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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Chapitre 4: La doctrine et l'idéologie

Chapitre 4:

La doctrine et l'idéologie


Quelle est la définition de la doctrine ou de l'idéologie?

Quelle est la nécessité qui impose à l'homme, en sa qualité d'individu ou de membre de la société, de s'attacher à une doctrine particulière et de croire à une idéologie particulière?

L'existence de la doctrine est-elle nécessaire à l'individu et à la société? Pour répondre à ces questions, il nous faut commencer par une introduction.

Les activités de l'homme sont de deux types:

- activités de plaisir (plaisantes, épicuriennes)

- activités de raison (rationnelles)

Les activités de plaisir sont celles que l'homme accomplit sous l'influence directe de l'instinct, de la nature ou de l'habitude - en tant que nature secondaire - en vue de se procurer du plaisir ou de se débarrasser d'une douleur. On en trouve l'exemple quand l'homme recourt à l'eau lorsqu'il a soif, fuit devant un animal féroce qui l'attaque, allume une cigarette lorsqu'il a envie de fumer.

De telles réactions sont conformes au tempérament et au désir, et liées directement au plaisir et à la douleur.

Un travail plaisant attire l'homme, tandis qu'un travail pénible le fait fuir.

 

Les activités de raison ne suscitent ni l'attraction ni la répulsion. L'instinct ou la nature humaine ne poussent pas l'homme vers ces activités ni ne l'en éloignent. L'homme les accomplit ou les repousse selon sa raison, sa volonté et son intérêt. C'est dire que, dans ce type d'activités, la finalité et la force motrice de l'homme sont l'intérêt et non le plaisir.

La nature humaine sonde le plaisir, sa raison sonde l'intérêt. Le plaisir provoque le désir et l'intérêt motive la volonté.

L'homme éprouve du plaisir lorsqu'il s'adonne aux activités plaisantes (affectives), ce qui n'est pas le cas pour les activités comportant un intérêt. Mais il se sent satisfait lorsqu'il pense que, par son activité de raison et d'intérêt, il franchit un pas sur la voie de l'intérêt final qui est incarné par le bien, la perfection ou le plaisir à venir.

La différence est évidente entre une action plaisante et joyeuse, et une action pénible et dénuée de plaisir que l'homme accomplit cependant avec satisfaction et contentement.

Les activités de raison et d'intérêt ne sont ni plaisantes ni intéressantes car elles n'offrent pas un résultat prévisible; elles sont cependant satisfaisantes.

L'homme et l'animal ont en commun le plaisir et la douleur. Mais l'homme est seul à éprouver le sentiment de satisfaction, de contentement ou de haine et d'insatisfaction ainsi que le pouvoir d'espérer.

La satisfaction, la haine et l'espoir font partie du domaine du rationnel et de la pensée humaine et non de celui des sens et des perceptions sensorielles.

Nous avons dit que l'homme accomplit ses activités de raison et d'intérêt sous l'influence de sa raison et de sa volonté, contrairement aux activités de plaisir qu'il accomplit sous l'effet de son désir et de ses sens.

Agir à partir de la raison signifie que la faculté rationnelle voit à l'horizon lointain un bienfait, un plaisir ou une perfection, qu'elle découvre la voie qui y mène - bien que celle-ci soit parfois difficile - et qu'elle planifie pour y parvenir.

Agir à partir de la volonté signifie que l'homme possède une force liée à sa faculté mentale et chargée du rôle d'exécutant des décisions de la raison. Elle parvient parfois à faire exécuter les projets de la pensée et de la raison malgré l'opposition des caprices, des désirs et des penchants naturels.

La nature de la phase de la jeunesse pousse l'étudiant universitaire, par exemple, à dormir, à manger, à boire, à se reposer, à s'amuser et à jouer. Mais l'intellect dessine devant lui le mauvais résultat d'un tel comportement ainsi que l'avenir brillant qui l'attendrait s'il faisait des efforts, peinait et s'abstenait des plaisirs. Il lui recommande de choisir la seconde voie, car il y va de son intérêt. Là, l'étudiant préfère suivre les directives de la raison plutôt que celles de sa nature.

Bien que le goût amer d'un médicament déplaise au malade, celui-ci en prendra et le supportera, par obéissance aux ordres de la raison et de la volonté qui contrôlent les désirs.

Plus la raison et la volonté sont solides, plus leur emprise sur la nature humaine et ses penchants se renforce.

Dans ses activités de raison et d'intérêt, l'homme souhaite toujours suivre une seule théorie et un seul plan établi.

Plus les activités de raison s'accroissent chez l'homme et dépassent ses activités de plaisir, plus sa raison et sa volonté tendent à la perfection. Et plus ses activités de plaisir s'élargissent et ses activités de raison diminuent, plus il s'approche du cadre animal, car toutes les activités de l'animal sont des activités de plaisir.

L'animal pourrait parfois se livrer à des activités aux résultats ultérieurs, telles que la nidification, l'émigration, la reproduction (l'engendrement). Mais l'animal ne s'adonne pas à ces activités d'une façon consciente et réfléchie, ni par un libre choix, ni dans une finalité. Il les accomplit par un désir imposé et instinctif.

L'homme est en mesure d'élargir le champ de ses activités de raison pour y inclure ses activités de plaisir; dans une telle perspective, celles-ci se joignent à celles-là, et il s'ensuivra que tout plaisir comportera un intérêt et toute activité naturelle constituera une réponse à l'appel de la raison tout en étant une réponse à l'appel de la nature. On parvient ici à une situation où s'identifient nature, raison, désir et volonté.

Les activités de raison ont besoin d'un plan, d'une méthode et d'un moyen pour atteindre l'objectif escompté, car elles visent des objectifs et des buts futurs.

Par ses connaissances, ses renseignements, ses instructions et son pouvoir d'identification, la raison de l'individu est le planificateur, le théoricien, le guide et l'orienteur de l'homme, lorsque l'activité de raison est limitée au cadre individuel.

Même si l'on suppose que les activités de la raison atteignent le sommet de leur perfection chez l'homme, cela ne suffirait pas à leur conférer un caractère humain.

Les activités de raison forment une condition nécessaire, mais insuffisante, de l'humanité de l'être humain, car les éléments de la raison, de la science, de la conscience et de l'esprit d'organisation constituent la moitié de cette "humanité".

Les activités individuelles de type rationnel et volontaire acquièrent un caractère humain lorsqu'elles s'engage sur l'échelle de la transcen-dance humaine ou, tout au moins, si elles ne s'opposent pas aux penchants humains sublimes. Autrement, elles pourraient représenter de grands dangers. En effet, les crimes les plus horribles que l'être humain puisse commettre résultent parfois d'activités humaines traduisant un esprit d'orga-nisation, un esprit intel-ligent et clairvoyant. La meilleure preuve en sont les plans des colonisations diaboliques.

Dans certains hadiths, la force consciente qui s'écarte de la foi et des tendances humaines et qui se met au service des buts matérialistes et animaux est décrite comme "activité satanique".

Les activités de raison ne sont pas néces-sairement humaines, elles peuvent même devenir plus dangereuses qu'un animal féroce si elles se rapportent à des buts animaux.

L'animal féroce peut attaquer l'homme pour assouvir sa faim. Tandis que l'homme peut se servir de sa force de raison pour anéantir des villes paisibles et des millions de vies humaines innocentes.

Mettons de côté le caractère humain des activités de l'homme pour poser la question suivante: la force de la raison est-elle capable d'assurer tous les intérêts individuels? Personne ne doute de la nécessité de la force de la raison ou de la pensée et de son utilité pour l'administration des affaires secondaires et de portée limitée dans la vie de l'homme. Celui-ci rencontre toujours, au cours de sa vie, des situations où il doit choisir un ami (une discipline d'étude, un partenaire...), de voyager, de fréquenter quelque'un, de se promener, de faire oeuvre pie, de lutter contre les déviations... Il ne fait pas de doute que l'homme a besoin de réfléchir dans tous les cas puisque, plus il réfléchit, meilleurs seront les résultats obtenus. C'est par la pensée que l'être humain planifie ses oeuvres avant de les exécuter.

Il a parfois besoin de bénéficier de la pensée d'autrui dans ce domaine et de se servir de ses expériences (le principe de Choura - concertation).

Ceci est valable au niveau des affaires secondaires.

Une telle situation pourra-t-elle être la même en ce qui concerne les problèmes généraux de l'homme? La force de la raison pourra-t-elle planifier tous les aspects de la vie personnelle de l'homme et lui assurer le bonheur dans tous ces aspects? Ou bien, cette force est-elle limitée uniquement aux questions secondaires?

Nous savons que certains philosophes ont cru à "l'autosuffisance" de l'homme et prétendu qu'ils ont découvert le secret du bonheur et du malheur de l'homme. Ils ont affirmé qu'ils étaient capables de s'assurer le bonheur en comptant sur la raison et la volonté. Nous savons aussi, d'autre part, qu'il n'y a pas deux philosophes qui s'accordent sur la détermination de la voie du bonheur.

La notion du bonheur, qui semble de prime abord claire et évidente, en tant que but final de l'être humain, est l'une des notions les plus complexes et les plus ambiguës.

La cause de cette ambiguïté réside en ceci que les dimensions, les possibilités et les capacités de l'être humain sont encore mal connues.

L'homme, en outre, est un être social. Or la vie sociale impose à l'homme des problèmes sociaux auxquels il doit faire face.

L'homme, en tant qu'être social, ne peut rechercher son bonheur indépendamment de ses semblables. On peut même dire que son bonheur, ainsi que les moyens, les voies et les critères qui s'y rapportent, sont solidement liés au bonheur des autres, à ses moyens, ses voies et ses critères. L'individu doit donc rechercher son bonheur dans une voie qui mène au bonheur et à la perfection de la société.

Si nous prenons en considération les questions de la vie éternelle, de l'éternité de l'âme, et le fait que la raison n'ait pas d'expérience relative à la vie succédant à notre vie présente, le problème devient fort complexe.

De là, la doctrine et l'idéologie s'imposent comme une nécessité indispensable qui répond au besoin d'une théorie générale et d'une planification intégrale, harmonieuse et cohérente, capable d'assu-mer le bonheur de tous, d'atteindre le but essentiel de la perfection humaine, et comportant les buts, les moyens, les voies et les modes de traitement, les critères de la justesse et de l'erreur, des respon-sabilités et des devoirs, ainsi que les facteurs qui conduisent les individus à assumer des respon-sabilités et à accepter les devoirs.

L'homme a eu besoin d'idéologie - ou, selon l'expression coranique, d'une Chari`ah - depuis qu'il est apparu sur la terre, ou depuis que la vie sociale s'est élargie et a suscité des désaccords(21).

Ce besoin s'accrut à la longue, au fur et à mesure que s'accroissaient la maturité et l'évolution de l'homme.

Les lignes de sang, de race, de nationalité, de tribu et de patrie constituaient jadis une conscience collective qui dominait les sociétés humaines.

Cette conscience sécrétait à son tour une série d'objectifs collectifs (bien que non humains) et conférait à la société une orientation unifiée.

Le développement de l'homme et son perfec-tionnement scientifique et rationnel ont conduit à l'affaiblissement de ces liens. La science, en raison de sa propriété individualiste, tend à l'individualisme. Elle mène au dépérissement des sentiments et à l'amoindrissement de l'affection.

L'humanité a besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'une telle philosophie de la vie, une philosophie capable de conduire l'homme à s'attacher à des vérités qui sont au-dessus de l'individu et des intérêts individuels. Il ne fait pas de doute que la doctrine et l'idéologie font partie des nécessités de la vie.

Qui est en mesure d'élaborer une telle école de pensée? La raison d'un seul individu n'en est point capable.

La raison collective est-elle capable d'un tel exploit? L'homme peut-il élaborer le plan intégral de l'idéologie voulue, en s'appuyant sur l'ensemble des expériences des anciens et des contemporains?

Sachant que l'homme en lui-même est le plus complexe des inconnus, il est naturel que la société humaine et son bonheur soient encore plus complexes et plus inconnus.

Alors, que faire?

Si nous avons une vision juste de l'univers et de la vie, si nous considérons le système de l'existence comme absurde et vide, il ne nous restera qu'à reconnaître que l'appareil grandiose de la création n'a pas négligé cette question (philosophie de la vie, une école de pensée) et qu'il y a donné la solution adéquate au travers d'une thèse élaborée à partir d'un horizon qui se place au-dessus de celui de la raison humaine, c'est à dire à partir de la révélation (le principe prophétique).

L'action de la science et de la raison est le mouvement dans le cadre de cette thèse.

Que c'est beau ce que dit Avicenne dans son livre "Al-Najât" (La Vie Sauve), à propos du besoin qu'éprouve l'humanité d'une législation divine transmise par le Prophète (P): "La nécessité d'un tel homme - le Prophète - pour le maintien de l'espèce humaine... est plus impérieuse que la nécessité des sourcils et du creux de la voûte plantaire... ou de bien d'autres utilités qui ne sont pas vraiment indis-pensables à la survie".

C'est dire que cet appareil extraordinaire de la création - qui n'a même pas négligé les petits besoins non essentiels - ne saurait oublier les besoins indispensables.

Mais si nous n'avons pas une vision correcte de l'univers et de la vie, nous devons nous résigner à concevoir que l'homme soit condamné à la désorien-tation et à l'égarement, et que toute idéologie et toute thèse élaborée par cet homme perplexe, perdu dans une nature obscurcie, ne fassent que perpétuer les dits égarement et désorientation.

Ce qui précède nous permet d'affirmer la nécessité de l'existence d'une doctrine ou d'une idéologie ainsi que la nécessité de l'adhésion de l'individu à une doctrine ou à une idéologie. Mais l'adhésion de l'individu à une idéologie particulière ne peut être réelle que si elle revêt le caractère de "foi": et la foi est une vérité à laquelle on ne saurait parvenir par force ni par intérêt. On peut certes être soumis et assujetti à une chose par la force, mais idéologie ne rime pas avec soumission; l'idéologie exige la foi, la conviction et l'attirance.

Une idéologie efficace doit être fondée sur une conception capable de convaincre la raison et d'alimenter la pensée d'une part, et en mesure de présenter à travers cette conception des buts attirants et grandioses, d'autre part. Dans ce cas, l'amour et la conviction se réunissent, comme deux éléments fondamentaux de la foi, pour contribuer à l'édifi-cation du monde.

Il faut aborder ici, ne serait-ce que brièvement, un certain nombre de questions que nous détaillerons dans d'autres occasions:

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