de l'adoration, aussi profonde puisse-t-elle être, ne peut remplir complètement l'âme de l'homme, ni occuper tous ses temps libres, ni le relier par toutes les fibres de son être (à quoi?), tout simplement parce que l'homme n'est pas seulement un être intellectuel.
A partir de cette base réaliste les rites islamiques ont été fondés à la fois sur l'intellect et sur les sens. L'ornant accompli une adoration intellectuelle en niant toute limite à son Seigneur, par exemple lorsqu'il commence sa prière par les mots «Allâh-ou-Akbar» (Dieu est le Plus Grand), mais, simultanément, il prend la Ka'bah comme signe divin vers lequel il oriente sa pensée et ses mouvements, afin de vivre l'adoration par l'esprit et par la sensation, par la logique et par l'évolution, abstraitement et concrètement.
2)- L'autre attitude exagère le côté sensuel (sensitif) et transforme l'illusion en réalité concrète. Elle fait de l'adoration du symbole un substitut de l'adoration du symbolisé. Ainsi l'adorateur s'enfonce d'une manière ou d'une autre dans l'association (cherk) et la paganisme.
Cette attitude annihile totalement l'esprit d'adoration et le neutralise en tant que moyen de relier l'homme et sa marche vers l'avant au vrai absolu. L'adoration est transformée en un moyen de se relier à de faux absolus, par des symboles rendus absolus par des abstractions mentales erronées. Ainsi cette fausse adoration devient un voile entre l'homme et son Seigneur, au lieu d'être un trait d'union entre eux.
L'Islam rejette une telle attitude, car il a rabaissé le paganisme sous toutes ses formes, détruit les idoles et aboli les «dieux» artificiels. Il a refusé de prendre une chose limitée pour symbole ou pour incarnation du vrai absolu. Il a distingué profondément entre le sens des idoles, qu'il brisa, et le sens de la Qiblah, qu'il apporta. Cette Qiblah n'est qu'un point précis de l'espace, divinement anobli auquel la prière fut rattachée pour satisfaire le côté sensuel (sensitif) de l'adorateur.
Le paganisme n'est en réalité qu'une tentative déviée de satisfaire ce dernier côté. La Loi islamique (Chari'ah) a pu redresser la déviation et présenter la manière correcte d'accorder l'adoration de Dieu, qui est une relation à l'absolu infini et sans pareil, au besoin de l'homme, constitué de sens physiques et d'intellect (intelligence), pour que ce dernier puisse adorer Dieu simultanément avec ses sens et avec son esprit.