Mer05152024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

Back Vous êtes ici : Accueil Bibliothèque Général Les Repères Des Deux Ecoles Le Messager (SAW) consulte ses Compagnons

Le Messager (SAW) consulte ses Compagnons

Le Messager (SAW) consulte ses Compagnons


Leur consultation s'est limitée aux périodes des expéditions militaires comme le confirme le compagnon Abû Hurayrah: «En matière de consultation des Compagnons, je n'ai pas vu quelqu'un qui l'a fait plus que le Messager d'Allah (SAW); il ne les consultait qu'en période de guerre».(134)

Bien sûr, le but poursuivi par le Messager (SAW) en matière de consultation n'était pas d'apprendre de ses Compagnons ce qu'il devait faire. Parfois, le Prophète avait recours à ce style pour inculquer à ses compagnons le bon choix qui était le sien avant de le leur apprendre et qui devient le leur aussi (du fait de la consultation). Citons à titre d'exemple la consultation qui précéda la bataille de Badr. On sait qu'Allah avait appris d'avance le résultat de cette bataille à Son Messager qui savait que la victoire serait remportée contre l'armée de Quraysh. Après la délibération, il le leur apprit et leur montra les lieux où les guerriers qurayshites allaient être battus. Par le biais de la consultation, le Prophète (SAW) orientait les Musulmans vers ce qu'il convenait de faire. Loin de lui la méthode des rois et des tyrans qui dictent et imposent leurs opinions aux gens, en disant par exemple: «Nous le Roi ... avons donné notre ordre royal de ...».

Le début du verset précité (V. 159/III) corrobore ce que nous avons dit. En effet, ici, la consultation des Compagnons par le Prophète (SAW) est une pierre de touche de la douceur et de la miséricorde émanant d'Allah.

Il arrivait aussi que le Prophète (SAW) consultait ses Compagnons pour atteindre un autre but que la tendresse et l'amabilité. Il s'agissait parfois de procéder à une véritable éducation psychique, spirituelle ou morale. On peut citer à cet égard la consultation qui précéda la bataille de 'Uhud. Le Prophète (SAW) n'était pas d'avis de quitter Médine pour aller à la rencontre de l'ennemi. Mais comme ils insistaient pour y aller, il porta alors ses vêtements de guerre en vue de se diriger vers 'Uhud. A ce moment là, les Compagnons regrettèrent leur insistance en disant: «Ô Messager d'Allah! On n'aurait pas dû s'opposer à toi; mais fais ce que bon te semble!». Le Prophète (SAW) leur rétorqua: «Je vous avais appelé à la retenue mais vous avez refusé, mais sachez qu'il ne convient pas qu'un Prophète dépose sa cuirasse après l'avoir portée avant qu'Allah ne tranche entre lui et ses ennemis».

 

Ainsi, tout en sachant que l'opinion de ses Compagnons n'était pas pertinente, le Prophète (SAW) y souscrivit afin d'élever leur moral et les éduquer. S'il n'avait pas répondu positivement à leur désir très fort de sortir (à la rencontre de l'ennemi) cela aurait laissé un très mauvais effet sur leur psychisme et engendré la faiblesse, l'hésitation ou la défection en temps de guerre.

2)- L'argument de la bay'ah (l'allégeance)


Nous avons vu que la bay'ah est un acte qui ne s'accomplit - comme le contrat de vente - que par consentement mutuel et non par l'épée et la coercition.

- Qu'il n'y a pas de bay'ah dans le péché

- Ni allant à l'encontre des injonctions d'Allah

- Ni au profit de quelqu'un qui désobéit à Allah.

Nous avons vu aussi que la première bay'ah qui fut contractée était celle prêtée à Abû Bakr. Sur sa validité, repose la bay'ah de 'Umar qui a été effectuée sur ordre d'Abû Bakr. De même sur la validité de la bay'ah du calife 'Umar repose celle du calife 'Uthmân à qui on prêta serment d'allégeance sur ordre du calife 'Umar qui, après avoir désigné six candidats au poste de calife successeur, leur enjoignit de prêter serment d'allégeance à celui d'entre eux que 'Abder-Rahmân b 'Awf aurait désigné et de tuer celui qui s'y opposerait.

Nous avons vu aussi comment le serment d'allégeance fut prêté à Abû Bakr au préau (la Saqîfah) de Banî Sâ'idah, comment l'aide apportée par la tribu "Aslam" dont les membres remplirent les rues de Médine, était décisive, comment le feu fut porté jusqu'à la maison de Fatima (a. s.) la fille du Prophète (SAW), parce que chez elle s'étaient retranchés les récalcitrants à la bay'ah d'Abû Bakr, comment les Banî Hâchim refusaient de prêter serment d'allégeance à Abû Bakr durant la vie de la fille du Prophète (SAW) et comment Sa'd b. 'Ubâdah qui avait refusé de prêter serment d'allégeance à Abû Bakr fut tué par deux flèches tirées par les "djinns"!

C'était ainsi que la bay'ah se déroulait à Médine. Ailleurs, ceux qui refusèrent de prêter serment d'allégeance à Abû Bakr ou de verser la zakât (l'aumône légale) à ses percepteurs, furent tués, leurs femmes tombées en captivité et leurs biens confisqués.

Citons à ce propos l'exemple de Mâlik b. Nuwayrah, Compagnon et gouverneur du Messager (SAW), et de sa famille appartenant à la tribu de Tamîm. Pendant la nuit, l'armée de Khâlid b. al- Walîd les envahit. Ils prirent alors leurs armes. Les envahisseurs leur disent: «Nous sommes des musulmans». Les compagnons de Mâlik dirent: «Et nous sommes des Musulmans». Les guerriers de Khâlid leur dirent: «Si vous êtes comme vous dites, déposez alors les armes». Ils les déposèrent et firent ensuite la prière (commune) avec les guerriers de Khâlid. Par après ceux-ci les capturèrent et les conduisirent devant Khâlid b. al-Walîd qui ordonna de couper la tête à Mâlik. Celui-ci regarda vers son épouse - qui était très belle - et dit à Khâlid: «C'est celle-ci qui m'a tué» (c'est à cause d'elle que je vais être exécuté). Khâlid lui dit: «C'est Allah Qui te tue à cause de ton reniement de l'Islam». Mâlik dit: «Nous sommes dans l'Islam (toujours musulmans)». Après qu'on l'a tué, Khâlid ordonna de se servir de sa tête comme trépied à leur marmite. Pendant cette nuit même et avant que Mâlik ne fût enterré, Khâlid épousa sa veuve(135) (sans attendre l'écoulement Shar'î de la retraite légale exigée par le Sait Coran, abstraction faite des circonstances de l'affaire).

On peut citer aussi l'exemple des tribus de Kindah. Ziyâd b. Labîd le percepteur d'Abû Bakr s'empara d'une chamelle appartenant à un jeune homme de Kindah. Celui-ci lui demanda d'en prendre une autre. Ziyâd refusa la proposition sous prétexté qu'il avait (déjà) marqué la chamelle par la marque de la Zaqât (l'aumône légale). Le jeune homme alla voir Hârithah b. Surâqah, un notable de Kindah et lui raconta ce qui s'était passé, en ajoutant qu'il était très attaché à cette chamelle et qu'il aimerait bien voir sa chamelle détachée et remplacée par une autre de son troupeau. Quand Hârithah parla à Ziyâd, intercédant en faveur du jeune homme et que Ziyâd refusa son offre avec véhémence, Hârithah alla lui-même dans le troupeau de la zakât, sortit la chamelle en question et dit au jeune homme: «Prends la et si quelqu'un t'interpelle, je lui casserai le nez par l'épée». Hârithah dit aussi: «Quand le Messager d'Allah (SAW) était vivant, nous lui avons obéi. Si un homme de sa propre famille (Ahlu Baytihi) avait pris sa place, nous lui aurions obéi également. Quant à Ibn Abî Quhâfah (Abû Bakr), je jure par Allah que nous ne lui devons ni obéissance ni allégeance». Ensuite, il a donné des vers de poésie dont celui-ci:

Nous avons obéi au Messager d'Allah

Quand il était parmi nous,

Ô combien m'étonnent ceux qui

Obéissent à Abû Bakr!

Al-Hârith, un autre notable de la tribu Kindah dit à Ziyâd: «Tu invites à obéir à un homme à qui on n'a pas été engagé. Ni à nous, ni à vous, aucune stipulation n'a été notifiée à son sujet!». Ziyâd lui dit: «Tu dis vrai mais nous l'avons choisi pour ce poste». Al-Hârith demanda alors: «Dis-moi pourquoi vous en avez écarté les siens (la famille du Prophète SAW) alors qu'ils sont, parmi les gens, les plus dignes de ce poste puisque Allah - gloire à Lui - dit: «D'après le Livre d'Allah, la parenté a la priorité sur les liens existant entre les croyants et entre les émigrés (Muhâjirîne)». (V. 6/XXXIII)

Ziyâd répondit ainsi: - Les Muhâjirîne et les Ançars connaissent mieux que toi leurs intérêts.

- Non par Allah, répliqua Al-Hârith, vous n'avez écarté le califat de ses ayants droit que par envie de votre part. Moi, je ne peux croire que le Messager d'Allah (SAW) a quitté ce bas-monde sans avoir établi aux gens le guide qu'ils devraient suivre. Comme ce que tu dis est inacceptable, je te demande de décamper d'ici». Ensuite Al-Hârith dit: C'est le Messager qui était obéi.

Voilà qu'il est parti

Qu'Allah prie sur lui

Il n'a pas été remplacé

Ziyâd détacha alors les chameaux de la zakât et se dirigea vers Médine. Là il informa Abû Bakr de ce qui s'était passé. Le calife le dota alors de quatre mille guerriers. En chemin vers Hadramawt, Ziyâd attaqua à l'improviste, ici et là, certaines tribus de Kindah, tuant des hommes et faisant des prisonniers. Ainsi Banû Hind furent conquis par Ziyâd qui tua des hommes parmi eux et s'empara de leurs femmes et enfants. Arrivé à la contrée de Banîl-'Aqil (de Kindah) il les prit à l'improviste, les combattit quelque temps, leur infligea la défaite et s'empara de leurs femmes et de leurs biens.

Par surprise, ses cavaliers envahirent aussi, au milieu de la nuit, la contrée de Banî Hujr (de Kindah), en tuèrent deux cents, en firent cinquante prisonniers et s'emparèrent des femmes et des enfants.

Ensuite Al-Ash'ath b. Qays combattit Ziyâd et l'assiégea dans la ville de Taym, récupéra les biens et les enfants qu'il rendit à leurs familles. Pour le contenter, le calife envoya une missive à Al-Ash'ath b. Qays qui répliqua en disant à l'émissaire: «Abû Bakr, ton compagnon, nous prend pour incrédules si nous nous opposons à lui et ne fait pas de même vis-à-vis de son compagnon (Ziyâd) que tua mon peuple et mes cousins ». L'émissaire lui dit: «Oui, ô Al-Ash'ath! L'incrédulité s'applique effectivement à toi parce qu'Allah - gloire à Lui - te la flanque en raison de ton opposition à la communauté des Musulmans». Un jeune cousin d'Al-Ash'ath frappa alors l'émissaire de son épée et le tua. Comme Al-Ash'ath approuva l'acte du jeune homme, la plupart de ses compagnons se fâchèrent contre lui à tel point qu'il ne resta avec lui qu'environ deux milles hommes. Ziyâd écrivit alors à Abû Bakr pour l'informer de l'exécution de l'émissaire et du siège dont ils furent l'objet. Quand le calife consulta les musulmans sur la décision qu'il devrait prendre, Abû Ayyub Ançârî lui dit: «Ces gens comptent un grand nombre de guerriers et ils peuvent en réunir davantage. Je propose que tu en fasses reculer ton expédition le long de cette année dans l'espoir qu'ils t'apporteront leur zakât, de bon gré, l'année prochaine!!»

Abû Bakr dit alors: «Par Allah, s'ils me refusent un licou (attache de bête) de ce que le Prophète leur avait imposé, je me verrai dans le droit de les combattre jusqu'à ce qu'ils reviennent vers le vrai (dans la légalité)». Ensuite, le calife écrivit à 'Ikrimah b. Abî Jahl, lui ordonnant d'aller avec les fidèles parmi les Mecquois à la rencontre de Ziyâd, en emmenant avec lui ceux qu'il pourrait mobiliser dans les contrées avoisinantes.

'Ikrimah partit avec deux mille cavaliers pour "Ma'rib". Les habitants de Dubâ décidèrent de les combattre pour les empêcher d'aller faire la guerre à leurs cousins de Kindah. Ils commencèrent par chasser le gouverneur nommé par Abû Bakr. 'Ikrimah reçut alors l'ordre de leur faire la guerre, de ne pas les ménager et de lui envoyer les prisonniers. Quand 'Ikrimah les eut assiégés, ils demandèrent à signer la paix et à verser la zakât mais il n'accepta de leur part que la capitulation. Quand ils se sont rendus, 'Ikrimah entra dans leur fort, tua leurs notables, réduisit leurs femmes et leurs enfants en captivité, s'empara de leurs biens et en envoya d'autres à Abû Bakr.

Quand celui-ci voulut tuer les hommes et partager les femmes et les enfants, 'Umar lui dit: «Ô calife du Messager d'Allah! Ces gens sont musulmans et jurent fort qu'ils n'ont pas renié l'Islam ...». Abû Bakr les mit alors en prison où ils resteraient jusqu'après sa mort. 'Umar les libéra.

Quand 'Ikrimah rejoignit Ziyâd et qu'Al-Ash'ath en prit connaissance, il se réfugia dans le fort d'An-Nagîr où il mit à l'abri ses femmes et celles de sa tribu. Ceux parmi les hommes de Kindah qui avaient quitté Al-Ash'ath lorsqu'il cautionna l'assassinat de l'émissaire d'Abû Bakr, regrettèrent d'avoir abandonné les leurs et décidèrent d'aller combattre Ziyâd. Celui-ci s'en effraya et dit à 'Ikrimah: «A mon avis, tu maintiendras le siège de ce fort et moi j'irai à la rencontre des autres». Ziyâd acquiesça en disant: «Très bien mais si tu as la victoire sur eux, ne range ton épée qu'après l'extermination du dernier homme parmi eux!». ­ Je ferai ce que je pourrai, répondit 'Ikrimah.

Ce dernier rencontra les renforts d'Al-Ash'ath et se livrèrent une guerre où, dans les deux camps, les succès alternèrent avec les échecs. Al-Ash'ath qui n'en a pas été informé, qui supporta mal l'état de siège, la faim et la soif, demanda à Ziyâd de lui accorder la vie sauve ainsi qu'à sa famille et à une dizaine de ses hommes.

Le traité de paix fut écrit et envoyé par Ziyâd à 'Ikrimah qui le montra aux tribus de Kindah (ne voyant plus de raison pour continuer la guerre), elles cessèrent le combat et s'en allèrent. Ziyâd entra alors dans le fort et, (faisant fi du traité signé avec Al- Ash'ath!), commença par couper les têtes des guerriers. Par après, Abû Bakr ordonna, par écrit, à 'Ikrimah de lui envoyer les captifs à Médine. Ceux qui sont restés en vue furent donc enchaînés et expédiés à Médine.(136)

C'est ainsi que s'accomplit l'allégeance d'Abû Bakr, qualifiée de brusque par le calife 'Umar et légitimant le califat d'Abû Bakr, de 'Umar et de 'Uthmân. C'est cette allégeance qu'on érige en argument (pour fonder l'établissement du califat).

3)- Le troisième argument: Les actes des Compagnons

Arguer des actes des Compagnons serait valable si leur conduite (sîrah) faisait partie des sources de la législation islamique au même titre que le Livre et la Sunnah ou si la Révélation recommandait de les suivre comme elle l'avait fait pour le compte du Messager d'Allah (SAW):

«Vous avez, dans le Messager d'Allah, un bel exemple ...». (V. 21/XXXIII)

«Prenez ce que le Messager vous donne et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit». (V. 7/LIX)

Sans cela, nous ne sommes pas tenus d'invoquer les actes des Compagnons comme arguments.

En outre, nous ne savons pas qui des Compagnons nous devons prendre comme exemple alors que les actes et les propos des uns s'opposent à ceux des autres. D'où les divergences dans les positions des 'ulémas (savants) quant à la façon d'établir le califat: suffit-il qu'un seul homme prête serment d'allégeance à un autre pour que ce dernier soit nommé calife? D'aucuns l'affirment parce qu'Al-'Abbâs, l'oncle du Prophète (SAW) dit à 'Ali (a.s): «Tends la main que je te prête serment d'allégeance. Si je le fais les gens le feront après moi».

Ou bien faut-il s'inspirer des propos de 'Umar pour qui l'allégeance d'Abû Bakr était brusque? Ou encore de la conduite de Mu'âwiyah qui brandit l'épée contre le calife légitime de l'époque, (l'Imam 'Ali (a. s.)?

Nul besoin, après ce que nous avons étayé, de discuter tous ces points de vue. Reste l'argument selon lequel l'Imam 'Ali (a. s.) dans Nahjul-Balâghah, se basa sur la validité de la Shûrâ, de l'allégeance et des actes des Compagnons.

Vous n’avez pas le droit de laisser des commentaires