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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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La discussion de cet argument

La discussion de cet argument


D'aucuns arguent du récit rapporté par Ash-Sharîfur-Radîy à partir de l'Imam 'Ali (a. s) (Nahjul-Balâghah, les lettres de l'Imam dont-celle-ci adressée à Mu'âwiyah):

«Ceux qui avaient prêté serment d'allégeance à Abû Bakr, 'Umar et 'Uthmân viennent d'en faire autant pour moi, dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes. Aucune contestation n'était acceptable ni pour ceux qui y avaient pris part ni pour ceux qui y étaient absents. Car la délibération y était aussi bien l'affaire des Muhâjirîne que celle d'Al-Ançars. Si l'unanimité se réalise sur le choix d'un dirigeant (Imam, calife), ce choix est satisfaisant (agréé par Allah?). S'il arrive que par contestation de ce choix ou par hérésie, quelqu'un rompe avec la volonté de la nation on tâche de le persuader d'y retourner. En cas de refus, il sera combattu, pour s'être écarté de la volonté (du chemin) des Croyants. Ensuite Allah le chargera de ce dont il se sera chargé ...»(137)

Dans cette lettre, l'Imam fonde son argumentation à l'encontre de Mu'âwiyah sur l'allégeance, la délibération et l'unanimité des Muhâjirîne et d'Al- Ançars. Ce qui veut dire pour certains que l'Imam est d'avis que le califat établi sur ces fondements est valide. En fait Ash-Sharîfur-Radîy (le compilateur de Nahjul-Balâghah) choisissait parfois des passages extraits des lettres et des sermons de l'Imam, qu'il jugeait d'une rhétorique sans égal et délaissait le reste comme il fit avec la lettre en question, dont l'intégralité se trouve dans le livre de Nasr b. Muzâhim çaffîne. En voici le texte:

 

«Au Nom d'Allah, le Clément le Miséricordieux.

»Ensuite sache que tu es tenu en Syrie de respecter l'allégeance qui me fut accordée à Médine car ceux qui avaient prêté serment d'allégeance à Abû Bakr, 'Umar et Uthmân ont fait autant pour moi, dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes. Aucune contestation n'était acceptable ni pour ceux qui y avaient pris part ni pour ceux qui y étaient absents. Car la délibération y était aussi bien l'affaire des Muhâjirîne que celle d'al-Ançars. Si l'unanimité se réalise sur le choix d'un dirigeant (Imam, calife), ce choix sera satisfaisant. S'il arrive que par contestation de ce choix ou par convoitise, quelqu'un rompt avec cette volonté, il y sera ramené par la persuasion. En cas de refus, il sera combattu pour s'être écarté de la volonté (du chemin) des Croyants. Ensuite Allah le chargera de ce dont il se sera chargé et lui fera affronter la Géhenne et quel détestable "devenir"! Talhah et Az-Zubayr m'ont prêté serment d'allégeance puis se sont parjurés. Leur parjure ayant été l'équivalent de la contestation, je les ai combattus pour cela jusqu'à ce vînt la Vérité et qu'apparût l'Ordre d'Allah en dépit de leur aversion. Rejoins alors dans cette affaire les Musulmans qui t'ont précédé et sache qu'à ton sujet, l'état sauf est ce que j'aime le plus à moins que tu t'exposes à la tentation. Si tu le fais, je te combattrai en implorant l'aide d'Allah contre toi. Pour ce qui est des meurtriers de 'Uthmân dont tu as trop parlé, rejoins d'abord les Musulmans dans leur unité, ensuite si tu les cites (ces meurtriers) à comparaître devant moi, je statuerai entre vous selon le Livre d'Allah. Quant à l'affaire à laquelle tu aspires, ce n'est en fait qu'une tromperie à la manière de celle qu'on inflige à l'enfant pour le sevrer. Ô Mu'âwiyah! de par ma vie, si tu jugeais raisonnablement et en l'absence de tout caprice, tu te rendrais compte que je suis plus que quiconque, innocent de l'assassinat de 'Uthmân. Sache aussi que tu fais partie des affranchis de la Mecque, qui n'ont droit ni au califat ni à la délibération. A toi et à ton voisinage, j'ai envoyé mon représentant, Jarîr b. 'Abdullah un homme de foi et un Muhâjir, pour que tu prêtes auprès de lui ton serment d'allégeance et nulle puissance que par Allah».(138)

A la lecture de cette lettre, il devient clair que l'Imam 'Ali fit valoir contre Mu'âwiyah l'argument qu'ils se sont engagés de considérer - l'Imam dit à Mu'âwiyah: «tu es tenu en Syrie de respecter l'allégeance qui me fut accordée à Médine, comme c'était le cas avec 'Uthmân qui reçut à Médine l'allégeance que tu étais tenu, en Syrie, de respecter. Tes semblables vivant à l'extérieur de Médine sont tenus également de se plier à l'allégeance qui me fut accordée à l'intérieur de Médine, comme cela s'était passé à l'époque de 'Umar».

C'est ainsi qu'agissent les hommes raisonnables dans leur argumentation: ils n'avancent à l'encontre de l'adversaire que ce qu'il est tenu de considérer comme arguments.

D'autre part dans cette lettre ou bien l'Imam a dit: «... ce choix sera satisfaisant (comme l'avait rapporté Nasr b. Muzâhim) ou bien la même phrase avec cet ajout "pour Allah".

Selon la première version quand l'unanimité des Croyants se réalise sur le choix d'un dirigeant, cela sera satisfaisant pour eux à condition qu'ils n'aient pas prêté serment d'allégeance sous la contrainte et la menace de l'épée.

Si l'on suppose que c'est la deuxième version qui correspond à ce que dit l'Imam, cela revient au même car l'unanimité d'al-Muhâjirîne et d'al-Ançars y compris l'Imam 'Ali et les petits-fils du Messager, Hassan et Hussayn aurait fait sûrement l'objet d'une satisfaction divine.

Enfin je ne sais pas pourquoi ces auteurs arguent de cette lettre figurant dans Nahjul-Balâghah et oublient ou font semblant d'oublier les autres propos de l'Imam contenus dans le même livre. En voici un exemple (chap.: "Des pensées de l'Imam, de sa sagesse"):

«Quand le "Prince des Croyants" fut informé de ce qui s'était passé à la Saqîfah, après la mort du Messager d'Allah, il dit: «Qu'avaient dit al-Ançar?».

- De nous un prince et de vous un prince», lui répond-on. Pourquoi n'avez-vous pas argué à leur encontre que le Messager d'Allah (SAW) avait commandé qu'on fît du bien aux bienfaiteurs parmi eux et qu'on pardonnât au fautif? Y a-t-il là un argument valable à leur encontre?, lui demanda-t-on.

- Oui, puisque si c'était à eux que devrait échoir le califat, il serait inopportun de commander quoi que ce fût à leur profit!

Ensuite, l'Imam (a. s.) demanda: «Qu'avait dit Quraysh alors?»

- Elle (la tribu) argua qu'elle était l'arbre du Messager (SAW), lui répondit-on. Ils (les Quraychites) arguèrent de l'arbre et en perdirent le fruit.

Dans un contexte, l'Imam (a. s.) dit: «Comme c'est étonnant! Que le califat s'établit par la compagnie (du Prophète) et non par la compagnie et la parenté ensemble!»

Ar-Radîy rapporte dans ce sens des vers de poésie attribués à l'Imam (a. s.): si c'est par le principe de la délibération.

Que tu as pris possession de leurs affaires,

Comment était-ce possible alors que

Les délibérants étaient absents?

Si par contre, c'est par la parenté que tu as évincé l'adversaire,

Comment était-ce et d'autres sont plus dignes du Prophète et plus proches?

Mais le discours de l'Imam (a. s), le plus complet relativement à cette affaire se trouve dans son fameux sermon appelé Ash-Shiqshiqiyyah dans lequel il dit:

«Par Allah! un tel se l'est appropriée (la succession) alors qu'il savait que ma place est celle du pôle des dirigeants ... Comme c'est étonnant! Tandis qu'il cherchait à s'en démettre de sa vie, il l'assigna à un autre après sa mort ... Pourtant j'ai gardé patience malgré la longueur de la durée et la dureté de l'épreuve. Avant de s'en aller (mourir), l'autre désigna pour le califat un groupe de candidats, prétendant que je serai l'un d'entre eux! Depuis quand doutait-on de ma priorité face au premier qui se l'est appropriée pour qu'on me joigne après à ces comparables?!».

Ils (les partisans de l'Ecole des califes) ont oublié ou feint d'oublier tous ces propos de l'Imam 'Ali (a. s.) pour ne s'en tenir qu'au propos dans lequel l'Imam ne fit qu'avancer des arguments admis par Mu'âwiyah et les autres adversaires.

4)- L'établissement du califat par la force et la coercition ­ Discussion de cet argument.

Quiconque explore l'histoire de l'Islam trouve que depuis le début jusqu'à l'époque des califes-ottomans, le califat reposait sur la coercition exception faite du califat de l'Imam 'Ali (a. s). Cette donnée historique est vraie et indiscutable.

Voici leur propos (de partisans de l'Ecole des califes) selon lequel: «Quiconque devient calife et se nomme "prince des croyants" après avoir remporté la victoire par l'épée sur ces concurrents se trouve (légitimement établi) de telle façon qu'il est illicite pour tout musulman qui croit en Allah et au Jugement dernier de passer une nuit sans le considérer comme Imam, peu importe que cet homme soit vertueux ou libertin».(139)

Je ne sais de quoi parlent ces excellences! De l'application de la loi d'Allah pour l'établissement du pouvoir politique dans la société islamique ou de la loi de la jungle, propice aux lions et aux léopards?!

Mais pour qu'on ne nous reproche pas de citer les propos des Anciens et passer sous silence ceux des contemporains qui ne partagent pas leurs idées et leurs croyances et pour qu'on ne dise pas «qu'on soit dans le présent de l'Islam»,(140) nous citons le titre d'un livre publié à l'intention des écoles d'un pays où se trouvent la Ka'bah, la Maison Sacrée et la Mosquée du Messager des croyants: «Vérités sur le prince des croyants Yazîd b. Mu'âwiyah», publié par le ministre d'al-Ma'ârif et diffusé dans les deux lieux sacrés (à la Mecque et Médine). Ce livre vante les mérites de Yazîd et rapporte des hadîths faisant son éloge. C'est ce Yazîd qui donna l'ordre de catapulter la Ka'bah et de livrer pendant trois jours la Mosquée du Messager et son enceinte sacrée à son armée qui, à Médine tua les hommes et viola les femmes.

5)- L'obligation d'obéir à l'imam (au calife) quand bien même il désobéit au Messager (SAW).

Muslim rapporte dans son sahîh, à partir de Hudhayfah: le Messager d'Allah dit: «Après moi viendront des imams qui ne suivront pas ma guidance et ne s'inspireront pas de ma sunnah; des hommes ayant des curs sataniques dans des corps humains». Hudhayfah demanda : «Que ferais-je alors ô Messager d'Allah! Si j'y étais présent?». Le Prophète répondit: «Tu écoutes et tu obéis au prince quand bien même il frappe ton dos et s'empare de tes biens. Ecoute et obéis».

Ibn 'Abbâs rapporte que le Messager d'Allah dit: «Que celui qui désapprouve ou déteste quelque acte de son imam fasse preuve de patience car celui qui meurt, après avoir quitté d'un empan la communauté (musulmane), fait une mort jâhiliyyah (mort en impie).(141)

Dans son commentaire du Sahîh de Muslim, An-Nawawî dit (chap., "L'obligation d'obéir aux princes quand il ne s'agit pas de perpétrer un péché"):

«La totalité des partisans de la sunnah, jurisconsultes, traditionalistes et théologiens affirment que l'imam (le calife) ne doit pas abdiquer pour prévarication, injustice ou abolition des droits, ni être démis de ses fonctions. Il n'est pas permis non plus de se soulever contre lui. Il faut plutôt l'exhorter et l'inciter à la crainte (d'Allah) en raison des hadîths relatifs à ce sujet».

Avant ce passage, An-Nawawî dit dans le même sens:

«Quant à la rébellion et à la lutte armée contre eux (les califes), elles sont illicites de par le consensus des Musulmans quand bien même ils (ces princes) sont prévaricateurs et injustes. Les hadiths rapportés concordent sur ce point. Les gens de la sunnah sont unanimes à dire que le sultan n'abdique pas pour cause de prévarication».(142)

Ainsi l'Ecole des califes rapporte des récits selon lesquels le Messager d'Allah (SAW) aurait prohibé le soulèvement contre le prince injuste et infidèle à la sunnah du Messager (SAW) et prescrit l'obéissance à son égard.

Quant à l'Ecole d'Ahlul-Bayt (a. s) elle rapporte à partir du Messager d'Allah (SAW) des récits opposés comme celui de l'Imam Al-Hussayn (a. s), petit fis du Messager d'Allah (SAW): «Si quelqu'un voit un prince injuste, profanant le sacré d'Allah, parjurant Son pacte, opposé à la sunnah du Messager d'Allah (SAW) et abusant des créatures d'Allah par le péché et l'agressivité et qu'il n'essaie de changer cet état de chose ni par une parole ni par un acte, Allah sera dans le droit de lui réserver le même sort que lui (l'injuste)».(143)

De la comparaison des récits rapportés par l'une ou l'autre Ecole, on comprend que ce que l'Ecole des califes a rapporté se situe dans le cadre des intérêts recherchés (par les narrateurs) et du soutien apporté aux autorités en place. Cela se passait au début de l'époque Umayyade. Ensuite, ces récits furent notés au temps de la compilation des recueils des hadîths au début du IIème siècle de l'hégire. Comme on qualifiait ces récits d'authentiques, l'unanimité s'est faite autour d'eux. La mise en application de ces récits et les études qu'on leur consacrait amenaient les savants des palais, traditionnistes, magistrats, orateurs, imams des Vendredis et leurs semblables à s'y accrocher avec insistance à travers les siècles et partout dans le monde (islamique) et ce, depuis le califat umayyade en Syrie et en Andalousie en passant par les 'Abbassides de Bagdad, les Ottomans de Turquie, les Mamâlîk d'Egypte, les Saljuqides, les Ghaznawiyyîne d'Iran et les Kurdes de Syrie. Les Autorités les comblaient alors de prestige, de fortune et des autres faveurs du palais. Leurs partisans qui en profitaient aussi les suivirent...

Ainsi les Musulmans se sont divisés en deux Ecoles: celle des califes dont les patrons comblaient de biens, de prestige, de fonctions et de faveurs les personnes qui en diffusaient les idées, et l'Ecole d'Ahlul-Bayt (a. s.) qui résista à ces idées et aux récits rapportés dans le but de soutenir les Autorités en place et leurs thèses. Le pouvoir gouvernant réserva alors à cette Ecole toute une gamme d'assassinat, d'incarcération de persécution, de campagnes d'extermination, d'incinération des livres et des bibliothèques afin d'écarter de la société et de cacher aux yeux des Musulmans, ses idées qui garantissent la sauvegarde de la sunnah du Messager (SAW).

Après tout cela, quelle quantité de vérités peut-elle parvenir à cette époque?



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