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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Pourquoi produire ?

3- POURQUOI PRODUIRE ?


Nous avons étudié, de la théorie de la production, le point sur lequel sont doctrinalement d'accord tous les courants de pensée des doctrines économiques. Nous avons commencé par ce point afin d'en faire l'axe à partir duquel nous entamons l'étude des différends doctrinaux et de leurs détails.

En effet, nous avons appris que le principe du développement de la production et de l'exploitation maximale de la nature est l'un des principes essentiels dans la théorie islamique, et l'un des buts sur lesquels l'Islam s'accorde avec toutes les doctrines.

Toutefois, ces doctrines, malgré leur accord sur ce principe, divergent quant aux détails et à leur façon d'y penser, selon la différence de leurs bases de pensée, leur cadre civilisationnel général et leurs conceptions de l'univers, de la vie et de la société.

 

Ainsi, il y a par exemple une différence entre ces doctrines quant au but originel du développement de la richesse et du rôle de celle-ci dans la vie. A la question de savoir pourquoi nous produisons, et quel est le rôle de la richesse, chaque doctrine répond à sa façon propre selon le fondement de son idéologie et la vision générale qu'elle adopte. Lorsque nous étudions la doctrine en Islam ou toute autre doctrine économique, ainsi que sa position vis-à-vis de la production, il ne nous suffit pas de connaître la croyance de cette doctrine au principe du développement de la production et de la richesse, mais nous devons en comprendre le fondement idéologique qui explique la conception de la doctrine de la richesse, de son rôle et de ses buts ; car le développement de la richesse varie selon le fondement idéologique de ce développement et selon la vision générale qui y est attachée. Le développement de la richesse pourrait différer -selon qu'il est fondé sur une base idéologique donnée ou sur une autre- suivant le cadre du développement et les moyens de réaliser ce développement, que la base idéologique impose.

Pour définir la base idéologique, nous ne pouvons pas séparer la doctrine économique en tant qu'une partie d'un complexe civilisationnel complet, de la civilisation à laquelle elle appartient et de ses conceptions de la vie et de l'univers.

Partant de là, nous allons étudier les conceptions de la production, de son rôle et de ses buts chez le capitalisme et la doctrine islamique, non seulement en tant que deux doctrines économiques mais aussi, et en plus, en tant que deux façades de deux civilisations différentes, et ce afin de présenter la base idéologique du développement de la production du point de vue de l'Islam, comparée à la base idéologique du développement de la richesse dans le capitalisme.

Dans la civilisation matérialiste moderne dont la façade doctrinale économique est historiquement le capitalisme, le développement de la richesse est considéré ordinairement comme un but originel et un objectif essentiel, car selon les critères que l'homme de cette civilisation suit dans la vie, la matière est tout. Au-delà d'elle, il ne voit aucun autre but. C'est pourquoi il essaie de développer la richesse pour la richesse elle-même et dans l'espoir de réaliser le plus haut niveau d'aisance matérielle.

De même, le capitalisme considère le développement de la richesse dans sa globalité et séparément de la distribution, lorsqu'il choisit les moyens de réaliser ce but. Il considère que le but est réalisé si le total de la richesse de la société augmente, et ce abstraction faite du degré de répartition de cette richesse dans la société et de la part des individus de cette société dans l'aisance et le bien-être que ladite richesse apporte. C'est pourquoi la doctrine capitaliste a encouragé l'emploi de l'outil industriel à l'époque de l'industrie mécanique, car l'outil contribue à l'accroissement de la richesse totale de la société, et ce même s'il a conduit à la mise au chômage de milliers de personnes qui ne possédaient pas cet outil, et à la faillite de leurs projets.

Ainsi, la richesse est un but originel dans la civilisation matérialiste, et son développement se mesure, selon la conception capitaliste, par la croissance du total de la richesse globale de la société.

Dans la pensée capitaliste, le problème économique est lié à la rareté de la production, à la non-générosité de la nature, et au fait que celle-ci manque de répondre à toutes les demandes. C'est pourquoi le traitement du problème était lié au développement de la production et à l'exploitation maximale des forces et des trésors de la nature à travers l'anéantissement de la résistance de celle-ci et le redoublement de son asservissement à l'homme.

Or l'Islam a une position différente vis-à-vis de tout ceci :

Le développement de la richesse n'est pas le but originel en Islam, bien qu'il fasse partie de ses buts. L'Islam ne considère pas le développement de la richesse séparément de la distribution et sur la base de la richesse globale. De même, le problème économique ne découle pas -selon l'Islam- de la rareté de la production pour que son traitement fondamental soit le développement du total de la richesse globale. Voyons, ci-après, la position islamique en détail.

La conception de la richesse en Islam

En ce qui concerne la vision de la richesse en tant que but originel, nous pouvons définir la conception de l'Islam de la richesse à la lumière des textes qui ont traité de cette question et essayé d'expliquer la conception islamique de la richesse.

Nous pouvons classer lesdits textes en deux catégories. Le lecteur pourrait de prime abord sentir une contradiction entre leurs données idéologiques de la richesse, de ses buts et de son rôle, mais une opération de synthèse de ces données résoudra le problème et cristallisera la conception islamique intégrale du développement de la richesse dans ses deux tranchants.

Dans la première catégorie se classent les textes suivants :

a) Le Prophète (Ç) a dit :

«La meilleure aide pour atteindre à la crainte d'Allah (taqwâ) est la richesse.»

b) Selon l'Imam al-Çâdiq (S) :

«La meilleure aide pour l'Autre Monde, c'est la vie d'ici-bas.»

c) Selon l'Imam al-Bâqir (S) :

«La meilleure façon d'obtenir l'Autre Monde, c'est la vie d'ici-bas.»

d) Le Prophète (Ç) a dit :

«O Allah ! Bénis notre pain et ne nous sépare pas de lui, car sans pain nous n'aurions ni prié, ni jeûné, ni accompli nos obligations envers notre Seigneur.»

e) Selon al-Çâdiq (S) :

«Il n'y a rien de bien dans celui qui n'aime pas amasser de façon licite de l'argent pour sauvegarder sa dignité, acquitter sa dette et aider son prochain.»

f) Un homme a dit un jour à al-Çâdiq (S) :

Par Allah ! Nous demandons ce monde et nous aimons qu'il nous soit disponible !

Pour quoi faire, lui a demandé al-Çâdiq (S) ?

- Pour que je profite de ses bienfaits, ma famille et moi-même, pour que j'en tire de quoi aider mon prochain, faire l'aumône, accomplir le Pèlerinage et la 'Omrah (Pèlerinage mineur), a répondu l'homme.

-Dans ce cas, ce n'est pas ce monde que tu demandes, mais l'Autre Monde.

g) «Il n'est pas des nôtres celui qui abandonne son bas-monde pour l'Autre Monde, ni celui qui abandonne l'Autre Monde pour ce bas-monde.»

La seconde catégorie comprend les textes suivants :

a) Selon le Prophète (Ç) :

«Qui aime ce bas-monde nuit à sa vie de l'Au-delà.»

b) Selon al-Çâdiq (S) :

«Il y a, à la tête de tout péché, l'amour de ce bas-monde.»

c) Selon al-Çâdiq (S) aussi :

«Le serviteur se trouve le plus loin d'Allah lorsqu'il ne se soucie que de son ventre et de son sexe.»

d) Selon l'Imam 'Alî (S) :

«La meilleure façon de se conduire pour observer la Religion, c'est d'être ascète dans ce bas-monde.»

Il n'est difficile pour personne de remarquer la contradiction apparente entre les deux catégories, car dans la première la vie d'ici-bas, la richesse et la fortune constituent la meilleure aide pour s'assurer l'Autre Monde, et elles sont considérées comme la tête de tout péché dans la seconde.

Mais cette contradiction peut être résolue par une opération de synthèse. Car si la richesse et son développement constituent à la fois la meilleure aide à l'accession à la vie tranquille de l'Autre Monde et la tête de tout péché, c'est parce qu'elles représentent un instrument à double tranchant et que c'est son cadre psychologique qui montre selon le cas ce tranchant-ci ou ce tranchant-là. En effet, dans l'optique de l'Islam, la richesse et son développement est l'un des buts importants poursuivis, mais c'est un but qui constitue un moyen, et non pas un but qui serait une fin en soi. La fortune n'est pas le but authentique que le Ciel fixe à l'homme musulman sur la terre, mais seulement un moyen à travers lequel l'homme musulman accomplit le rôle de Khilâfah (lieutenance, mandat) et qu'il utilise en vue de développer toutes les énergies humaines et de sublimer l'humanité de l'homme dans ses domaines moraux et matériels. Ainsi, le développement de la richesse et de la production en vue de réaliser le but essentiel de la Khilâfah (mandat) de l'homme sur la terre devient la meilleure aide à l'accession à la vie de l'Au-delà.

Celui qui ne s'efforce pas de réaliser ce but n'a rien de bon, et les Musulmans, en tant que porteurs du Message dans la vie, ne doivent pas abandonner et négliger ce but. Par contre, le développement de la richesse et de la production pour la richesse elle-même et en tant que domaine dans lequel l'homme exerce sa vie et plonge, constitue la tête de tout péché et c'est cela qui éloigne l'homme de son Seigneur et c'est cela qu'il faut abandonner.

L'Islam veut donc que l'homme musulman développe la richesse pour pouvoir la contrôler et l'utiliser en vue de développer son existence en tant que tout, et non pas pour que la richesse elle-même ait une prise sur lui, ni qu'elle lui prenne les rênes de la direction, ni qu'elle écarte de sa vue les grands objectifs.

La richesse et les moyens de son développement qui forment un rideau entre l'homme et son Seigneur, qui le distraient de ses désirs spirituels, qui suspendent son grand Message d'instaurer la Justice sur cette planète et qui le font s'attacher à la terre, l'Islam les rejette. Par contre, la richesse et les moyens de son développement qui mettent l'accent sur le lien de l'homme musulman avec son Seigneur Bienfaiteur, qui lui permettent de L'adorer avec facilité et aisance, qui facilitent le développement et le perfectionnement de tous ses dons et énergies, et qui l'aident à réaliser ses idéaux de justice, de fraternité et de dignité, constituent le but que l'Islam fixe à l'homme musulman et le poussent vers lui.

Le rattachement du développement de la production à la distribution


En ce qui concerne l'idée capitaliste -du développement de la production- qui considère l'opération du développement de la richesse indépendamment de la façon de sa distribution, l'Islam rejette cette idée et lie le développement de la richesse en tant que but à la distribution et à la condition que ce développement apporte l'aisance et le bien-être aux membres de la Ummah ; car le développement de la richesse est dans l'optique de l'Islam un but de moyens, et non pas un but final, comme nous l'avons dit dans la précédente section. Donc, tant que les opérations du développement ne contribuent pas à répandre l'aisance et le bien-être entre les individus, et tant qu'elles ne leur apportent pas les conditions leur permettant de donner libre cours à leurs dons bienveillants et de réaliser leur Message, le développement de la richesse ne pourra pas jouer son rôle sain dans la vie de l'homme.

C'est pour cette raison qu'on remarque que dans la lettre de l'Imam 'Alî au Gouverneur d'Egypte (lettre dans laquelle celui-là fixait à celui-ci le programme islamique qu'il devait appliquer) ce qui est conçu, s'agissant du "développement de la richesse" en tant que l'un des buts de la richesse de la "société des gens pieux" (selon l'expression de la lettre) ce n'est pas une accumulation considérable de la richesse, mais l'aisance et le bien-être généralisés à la vie de tous les membres de la société des gens pieux. Ceci confirme donc que le développement de la richesse n'est un but que dans la mesure où ce développement se reflète dans la vie et les moyens d'existence des gens. Mais lorsque la richesse se développe indépendamment de la vie des gens et que le public est mis au service de ce développement, et non pas le contraire, la richesse devient l'objet d'une sorte d'idolâtrie et un but final, et non pas un but de moyens, et on peut lui appliquer cet avertissement du Prophète (Ç) lorsqu'il parlait de cette sorte de richesse et mettait en garde contre ses dangers :

«Les dinar jaunes et les dirham blancs vont vous faire périr comme ils ont fait périr ceux qui vous ont précédés.»

Partant de là, l'Islam, lorsqu'il fixe comme but de la société le développement de la production, a présent à l'esprit l'association de ce développement à l'aisance et aux bien-être généraux. C'est pourquoi il rejette les moyens de développement qui ne concordent pas avec cette vision et qui nuisent aux gens au lieu de leur faciliter la vie.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons estimer que si l'Islam avait pris les rênes de la direction au lieu du capitalisme, à l'époque de la naissance de la machine à vapeur, il n'aurait autorisé l'utilisation de ce nouvel outil -qui, tout en doublant la production, a éliminé des milliers de travailleurs manuels- qu'une fois les difficultés et les dégâts que cause cet outil à ces travailleurs, éliminés, car le développement que l'outil réalise avant l'élimination desdits difficultés et dégâts ne sera pas un but de moyens, mais un but final.

La conception islamique du problème économique

Enfin, l'Islam considère que le problème économique fondé sur une conception réaliste des choses n'est pas né de la rareté des sources de la production et de la parcimonie de la nature.

Certes, les sources de la production dans la nature sont limitées, alors que les besoins de l'humanité sont nombreux et variés. Certes aussi, une société utopique jouissant de ressources illimitées et aussi disponibles que l'air demeurerait à l'abri des problèmes économiques et ne connaîtrait pas de pauvres, étant donné que chaque individu serait en mesure de satisfaire tous ses désirs dans ce paradis. Mais cela ne veut pas dire que le problème économique dont souffre l'humanité dans la réalité découle de l'inexistence de ce paradis terrestre. Pis, tenter de l'expliquer sur cette base n'est qu'une façon d'éviter d'affronter la face réelle du problème -celle qui a une solution- en mettant en évidence la face utopique du problème -celle qui ne peut être résolue en aucun cas- et ce afin de faire admettre qu'il s'agirait d'un problème inévitable et d'en limiter la solution relative au développement de la production en tant qu'opération visée en elle-même, ce qui conduit en conséquence à placer le système économique dans le cadre du problème -au lieu de rechercher un système susceptible de résoudre ce problème. C'est ce qu'a fait le capitalisme lorsqu'il a mis en évidence la face utopique du problème et qu'il s'est imaginé qu'étant donnée la parcimonie de la nature ou son incapacité à satisfaire tous les besoins de l'homme, il était naturel que les hommes se heurtent et s'opposent entre eux et que s'impose par conséquent la nécessité de trouver le système économique qui coordonne ces besoins et détermine ceux d'entre eux qui doivent être satisfaits.

L'Islam rejette tout cela, et regarde le problème sous son angle réaliste susceptible d'être résolu et ce, conformément à la Parole d'Allah :

«Allah ! C'est Lui Qui a créé les cieux et la terre et Qui fait descendre du ciel une eau grâce à laquelle IL fait pousser des fruits pour votre subsistance. IL a mis à votre service le vaisseau pour que celui-ci, par Son Ordre, vogue sur la mer. IL a mis à votre service les fleuves. IL a mis à votre service le soleil et la lune qui gravitent avec régularité. IL a mis à votre service la nuit et le jour. IL vous a donné tout ce que vous Lui avez demandé. Si vous vouliez compter les Bienfaits d'Allah, vous ne sauriez les dénombrer. L'homme est vraiment très injuste et très ingrat.»(233)

Après avoir passé en revue les sources de la richesse qu'Allah a accordées à l'homme, ces Versets affirment qu'elles sont suffisantes pour satisfaire les besoins de l'homme et réaliser ce dont il a besoin («IL vous a donné tout ce que vous Lui avez demandé»). Le problème réel n'est donc pas né de la parcimonie de la nature, ni de son incapacité à répondre aux besoins de l'homme, mais de l'homme lui-même, comme l'a fait remarquer le dernier Verset («L'homme est vraiment très injuste et très ingrat.») Ainsi, l'injustice de l'homme dans la distribution de la richesse, et son ingratitude vis-à-vis du Bienfait dont il n'exploite pas complètement toutes les sources qu'Allah lui a accordées, sont les deux causes du problème que vit l'homme misérable depuis les époques les plus reculées. Il suffit d'expliquer le problème sur un fond humain pour qu'il soit possible de découvrir sa solution et pour que soit réalisable l'éradication de l'injustice et de l'ingratitude vis-à-vis du Bienfait, par la recherche de rapports de distribution justes, et par la mobilisation de toutes les forces matérielles en vue de l'exploitation de la nature et de la découverte de tous ses trésors.(234)

Le lien entre la production et la distribution

Y a-t-il un lien entre les formes de production et les rapports de distribution ?

C'est là la question à propos de laquelle la réponse diffère fondamentalement sur le plan de la doctrine économique, selon qu'elle est donnée par l'Islam ou le marxisme.

Le marxisme affirme l'existence de ce lien et croit que chacune des formes de production impose selon la loi de l'évolution une sorte particulière de distribution, à savoir celle qui concorde avec ladite forme de production, et suit son développement et son évolution. Et si la production prend une nouvelle forme qui ne concorde pas avec son mouvement avec les rapports de distribution que la précédente forme avait imposés, ces rapports de distribution seront obligés de céder leur place -après avoir souffert de contradictions et d'une lutte acharnée- à de nouveaux rapports de distribution qui concordent avec la forme prévalant de la production et qui l'aide à se développer et à bouger. Ainsi, le marxisme considère que le système de distribution suit toujours la forme de production et s'adapte selon son besoin. Cette subordination est une loi naturelle rigoureuse de l'Histoire et ne peut être ni remplacée ni amendée. La question fondamentale dans la vie de l'homme est donc qu'il produise et que la production continue et se développe régulièrement. Quant à savoir comment la production est distribuée, qui obtiendra le droit de s'approprier les moyens de production, si la distribution se fait sur la base de l'appropriation des esclaves, ou sur la propriété féodale, ou la propriété bourgeoise, ou la propriété du prolétariat, tout ceci sera déterminé par l'intérêt de la production elle-même. Ainsi, la production prend-elle dans chaque étape historique le mode provisoire de pro- duction qui lui permet de se développer dans son cadre.

Nous avons étudié en détail cette théorie marxiste dans le tome I de "Notre Economie", et nous avons pu tirer de notre étude des conclusions opposées à la théorie, condamnant philosophiquement et scientifiquement celle-ci, et démontrant son incapacité à expliquer l'Histoire(235). Nous avons également appris dans certaines de nos précédentes recherches quelle est la position de l'Islam sur cette théorie, et comment il refuse la subordination de la distribution à la forme de production(236).

L'orientation de la production en vue de garantir la justice de la distribution

Lorsque l'Islam nie la subordination de la distribution aux formes de production ainsi que son adaptation à ces formes par la force de la loi naturelle de l'Histoire, comme le prétend le marxisme, il ne nie pas catégoriquement tout lien entre la distribution et la forme de production, mais croit que le lien entre la distribution et la production n'est pas un lien de subordination découlant d'une loi naturelle, mais un lien que la doctrine impose et par lequel elle détermine la production par rapport à la distribution au lieu d'adapter celle-ci aux besoins de la production, comme le décide la théorie marxiste.

Dans ce lien, l'idée est fondée sur les points suivants :

1 - L'Economie islamique considère les règles de la distribution qu'elle a définies comme étant fixes et valables partout et à toutes les époques, à l'ère de l'électricité et de l'atome comme à l'ère de la machine à vapeur, à l'ère du moulin à vent et du travail manuel. Dans toutes ces ères, par exemple, la règle selon laquelle "le travailleur a le droit de cueillir les fruits de son travail" est valable.

2 - Les opérations de production que pratique l'individu sont considérées comme une étape d'application de ces règles générales de la distribution. Ainsi, la mise en valeur de la terre, la découverte d'une source d'eau, le coupage de bois, l'extraction de métaux, sont considérés tous comme des opérations de production, et conduisent en même temps à l'application des règles générales de la production aux richesses produites. Le domaine de la production est donc la circonstance de l'application des règles de la distribution.

3 - Si le niveau de la production augmente et que ses moyens et ses possibilités s'accroissent, le contrôle de la nature par l'homme grandit et il devient possible pour l'individu équipé de forces de production d'exercer son activité dans un cadre plus large que les domaines qui s'offraient à lui avant le développement de la production et l'augmentation de son niveau.

En tenant compte de ces points, nous saurons que le développement de la production et l'accroissement de ses forces permettent à l'homme d'exploiter de plus en plus les règles générales de la distribution pendant l'étape de l'application, à travers les opérations de production qu'il exerce. Cette exploitation pourrait atteindre un degré qui représente un danger pour l'équi- libre général et les idéaux de justice sociale en Islam.

Pour illustrer ceci, prenons l'exemple de la mise en valeur de la terre. A l'ère du travail manuel, l'homme ne pouvait pas mettre en valeur des surfaces étendues de terrain, car la théorie ne l'autorise pas à employer des salariés à cet effet, et il ne pouvait pas pratiquer la mise en valeur avec les instruments de l'ère pré-industrielle, si ce n'est d'une façon limitée. C'est pourquoi il n'avait pas la possibilité de mal exploiter les règles générales de la distribution à l'étape de l'application ni de posséder des surfaces trop importantes de terre, conformément à la règle qui confère à l'exploitant un droit sur la terre qu'il met en valeur. Mais l'ère de l'outil offre à l'individu la possibilité de mettre en valeur des étendues considérables de terre, et de mal exploiter les règles générales de la distribution à l'étape de l'application, auquel cas il est inévitable d'orienter l'application d'une façon telle qu'elle concorde avec les idéaux de justice sociale en Islam.

De là la naissance, en Islam, du lien doctrinal entre la production et la distribution. Son origine (de ce lien) se trouve en vérité dans l'idée de l'application orientée, laquelle délimite la production -en tant qu'opération d'application des règles de la distribution- d'une façon qui garantit la justice de la distribution et la concordance de celle-ci avec les idéaux et les buts de l'Islam.

L'Islam a traduit l'idée de l'application orientée, qui détermine la production par rapport à la distribution, dans le fait qu'il donne au Tuteur le droit d'intervenir pour restreindre l'application de la règle et interdire les travaux qui conduisent à mal exploiter les règles de la distribution. Ainsi, dans l'exemple de la terre que nous venons de donner, le Tuteur a le droit de n'autoriser l'individu à pratiquer la mise en valeur que dans des limites fixées conformément à la conception islamique de la justice sociale, et ce comme le stipule le principe de l'intervention de l'Etat que nous étudierons dans un prochain chapitre.

Ainsi, nous savons maintenant que le développement et l'accroissement de la production pourraient imposer au Tuteur d'intervenir en vue d'orienter la production et de limiter les domaines d'application des règles générales de la distribution, sans toucher à l'essence des règles elles-mêmes.

Cela signifie que le principe de l'intervention de l'Etat, qui permet à celui-ci d'orienter l'application, est la règle par laquelle l'Islam a garanti la validité de ses règles générales de la distribution et leur concordance avec ses conceptions de la justice partout et à toutes les époques.

Le lien entre la production et la circulation

Comme on le sait, la production est une opération de développement de la nature en une forme meilleure pour les besoins de l'homme(237)

La circulation est, dans son sens matériel, le transfert des choses d'un lieu à un autre, et dans son sens juridique (et c'est ce sens que nous visons dans notre présente recherche) l'ensemble des opérations du commerce qui se déroulent à travers les contrats de troc, tels que vente, etc.

Il est évident que la circulation dans son sens matériel est une des opérations de la production, car le transfert de la richesse d'un lieu à un autre crée souvent une nouvelle utilité et est considéré comme un développement de l'article en un état meilleur pour les besoins de l'homme, et ce, que le transfert soit vertical -comme dans les industries d'extraction dans lesquelles la production effectue l'opération du transport des matières premières du sous-sol vers la surface de la terre- ou horizontalement, comme c'est le cas du transport des articles produits vers des lieux proches des consommateurs et leur mise à leur disposition ; le transport ainsi fait est donc une sorte de développement en un état meilleur pour les besoins de l'homme.

Quant à la circulation au sens juridique, et le transfert de droits et de propriété d'un individu à un autre, tel que nous le voyons dans les opérations commerciales, il doit obligatoirement -en tant qu'opération juridique- tirer son concept et définir ses rapports avec la production à partir d'un fondement doctrinal.

C'est pourquoi nous pouvons étudier l'avis de l'Islam sur le lien entre la production et la circulation, et la nature du rapport qu'il établit entre eux dans son schéma doctrinal général.

Le concept islamique de la circulation et de son lien doctrinal avec la production ne contribue pas seulement à une conception doctrinale globale, mais joue aussi un rôle important dans la définition d'une politique générale de la circulation et dans le comblement du vide que l'Islam a laissé pour l'Etat islamique afin que celui-ci le remplisse selon les circonstances.

Le concept islamique de la circulation

Il apparaît, d'après l'étude des textes des concepts et des statuts ainsi que de leur orientation législative générale, que la circulation est en principe, selon l'avis de l'Islam, une branche de la production, et qu'il ne faut pas la séparer de l'aire générale de celle-ci (la production).

Ce concept islamique que nous apercevrons dans de nombreux textes et statuts, concorde parfaitement avec l'historique et la naissance de la circulation et avec les besoins objectifs qui l'ont fait naître.

La circulation n'existait probablement pas d'une façon répandue dans des sociétés où chaque individu se contentait habituellement de ce qu'il produisait directement pour satisfaire ses besoins simples ; car l'homme qui vivait dans cette auto-suffisance ne ressentait souvent pas un besoin d'obtenir les produits d'un autre individu, pour qu'il établisse avec lui ce genre de circulation et d'échange. La circulation est née, dans la vie de l'homme, de la division du travail, en vertu de laquelle chaque individu se mit à exercer une des branches de la production, à produire, dans cette branche, une quantité plus grande que ses besoins, à obtenir tous les articles dont il avait besoin chez les producteurs desdits articles au moyen de l'échange, en leur fournissant ce dont ils avaient besoin de sa production contre ce dont il avait besoin des leurs. Ainsi, la diversification et la multitude des besoins ont imposé la division du travail de la sorte, ce qui a conduit la circulation à s'étendre largement dans la vie de l'homme.

Le producteur de blé, par exemple, se limite à la production de blé, et pour satisfaire son besoin de laine, il offre à un producteur de laine qui a besoin de blé, une quantité de l'excédent de sa production de blé contre la quantité de laine dont il a besoin.

Dans ce cas de figure, nous remarquons que le producteur de blé rencontre le consommateur directement. De même, le berger, en tant que producteur de laine, a pris contact, dans cette opération de circulation, avec le consommateur de laine sans intermédiaire. Selon ce scénario, le consommateur est toujours un producteur à d'autres égards.

La circulation a évolué par la suite et a connu un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, et dans notre exemple précédent, le producteur de laine ne vendait plus sa marchandise directement au producteur de blé ; une troisième personne va jouer le rôle d'intermédiaire entre eux : il achetait les quantités produites de laine, non pas pour les consommer pour ses besoins personnels, mais pour la préparer et la mettre à la disposition des consommateurs. Désormais, au lieu que le producteur de blé prenne contact avec le producteur de laine, il rencontrait cet intermédiaire qui avait préparé la laine à la vente, et se mettait d'accord avec lui pour l'achat. De là sont nées les opérations commerciales, et l'intermédiaire pouvait désormais ménager aux producteurs et aux consommateurs beaucoup de temps et d'efforts.

A la lumière de ce qui précède, nous savons maintenant que la circulation ou le transfert de propriété dans les deux rôles -le rôle de la rencontre directe entre les producteurs et le rôle du commerçant intermédiaire- était précédé d'un travail de production, effectué par celui qui transfère la propriété du bien à l'autre et en obtient le prix. Dans le premier rôle, le producteur de laine effectuait lui-même l'opération de production de la laine, puis il la vendait et en transférait la propriété à un autre contre une indemnité. Dans le second rôle, c'était l'intermédiaire qui effectuait l'opération du transfert de la laine vers le marché, de sa protection et sa mise à la disposition du consommateur pour qu'il s'en procure lorsqu'il en avait besoin. Or c'est une sorte de production, comme nous venons de le voir.

Cela signifie que les intérêts que réalisait le vendeur en transférant la propriété de son bien vers un autre contre une indemnité -et ce qu'on appelle aujourd'hui les gains- étaient consécutifs à un travail productif effectué par le vendeur, et non pas à l'opération même du transfert de la propriété.

Mais lorsque les motivations égoïstes ont dominé le commerce, notamment à l'époque capitaliste moderne, l'opération du transfert de la propriété a évolué et dévié de sa direction naturelle qui résultait avant d'un besoin objectif sain. La conséquence en a été souvent la sépa- ration de la circulation et de l'échange de la production, et le transfert de la propriété est devenu une opération visée en soi et sans qu'elle soit précédée d'aucun travail productif de la part de celui qui transfère, et effectuée en vue de procurer des intérêts et des gains.

Et alors que le commerce avait été la source de ces intérêts et de ces gains, en tant que branche de la production, il en est devenu la source simplement en tant qu'opération juridique de transfert de la propriété. C'est pourquoi, nous trouvons que dans le commerce capitaliste les opérations juridiques du transfert de la propriété pourraient se multiplier pour un seul bien, selon la multiplication des intermédiaires entre le producteur et le consommateur, rien que pour permettre au plus grand nombre de commerçants capitalistes d'obtenir les gains et les profits de ces opérations.

Il est donc naturel que l'Islam refuse cette déviation capitaliste dans les opérations de la circulation, car elle s'oppose à son concept de l'échange et à sa vision de celui-ci en tant qu'une partie de la production, comme nous l'avons déjà dit. C'est pourquoi il (l'Islam) traite les questions de la circulation et les organise toujours selon sa vision propre de ce sujet, et tend à éviter, dans l'organisation juridique des contrats de troc, de séparer législativement la circulation de la production, d'une façon très nette.

Les textes doctrinaux du concept

Maintenant que les aspects du concept islamique de la circulation sont éclaircis, il est facile d'apercevoir ce concept dans les textes doctrinaux de l'Islam et dans un groupe de statuts et de législations qui comprend la superstructure de la Charî'ah.

Parmi les textes doctrinaux qui reflètent ce concept et déterminent la vision islamique de la circulation, notons ce que l'Imam 'Alî (S) a écrit dans sa lettre à son Gouverneur d'Egypte, Mâlik al-Achtar, lettre dans laquelle il lui élabore un programme de travail, et définit les concepts islamiques :

«Traite bien et recommande de bien traiter les commerçants et les artisans, ceux qui sont sédentaires comme ceux qui vont à l'aventure avec leurs biens, ou ceux qui gagnent leur vie à la sueur de leur front, car ils sont l'origine des utilités et la source du confort ; ce sont eux qui l'apportent des pays les plus lointains et les plus reculés, sur la terre et sur la mer, dans les plaines et dans les montagnes, et là où d'autres hommes ne s'entendraient pas pour l'installer, et n'oseraient pas le rechercher.»

Il ressort clairement de ce texte que la classe des commerçants est placée au même rang que les artisans, c'est-à-dire les producteurs, et que les deux catégories sont qualifiées "d'origine des utilités", puisque le commerçant crée une utilité, tout comme l'artisan. Puis le texte explique les utilités que créent les commerçants et le travail qu'ils accomplissent en apportant le bien de régions lointaines et reculées, et là où les gens ne s'entendraient pas pour l'installer, et n'oseraient pas le rechercher.

Donc le commerce est dans l'optique de l'Islam une sorte de production et de travail qui donne des fruits, et ses profits proviennent, à l'origine, de là, et non pas uniquement du cadre juridique de l'opération.

Ce concept islamique de la circulation n'est pas une simple conception théorique, mais il traduit une orientation pratique générale, car il fournit la base à la lumière de laquelle l'Etat remplit le vide qui lui est laissé, dans les limites de ses compétences, comme nous l'avons signalé précédemment.

L'orientation législative reflétant le concept


Quant aux statuts et législations qui reflètent le concept islamique de circulation, nous pouvons les trouver dans les textes législatifs et les avis jurisprudentiels suivants :

1 - Selon l'avis d'un nombre de faqîh dont al-'Omânî, al-Çadûq, al-Chahîd al-Thânî, al-Châfi'î, etc., si un commerçant achète du blé par exemple, il n'a pas le droit de le revendre à un prix supérieur en vue de réaliser un gain, sans avoir tout d'abord reçu effectivement le blé en question. Il n'a le droit de le revendre qu'après qu'il est entré en sa possession, et ce bien que l'opération juridique de transfert s'effectue, selon la jurisprudence islamique, dans le même contrat, et qu'elle ne soit subordonnée à aucun travail positif par la suite. En effet, le commerçant devient le propriétaire du blé -même s'il ne lui a pas encore été livré- dès que le contrat est signé, mais malgré cela il ne lui est pas permis d'en faire un article de commerce et d'en réaliser du gain tant qu'il n'aura pas reçu la marchandise, et ce par souci de lier les profits commerciaux à un travail, et d'empêcher le commerce d'être un simple acte juridique lucratif.

Cet avis est explicite dans plusieurs textes législatifs. Ainsi, selon 'Alî ibn Ja'far :

«Lorsqu'on a demandé à l'Imam Mûsâ ibn Ja'far (S) si un homme a le droit de revendre une denrée alimentaire qu'il a achetée, avant de l'avoir reçue, l'Imam a répondu :

S'il réalise un bénéfice, cela n'est pas licite tant qu'il n'aura pas pris livraison [de la marchandise], mais si c'est par "tawliyah", c'est-à-dire s'il la revend au même prix qu'il l'a achetée et sans faire de bénéfice, c'est possible.»(238)

Selon al-'Allâmah al-Hillî, dans "Al-Tath-kirah" :

«Un groupe de nos uléma ont interdit qu'on revende [une marchandise] sans avoir pris livraison, dans tout acte de vente.»(239)

L'imam al-Châfi'î a dit :

«Pour nous, si on achète quoi que ce soit, on n'a pas le droit de le revendre avant de l'avoir reçu.»(240)

Les faqîh hanafites aussi ont exprimé le même avis.(241)

2 - Selon al-Iskâfî, al-'Omanî, al-Qadhî, Ibn Zohrah, al-Halabî, Ibn Hamzah, Mâlik et beaucoup d'autres faqîh :

«Si le commerçant achète un bien à terme(242), dont il paie préalablement le prix, il n'a pas le droit, lors de l'échéance(243), de revendre à un prix supérieur ce qu'il avait acheté -avant de l'avoir reçu effectivement.»(244)

Ainsi, si vous achetez du blé chez un cultivateur, et que vous vous mettiez d'accord avec lui pour qu'il vous livre la marchandise un mois plus tard, tout en lui ayant effectivement payé celle-ci, vous n'aurez pas le droit de revendre ce blé après un mois, à un prix plus élevé, avant de l'avoir reçu, dans le but d'exploiter l'acte juridique de transfert en vue d'obtenir un (nouveau) gain. Toutefois, vous pouvez revendre la marchandise au même prix que vous l'avez achetée.

Ibn Qudâmah a écrit :


«Nous ne connaissons aucune divergence sur l'interdiction faite au Musulman de revendre une marchandise avant de l'avoir reçue.»(245)

Les tenants de cet avis se sont appuyés sur plusieurs riwâyah (récit, hadith des Imams) dont :

«Amîr al-Mo'minîn 'Alî (S) a dit :

"Quiconque achète à terme une denrée alimentaire ou du fourrage et qui, constatant par la suite que la condition du contrat n'est pas remplie, se fait restituer son argent, ne doit se faire restituer que son capital. On ne doit ni léser, ni être lésé."»(246)

Selon un autre hadith :

«Ya'qûb ibn Chu'ayb a demandé à l'Imam al-Çâdiq (S) s'il est permis qu'un homme vende du blé et des dattes, à terme, contre cent dirham, et que lorsque l'acheteur revient à l'échéance pour lui réclamer la marchandise, il lui dise :

Par Allah ! Je ne possède que la moitié de ce que je te dois ! Prends donc, si tu veux bien, la moitié de ce que je te dois en blé, et l'autre en argent.

L'Imam a répondu :

Oui, c'est possible, si la somme restituée est égale à la somme payée, c'est-à-dire cent dirham.»(247)

3 - Dans beaucoup de hadith du Prophète (Ç), il est question de l'interdiction "d'aller à la rencontre des rikbân"(248), et de la vente par les commerçants citadins des marchandises des vendeurs campagnards. Selon un hadith :

«Le Messager d'Allah (Ç) a dit :

"Que personne d'entre vous n'aille à l'extérieur de la ville pour recevoir une marchandise de commerce, et qu'un citadin ne vende pas à la place d'un campagnard."»(249)

Selon al-Châfi'î, citant Jâbir :

«Le Messager d'Allah (Ç) a dit :

"Qu'un citadin ne vende pas à la place d'un campagnard. Laissez les gens gagner leur vie entre eux."»

Et citant Abû Hurayrah, il a écrit également :

«Le Messager d'Allah (Ç) a dit :

"N'accueillez pas les marchandises."»(250)

"Aller à la rencontre des rikbân", c'est la sortie des commerçants à l'extérieur de la ville pour accueillir les propriétaires de marchandises, leur acheter celles-ci avant qu'ils n'entrent dans la ville, et revenir ensuite pour les revendre soi-même en ville.

Quant à "la vente par les citadins à la place des campagnards", c'est le fait qu'un commerçant de la ville accueille les campagnards qui viennent à la ville, chargés de leurs produits : fruits, lait, etc. et les leur achète en vue de les revendre et de les mettre en commerce.

Il est clair que l'interdiction de ces deux opérations comporte le caractère de l'orientation islamique que nous essayons de prouver, car cette interdiction vise à se passer de l'intermédiaire et de son rôle parasitaire qui consiste à empêcher le contact direct entre le producteur de la marchandise et le consommateur, uniquement pour permettre à l'intermédiaire de réaliser des profits en s'interposant entre les deux.

Si l'Islam n'encourage pas ce rôle d'intermédiaire, c'est parce qu'il s'agit d'un rôle artificiel qui ne confère aucun contenu productif aux opérations commerciales, et qui ne vise que l'échange pour le profit.


Notes


233. Sourate Ibrâhîm, 14 : 32-34

234. Voir tome I de "Notre Economie" (édition arabe), p. 328.

235. Voir tome I de "Notre Economie", pp. 17-196.

236. ibid. pp. 316-327

237. Selon l'expression traditionnelle en Economie, la production est la création d'une nouvelle utilité. Mais si nous avons préféré la première définition (ci-dessus), c'est parce que ceux qui les définissent par cette seconde formule tombent dans une généralisation involontaire, étant donné qu'ils interprètent l'utilité comme une qualité dans la chose qui rend celle-ci apte à satisfaire n'importe quel besoin, et disent que cette qualité n'est pas une qualité subjective ou objective dans la chose, mais naît du simple désir en elle, même si ce désir est fondé sur une erreur d'appréciation de la situation, comme c'est le cas par exemple du désir de médicaments suscité par une croyance erronée que ces médicaments pourraient prévenir la maladie.

En définissant la production et l'utilité de cette façon, la production peut se définir comme l'action de l'individu en vue de convaincre le public de l'utilité d'un article donné pour la prévention ou le traitement car cette action crée une nouvelle utilité et conduit cet article à jouir de la qualité de satisfaire un besoin général, même si l'individu n'a travaillé l'article dans aucune activité commerciale. C'est la généralisation à laquelle aboutit la définition traditionnelle. C'est pourquoi nous avons préféré définir la production comme le développement de la nature en une meilleure forme pour les besoins de l'homme. De cette façon, le travail n'acquiert le caractère de production que s'il crée un besoin et travaille la nature sous une forme ou sous une autre.

238. "Al-Wasâ'il", d'al-Hor al-'Amilî (Mohammad ibn al-Hassan), tome XII, p. 389.

239. "Tath-kirat al-faqîh", 1er vol. de l'édition de Pierre, Kitâb al-Bay', Khâtimah fî Masâ'il al-Qabdh, al-Mas'alah al-ûlâ.

240. "Al-Om" d'al-Châfi'î, tome III, p. 69.

241. "Al-Fiqh 'alâ al-Math-hâhib al-Arba'ah", d'al-Jazîrî, tome XX, p. 224, et "Al-Hidâyah fî Charh Bidâyat al-Mubtadî", d'al-Mirghînânî, tome III, p. 59.

242. Payer immédiatement une marchandise qu'il recevra plus tard.

243. A la date de la livraison de la marchandise achetée.

244. Voir "Jawâhir al-Kalâm fî Charh Charâ'i' al-Islâm" du faqîh Najafite al-Chaykh Mohammad Hassan, vol. IV de l'édition de pierre, Chap. 10: al-Bay'. En ce qui concerne ce que dit Mâlik à ce propos, voir "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah.

245. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome IV, p. 270.

246. "Al-Wasâ'il", d'al-Chaykh al-'Amilî, tome XIII, p. 76.

247. Ces textes (du § 2) indiquent le statut concerné s'ils visent par l'interdiction qu'ils impliquent à empêcher l'acheteur de revendre ce qu'il a déjà acheté avant de l'avoir reçu et après l'arrivée de l'échéance, à un prix supérieur. Mais s'ils veulent expliquer ce que l'acheteur peut revendiquer, lorsqu'il résilie le contrat conformément à son droit, une fois que le vendeur a failli à son engagement de lui livrer la marchandise au délai fixé, l'interdiction signifie dans ce cas que si l'acheteur ne reçoit pas à la date prévue la marchandise qu'il a déjà achetée, et qu'il résilie en conséquence le contrat, il ne peut se faire restituer que la somme qu'il a déjà payée au vendeur. Si tel est le cas, les textes ne comporteraient plus aucune indication de l'interdiction de revendre à un prix supérieur avant la livraison de la marchandise.

248. Les caravanes qui apportent les marchandises pour les vendre en ville.

249. "Al-Wasâ'il", d'Al-Hor al-`Âmilî, tome XII, pp. 362-327

250. "Al-Om", d'Al-Châfi`î, tome III, pp. 92-93

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