Jeu05022024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

Back Vous êtes ici : Accueil Bibliothèque Les Compagnons Abû Tharr Al-Ghifârî Chapitre 11 Les racines du mal et du malaise

Chapitre 11 Les racines du mal et du malaise

Chapitre 11

Les racines du mal et du malaise


De part son tempérament, sa nature, son habitude et sur l'ordre du Prophète (P), Abû Tharr ne pouvait retenir sa langue ni rester tranquille dans son coin lorsque la vérité se trouvait bafouée. Depuis la mort du Saint Prophète, qui l'avait affecté énormément, sa principale occupation, en plus de son adoration d'Allah, était de rester auprès du tombeau de son bien-aimé disparu, et de faire les louanges des Ahl-ul-Bayt (Les membres bénis de la famille du Prophète). Pourtant, il apparaît d'après certains livres d'histoire que `Ali lui avait conseillé d'avoir une attitude plus modérée, vu les circonstances(36).

Les jours s'écoulèrent ainsi. En l'an 13 H. Abû Bakr décéda. Selon "Ta'rîkh al-Tabarânî" et "Mu`jam al-Kabîr", Abû Bakr avait dit avec regret et remords avant sa mort: «Combien j'aurais aimé ne pas forcer la porte de la maison de Fâtimah, même si elle eût servi de base de combat, et combien j'aurais aimé ne pas accepter la tâche du Califat, mais en mettre la chaîne autour du cou de `Omar ou d'Abû `Ubaydah». Selon "Ta'rîkh Ibn al-Wardî", Abû Bakr finit par exécuter ce souhait intime en nommant `Omar comme successeur. Et d'après "Al-Milal Wal-Nihal" d'al-Chahristânî, lorsqu'Abû Bakr nomma `Omar comme successeur au moment de sa mort, les gens s'écrièrent: «Tu as nommé un homme de mauvais caractère et au coeur dur comme gouvernant».

Selon "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", Abû Bakr mourut le 22 Jumâdi al-Thânî de l'an 13 H, entre le Maghrib (coucher du soleil) et le `Ichâ' (la nuit), et le même jour la prestation du serment d'allégeance fut prise pour `Omar. Abû Tharr n'assista vraisemblablement ni à la prière du mort ni aux funérailles d'Abû Bakr, puisque aucun livre d'histoire ne mentionne sa présence.

 

Après la mort d'Abû Bakr, l'Etat islamique connut des conquêtes fulgurantes. Abû Tharr décida de quitter Médine pour la Syrie pour y passer le reste de sa vie. Selon "Musnad Ahmad", il préféra partir pour la Syrie conformément à une recommandation du Saint Prophète, lequel lui avait dit: «Abû Tharr! Quitte Médine pour la Syrie lorsque la population de cette ville augmentera et s'étendra jusqu'au Mont Sala».

Aussi, Abû Tharr se conformant à ce testament du Prophète partit avec sa femme et sa fille pour la Syrie, après la mort d'Abû Bakr.(37)

Abû Tharr, resta toujours fidèle à lui-même quant à sa façon de dire la vérité sans détour et sans craindre la colère de ses interlocuteurs ni l'autorité d'un gouverneur. Lorsqu'il se trouvait en Syrie, `Omar y vint un jour pour une raison quelconque. Il y rencontra Abû Tharr qui n'hésita pas à lui rapporter, pour rappel, le Hadith suivant: «Je certifie que le Saint Prophète a dit: «Celui qui se fait le maître ou le gardien de quelqu'un, sera mit debout sur le pont de l'Enfer. S'il est vertueux, il sera sauvé, mais s'il est méchant, le pont craquera et il tombera dans l'Enfer».

L'amour profond et indéfectible d'Abû Tharr pour le Prophète se manifestait encore, de plus en plus, après son décès. Aussi, se mettait-il à pleurer douloureusement chaque fois qu'il se souvenait de son bien-aimé disparu.

Pendant le séjour d'Abû Tharr en Syrie les gens pressaient Bilâl (le muezzin attitré à l'époque du Prophète) de faire l'appel à la prière (Azân), mais il évitait d'accéder à leur demande en prétextant: «J'ai renoncé à faire l'Azân depuis la mort du Prophète. Je ne peux plus ni le faire ni le supporter». Toutefois, on finit par le persuader de reprendre cette tâche, non sans difficulté. Bilâl se mit donc debout et commença à réciter le Azân avec la même voix sonore et haute qui résonnait jadis à travers les rues de la ville de Médine à l'époque du Prophète. En entendant cette voix, Abû Tharr ne put empêcher ses larmes de couler à flots sur ses joues. Les souvenirs remontèrent dans sa tête et le transportèrent vers Médine où il revit le Prophète entouré de ses Compagnons. Il se rappela le passé, les yeux débordant de larmes» ("Al-Ichtirâkî al-Zâhid").

Abû Tharr demeura pendant environ 10 ans à l'extérieur (en Syrie) et il retourna à Médine après avoir appris l'assassinat de `Omar dans cette ville.

`Abul-Fida écrit dans son "Histoire" qu'un nommé Abû Lu'lu' avait attaqué `Omar le 24 Thil-Hajjah de l'an 23 H. Selon "Ta'rîkh al-Kâmil" d'Ibn al-Athîr, lorsque `Omar avait été blessé, on fit venir un médecin de la tribu de Banî Hârîthah pour le soigner. Le médecin lui fit avaler du vin de datte, lequel ressortit à travers la blessure. Puis on lui fit boire du lait, mais le lait aussi ressortit de la même façon. Le médecin lui dit alors pour le rassurer: «O Commandeur des croyants! Fais ce que tu veux».

Il est dit dans "Kanz al-`Ummâl" citant Abû Majliz que `Omar demanda aux gens: «Quelle personne voulez-vous qu'elle soit votre Calife après moi?». Quelqu'un s'écria: «Zubayr Ibn al-`Awwâm». `Omar dit: «Vous voulez porter au Califat un homme avare et discourtois!». Une autre personne dit: «Nous choisirons Talhah comme Calife». `Omar répondit: «Vous voulez comme Calife quelqu'un qui a hypothéqué avec un Juif, un terrain garanti par le Messager d'Allah!». Une troisième personne proposa: «Nous élirons `Ali au Califat». `Omar dit: «Par ma vie! Si vous le faites, il fera tout pour vous maintenir sur le droit chemin malgré vous!». Walîd Ibn `Uqbah intervint à son tour: «Je sais qui sera le Calife après toi». `Omar se leva et lui demanda: «Qui?». Walîd répondit: «`Othmân». Or, selon Huthayfah ibn al-Yaman, on avait demandé à `Omar, lorsqu'il était en parfaite santé qui serait le Calife après lui, il avait répondu: «`Othmân Ibn `Affân». Al-Walîd savait donc pertinemment que les jeux avaient été déjà faits, et la question de la succession déjà réglée. Tout le reste n'était qu'un test visant à préparer les gens à accepter un choix déjà arrêté.

Mullâ `Ali Qarî écrit dans "Charh Fiqh Akbar" que lorsque `Omar avait senti sa fin proche, il plaça la charge du Califat entre `Othmân, `Ali, Talhah, al-Zubayr, `Abdul-Rahmân Ibn `Awf et Sa`d Ibn Abî Waqqâç et ordonna que le Califat ne doive pas sortir du cadre de ces six personnes.

Selon "Ta'rîkh al-Kâmil", après la désignation de ces six successeurs possibles, `Omar ordonna à un nommé Suhayb: «Conduis la prière en assemblée pendant trois jours, enferme ces six candidats pressentis pour le Califat dans une maison et surveille-les. Si cinq d'entre eux tombent d'accord sur un candidat et un s'y oppose, tue celui-ci. Si quatre d'entre eux s'accordent sur un candidat et deux s'y opposent, ceux-ci doivent être décapités. Et si trois d'entre eux tombent d'accord sur un candidat et que les trois autres s'y opposent, `Abdullâh Ibn `Omar doit être choisi comme arbitre et on doit donner raison, entre les deux groupes de trois candidats, à celui qui compte dans son sein `Abdul-Rahmân, alors que les trois membres de l'autre groupe doivent être exécutés».

Or, il suffit d'étudier la personnalité de chacun de ces candidats, sa moralité et ses tendances, ainsi que les rapports entre eux pour comprendre que les dispositions de ce testament ne pouvaient qu'aboutir à la désignation de `Othmân et à l'élimination de toute contestation ou objection.(38)

Selon "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", `Omar mourut le samedi, le 30 Thil-Hajjah. Selon "Charh Fiqh Akbar", après la mort de `Omar et conformément à ses instructions une réunion du Conseil Consultatif se tint dans la maison d'une nommée Fâtimah, soeur de Ach`af Ibn Qays. D'après "Ta'rîkh al-A`tham" (p. 112), les membres du Conseil accordèrent à `Abdul-Rahmân Ibn `Awf le droit de choisir lui-même le Calife. `Abdul-Rahmân tint la main de `Ali et lui demanda trois fois: «Si nous te choisissons comme Gouvernant et Imam, acceptes-tu d'agir conformément au Livre d'Allah, aux Traditions du Prophète et à celles des Chaykhayn (Abû Bakr et `Omar)?». `Ali répondit: «Evidemment j'agirai conformément au Saint Coran et aux Traditions du Prophète, mais (au lieu des traditions d'Abû Bakr et `Omar) je décréterai les Commandements religieux selon ma connaissance». `Abdul-Rahmân posa alors la même question à `Othmân trois fois. `Othmân répondit tout de suite: «Oui, bien sûr, je le ferai». Sur ce, `Abdul-Rahmân lui prêta serment d'allégeance, et les autres le suivirent.

Selon "Ta'rîkh al-Kâmil" et "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", `Ali constatant qu'il était l'objet de telles manoeuvres, dit à propos de cette prestation de serment d'allégeance: «Aujourd'hui, ce n'est pas la première fois que vous avez obtenu la victoire par la conspiration. Eh bien! Il vaut mieux pour moi être patient. O `Abdul-Rahmân! Par Allah! Tu as obtenu serment d'allégeance pour `Othmân dans le but que le Califat passera à vous par la suite».(39) `Abdul-Rahmân répondit: «O `Ali! Ne t'en fais pas». Sur ce, `Ali sortit de la maison, résigné: «اa devait être ainsi». Puis al-Miqdâd dit: «O `Abdul-Rahmân! Tu as laissé tomber `Ali, bien qu'il soit, par Allah, l'un de ceux qui sont avec la vérité et les plus judicieux».

D'après "Ta'rîkh al-Tabarî" et "Ta'rîkh al-Kâmil", al-Miqdâd, dit aussi: «Je n'ai pas vu un traitement aussi malveillant réservé aux membres de la Famille du Prophète après sa mort. Je suis surpris de voir les Quraych abandonner un homme que je considère comme étant le meilleur savant pieux (`âlim rabbâni) et le plus juste juge. Par Allah, si j'avais des partisans et des soutiens...!». Ne le laissant pas terminer, `Abdul-Rahmân l'interrompit avec ces menaces déguisées: « O Miqdâd! Crains Allah. Tu pourrais avoir des ennuis».

Dans "Murûj al-Thahab" al-Mas`ûdî rapporte que `Ammâr Ibn Yâcer se leva, à cette occasion dans le Masjid al-Nabî et dit: «O les Quraych! Puisque vous avez éloigné le Califat des Gens de la Maison (Ahl-ul-Bayt) de votre Prophète pour le placer tantôt ici et tantôt là, nous devons nous attendre à ce qu'Allah vous l'arrache pour le remettre à quelqu'un d'autre, tout comme vous l'avez écarté de celui qui en est digne pour le conférer à quelqu'un qui ne le mérite pas». Puis, Miqdâd se leva, indigné: «Je n'ai jamais vu de tels tourments infligés aux Ahl-ul-Bayt après la mort du Prophète». `Abdul-Rahmân répondit: «O Miqdâd! Qu'est-ce que tu dis là?». Miqdâd rétorqua: «Pourquoi ne dois-je pas parler ainsi? Je prends le parti des Ahl-ul-Bayt du Prophète parce que la vérité est sûrement avec eux et avec eux seulement. O `Abdul-Rahmân! Je suis surpris par l'attitude des Quraych que tu essaies d'aider à prendre le pouvoir et qui ont conspiré pour éloigner la gloire du Saint Prophète des membres bénis de sa Famille, après sa mort! O `Abdul-Rahmân! Sache, par Allah que si j'avais des partisans et des amis, j'aurais combattu les Quraych tout comme je l'avais fait lors de la Bataille de Badr».

Selon "Ta'rîkh al-Tabarî", `Ammâr Ibn Yâcer dit à cette même occasion: «O gens! Allah nous a honorés avec Sa Religion et nous a accordé la grandeur grâce au Saint Prophète. Pourquoi voulez-vous arracher le Califat aux Ahl-ul-Bayt de votre Prophète?!».

Selon "Rawdhat al-Ahbâb", lorsque `Abdul-Rahmân Ibn `Awf prêta serment d'allégeance à `Othmân et que les personnes présentes le suivirent, `Ali dit peu après: «O gens! Je vous demande de me dire, sous serment, s'il y a une seule personne, à part moi, parmi les Compagnons du Prophète, à qui celui-ci ait dit à l'occasion de la proclamation de la "Fraternisation"et après l'avoir déclaré "son frère": «Tu es mon frère aussi bien dans ce monde que dans l'Au-delà!» L'assistance répondit: «Non». `Ali demanda encore: «Y a-t-il quelqu'un d'entre vous, en dehors de moi, que le Prophète ait désigné pour expliquer la Sourate al-Barâ'ah (Chapitre 10 du Saint Coran) en déclarant que le devoir du Messager d'Allah ne peut être accompli que par lui-même (le Prophète) ou par l'un de ses Ahl-ul-Bayt?». Tout le monde répondit: «Non». Il poursuivit: «Vous savez tous que le Guide de l'humanité, et l'Intercesseur du jour du Jugement m'a désigné comme le Commandant de tous les Muhâjirîn et les Ançâr dans la plupart des batailles auxquelles il n'a pas participé personnellement, et qu'il leur a ordonné de m'obéir, sans jamais nommer un Commandant au-dessus de moi». Les gens dirent: «Oui, bien sûr, c'est vrai». `Ali reprit: «Vous savez que le Saint Prophète a fait valoir la prééminence de mon savoir en déclarant: «Je suis la Cité du Savoir et `Ali en est la Porte». Les gens répondirent: «Oui, nous le savons». `Ali poursuivit: «Les Compagnons se sont souvent enfuis dans le champ de bataille, laissant le Prophète au milieu des ennemis, alors que je ne l'ai jamais abandonné dans n'importe quelle situation dangereuse, et que je suis resté toujours à ses côtés, prêt à sacrifier ma vie pour le protéger». Tout le monde répondit: «Oui, c'est vrai». `Ali dit: «Vous savez que j'ai été le premier à embrasser l'Islam?». Les gens répondirent: «Oui, nous le savons». Puis `Ali demanda: «Lequel de nous tous est le plus proche parent du Prophète?». Tout le monde reconnut à l'unanimité: «Il n'y a pas de doute que ta proche parenté avec le Saint Prophète est établie et incontestable». Mais `Abdul-Rahmân Ibn `Awf intervint et dit à l'adresse de `Ali: «O `Abul-Hassan! Personne ne peut nier tes vertus et tes qualités que tu viens de décrire et énumérer. Mais maintenant que la plupart des gens ont prêté serment d'allégeance à `Othmân, j'espère que tu feras comme eux». `Ali répondit: «Par Allah! Tu sais très bien qui mérite le Califat. Mais il est triste que tu l'aies abandonné délibérément».(40)

L'historien Mohammad Ibn `Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî écrit dans son livre (204 H.) que `Ali Ibn Abî Tâlib dit lors de la désignation de `Othmân pour le Califat: «O gens! Vous savez que nous sommes les Ahl-ul-Bayt du Prophète et le moyen de la protection de la Ummah contre toute calamité et toute détresse. Si vous ne nous remettez pas notre droit, il parviendra automatiquement à son axe, et si vous refusez de nous accorder ce qui nous revient légitimement, nous irons, sur les dos de nos chameaux, là où nous estimons bon d'aller, peu importe combien de temps cela prendra, et lorsque l'heure fixée de notre retour sonnera, nous reviendrons. Je jure par la Gloire d'Allah que si Mohammad n'avait pas ma parole sur ce sujet et s'il ne m'avait pas informé préalablement sur ce qui vient de se passer, je n'aurais jamais renoncé à mon droit ni n'aurais jamais permis à quiconque de m'en déposséder. J'aurais combattu avec un tel acharnement pour recouvrer mon droit, que je n'aurais pas hésité un instant à sacrifier ma vie pour atteindre mon but».

Selon "Ta'rîkh Abdul-Fidâ", on procéda à la prestation du serment d'allégeance à `Othmân, le 3 Muharram de l'an 24 H.

Après son accession au Califat, `Othmân gouverna selon les principes de l'Etat islamique pendant un certain temps. Mais à la longue, il finit par dévier des principes de la justice islamique et emprunta une mauvaise voie, ce qui provoqua la révolte des Compagnons du Saint Prophète.

L'historien de l'Islam du 3e siècle de l'Hégire, Mohammad Ibn `Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî, déjà cité, affirme que tout ce que les gens dirent à propos de `Othmân, et tous les mots, les actes qu'ils tolérèrent de lui sont rapportés des sources authentiques selon des versions nuancées mais aboutissant aux mêmes conclusions. Il a condensé ces différentes versions dans une seule synthèse ou conclusion selon laquelle tous les narrateurs s'accordent pour dire qu'après son accession au Califat `Othmân ne maintint les fonctionnaires nommés par `Omar, que pendant quelques jours..Il ne tarda pas à les destituer pour les remplacer par des Omayyades qui étaient ses cousins et ses proches parents. Ainsi, il nomma `Abdullâh Ibn `Amer Kurbuz gouverneur de Basrah, al-Walîd Ibn Atâbah Ibn Abî MU`t gouverneur de Kûfa et il maintint Mu`âwiyeh Ibn Abî Sufiyân en Syrie tout en élargissant considérablement le territoire sous sa juridiction. Il nomma également `Abdullâh Ibn Sa`d Ibn Abî Sarân en Egypte et `Omar Ibn al-`آç en Palestine. Après la conquête de Khurâsân, Sijistân, Pars, Kermân, l'Egypte, la Syrie et les Iles de l'Irak, le Trésor du Calife s'enrichit de butins considérables. Avant l'arrivée de toutes ces richesses, `Othmân gouverna bien et avec le souci de justice. Mais par la suite, lorsque le Trésor public commença à déborder de nouvelles richesses, il changea ses habitudes et son administration, mit tout le territoire de l'Etat Islamique sous le contrôle des Omayyades et plaça toutes les villes entre les mains de ses proches, à qui il distribua trop généreusement des sommes considérables tirées du Trésor Public. Ainsi, il gratifia libéralement `Abdullâ Ibn Khâlid Ibn Asad Ibn al-`آç Ibn Omayyah de la somme faramineuse de 100.000 dinars. Il alloua la même somme à al-Hakam Ibn al-`آç et une autre somme de 100.000 dinars à son fils Hârith Ibn al-Hakam. Les gens furent mécontents de ces attributions et s'en plaignirent auprès de `Abdul-Rahmân Ibn `Awaf en lui disant: «Tu seras comptable des conséquences de ce gaspillage. Nous subissons ces pertes à cause de toi. Lorsque tu lui avais prêté serment d'allégeance et de loyauté, ce n'était pas pour qu'il s'adonne à ces pratiques injustes et à cette mauvaise action. Maintenant, il nous faut voir quelles sont les mesures à prendre». `Abdul-Rahmân dit: «Je ne suis pas au courant de ce que vous dites». Le lendemain `Ali rencontra `Abdul-Rahmân et lui demanda s'il approuvait ces agissements de `Othmân. `Abdul-Rahmân répondit: «Je ne sais pas. Si ces choses-là sont vraies, et que la conduite de `Othmân a pris ce tournant, dégaine ton épée et je ferai de même». Les gens rapportèrent à `Othmân ce que `Abdul-Rahmân avait dit à `Ali. `Othmân fut enragé de colère et dit: «`Abdul-Rahmân est un hypocrite, et entacher ses mains avec mon sang n'est pas une tâche difficile pour lui». `Abdul-Rahmân à son tour ayant appris ces propos du Calife se fâcha et s'indigna: «Je n'aurais jamais pu imaginer un instant que `Othmân puisse me qualifier d'hypocrite». Puis, il jura de ne plus lui adresser la parole jusqu'à la mort. Depuis lors, les actes de népotisme de `Othmân et les échanges de propos avec `Abdul-Rahmân parvinrent aux oreilles du public, lequel devint très critique vis-à-vis du Calife.

`Othmân pour sa part était parfaitement renseigné sur le mécontentement croissant des gens. Aussi, ordonna-t-il un jour aux Musulmans de se rassembler dans le Masjid. Lorsque tout le monde se rassembla, `Othmân monta sur la chaire, remercia Allah, récita les formules de bénédictions sur le Prophète et fit ce discours:

«O gens! Soyez reconnaissants envers Allah pour Ses bienfaits afin que les bénédictions et les richesses augmentent. Souvenez-vous de Lui tout le temps, évoquez Son Nom et respectez Ses Droits. Vous êtes des Musulmans et vous avez avec vous le Livre d'Allah dans lequel tout est marqué.

»Allah vous a ordonné d'obéir au gouvernant. Craignez donc Allah. Exécutez Ses ordres. Cessez vos contacts et vos liaisons avec l'opposition et les pécheurs.

»Vous devez savoir que remplacer le Messager d'Allah et administrer les affaires du Califat est une tâche très difficile. De plus, la question du Califat dépasse votre compréhension. Allah a conféré le gouvernement aux émirs afin qu'ils tranchent les litiges entre le faible et le fort et empêchent celui-ci d'opprimer celui-là.

»Il y a beaucoup d'entre vous qui ont vécu à l'époque du Saint Prophète, ont entendu ses paroles saintes et ont été témoins de son mode de vie. En outre, vous avez le Livre d'Allah entre vos mains. Vous devez avoir lu dans ce Livre tous les commandements, toutes les prohibitions et tous les actes légaux et illégaux. Allah vous y a fait sa remarque finale. IL a promis d'augmenter Ses bénédictions à ceux qui Le remercieront pour Ses bienfaits. Il y a une récompense pour les vertueux et une punition pour les méchants. Vous avez déjà entendu parler de la pompe, l'apparat, la gloire et le pouvoir des rois et des monarques, lesquels étaient plus forts que nous et avaient des armées bien plus grandes que la nôtre. Ils avaient de grandes villes et vivaient dans le confort et le luxe. Mais puisqu'ils ne se conformaient pas aux ordres d'Allah, préférant le monde d'ici-bas à la Vie future, ils devinrent la proie des disputes et des troubles et renoncèrent à présenter leurs remerciements à Allah pour Ses bénédictions. Aussi Allah les a-t-Il conduits vers la décadence, vous a-t-IL offert leurs villes, maisons, pâturages et vous a-t-IL donné toutes les bénédictions dont ils avaient joui. Ces bénédictions resteront avec vous si vous continuez à en remercier Allah, autrement, elles diminueront si vous vous livrez aux péchés, à la désobéissance, et vous finirez à l'ultime stade par périr.

»Allah m'a accordé le Califat (la succession) du Saint Prophète, et je suis capable maintenant de le mener à bien. J'ai pris en main mon poste et je suis en train de m'acquitter de ce devoir important et onéreux. Le Même Allah Qui m'a accordé le Califat me confère la capacité de me conformer à Sa Volonté. J'ai compris aussi le secret de cette parole: "Vous êtes tous des responsables et vous serez tous comptables des actes des gens", et j'ai pris conscience du strict fait que celui qui a été porté au poste de commandement a été investi en même temps d'une lourde responsabilité. Le gardien du peuple sera appelé à fournir des explications sur chaque acte de ses administrés et des comptes pour chaque particule et chaque atome. On m'a informé que certains d'entre vous objectent à ma façon de dépenser l'argent et qu'ils disent qu'il aurait mieux valu que `Othmân dépensât cet argent au bénéfice des soldats et de leurs enfants. Oui, cela aurait été plus opportun, et plus acceptable pour Allah bien sûr. Je l'admets. Et désormais je le ferai. Je vais envoyer à chaque ville une personne digne de confiance pour distribuer aux soldats et à leurs enfants autant d'argent qu'on en a collecté, et mettre de côté ce qui reste pour servir au moment de besoin.

»Si Allah le veut, je paierai les droits des vieillards, des pauvres, des orphelins et des veuves. Je vous consulterai pendant mes moments disponibles sur des questions qui se poseraient et j'agirai conformément à vos conseils. Venez me voir de temps en temps pour discuter des problèmes et des convenances et pour m'expliquer ce qui vous semblerait bon d'expliquer. J'accomplirai le travail avec votre consentement et selon les exigences des circonstances. Je n'ai aucun gardien à ma porte pour vous contrôler. Toute personne peut venir à tout moment pour me dire tout ce qu'elle veut. Que la paix soit sur vous!».

En entendant ce discours de `Othmân, les Musulmans furent très satisfaits et rentrèrent chez eux en faisant ses éloges et en priant pour lui. `Othmân pour sa part, tint parole, suivit la voie de la justice, observa l'équité entre les soldats et les civils, traitant tout le monde avec bonté et s'occupant des pauvres et des orphelins. Cela dura un an.

`Othmân changea de politique et de méthode, et adopta des mesures contraires aux normes de la tradition et des vertus. Les Compagnons du Prophète, très choqués par ce changement d'attitude, se réunirent et prirent la décision d'aller voir le Calife pour lui présenter une liste d'agissements contraires à l'Islam, commis par son gouvernement depuis son accession au Califat. Ils avaient choisi de présenter leurs griefs plutôt par écrit qu'oralement, car ils craignaient d'une part d'oublier lors d'une présentation orale certains des sujets de leurs mécontentements, et d'autre part de ne pas oser les exposer franchement. Ils rédigèrent donc les trois principales pratiques irréligieuses apparues depuis l'investiture de `Othmân, et projetèrent d'aller ensemble chez le Calife pour lui remettre leur document.

Les gens qui avaient rédigé ce document rencontrèrent `Ammâr ibn Yâcer et l'informèrent de ce qu'ils avaient écrit. Ils lui demandèrent s'il pouvait se charger lui-même de remettre le document à `Othmân. `Ammâr Ibn Yâcer accéda à leur demande, prit la pétition et se rendit chez le Calife. Lorsque `Othmân, qui était sur le point de sortir, vit `Ammâr Ibn Yâcer à sa porte avec un document, il lui demanda: «O Abul-Yaqzan! Désires-tu me voir?». `Ammâr répondit: «Je ne viens pas te voir pour une affaire personnelle, mais les Compagnons du Prophète ont préparé collectivement une liste des actions contraires à la Loi islamique commises par toi et ils voudraient que tu clarifies ta position sur ce sujet».

`Othmân prit le document avec irritation, en lit quelques lignes et le jeta. `Ammâr lui dit: «Ne le jette pas, car ce papier a été écrit par les Compagnons du Saint Prophète. Tu devrais plutôt le lire attentivement et te conformer à son contenu. Je dis ceci dans ton intérêt». `Othmân dit: «O fils de Sumayyah! Tu mens». `Ammâr répondit: «Je suis sans aucun doute le fils de Sumayyah et de Yâcer».

Le Calife devint furieux. Il ordonna à ses serviteurs de battre `Ammâr, le grand Compagnon du Prophète. Il fut ainsi tellement battu qu'il perdit connaissance. Puis, `Othmân lui-même avança vers lui et lui administra plusieurs coups sur l'estomac et les testicules. `Ammâr perdit connaissance de nouveau. Ces coups provoquèrent une hernie chez lui. Lorsque les Banî Makhzûm, qui étaient des cousins et des proches parents de `Ammâr, apprirent ce qui lui avait éait arrivé, ils allèrent le chercher avec Hâchim Ibn Walîd Ibn Mughîrah, le ramenèrent à la maison et l'allongèrent sur le lit. Alors que `Ammâr était encore inconscient tous les gens jurèrent que s'il venait à mourir des suites de son passage à tabac, ils tueraient `Othmân. `Ammâr étant dans cet état d'inconscience, il manqua la prière de l'après-midi et celle du soir. Lorsqu'il reprit conscience pendant la nuit, il se releva, fit l'ablution rituelle et accomplit tout de suite les prières manquées.

Cet incident dont fut victime `Ammâr fait partie d'un ensemble de méfaits reprochés à `Othmân et à cause desquels les Compagnons refusaient de lui prêter serment d'allégeance.(41) Nous citons ci-après quelques exemples tirés de livres d'histoire dignes de foi, pour donner une idée des actions révoltantes perpétrées pendant le mandat de `Othmân, et montrer quel traitement injuste il réserva aussi bien au public qu'aux nobles Compagnons du Saint Prophète, et quelles pratiques déviationnistes furent instituées pendant son Califat.

Selon "Ta'rîkh al-Khulafâ'" d'al-Suyûtî, `Othmân était le premier en Islam à introduire le `Azân (l'appel à la prière) avant la Prière du Vendredi. Selon "al-Wasâ'il Fî Ma`rifat al-Awâ'il", `Othmân était le premier à faire précéder la prière de `Id par le serment. Ni, à l'époque du Saint Prophète ni, pendant le mandat d'Abû Bakr et de `Omar cette pratique n'avait eu cours. Selon "Murûj al-Thahab" d'al-Mas`ûdî, lorsque `Othmân devint Calife, son oncle al-Hakam Ibn al-`آç et le fils de celui-ci, Marwân Ibn al-Hakam ainsi que d'autres membres des Banî `Omayyah (qui avaient été bannis de Médine sur ordre du Saint Prophète) se réunirent autour de `Othmân et devinrent les hommes forts de son régime. En effet, Marwân n'était autre que le proscrit qui avait été expulsé de Médine par le Prophète, et frappé d'interdiction de retour et de séjour à Médine et ses environs. D'autre part, parmi les gouverneurs nommés par `Othmân, figurait son frère maternel, al-Walîd Ibn `Uqbah dont le Prophète avait dit qu'il irait en Enfer. Ce Walîd Ibn `Uqbah passait ses nuits à boire de l'alcool avec des amis, des musiciens et des prostituées. Un jour lorsqu'il fut réveillé par le muezzin(42) à l'aube, il se rendit au masjid en état d'ébriété, dirigea la prière du matin, en accomplissant quatre rak`ah (unités) de prière au lieu de deux requises, et dit aux gens qu'il était prêt à en faire encore plus, s'ils le désiraient! Les livres d'histoire disent aussi, que lorsqu'il se prosterna, il prolongea indûment la prosternation en disant: «Buvez et apportez-moi à boire». L'un de ceux dont il dirigeait la prière et qui se trouvait dans le premier rang, juste derrière lui, lui dit: «Tu ne nous étonnes pas, mais ce qui nous étonne, c'est celui qui t'a nommé imam de la prière».

Lorsque les nouvelles de la débauche de Walid et son alcoolisme parvinrent aux oreilles de tout le monde, un groupe de Musulmans incluant Abû Jundab et Abû Zaynab se rendirent dans le masjid pour le surprendre. Ils le trouvèrent inconscient. Ils essayèrent de le réveiller, mais constatant qu'il ne pouvait reprendre conscience, ils ôtèrent la chevalière de son doigt et partirent immédiatement à Médine pour informer `Othmân de la conduite d'al-Walid et de son alcoolisme manifeste. `Othmân demanda à Abû Jundab et Abû Zaynab comment ils apprirent qu'il avait bu du vin. Présentant la chevalière comme preuve, ils lui dirent: «Il a bu le même vin que nous avions l'habitude de boire pendant l'Epoque de l'Ignorance (pré-islamique). Au lieu d'écouter le reste de leur rapport, `Othmân les blâma et les poussa par leur poitrines en leur disant: «Allez-vous-en». Le groupe de Kûfites retourna sans tarder à Kûfa.

D'après "Ta'rîkh Abul-Fidâ", `Othmân démit `Amr Ibn al-`آç de son poste de gouverneur d'Egypte pour nommer à sa place, son frère de lait, Sa`d Ibn Abî Sarh, celui-là même dont l'assassinat avait été autorisé par le Prophète le jour de la conquête de la Mecque. Selon "Ta'rîkh al-Kâmil", `Othmân accomplit le hajj (le Pèlerinage de la Mecque) avec les gens, en l'an 26 de l'Hégire. Marwân ibn al-Hakam cité dans "Musnad Abû Dawûd Tiâlîsî" raconte à ce propos: «J'ai vu `Othmân et `Ali pendant le Pèlerinage. `Othmân interdisait aux gens d'accomplir le rite de Mut`at al-Hajj (le fait d'accomplir en même temps le Hajj [le Pèlerinage majeur] et la `Umrah [le pèlerinage mineur]. En guise d'objection, `Ali récita alors le tahlîl (Lâ ilâha illallâh) de Hajj et de `Umrah ensemble en précisant: «Je suis là pour accomplir le Hajj et la `Umrah en même temps». `Othmân lui dit: «O `Ali! Tu fais ce que j'ai interdit aux gens de faire». `Ali lui répondit: «Personne ne me fera abandonner une Tradition du Prophète» (Ce hadith est cité dans "اahîh al-Bûkhâri" également).

Vous n’avez pas le droit de laisser des commentaires