Jeu04252024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Pour qui produire ?

4- POUR QUI PRODUIRE ?



J'aimerais commencer par la mise en évidence de la position du capitalisme vis-à-vis de cette question, en la comparant à celle de l'Islam, afin de donner par la suite la réponse à cette question du point de vue islamique, une réponse à traits précis et à caractéristiques distinctives.

La position capitaliste

La doctrine capitaliste dépend, pour ce qui concerne l'orientation de la production, de l'appareil du prix que déterminent les lois de l'offre et de la demande dans le marché libre, car l'Economie capitaliste libre repose sur les projets privés dirigés par des particuliers et soumis à leur volonté, et chacun de ceux-ci dirige son projet et en planifie la production conformément à son intérêt et à son désir de réaliser le plus grand bénéfice possible. C'est le réflexe de bénéfice donc qui adapte chez chaque individu son projet et oriente son activité. Le bénéfice suit le mouvement du prix dans le marché. Chaque fois que le propriétaire d'un projet constate l'augmentation du prix d'un article, il tend à en augmenter la production dans l'espoir d'obtenir un plus grand bénéfice. Et il est évident que la hausse du prix de l'article dans le marché reflète dans les circonstances normales l'augmentation de la demande dudit article. De cette façon, le capitalisme garantit que la production soit liée à la demande, car c'est le bénéfice qui anime la production, et c'est la hausse du prix qui attire les projets capitalistes par le bénéfice, et c'est enfin l'augmentation de la demande qui conduit à la hausse du prix. Le résultat en est qu'en fin de compte, la production est orientée par les consommateurs et adaptée à leurs besoins, lesquels se traduisent par l'augmentation de la demande et la hausse du prix. C'est pour cela que le capitalisme répond à la question : "Pour qui produire ?" que la production est pour les consommateurs et leurs besoins, et elle est proportionnellement directement inverse à ces besoins.

 

Critique de la position capitaliste

Telle est l'image apparente de la production capitaliste, ou plutôt l'image brillante dans le beau cadre de laquelle les capitalistes tentent de faire paraître la production capitaliste, afin de montrer qu'il y a une concordance et une convergence entre la ligne de la production et la ligne de la demande et leurs deux mouvements généraux dans le système capitaliste.

Mais cette image, bien que partiellement vraie, ne peut dissimuler la contradiction criarde, dans le système capitaliste, entre la production et la demande. Car si elle explique la corrélation dans un enchaînement de maillons multiples entre la production et la demande, elle ne détermine pas la signification de la demande ni ne dévoile le concept capitaliste de cette demande qui gouverne la production et y fait face par la hausse des prix des marchandises.

En vérité, dans la compréhension capitaliste, la demande est l'expression monétaire plutôt qu'humaine d'un besoin, car elle ne comprend qu'une partie particulière de la demande, à savoir la demande qui conduit à la hausse du prix de l'article dans le marché, c'est-à-dire la demande qui jouit du pouvoir d'achat et possède un crédit monétaire capable de le satisfaire. Quant aux demandes dépourvues de ce pouvoir monétaire et qui ne peuvent envahir le marché capitaliste ni conduire à augmenter le prix des marchandises parce qu'elles n'en possèdent pas le prix, elles sont négligées, si urgentes et si nécessaires soient-elles, et si générales et si absorbables s'avèrent-elles. Car il faut que le demandeur prouve qu'il y a une demande par l'argent qu'il présente. Et tant que la demande ne fournit pas cette preuve, elle n'a ni le droit d'orienter la production, ni son mot à dire dans la vie économique capitaliste, même si elle émane du fond de la réalité humaine et de ses nécessités urgentes.

Dès lors que nous connaissons la conception capitaliste de cette demande, tous les rêves dorés que les partisans de l'Economie libre ont conté sur la production capitaliste et sur son adaptation aux besoins et à la demande se dissipent, car le pouvoir d'achat, dans la société capitaliste, ne se trouve -à de hauts niveaux- que chez une minorité de privilégiés qui contrôlent les richesses du pays, et il est très bas chez les autres, et diminue considérablement au niveau de la base, laquelle constitue la majorité de la société capitaliste. Et comme par suite de cette disparité énorme dans le pouvoir d'achat -du point de vue capitaliste- les demandes jouissant d'un grand pouvoir d'achat s'accaparent l'orientation de la production et dictent leur volonté à celle-ci, car ce sont elles qui allèchent les détenteurs de grands projets et leur mettent l'eau à la bouche, et c'est ce qui conduit à majorer les prix et à empêcher de satisfaire les demandes courantes et nécessaires du public, qui ne possède pas un pouvoir d'achat alléchant.

Et étant donné que les demandes à pouvoir d'achat considérable sont capables d'attirer tous les articles nécessaires et de luxe, tous les instruments de distraction et de bien-être du marché capitaliste, alors que les demandes à faible pouvoir d'achat sont incapables d'attirer même les articles nécessaires d'une façon suffisante, cela conduira les marchés capitalistes à mobiliser toutes leurs énergies en vue de satisfaire les demandes de luxe et les désirs avides qui ne cessent de s'ingénier à rassasier leur avidité, à demander encore et toujours de nouveaux instruments de pétulance et de moyens de jouissance et de plaisirs, alors que les demandes de l'écrasante majorité des gens, en articles nécessaires et en marchandises de la vie quotidienne, demeurent insatisfaites et privées de l'attention de la production capitaliste, sauf bien entendu lorsqu'il s'agit d'assurer une disponibilité de main-d'oeuvre aux grands. Ainsi, les marchés capitalistes se trouvent regorger de toutes sortes d'articles de luxe et de bien-être, alors même que parfois fait défaut la quantité suffisante d'articles nécessaires susceptibles de satisfaire complètement tout le monde.

Tel est donc le capitalisme, telle est sa position vis-à-vis de la production, et telle est la méthode qu'il adopte pour déterminer celle-ci.

La position de l'Islam

Quant à l'Islam, on peut résumer sa position dans les points suivants :

1 - L'Islam oblige la production sociale à assurer la satisfaction des besoins nécessaires de tous les membres de la société, par la production d'une quantité d'articles capable de satisfaire ces besoins de la vie quotidienne, et à un niveau de suffisance qui permette à tout individu d'obtenir ce qui correspond à son besoin de ces articles. Tant que ce niveau de suffisance et ce minimum d'articles nécessaires ne sont pas assurés, il n'est pas permis d'orienter les énergies capables de les assurer, vers un autre domaine de la production, car le besoin lui-même a un rôle positif dans le mouvement de la production, abstraction faite du pouvoir économique de ce besoin et de son crédit monétaire.

2 - De même, l'Islam oblige la production sociale à ne pas déboucher sur la prodigalité, car celle-ci est interdite par la Charî'ah, qu'elle soit due au comportement d'un individu ou au comportement général de la société à travers le mouvement de la production. Ainsi, de même qu'il interdit à l'individu d'utiliser des parfums coûteux pour nettoyer la cour de sa maison -cet usage étant assimilé à une prodigalité-, de même il interdit à la société -ou aux producteurs de parfums- en d'autres termes de produire une quantité de parfums qui dépasserait les besoins de la société et sa capacité de consommation et commerciale, car le surplus de production est une forme de prodigalité et de dilapidation des biens injustifiée.

3 - L'Islam autorise l'Imam à intervenir dans la production pour les raisons justificatives suivantes :

a) Pour que l'Etat garantisse le minimum de production d'articles nécessaires et le maximum de production qu'il ne faut pas dépasser : car il est évident que si les projets privés de production sont conduits selon la volonté de leurs propriétaires et sans une orientation centrale du pouvoir légal, cela conduirait, aux époques de production complexe et considérable, au relâchement de la production sociale, à la prodigalité et à des excès d'une part, au sacrifice du minimum d'autre part. Donc, pour garantir que la production sociale reste dans les deux limites prévues (maximum et minimum requis), il est indispensable qu'il y ait une supervision et une orientation.

b) Pour combler la zone de vide selon les exigences des circonstances. En effet, étant donné que la zone de vide juridique comprend toutes les sortes des activités permises naturellement, le Tuteur a le droit d'intervenir dans ces sortes d'activités et de les limiter selon les buts généraux de l'Economie islamique. Nous parlerons en détail de cette zone de vide, de ses limites et de son rôle, dans le prochain chapitre. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est de noter que les pouvoirs accordés au Tuteur pour remplir la zone de vide, lui donnent le droit d'intervenir dans le mouvement de la production, de le superviser et de le limiter au cadre de la zone de vide laissée pour l'Etat.

c) La législation islamique relative à la répartition des richesses naturelles brutes permet de par sa nature, à l'Etat d'intervenir et de contrôler toute la vie économique, car la législation islamique dans ce domaine fait du travail effectif la condition fondamentale de l'appropriation de la richesse naturelle brute, et de l'acquisition d'un droit individuel -selon une affirmation jurisprudentielle que nous avons déjà vue dans certaines superstructures. Cela signifie naturellement que l'individu ne peut, quelles que soient ses possibilités en grands projets, entreprendre l'exploitation de la nature et de ses richesses générales tant qu'il n'y acquiert pas son droit par le travail effectif. C'est pourquoi il faut que le pouvoir légal organise la production des richesses naturelles brutes et des industries d'extraction afin de réaliser, par son intermédiaire, de grands projets d'exploitation de ces richesses, et de les mettre au service de la société islamique.
Et une fois que l'Etat contrôle les industries d'extraction et la production des matières premières brutes, il peut en fin de compte mettre sous son contrôle indirectement les différentes branches de la production de la vie économique, car celles-ci dépendent souvent des industries d'extraction et de la production des matières premières, et le Tuteur peut intervenir dans ces différentes branches d'une façon indirecte en contrôlant l'étape première et fondamentale de la production, c'est-à-dire la production des matières premières.

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