Ven04262024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

Back Vous êtes ici : Accueil Bibliothèque l'Economie Notre Economie - Chapitre 3 La Terre Dont Les Habitants Ont Conclu Un Traité De Réconciliation Stipulant Qu'ils Conserveront Leu

La Terre Dont Les Habitants Ont Conclu Un Traité De Réconciliation Stipulant Qu'ils Conserveront Leu

3- La terre dont les habitants ont conclu un traité de réconciliation stipulant qu'ils conserveront leurs terres.


Il s'agit ici en réalité d'un contrat en vertu duquel l'Etat transfère la propriété de cette terre aux "réconciliés" (muçâlih)(92), en contrepartie de concessions spécifiques qu'il obtient, comme le paiement d'un tribut par exemple. Il a été dit précédemment que les terres que l'Etat possède sont considérées comme biens privés de l'Etat, à propos desquels celui-ci peut prendre certaines initiatives, comme l'échange à titre de dédommagement mutuel, etc. Mais ce contrat de réconciliation est un contrat politique par nature, et non pas un contrat d'échange. Il ne signifie pas vraiment la déchéance de la propriété de la raqabah de la terre par l'Etat ou le Prophète (Ç) et l'Imam, et son transfert aux "réconciliés", mais seulement la mainlevée de leurs terres, lesquelles leur sont laissées en contrepartie de concessions précises. L'obligation de respecter les termes du contrat contraint l'Imam à ne pas leur imposer un loyer en échange de leur utilisation de la terre, ce qui ne constitue pas un transfert de la propriété de la raqabah. Car ce qui est visé par la "réconciliation emportant conservation de la terre", c'est la signification pratique de cette formule, et non pas sa signification législative. Car la signification pratique est tout ce qui intéresse les mécréants "réconciliés". La "réconciliation" est similaire au contrat de "thimmah"(93) (protection), lequel est un contrat politique en vertu duquel l'Etat renonce à prélever la Zakât et le Khoms sur le "protégé" (thimmî) en contrepartie du paiement d'un tribut. Il ne s'agit pas ici de l'exonération du polythéiste du paiement de la Zakât, mais de l'obligation faite à l'Etat de ne pas prélever cet impôt bien que celui-ci soit législativement établi.

 

Ces précisions apportées, on peut dire que la terre est entièrement propriété de l'Etat ou de la Fonction que le Prophète (Ç) ou l'Imam représentent, et ce sans aucune exception. Et c'est à la lumière de cette donnée que nous comprenons cette parole de l'Imam 'Alî (S), rapportées dans le Récit d'Abî Khâlid al-Kâbolî, citant Muhammad ibn 'Alî al-Bâqir (S) : «Toute la terre est à nous. Celui, parmi les Musulmans, qui met en valeur une terre, qu'il la mette en état et acquitte entre les mains de l'Imam son kharâj...»(94)

Ainsi, le principe dans la terre est que celle-ci est la propriété de l'Etat. Mais il y a, à côté de ce principe, le droit de la mise en valeur, lequel est un droit qui donne à celui qui l'accomplit une priorité sur autrui. L'individu, qu'il soit ou non Musulman, acquiert ce droit par l'exercice de la mise en valeur non prohibée par l'Imam. Et dès lors, ce droit ainsi acquis devient un droit privé. Mais si cet individu était un polythéiste et que les Musulmans ont occupé sa terre par la force à la suite d'une guerre de Jihâd, ce droit privé devient un droit public appartenant à la Ummah tout entière. Et puisque l'Imam n'a pas le droit d'enlever à la terre kharâjite son caractère "kharâjite" -par le don de la raqabah de la terre- on peut dire que ce droit public, même s'il ne coupe pas le lien de l'Etat avec la raqabah de la terre et sa possession de cette raqabah, transforme la terre de bien privé de l'Etat en bien public de l'Etat, que ce dernier doit exploiter au bénéfice des intérêts qui lui sont fixés, tout en le conservant. C'est ce que confirme l'expression énonçant que "la terre kharâjite est un bien de mainmorte". Aussi allons-nous utiliser le terme de propriété publique chaque fois qu'il s'agira d'un tel cas, et ce afin de la distinguer des cas de la pure propriété de l'Etat, cas dans lesquels la raqabah est propriété de l'Etat, sans l'existence d'un droit général de ce type.

LES MATIERES PREMIERES DANS LA TERRE

Les matières premières contenues dans l'écorce terrestre, et les richesses naturelles qui y sont renfermées, viennent directement après la terre elle-même pour leur importance et le rôle vital qu'elles jouent dans la vie productive et économique de l'homme. Car, en fait, tous les objets et bienfaits matériels dont jouit l'homme tirent leur origine en fin de compte de la terre et des matières et richesses minières dont elle regorge. C'est pourquoi la majeure partie des secteurs de l'industrie dépend essentiellement des industries d'extraction par lesquelles l'homme s'emploie à obtenir ces matières et minerais.

Les faqîh divisent habituellement les minerais en deux catégories : les minerais apparents et les minerais cachés.

Les minerais apparents sont les matières qui n'exigent pas davantage de travail pour laisser apparaître leur substance, comme par exemple le sel et le pétrole. Ainsi, si nous pénétrions dans les puits de pétrole, nous y trouverions ce minerai sous sa forme réelle et nous n'aurions besoin d'aucun effort pour le transformer en pétrole, bien qu'il faille déployer de grands efforts pour découvrir les gisements de pétrole et y forer des puits, et ensuite pour raffiner le pétrole.

Le minerai apparent, selon la norme jurisprudentielle, n'est pas ce que laisse entendre le sens apparent du terme, c'est-à-dire quelque chose qui se trouverait à la surface du sol et qui ne nécessiterait ni creusement, ni équipement pour y parvenir, mais tout minerai dont la nature minérale est apparente, peu importe si pour parvenir à ses gisements dans les profondeurs de la terre l'homme a besoin de creuser et de déployer de grands efforts, ou si on peut le découvrir facilement et sans effort à la surface du sol.

Quant aux minerais cachés, ils comprennent tout minerai nécessitant un travail et un développement pour mettre en évidence ses propriétés minérales, comme c'est le cas pour le fer et l'or. Car les mines de fer et d'or ne contiennent pas ces métaux tout faits et prêts à être exploités par l'homme dès qu'il parvient à leur gisement. Ces mines contiennent des matières minérales qui nécessitent de nombreux efforts et beaucoup de travail pour devenir du fer ou de l'or -au sens où l'entendent les marchands d'or et de fer.

Ainsi, le fait que le minerai soit apparent ou caché est lié, dans la terminologie jurisprudentielle, à la nature de la matière et au degré de son développement naturel, et non pas à l'endroit où elle se trouve, près de la surface du sol ou dans ses profondeurs.

Al-'Allâmah al-Hillî écrit dans "al-Tath-kirah", pour éclairer cette expression que nous venons d'expliquer : «Par apparent, on entend la matière dont la substance apparaît sans l'aide d'un travail propre à cet effet ; et s'il y a travail et effort à faire, ce serait pour parvenir à la matière, laquelle ne nécessite pas pour elle-même une opération de mise en valeur [en évidence]. Les exemples en sont : le sel, le pétrole, le goudron, la poix, la momie, le soufre, les pierres de moulin, le barâm ["pierre à casserole"], le kohl, la hyacinthe, les carrières d'argile, etc. Quant aux minerais cachés, ils n'apparaissent [ne sont mis en évidence] qu'après avoir été travaillés et on n'y parvient qu'en ayant recours à un traitement et à un équipement. Les exemples en sont : l'or, le fer, l'argent, le cuivre, le plomb, etc.»

Les minerais apparents

En ce qui concerne les minerais apparents, tels que le sel et le pétrole, l'avis jurisprudentiel qui prévaut est qu'ils font partie des biens communs à tout le monde. L'Islam ne reconnaît en effet à personne, en ce qui les concerne, ni exclusivité, ni appropriation privée, car il les classe dans le cadre de la propriété publique et les soumet à ce principe. Il autorise les individus à obtenir seulement la part de ces richesses minérales dont ils ont besoin -sans se les réserver exclusivement ni s'approprier leurs sources naturelles.

Partant de là, seul l'Etat -ou l'Imam en sa qualité de Tuteur des gens qui possèdent ces richesses naturelles en propriété publique- a le droit de les exploiter, dans la mesure des possibilités offertes par les conditions matérielles de la production et de l'extraction, et à en mettre le produit au service des gens.

Quant aux projets privés dans lesquels des individus ont le monopole d'exploiter les minerais, ils sont strictement interdits. Si les auteurs de tels projets entreprennent le travail et le creusement pour découvrir ces minerais et y accéder dans les profondeurs de la terre, ils n'auront pas pour autant le droit de se les approprier et de les sortir du cadre de la propriété publique. Toutefois, chaque projet individuel est autorisé à obtenir la quantité dont l'individu a besoin de cette matière minérale.

Al-'Allâmah al-Hillî dit encore dans "al-Tath-kirah"(95), pour expliquer ce principe législatif relatif aux minerais apparents -dont il expose plusieurs exemples : «Ces minerais, on ne peut les posséder à la suite d'une mise en valeur et d'une exploitation, même si l'on parvient à la couche métallifère [nayl].»

Par "nayl", il entend la couche du sol qui renferme le minerai, ce qui veut dire qu'il n'est pas permis à l'individu de posséder ces minerais même s'il creuse jusqu'à ce qu'il parvienne aux gisements de pétrole -par exemple- c'est-à-dire à la couche minérale enfouie dans les profondeurs du sol.

Il a dit également, dans "Al-Qawâ'id", toujours en parlant des minerais apparents : «Les minerais sont de deux catégories : apparents et cachés. Les minerais apparents -lesquels ne nécessitent pas d'équipement (efforts et dépenses) pour y parvenir, comme le sel, le pétrole, le soufre, le goudron, la momie, le kohl, le "barâm" ["pierre à casserole"], la hyacinthe, sont le plus probablement un bien commun à tous les Musulmans, auquel cas ils ne peuvent pas être appropriés par la mise en valeur. Ils n'appartiennent pas en propre à celui qui les entoure d'une clôture. Il n'est pas permis de les concéder, et ils ne sont pas propres à celui à qui ils seraient concédés. Si quelqu'un vous y précède, il n'est pas permis de l'en déranger [de l'écarter de ces minerais] avant qu'il n'en ait satisfait son besoin. Si deux personnes y sont en concurrence, on doit procéder par tirage au sort au cas où on ne peut pas satisfaire les deux concurrents à la fois. Il est possible de partager entre les deux et de donner la priorité à celui d'entre eux qui en a le plus besoin.»(96)

De nombreuses références jurisprudentielles, telles que "Al-Mabsût", "Al-Muhath-thab", "al-Sarâ'ir al-Tahrîr", "al-Dorûs", "Al-Lam'ah", "al-Rawdhah", ont affirmé la soumission des minerais apparents au principe de la propriété publique et l'interdiction de les posséder en propriété privée.(97)

Cette interdiction est confirmée dans "Al-Mabsût", "al-Sarâ'ir", "al-Charâ'i'", "Al-Irchâd", "Al-Lam'ah", où il est dit notamment : «Celui qui devance en prend seulement la quantité dont il a besoin."(98)

Dans le "Jâmi' al-Charâ'i'" et "al-Idhâh", il est dit que : "Si l'individu voulait en prendre [du minerai] plus que son besoin, on le lui interdira."(99)

Al-'Allâmah al-Hillî a dit à ce propos, dans "al-Tath-kirah" : «C'est l'avis de la plupart de nos faqîh, bien qu'ils n'aient pas précisé s'il s'agit du besoin d'un jour ou d'un an.»(100)

Il entend par là que les faqîh ont interdit que l'on prenne plus que ce dont on a besoin de ces minerais, sans déterminer cependant s'il s'agit du besoin d'une seule journée ou de toute une année. On remarque ici que la Charî'ah est on ne peut plus nette quant au soulignement de l'interdiction d'exploiter à titre individuel ces richesses naturelles.

Il est dit dans le texte même de "Nihâyat al-Muhtâj ilâ Charh al-Minhâj" que : «Le minerai apparent est ce qui sort sans traitement, comme le pétrole et le soufre. Il ne peut pas être approprié et il ne peut y avoir d'exclusivité en ce qui le concerne, ni au moyen de clôture, ni par don. Si la quantité en diminue, on en donne en priorité au devancier la quantité dont il a besoin. S'il en demande plus, il est préférable de ne pas lui en donner.»

Expliquant le statut des minerais apparents, al-Châfi'î écrit : «Les minerais sont de deux sortes : les minerais apparents, comme le sel dans les montagnes, que les gens fréquentent [vers lesquelles les gens se dirigent pour s'en approvisionner]. Cette catégorie de minerais, personne n'a le droit de les concéder, en aucun cas. Les gens y ont le même droit. Le fleuve, l'eau de surface et les plantes qui se situent sur des terres non appropriables ont le même statut. Lorsqu'al-Abyadh ibn Hammâl demanda au Prophète (Ç) de lui concéder le sel de Ma'rab, le Prophète le lui concéda, ou voulut le faire. Mais lorsqu'on l'informa que "ce sel est comme l'eau courante ininterrompue", le Prophète dit alors : «Dans ce cas, non !» Et il a dit : «Toute source apparente, comme le pétrole, le goudron, le soufre, la momie, les pierres apparentes, a le même statut. Car c'est comme l'eau et l'herbe : tout le monde y a le même droit.»(101)

Al-Mâwerdî, parlant des minerais apparents, écrit dans "Al-Ahkâm al-Sultâniyyah" : «Quant aux minerais apparents, ce sont ceux dont la substance dont ils sont porteurs est évidente, comme les minerais de kohl, de sel, de goudron, de pétrole. Ils sont comme l'eau qu'il est interdit de concéder, car les gens y ont le même droit : en prend celui qui y parvient. Si ces minerais apparents venaient à être concédés, leur concession serait nulle et sans fondement. Celui qui en aurait la concession y aurait exactement le même droit que tout autre. Tous ceux qui y parviennent y partagent le même droit. Si le concessionnaire les en empêche, il aura commis une transgression par cette interdiction.»(102)

Les minerais apparents sont donc, à la lumière des textes précités, soumis au principe de la propriété publique. Ici, la propriété publique diffère de la propriété publique dans les terres de conquête en bon état dont nous avons parlé précédemment. Car la propriété publique sur ces terres résultait d'une action politique que la Ummah avait accomplie, à savoir la conquête. Ne pouvant pas être reconquises à nouveau, elles sont la propriété publique de la Ummah. Quant aux minerais, tous les gens y ont le même droit selon de nombreuses références jurisprudentielles, lesquelles emploient le terme "gens" au lieu de "Musulmans", comme on le voit dans "Al-Mabsût", "Al-Muhath-thab", "Al-Wasîlah", "al-Sarâ'ir", "Al-Om". Selon les auteurs de ces ouvrages, il n'existe aucune preuve de l'appartenance exclusive de ces minerais aux Musulmans. Aussi sont-ils la propriété publique des Musulmans et de ceux qui vivent sous leur protection.

Les minerais cachés

Quant aux minerais cachés, comme nous l'avons vu, ils consistent -selon la norme jurisprudentielle- en tout minerai qui n'acquiert sa forme définitive que grâce à un travail, comme c'est le cas pour l'or, qui ne devient vraiment "or" qu'à la suite d'une préparation. Mais cette sorte de minerai se divise à son tour en deux catégories, car il peut se trouver parfois près de la surface de la terre, et parfois à une profondeur telle que l'on ne peut l'atteindre sans creuser, et au prix d'un pénible effort.

Les minerais cachés proches de la surface de la terre

Les minerais enfouis près de la surface de la terre sont assimilés aux minerais apparents, dont nous venons d'exposer le statut.

Al-'Allâmah al-Hillî écrit à ce propos dans "al-Tath-kirah" : «Les minerais cachés sont soit apparents, c'est-à-dire proches de la surface de la terre ou à portée de la main, soit non. S'ils sont apparents [proches de la surface] ils ne peuvent pas eux non plus, être appropriés par suite de la mise en valeur, et ils ont donc le même statut, sur ce point, que les minerais apparents, [statut] que nous avons déjà précisé.»(103)

Ibn Qudâmah dit la même chose : «Les minerais apparents auxquels on parvient sans dépenses et que les gens ont l'habitude d'utiliser ne peuvent pas être appropriés par la mise en valeur, et il n'est pas permis d'en concéder l'exploitation à une personne en particulier, ni de se les réserver à l'exclusion des autres Musulmans... Quant aux minerais cachés auxquels on ne parvient que grâce au travail et à des dépenses, tels que l'or, l'argent, le fer, le cuivre, le plomb, les cristaux, la turquoise, ils ne peuvent non plus être appropriés par suite de mise en valeur s'ils sont apparents.»(104)

L'Islam n'autorise donc pas l'appropriation à titre privé de minerais proches de la surface de la terre, alors qu'ils se trouvent sur place. Il autorise seulement l'individu à en posséder la quantité qu'il prend et acquiert, et encore à condition que cette quantité ne dépasse pas une limite raisonnable et ne devienne pas d'une importance telle que sa prise et son acquisition par l'individu constituent une cause de dommage social et de privation pour autrui, comme le note al-faqîh al-Isfahânî dans "Al-Wasîlah".

En fait, nous ne possédons pas de texte authentique dans la Charî'ah indiquant que l'acquisition constitue -toujours et en toutes circonstances- une raison de l'appropriation des richesses minérales acquises, quelles que soient l'importance de ces richesses et les conséquences de leur possession vis-à-vis d'autrui. La seule chose que nous sachions à ce sujet, c'est que les gens avaient l'habitude, à l'époque de la Législation, de satisfaire leurs besoins de matières premières se trouvant à la surface de la terre ou tout près en en acquérant une quantité suffisante pour couvrir ces besoins. Evidemment, en raison du peu de moyens d'extraction et de production dont disposaient les gens, cette quantité était minime. Cette habitude que la Charî'ah avait autorisée à l'époque ne saurait constituer une preuve de l'autorisation qui serait donnée par la Charî'ah aux individus de posséder les quantités qu'ils pourraient en acquérir, même si cette acquisition diffère en quantité (c'est-à-dire la quantité de minerai acquis) et dans son mode (c'est-à-dire les conséquences pour autrui de l'acquisition) de celle à laquelle les gens étaient habitués à l'époque de la Législation. Il convient de remarquer que, jusqu'à présent, les faqîh n'ont pas autorisé la possession à titre privé de la raqabah des minerais apparents -au sens jurisprudentiel du terme- et des minerais cachés proches de la surface de la terre. Ils ont seulement autorisé les individus à en prélever la quantité raisonnable dont ils ont besoin. De cette façon, on a laissé l'exploitation de ces richesses naturelles se faire sur une échelle très large plutôt que la laisser au monopole de projets individuels privés.

Les minerais cachés enfouis

Quant aux minerais cachés enfouis dans les profondeurs de la terre, ils nécessitent deux sortes d'efforts :

1- les efforts de recherche et de creusement, en vue de parvenir à leurs gisements dans les profondeurs de la terre ;

2- les efforts dépensés sur la matière elle-même, en vue de la développer et de mettre en évidence ses caractéristiques propres, comme dans le cas de l'or, du fer, etc.

Appelons cette catégorie de minerais les "minerais cachés enfouis". Ces minerais cachés enfouis font l'objet de plusieurs théories dans la Jurisprudence islamique. Il y a des faqîh, tels qu'al-Kulaynî, al-Qommî, al-Mufîd, al-Daylamî, al-Qâdhî, etc. qui les considèrent comme étant propriété de l'Etat ou de l'Imam -en tant que Fonction et non pas de personne-, estimant que ces minerais font partie des Anfâl (butins), lesquels sont la propriété de l'Etat. D'autres pensent qu'ils sont des biens communs publics que l'ensemble des gens possèdent en propriété indivise publique ; c'est le cas de l'imam al-Châfi'î et de nombreux uléma hanbalites. Al-Mâwerdî, le faqîh châfi'îte, souligne cette dernière opinion sur cette question : «Quant aux minerais cachés enfouis, ce sont ceux dont la substance dort dans un endroit auquel on ne peut parvenir qu'à la suite d'un travail ; c'est le cas des minerais tels que l'or, l'argent, le cuivre, le fer. Ces minerais, et d'autres semblables, sont des minerais cachés et ce, que la part qui en est prélevée ait besoin de fonte et de moulage et d'épuration, ou non. En ce qui concerne l'autorisation de les concéder, il y a deux avis : l'un affirme que cela n'est pas autorisé, tout comme pour les minerais apparents, tout le monde y a le même droit.»(105)

De même, il ressort du texte du faqîh hanbalite Ibn Qudâmah que les minerais cachés enfouis font eux aussi partie des biens communs publics, selon ce qui ressort apparemment dans les Ecoles juridico-religieuses hanbalite et châfi'îte, et qu'il n'y a pas de différence, sur ce plan, entre ces minerais et les minerais apparents ou les minerais cachés non enfouis (proches de la surface du sol)(106).

Il n'est effectivement pas important, dans le cadre de l'opération de découverte de la Doctrine économique que nous menons ici, d'étudier la forme juridique de la propriété de ces minerais et de savoir s'il s'agit d'une propriété publique, d'une propriété d'Etat ou de toute autre forme de propriété ; car tant qu'il est évident que ces minerais ont, dans leur forme naturelle, un caractère social général, et qu'ils ne sont pas le domaine particulier d'un individu à l'exclusion d'un autre, l'étude du type de propriété demeure une recherche purement formelle qui n'est en fait pas liée à nos objectifs.

Ce qu'il est important de rechercher, en revanche, c'est de savoir si l'Islam autorise que le minerai d'or ou d'argent, par exemple, sorte du domaine des richesses publiques, et s'il accorde à l'individu qui creuse le sol et découvre une certaine matière la propriété du minerai qu'il a découvert. Nous avons vu que, en ce qui concerne les minerais apparents et les minerais cachés proches de la surface du sol, la Charî'ah - selon l'avis de l'ensemble des faqîh- n'autorise pas leur passage dans le domaine de la propriété privée. Mais elle autorise chaque individu à prélever de ces minerais la quantité nécessaire à la satisfaction de ses besoins sans nuire à autrui. Il faut donc maintenant connaître également la position de la Charî'ah en ce qui concerne les minerais enfouis, et savoir dans quelle mesure elle concorde avec -ou diffère de- sa position vis-à-vis des autres minerais.

La question qui se pose est donc tout d'abord de savoir si l'individu peut posséder, en propriété privée, des mines d'or ou d'argent, par leur découverte et leur creusement. Nombre de faqîh répondent par l'affirmative à cette question, car ils estiment que le minerai est approprié par sa découverte à travers les opérations de creusement. Ils étayent leur avis en arguant que la découverte du minerai par le creusement est une sorte de mise en valeur, que les ressources naturelles sont appropriées par la mise en valeur, que cette opération constitue un mode d'acquisition, et que l'acquisition est considérée comme un fondement de l'appropriation des différentes richesses naturelles.

Quant à nous, lorsque nous étudions cet avis du point de vue doctrinal, nous ne devons pas le séparer des réserves dont il était entouré, ni des limites que les tenants dudit avis ont imposées à l'appropriation du minerai par celui qui le découvre. Ainsi, la propriété du minerai que le découvreur acquiert -selon cet avis- ne s'étend pas aux profondeurs de la terre, aux veines et aux gisements de la matière minérale. Elle comprend seulement la matière que le creusement a permis de découvrir. De même, elle ne s'étend pas horizontalement au-delà des limites de l'excavation creusée par le découvreur, sauf dans la mesure où l'extraction de la matière contenue dans cette excavation l'exige. C'est ce que l'on appelle dans le langage juridique "harîm al-ma'dan" (l'interdit, ou le droit réservé, du minerai).

Il est évident que ces dimensions de la propriété sont très limitées et étroites, et qu'elles permettent à tout autre individu d'effectuer une opération similaire de creusement en un autre point du gisement du même minerai, même s'il puise en réalité dans le même filon que le premier découvreur, lequel n'a pas la propriété du gisement ou du filon.

Cette limitation à la possession du minerai caché enfoui est évidente dans plusieurs textes des tenants de la thèse de l'appropriation de ce type de minerai.

Ainsi, al-'Allâmah al-Hillî écrit-il, dans "Al-Qawâ'id" : «Et s'il creuse jusqu'à ce qu'il découvre le minerai, il n'a pas le droit d'empêcher un autre de creuser en un autre point. Si cet autre parvient au filon, le premier exploitant n'a pas le droit de l'en empêcher, car il ne possède pas l'endroit qu'il a creusé, ni son filon [harîm].»(107)

Et, définissant le cadre de la propriété, il écrit dans "al-Tath-kirah" : «Si le creusement s'élargit et que la couche contenant le minerai ne se trouve qu'au milieu ou à certaines extrémités, la propriété ne se limitera pas à l'endroit où se trouve cette couche, mais elle comprendra également ses environs nécessaires à sa zone d'exclusivité, c'est-à-dire la superficie nécessaire pour le stationnement des ouvriers et des montures.

«Si quelqu'un creuse, il n'a pas le droit d'empêcher un autre de creuser en un autre point, même s'il atteint le filon, et ceci que nous considérions que le minerai est approprié par le creusement ou non, car si celui qui creuse s'approprie quelque chose, c'est l'endroit qu'il a creusé seulement. Quant au filon qui se trouve dans le sol, il ne le possède pas.»(108)

Ainsi, ces textes délimitent la propriété à l'excavation et à ses environs immédiats dont les limites sont fixées au point où il devient possible d'extraire le minerai de l'excavation. Ils ne reconnaissent pas la propriété du prolongement vertical et horizontal de ces limites.

Si nous ajoutons à ces restrictions émises par ceux des faqîh qui sont partisans de la thèse de l'"appropriabilité" du minerai, le principe de l'illégalité de la suspension -qui interdit aux individus pratiquant le creusement et la recherche de geler et suspendre l'utilisation, ou l'enlèvement, du minerai, et qui décide qu'il faut les en déposséder s'ils l'abandonnent et suspendent son utilisation- si nous réunissons toutes ces restrictions, nous remarquerons que la thèse de l'"appropriabilité" du minerai -qui autorise l'individu à s'approprier le minerai dans ces limites- fait apparaître avec force la négation de l'appropriation à titre privé des mines, comme résultat décisif et comme point d'éclaircissement qu'elle apporte à la recherche théorique dans l'économie islamique. Car, en raison de ces restrictions, l'individu n'est autorisé à posséder que la seule matière minérale située dans les limites de son excavation, et il est menacé dès le début des travaux d'être dépossédé du minerai s'il clôture la mine, interrompt le travail, ou gèle la richesse minérale.

Cette forme de propriété diffère très nettement de la propriété des sites naturels dans la doctrine capitaliste, car elle n'est pas très différente d'un mode, parmi d'autres, de répartition du travail entre les gens, et elle ne peut ni conduire à la constitution de projets individuels monopolistiques, tels que ceux qui prévalent dans la société capitaliste, ni devenir un instrument de domination des sites naturels et de monopole des mines et des richesses qu'elles renferment.

A l'opposé de la thèse de l'"appropriabilité", il y a un autre courant jurisprudentiel qui nie la possibilité pour l'individu de s'approprier le minerai dans les limites reconnues par les faqîh qui soutiennent la thèse de l'"appropriabilité".

Dans le texte de "Nihâyat al-Muhtâj ilâ Charh al-Minhâj", on lit : «Le minerai caché, c'est-à-dire celui qui n'apparaît qu'à la suite d'un traitement, comme l'or, l'argent, le fer, le cuivre, ne peut être vraisemblablement approprié par le creusement et le travail.»(109)

De même, il est dit dans "Al-Mughnî" du faqîh hanbalite Ibn Qudâmah, en ce qui concerne les minerais : «S'ils ne sont pas apparents, et qu'un homme creuse le sol et les fait apparaître, ils ne seront pas appropriés pour autant [par ce travail], selon ce qui ressort apparemment de la doctrine [hanbalite] et l'apparence de la doctrine châfi'îte.»(110)

Ce courant jurisprudentiel puise les justifications de sa négation de l'appropriation dans la discussion des arguments de l'"appropriabilité" et des documents de ceux qui la soutiennent. Il n'est pas d'accord avec l'affirmation de ceux-ci, selon laquelle le découvreur du minerai en est le propriétaire sur le fondement de la mise en valeur par lui dudit minerai du fait de sa découverte, ou sur la base de son acquisition et de son contrôle du minerai. Car, selon ce courant, la Charî'ah ne reconnaît explicitement le droit privé consécutif à la mise en valeur que dans le cas de la terre, et ceci conformément au texte législatif stipulant que "celui qui met en valeur une terre la possède". Or, le minerai n'est pas une terre, pour qu'il puisse être concerné par ce texte. La preuve en est que lorsque les faqîh ont discuté des statuts des terres de conquête mises en valeur, et dit "qu'elles sont la propriété publique des Musulmans", ils n'ont pas inclus dans cette propriété les minerais que ces terres renferment, reconnaissant ainsi que le minerai n'est pas une terre. Il en va de même en ce qui concerne l'acquisition, puisqu'il n'y a pas, dans la Charî'ah, de preuve qui en ferait un fondement de l'appropriation des ressources naturelles.

Selon ce courant jurisprudentiel donc, l'individu ne peut rien posséder de la mine tant que le minerai se trouve dans son site naturel. Il ne peut posséder, à titre privé, que le minerai qu'il a extrait. Ce qui ne signifie pas que sa relation avec la mine ne diffère pas, du point de vue juridique, de la relation de tout autre individu avec ladite mine. Au contraire, bien qu'il ne possède pas le minerai, il est considéré d'un point de vue juridique comme ayant priorité sur autrui pour utiliser ce minerai et y exercer son travail par le moyen de l'excavation qu'il a creusée pour le découvrir, car c'est lui qui a créé l'occasion de l'utilisation de ce minerai grâce à son travail de creusement où il a déployé des efforts, et par lequel il est parvenu au minerai dans les profondeurs de la terre. Dès lors, il a le droit d'empêcher autrui d'exploiter cette excavation, dans les limites où une telle exploitation constituerait une concurrence, et nul n'a le droit d'utiliser cette excavation pour obtenir du minerai de façon à en concurrencer l'ayant droit prioritaire.

A la lumière des textes jurisprudentiels et des théories se rapportant aux mines que nous avons vus jusqu'à présent, nous pouvons conclure que les mines -selon l'avis jurisprudentiel dominant- font partie des biens communs publics. Elles sont donc soumises au principe de la propriété publique, et l'individu n'est pas autorisé à en posséder les filons et gisements enfouis dans le sol. Quant à la possession, par l'individu, du minerai lui-même à l'intérieur de la terre et dans les limites horizontales et verticales de l'excavation, elle fait l'objet de désaccord entre un avis jurisprudentiel dominant et un autre courant jurisprudentiel. Selon l'avis dominant, l'individu obtient le droit de posséder le minerai dans les limites précitées, s'il s'agit de minerai caché enfoui. Selon le courant jurisprudentiel opposé, l'individu n'obtient le droit de posséder que le minerai qu'il extrait, et on lui reconnaît un droit de priorité sur quiconque pour bénéficier du minerai et utiliser son excavation à cet effet.

Les minerais sont-ils appropriés avec la terre ?


Par minerai, nous entendions jusqu'à présent les mines situées sur une terre libre n'appartenant à aucun individu en particulier. Notre recherche dans ce domaine a abouti à la conclusion que nous venons d'énoncer (voir à la fin du chapitre précédent). Il faut savoir maintenant si cette conclusion concerne aussi les mines situées dans une terre appartenant à un individu en particulier, ou si ces mines deviennent propriété de cet individu du seul fait qu'elles se trouvent sur son terrain.

En réalité, nous ne voyons pas d'inconvénient à l'application à ces mines de la conclusion à laquelle a abouti notre recherche, s'il n'y a pas un accord unanime sur le plan religieux, car leur présence dans la terre d'un particulier n'est pas une raison suffisante, sur le plan juridique, pour leur appropriation par celui-ci. En effet, nous avons appris dans un précédent chapitre que l'appartenance de la terre à un individu ne peut résulter que de l'une des deux raisons suivantes : la mise en valeur, ou l'entrée de la terre dans le Dâr-ul-Islam à la suite de la conversion volontaire à l'Islam de ses habitants, puisque la conversion à l'Islam d'une personne, sur sa terre, la rend propriétaire de celle-ci. Or l'effet de chacune de ces deux raisons ne s'étend pas aux mines qui existent dans les profondeurs de la terre, mais concerne seulement la terre elle-même, conformément à la preuve légale relative à chacune d'elles.

La preuve légale de la mise en valeur est le texte législatif stipulant que "celui qui met en valeur une terre, celle-ci sera à lui, il y aura la priorité et devra en payer le tasq". Il est évident que ce texte accorde à l'exploitant un droit sur la terre qu'il a mise en valeur, et non pas sur les richesses naturelles qu'elle renferme et qui sont enfouies dans ses profondeurs.

Quant à la preuve légale de la possession par un individu de la terre sur laquelle il s'est converti volontairement à l'Islam, elle réside en ce que l'Islam protège le sang et le bien et, par conséquent, celui qui se convertit à l'Islam, on protège son sang, et les biens qu'il possédait avant sa conversion sont saufs. Ce principe est appliqué à la terre elle-même et non pas aux mines qu'elle peut renfermer, car la personne qui s'est convertie à l'Islam ne possédait pas ces mines et il n'y a donc pas de raison qu'on les lui préserve. En d'autres termes, le principe de la protection du sang et du bien en Islam n'institue pas une nouvelle propriété, mais conserve à la personne, en raison de sa conversion à l'Islam, les biens qu'elle possédait antérieurement. Or les mines ne font pas partie de ces biens, et n'ont donc pas à être appropriées par suite de la conversion. Sa conversion conserve à l'individu seulement la terre qui lui appartenait antérieurement, et il en demeure propriétaire après l'entrée en Islam, il n'en est pas dépossédé.

Il n'existe pas, dans la Charî'ah, de texte stipulant que la propriété de la terre s'étend à toutes les richesses qu'elle renferme. Ainsi, nous savons maintenant qu'il est possible juridiquement -s'il n'y a pas de consensus unanime de nature religieuse- d'affirmer que les mines se trouvant dans des terres appartenant à quelqu'un, ou particulières, ne sont pas la propriété des possesseurs de ces terres, bien que l'on doive lors de leur exploitation tenir compte des droits de ceux-ci sur leurs terres, car la mise en valeur et l'extraction du minerai de ces mines dépendent de la possibilité de disposer de la terre. Il paraît que l'imam Mâlik a décrété que le minerai découvert dans une terre possédée par un individu ne dépend pas de la terre mais appartient à l'Imam. En effet, on peut lire, dans "Mawâhib al-Jalîl" : «Ibn Bachîr a dit : "S'il [le minerai] se trouve dans une terre possédée par une personne donnée, il est soumis à trois avis : le premier, il [le minerai] est à l'Imam ; le deuxième, au propriétaire de la terre ; le troisième, s'il s'agit d'or ou d'argent, il appartient à l'Imam, et s'il s'agit d'autres joyaux, il appartient au propriétaire de la terre." Et al-Lakmî a dit : "Lorsqu'il y eut divergence de vues sur les minerais d'or, d'argent, de fer, de cuivre, de plomb, découverts dans la propriété d'un homme, Mâlik a dit : C'est l'Imam qui en décide. Il l'accorde à qui il estime bon de l'accorder."»(111)

La féodalité (al-iqtâ') en Islam

Il y a, dans la terminologie de la Charî'ah islamique concernant les terres et les minerais, le terme "iqtâ'".

Ainsi, nous pouvons remarquer fréquemment dans le vocabulaire des faqîh cette expression : «L'Imam doit accorder (concéder)(112) en fief cette terre ou ce minerai», malgré leurs divergences sur les limites de la concession en fief que l'Imam peut accorder.

Le terme "iqtâ'" (féodal) est inséparablement lié, dans l'histoire du Moyen Age, notamment dans l'histoire de l'Europe, à des conceptions et des régimes déterminés, au point qu'il évoque dans l'esprit des gens, lorsqu'on l'entend prononcer, tous ces régimes et conceptions qui déterminaient les rapports du cultivateur et du propriétaire, et régissaient leurs droits aux époques où le régime féodal dominait en Europe et dans différentes régions du monde.

En réalité, cette évocation et ce réflexe conditionné étant le produit linguistique de civilisations et de doctrines sociales que l'Islam n'a ni vécues ni connues, peu importe si certains Musulmans les ont connues ou non dans certaines parties de la Nation islamique, lorsqu'ils ont perdu leur spécificité et leurs règles en fusionnant dans les courants du monde athée, et il n'est pas logique de charger le vocabulaire islamique de ce produit qui lui est étranger.

Certes, nous ne voulons pas (et cela ne nous importe pas) parler ici des sédiments historiques du terme, et l'héritage qu'il porte de certaines époques de l'histoire islamique, car il ne s'agit pas ici de comparer entre deux significations de ce mot. Mieux, nous ne voyons absolument aucune justification à une telle comparaison entre le concept de féodalité en Islam et le concept européen qui est reflété par les régimes féodaux, étant donné l'absence de lien aussi bien théorique qu'historique entre les deux.

Ce que nous cherchons, à travers cette étude, c'est à expliquer ce mot du point de vue de la Jurisprudence islamique, afin de déterminer l'image intégrale des statuts de la Charî'ah relatifs à la distribution, qui se cristallisent à travers l'opération de découverte à laquelle nous procédons dans le présent ouvrage. Ainsi, la féodalité, comme la définissent al-Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût", Ibn Qudâmah dans "Al-Mughnî", al-Mâwerdî dans son "Ahkâm", et al-'Allâmah al-Hillî, est en réalité "l'octroi par l'Imam à une personne du droit d'exercer un travail dans une source de richesse naturelle dans laquelle le travail constitue une cause d'appropriation ou d'acquisition d'un droit"(113). Pour comprendre cette définition, nous devons savoir que, pour toutes les sources de la richesse naturelle brute(114), il n'est pas permis, en Islam, à l'individu d'effectuer un travail et une mise en valeur, sans l'autorisation particulière ou générale de l'Imam ou de l'Etat, comme nous le verrons dans un prochain chapitre lorsque nous étudierons le principe de l'intervention de l'Etat, en vertu duquel principe celui-ci a le droit de contrôler la production et de veiller à la répartition saine du travail et des occasions de travail. Donc, partant de ce principe, il est naturel que l'Imam exploite ces sources soit directement, soit par la création de projets collectifs, soit en donnant aux individus l'occasion de les exploiter, selon les conditions objectives et les possibilités de production de la société d'une part, et selon les exigences de la justice sociale du point de vue islamique d'autre part.

Ainsi, en ce qui concerne le minerai brut, comme l'or par exemple, l'Imam pourrait estimer qu'il est préférable que l'Etat se charge de son extraction et de la mise à la disposition des gens de ce qui aurait été extrait. De même, l'Imam pourrait considérer que cette solution n'est pas possible sur le plan pratique, en raison de l'absence initiale des moyens matériels de production nécessaires à l'extraction de grandes quantités par l'Etat, et choisir en conséquence l'autre mode de production, en autorisant des individus ou des groupes à mettre en valeur une mine d'or et à en extraire la richesse, et ce en raison des faibles quantités d'or qu'on peut en tirer. Ainsi, l'Imam décide du mode d'exploitation des ressources naturelles brutes et de la politique générale de la production à la lumière de la réalité objective et des idéaux islamiques de Justice.

Nous pouvons ainsi comprendre, à la lumière de ce qui précède, le rôle de la "féodalité" (la concession) et son sens jurisprudentiel : c'est l'un des modes d'exploitation des matières premières, que l'Imam adopte lorsqu'il estime que l'autorisation donnée à des individus d'exploiter ces richesses est le meilleur moyen d'en profiter dans des circonstances déterminées.

La concession d'une mine, donnée par l'Imam à une personne, signifie l'autorisation de la mettre en valeur et d'en extraire le minerai. C'est pourquoi il n'est pas permis à l'Imam de donner à un individu une concession qui dépasserait ses capacités et qu'il ne pourrait pas exploiter, comme l'affirme al-'Allâmah al-Hillî dans le texte d'"al-Tahrîr" et d'"Al-Tath-kirah"(115), ainsi que certains faqîh châfi'îtes et hanbalites(116) ; car la "concession" islamique est l'auto- risation donnée à un individu d'exploiter la richesse concédée et d'y travailler. Si le concessionnaire s'avère incapable d'effectuer ce travail, la concession aura été illégale. Cette restriction à la concession reflète clairement sa nature, laquelle se veut un des modes de division du travail et d'exploitation de la nature.

L'Islam ne considère pas la concession comme une cause de l'appropriation par le concessionnaire de la source de richesses naturelles que l'Imam lui accorde, car autrement ce serait un détournement de sa fonction de mode d'exploitation et de division des forces de travail. Il a donné au concessionnaire un droit d'exploitation de la source de richesses naturelles, lequel droit signifie que c'est à lui de travailler dans cette source et que nul autre n'a le droit de la lui prendre et d'y travailler à sa place, comme l'ont affirmé al-'Allâmah al-Hillî dans "Al-Qawâ'id" : «La concession produit l'exclusivité»(117), et al-Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût" : «Si le sultan concède une parcelle de mawât à l'un de ses sujets, celui-ci y aura sans conteste la priorité sur autrui du fait de la concession par le sultan.»(118)

Parlant de la concession du minerai, faite par l'Imam, et soulignant que c'est celui-ci qui en a le contrôle et qui décide quelle est la meilleure façon de le gérer -exploitation par l'Etat ou concession- al-Hattâb écrit, dans "Mawâhib al-Jalîl" : «Lorsqu'il le concède, il le fait en vue de son utilisation et non pas de sa possession, car celui qui en a la concession n'a pas le droit de le vendre ; et on ne peut pas l'hériter de celui qui en avait la concession, car ce qui n'est pas appropriable n'est pas transmissible par héritage, bien qu'il existe un avis selon lequel le filon peut être transmis par héritage.»(119)

Par conséquent, la concession n'est pas une opération d'appropriation, mais un droit que l'Imam octroie à un individu sur une source de richesses naturelles à l'état brut, droit en vertu duquel cet individu aura priorité sur quiconque pour exploiter la parcelle de terre concédée, ou le minerai, suivant ses capacités et possibilités.

Il est évident que l'octroi de ce droit est nécessaire tant que la concession, comme nous l'avons vu, est un des modes de répartition des énergies et forces de travail sur les sources de richesses naturelles en vue de les exploiter, car la concession ne peut jouer ce rôle et répartir les forces de travail sur les ressources naturelles, selon un plan général, que si tout individu a le droit d'exploiter ce qui lui a été concédé de ces ressources, droit en vertu duquel il aura priorité sur autrui pour le mettre en valeur et y travailler.

La raison de ce droit est de garantir la maîtrise de la répartition et de faire réussir la concession en tant que mode d'exploitation des ressources naturelles et de leur répartition entre les forces de travail sur la base de la compétence. Ainsi, nous remarquons que depuis que l'individu a obtenu de l'Imam la concession d'une terre ou d'un gisement de minerai jusqu'à ce qu'il exerce le travail, c'est-à-dire pendant la période des préparatifs et de la mise en oeuvre des conditions préalables, qui va de la date de l'octroi de la concession à celle du commencement effectif du travail d'exploitation, il n'a d'autre droit que celui de travailler sur cette parcelle limitée de terre ou cette partie déterminée de la mine, droit qui lui permet la mise en valeur et l'exploitation et qui interdit à quiconque de l'y concurrencer, afin que le mode d'exploitation des ressources naturelles et de répartition des forces de travail selon les compétences ne soit pas perturbé.

Cette période, qui va de l'octroi de la concession jusqu'au commencement du travail ne doit pas se prolonger de manière excessive, car concession ne signifie pas appropriation de la terre ou du minerai par l'individu, mais répartition de l'intégralité du travail aux ressources naturelles sur la base de la compétence. Aussi le concessionnaire n'a-t-il pas le droit d'ajourner sans raison valable le début du travail, car négliger de commencer le travail compromettrait le succès de la concession, en tant qu'exploitation des ressources sur la base de la répartition du travail, au même titre que la concurrence d'un tiers, au détriment du concessionnaire dans son travail après qu'il a été désigné par l'Etat pour exploiter cette parcelle déterminée qui lui a été concédée, aurait empêché elle aussi la concession de remplir son rôle islamique.

C'est pour cela que le Chaykh al-Tûsî écrit, dans "Al-Mabsût", à propos du concessionnaire : «S'il retarde la mise en valeur, le sultan lui dira : "Ou bien tu la mets en valeur [la concession], ou bien tu la laisses à un autre pour qu'il assure cette mise en valeur". Si le concessionnaire invoque une raison valable et demande un délai, le sultan ajourne l'échéance, et s'il n'avait pas de raison valable et que le sultan le somme de choisir entre les deux termes de l'alternative, et s'il ne s'y soumet pas, alors le sultan lui retire la concession.»(120)

De même, il est écrit dans "Miftâh al-Karâmah" : «S'il [le concessionnaire] invoque le prétexte de difficultés financières et demande un délai jusqu'à ce qu'il dispose d'une aisance dans ce domaine, sa demande sera rejetée car, les délais n'ayant pas été déterminés, le retard risquerait de se prolonger de manière excessive et de conduire à l'inexploitation.»(121)

L'Imam al-Châfi'î a dit : «Lorsqu'une personne bénéficie d'une concession sur une terre, ou qu'elle la clôture, sans la mettre en valeur, je pense que le sultan doit la sommer d'effectuer cette mise en valeur sous peine de la remplacer par une autre personne qui procédera à la mise en valeur. Si le concessionnaire défaillant demande un délai, j'estime qu'on doit le lui accorder.»(122)

Selon un récit rapporté par al-Harath ibn Bilâl ibn al-Harath, le Prophète (Ç) avait concédé à Bilâl ibn al-Harath al-'Aqîq(123). Lorsque 'Omar ibn al-Khattâb accéda au califat, il dit à Bilâl ibn al-Harath : "Il ne t'a pas accordé cette concession pour que tu te l'approprie à l'exclusion des gens."»(124)

Tels sont tout le rôle, et tout l'effet, de la concession pendant la période allant de son octroi au commencement du travail, période pendant laquelle la concession produit son effet sur le plan juridique, et cet effet ne va pas, comme nous l'avons vu, au-delà d'un droit de travail qui fait de la concession un moyen auquel l'Etat recourt dans certaines circonstances pour exploiter les ressources naturelles et répartir les forces de travail entre ces ressources en fonction des compétences.

Mais après que l'individu a commencé d'entreprendre le travail sur la terre ou le minerai, la concession cesse d'avoir des effets sur le plan juridique où elle est remplacée par le travail : à partir de ce moment, en effet, les droits de l'individu sur la terre ou le minerai sont déterminés par la nature du travail, selon les modalités de détail que nous avons déjà étudiées. Cette nature véritable de la concession, montrant qu'il s'agit d'un mode islamique de division du travail, est prouvée - outre ce qui précède- par les restrictions que la Charî'ah a mises à la concession. En effet, la Charî'ah l'a limitée aux ressources naturelles sur lesquelles le travail est censé octroyer au travailleur un droit ou une sorte d'exclusivité, à savoir les mawât, dans la norme jurisprudentielle. Ainsi, il n'est pas permis de concéder les sites naturels sur lesquels aucun droit ni exclusivité ne découle du travail (comme l'a noté al-Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût") et qui sont représentés par de larges emplacements sur les routes. L'interdiction de donner en concession cette sorte de sites, et la limitation de la concession aux seuls mawât, montrent clairement la vérité que nous avons soulignée et prouvent que la fonction de la concession, sur le plan juridique, n'est autre que l'octroi d'un droit d'exercer un travail sur une source de richesses naturelles déterminée pour une raison précise, la concession étant considérée comme un des modes de répartition du travail sur les ressources naturelles qui ont besoin de mise en valeur et de travail. Quant aux droits de l'individu sur la source de richesses naturelles elle-même, ils sont fondés sur le travail et non sur la concession.

Si la source de richesses naturelles fait partie des sites qui n'ont pas besoin de mise en valeur et de travail, et sur lesquels le travail n'engendre aucun droit particulier pour celui qui l'effectue, la concession n'est pas autorisée, car elle perd sa signification islamique lorsqu'il s'agit de ce genre de sites qui n'ont pas besoin de travail et sur lesquels il n'y a pas trace de travail pour qu'on y accorde à un individu un droit de travail. L'octroi de concessions sur de tels sites constituerait une forme d'accaparement et de monopole de la nature, ce qui ne s'accorde pas avec la conception islamique de la concession et sa fonction authentique. C'est pour cela que la Charî'ah l'a interdite et a limité la concession légale aux sources de richesses naturelles ayant besoin d'un travail.

La concession (iqtâ') sur la terre kharâjite

Il y a autre chose qu'on pourrait appeler "concession" (iqtâ') dans la norme juridique, et qui ne l'est pas en vérité puisqu'il s'agit de payer la rétribution d'un service.

Le domaine de cette concession est la terre kharâjite, considérée comme propriété de la Ummah. En effet, il arrive que le Gouvernant accorde à un individu une terre kharâjite et l'autorise à en percevoir le kharâj.

Une telle initiative de la part du Gouvernant, bien qu'elle exprime parfois, dans sa signification historique - et à tort- un cas flagrant d'appropriation de la raqabah de la terre, n'a rien de tout cela dans son acception jurisprudentielle et ses limites légales. Elle est, en effet, considérée comme un moyen de payer les salaires et rétributions que l'Etat s'est engagé à verser aux individus en contrepartie de travaux effectués ou de services généraux rendus. Pour comprendre cela, il faut se rappeler que le kharâj -qui est le bien prélevé par l'Etat chez les cultivateurs- est considéré comme une propriété de la Ummah, accessoire de sa propriété de la terre elle-même. C'est pourquoi l'Etat doit dépenser les biens provenant du kharâj pour les besoins généraux de la Ummah, comme le soulignent les faqîh en désignant ces besoins généraux comme étant les provisions de bouche des gouverneurs et des juges, les dépenses de construction de Mosquées et de ponts, etc. Et puisque les gouverneurs et les juges rendent des services à la Ummah, celle-ci doit se charger de leur entretien. Il en va de même des Mosquées et des ponts, qui font partie des besoins généraux de la société dans la vie quotidienne des gens, et qu'il est donc permis de construire avec les biens de la Ummah et les droits prélevés sur le kharâj.

Il est évident que l'Etat peut s'acquitter de la provision de bouche du gouverneur et du juge, ou de la rétribution de tout individu ayant rendu un service général à la Ummah, soit directement par prélèvement sur les biens du Trésor public, soit en autorisant son créancier à percevoir lui-même directement la rente de certaines propriétés d'Etat. En principe, l'Etat recourt à cette dernière formule lorsqu'il ne dispose pas d'une administration centrale solide.

En effet, dans la société islamique, les salaires et les rétributions (indemnités) des individus qui ont rendu des services généraux à la Ummah peuvent être réglés en espèces, mais il arrive également -selon les circonstances de l'administration dans l'Etat islamique- que ces salaires et indemnités soient payés au moyen de l'octroi par l'Etat, à un individu, du droit de prélever pour lui-même le kharâj d'une terre déterminée parmi les terres de la Ummah, et de le toucher directement du cultivateur, et ce à titre de rétribution pour le service rendu à la Ummah. On appelle ce procédé "concession", bien qu'il ne s'agisse pas vraiment d'une concession mais plutôt d'une charge donnée à l'intéressé, par laquelle il perçoit sa rétribution du kharâj prélevé sur une surface déterminée de terre, en l'obtenant directement du cultivateur. Ainsi, le concessionnaire possède-t-il le kharâj en tant que salaire contre un service général qu'il rend à la Ummah. Mais il ne possède pas la terre, et il n'a aucun droit originel dans sa raqabah ni dans ses utilités. De même, cette terre ne perd pas de ce fait son titre de propriété des Musulmans, ni sa qualité de terre kharâjite, et ce conformément à l'avis du faqîh et muhaqqiq, Seyyed Muhammad Bahr al-'Ulûm, lequel, définissant cette sorte de concession -c'est-à-dire la concession de la terre kharâjite - écrivait dans "Bulghat al-faqîh" : «Cette sorte de concession ne fait pas perdre à la terre sa qualité de terre kharâjite, car elle signifie que le kharâj de cette terre appartient au concessionnaire, et non pas son exclusion de la "kharâjité"»(125)

"Al-hemâ" (la terre de protection) en Islam

"Al-hemâ" est un concept ancien chez les Arabes. Il désigne les étendues de terres de mawât que les individus les plus puissants accaparaient, interdisant à autrui de les utiliser, et les considérant, avec tout ce qu'elles renfermaient d'énergies et de richesses, comme leur propriété privée et ce parce qu'ils s'en étaient emparés et en raison de leur capacité d'empêcher quiconque de les utiliser. Al-Muhaqqiq al-Najafî écrit, dans son livre "Al-Jawâhir" : «Il était dans les habitudes de ces gens-là, à l'époque anté-islamique, lorsqu'ils se rendaient sur une terre fertile, de faire aboyer un chien sur une montagne ou dans une plaine, et de proclamer par suite leur appropriation de l'ensemble de la superficie sur laquelle l'aboiement du chien était entendu, de tous les côtés, et leur protection de cette terre contre quiconque. C'est pourquoi on l'appelle "al-hemâ" [la terre protégée, ou réservée].»

Al-Châfi'î écrit dans son livre, après avoir rapporté le hadith du Prophète (Ç) cité par al-Ça'b, "Il n'y a pas de hemâ, si ce n'est pour Allah et Son Messager" : «Lorsqu'un homme puissant parmi les Arabes se rendait sur un territoire fertile, il faisait monter un chien sur une montagne -si montagne il y avait- ou sur un relief -s'il n'y avait pas de montagne- et il le faisait aboyer, après avoir posté quelqu'un qui était chargé de localiser le point extrême auquel parvenaient les aboiements. Le territoire compris entre les divers points extrêmes de la portée des aboiements, dans toutes les directions, constituait désormais son protectorat. Il faisait pâturer son bétail avec les autres en dehors de ce protectorat, qu'il interdisait à ceux-ci et qu'il réservait aux bêtes faibles de son bétail et d'autres bêtes qu'il voulait laisser avec elles. Donc, lorsque le Prophète (Ç) a dit : "Il n'y a pas de hemâ en Islam, si ce n'est pour Allah et pour Son Prophète", il entendait le hemâ dans cette acception particulière. Et lorsqu'il dit : "Tout hemâ et autre appartiennent à Allah et à Son Prophète", c'était parce qu'il faisait le hemâ (protection ou réservation) pour l'intérêt de l'ensemble des Musulmans, et non pas comme le faisait (la protection ou le hemâ) tout autre individu, pour son besoin ou intérêt personnel.»(126)

Il est naturel que l'Islam rejette le hemâ, car le droit personnel y est fondé sur la domination et non pas sur le travail. C'est pourquoi il ne l'autorise à aucun Musulman. Le texte : «Il n'y a pas de protectorat, si ce n'est celui d'Allah et de Son Messager» confirme la condamnation de cette méthode d'appropriation et de monopolisation des ressources naturelles. Et selon certains : «Quelqu'un a demandé à l'Imam al-Çâdiq (S) : "Si un Musulman possède un terrain contenant une montagne à vendre, et qu'un autre Musulman, qui a besoin de faire pâturer ses moutons, lui demande l'accès de sa montagne, le premier peut-il légalement vendre la montagne au second, comme il vend d'autres choses, ou bien lui en refuser l'accès s'il ne veut pas payer ? Quel est le statut dans un tel cas, et quel est le droit du premier ?" L'Imam al-Çâdiq a répondu : "Non, il n'a pas le droit de vendre la montagne à son frère musulman."»(127)

Ainsi, la simple domination sur une source de richesses naturelles, exercée par un individu, n'est pas considérée en Islam comme une raison d'accorder à cet individu un droit sur ladite source. La seule protection (domination, hemâ) que l'Islam ait autorisée est celle du Prophète (Ç). En effet, le Prophète (Ç) a "protégé" (réservé), pour des motifs d'intérêt général, certains endroits des terres de mawât, tel al-Baqî' qu'il a destiné aux chameaux de l'aumône, au bétail du tribut et aux chevaux des mujahîd (combattants musulmans).

LES EAUX NATURELLES

Les eaux naturelles sont de deux sortes, l'une constituée des "sources" découvertes qu'Allah a placées à la surface de la terre pour l'homme, comme c'est le cas des mers, des fleuves et des sources naturelles, l'autre regroupant les sources enfouies dans les profondeurs du sol et dont l'utilisation par l'homme nécessite travail et efforts, l'exemple en étant les eaux de puits creusés par l'homme pour y accéder.

La première catégorie est considérée comme faisant partie des biens communs publics appartenant à tout le monde. Les biens communs publics sont les richesses naturelles que l'Islam n'autorise aucun individu en particulier à s'approprier, tout en permettant à tous de les utiliser, le bien originel et sa raqabah conservant leur qualité de biens communs et publics. Ainsi, la mer ou le fleuve ne peuvent être la propriété privée de personne. Tout le monde est autorisé à les utiliser. C'est sur cette base que nous savons que les sources naturelles découvertes d'eau sont soumises au principe de la propriété publique(128). Si quelqu'un en acquiert une certaine quantité, en n'importe quelle circonstance, il est propriétaire de cette quantité. Qu'il puise l'eau dans le fleuve avec un récipient, un instrument, ou en creusant de manière licite un fossé qu'il relie au fleuve, cette eau puisée grâce au récipient, à l'instrument ou au fossé devient propriété par acquisition. Sans acquisition et travail, on ne peut rien posséder de l'eau. C'est ce qu'a affirmé le Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût" : «L'eau mubâh [permise] est l'eau de mer et l'eau d'un grand fleuve, comme le Tigre ou l'Euphrate, et l'eau des sources jaillissant dans la plaine et la montagne des mawât. Tout cela est mubâh (permis), et toute personne peut en utiliser incontestablement la quantité qu'elle veut, de la façon qu'elle veut, et ce conformément à un hadith du Prophète cité par Ibn 'Abbâs : "Les gens sont associés dans trois choses : l'eau, le feu et l'herbe." Même si cette eau déborde et entre dans les propriétés des gens et s'y accumule, ceux-ci n'en deviennent pas propriétaires.»

Le travail est donc la base de l'appropriation de toute quantité d'eau que l'individu prend à ces sources. Même dans le cas où l'eau provenant de ces sources découvertes entre sous la domination de quelqu'un, en pénétrant dans son domaine, sans que cette personne ait accompli aucun travail pour la faire venir, cela ne justifie pas son appropriation, et l'eau conservera son caractère de bien commun public tant que l'intéressé n'aura effectué aucun travail pour l'acquérir.

La seconde catégorie de sources naturelles de l'eau est l'eau enfouie et cachée à l'intérieur du sol. Cette catégorie d'eau n'appartient en propre à quiconque qu'à partir du moment où il aura accompli un travail pour y parvenir, et creusé pour la découvrir. Si, à la suite de travail et de creusement, quelqu'un découvre une source d'eau enfouie, il aura un droit sur cette source qu'il a découverte, lui permettant de l'utiliser et d'empêcher les autres d'y rivaliser avec lui. Etant donné que c'est lui qui, par son travail, a créé l'occasion d'utiliser cette source, il a le droit de bénéficier de cette occasion, et quiconque n'aurait pas partagé son effort pour la création de cette occasion, ne doit pas venir en concurrence avec lui dans son utilisation. C'est pourquoi il acquiert la priorité sur tout autre dans cette source, et il possède l'eau qui se renouvelle de celle-ci, car il s'agit d'une forme d'acquisition, mais il ne possède pas la source elle-même, qui se trouvait dans les profondeurs de la terre avant son travail. Pour cette raison, il doit offrir le surplus de l'eau aux autres, lorsqu'il aura satisfait son besoin, et il n'a pas le droit de leur demander de payer l'eau qu'ils ont bue ou fait boire à leurs animaux, car la matière reste parmi les biens communs publics. Le découvreur y obtient, par son travail, un droit de priorité. Une fois ses besoins satisfaits, les autres peuvent l'utiliser. En effet, Ibn Baçîr raconte que l'Imam al-Çâdiq (S) a rapporté que le Prophète (Ç) a interdit "al-Nitâf" et "al-Arbi'â'", et qu'il a dit : «Ne la vends pas, mais prête-la à ton voisin ou à ton Frère. Al-Arbi'â' signifie qu'on construit une digue, qu'on y rassemble l'eau qu'on y puise pour arroser sa terre, et qu'on laisse l'eau restant à autrui. A1-Nitâf, c'est l'eau potable dont on consomme la quantité suffisante pour soi, et on doit laisser le reste à autrui.»

Selon un autre hadith, attribué à l'Imam al-Çâdiq (S) : «Al-Nitâf, c'est boire l'eau. Si tu n'en as plus besoin, tu n'as pas le droit de la vendre à ton voisin, mais tu dois la lui laisser. Al-Arbi'â', c'est l'eau d'arrosage (ruisseau), commune à tout le monde ; celui qui y puise ce dont il a besoin doit la laisser à son voisin ; il ne doit pas la lui vendre.»(129)

Al-Chaykh al-Tûsî affirme lui aussi, dans "Al-Mabsût", ce que nous venons de mentionner, et il explique que le rapport de l'individu avec la source de l'eau est un rapport de droit, et non pas de propriété, bien qu'il ait son mot à dire en ce qui concerne le puits, c'est-à-dire l'excavation qu'il a creusée et grâce à laquelle il est parvenu à l'eau. Il dit notamment à ce propos : «Dans tout endroit où un individu possède un puits, il a la priorité dans la quantité de son eau dont il a besoin pour boire lui-même, pour faire boire son troupeau et irriguer ses cultures. S'il en reste un surplus, il doit l'offrir, sans contrepartie, à quiconque en a besoin pour boire lui-même ou pour faire boire son troupeau. Quant à l'eau qu'il a acquise et rassemblée dans sa cruche, sa jarre, son cruchon, son étang, son puits -c'est-à-dire un trou sans contenu-, son atelier, etc. il n'a pas, incontestablement, à en offrir quoi que ce soit, même si cette eau dépasse ses besoins, car elle est sans source.»

Par conséquent, l'individu ne peut pas interdire aux autres l'utilisation -dans des limites compatibles avec ses droits- de la source considérée comme une ressource naturelle. Car, selon cet avis, il ne possède pas la source, mais il a seulement un droit de priorité sur elle par suite de sa création de l'occasion qui lui a permis de l'utiliser. En conséquence, il doit laisser aux autres ce qui, dans la source, ne s'oppose pas à son droit de l'utiliser.

LES AUTRES RICHESSES NATURELLES


Quant aux autres richesses naturelles, elles sont considérées comme biens permis généraux (mubâhât).

Les biens permis généraux sont les richesses que les individus ne sont pas autorisés à utiliser ni à en posséder la raqabah. L'autorisation relative aux biens permis généraux est donc une autorisation d'appropriation et non pas une simple autorisation d'utilisation.

L'Islam a fondé la propriété privée des biens permis généraux sur toute forme de travail effectué en vue de leur acquisition. Ainsi, le travail en vue de l'acquisition de l'oiseau est la chasse ; le travail en vue de l'acquisition du bois est son ramassage ; le travail en vue de l'acquisition des perles et du corail est la plongée au fond de la mer; le travail en vue de l'acquisition de l'énergie électrique latente dans la puissance des chutes d'eau est la transformation de cette puissance en courant électrique, etc.

Ainsi, les richesses sont appropriées par l'accomplissement du travail nécessaire à leur acquisition.

Ces richesses ne peuvent pas être possédées en propriété privée sans travail. Il ne suffit pas qu'elles entrent dans les limites des biens contrôlés par quelqu'un pour devenir sa propriété, sans qu'il ait effectué un travail actif en vue de leur acquisition. Al-'Allâmah al-Hillî a écrit dans "al-Tath-kirah" le texte suivant : «Si l'eau permise déborde [augmente] et qu'une partie entre dans la propriété de quelqu'un [le Chaykh dit que] ce dernier ne la possède pas comme lorsque la pluie ou la neige tombent et demeurent dans la propriété d'un homme, ou comme lorsque le poussin d'un oiseau tombe dans sa ferme, ou comme lorsque le lézard s'embourbe dans sa terre, ou comme lorsqu'un poisson saute dans son bateau. Il ne possède pas l'eau de cette façon. Il la possède seulement par la prise et l'acquisition.»(130)

Al-'Allâmah al-Hillî écrit dans "Al-Qawâ'id" à propos des statuts de la chasse : «L'animal n'est pas approprié tout simplement parce qu'il s'embourbe dans la terre de quelqu'un, ou qu'il nidifie dans sa maison, ou que le poisson saute dans son bateau.»

Ceci est, entre les deux avis, celui qui fait le plus autorité chez les faqîh châfi'îtes, comme le rapporte d'eux al-'Allâmah al-Hillî dans "Al-Tath-kirah"(131).

2- LA THEORIE

Nous avons fini de brosser une image précise d'une superstructure complète de la Législation islamique, comprenant une série importante de statuts en vertu desquels la pré-production est répartie, et les droits des individus, de la société et de l'Etat sur les richesses naturelles que renferme l'univers, sont organisés.

En comprenant cette superstructure du projet islamique, nous aurons déjà effectué la moitié du chemin nous conduisant à la découverte de la théorie ; et il ne nous reste que la recherche essentielle sur le plan doctrinal, dans laquelle nous devrons montrer les règles et les théories générales sur lesquelles est fondée la superstructure et s'appuie cette masse de statuts que nous avons déjà passés en revue, et c'est l'objet de la présente seconde moitié de l'opération de découverte, qui part de la superstructure vers la base, et des détails législatifs aux généralités théoriques.

Dans l'exposé de ces règles juridiques et statuts, et pour les exprimer, nous avons toujours suivi une méthode qui reflète constamment et clairement les corrélations théoriques solides entre ces statuts ; ce qui constitue une contribution à cette nouvelle étape de l'opération de la découverte, et aidera à l'utilisation desdits statuts dans la tâche doctrinale que nous essayons d'accomplir maintenant.

Nous allons diviser la théorie doctrinale générale de la distribution de la pré-production, et l'étudier par étapes. Dans chaque étape, nous en aborderons un aspect important, auquel nous rapporterons des recherches précédentes les textes législatifs et jurisprudentiels et les statuts qui démontrent cet aspect et le prouvent.

Après avoir assimilé ces différents aspects de la théorie à la lumière des superstructures dont chacune appartient à l'un de ces aspects, nous rassemblerons à la fin tous les fils de la théorie en une seule combinaison à laquelle nous donnerons sa formulation générale.

L'aspect négatif de la théorie


Commençons par l'aspect négatif de la théorie, aspect dont le contenu consiste, comme nous allons le découvrir, en la croyance à l'inexistence de toute propriété et de tout droit personnel préalables dans les richesses naturelles, sans travail.

La superstructure de cet aspect

1 - L'Islam a aboli la protection (hemâ) en stipulant : "Pas de protection, si ce n'est pour Dieu et pour Son Messager". Ce faisant, il dénie à l'individu tout droit personnel dans la terre qui reposerait sur le seul contrôle de celle-ci et la domination par la force.

2 - Si le Tuteur concède une terre à un individu, celui-ci y acquiert, par voie de conséquence, le droit d'y travailler, sans que cette concession lui confère le droit de s'approprier la terre, ni aucun autre droit s'il n'y effectue aucun travail et n'accomplit pas d'efforts sur son sol.

3 - Les gisements et filons profonds de la mine ne peuvent pas être possédés en propriété privée, et l'individu n'y a aucun droit personnel, comme l'a expliqué al-'Allâmah al-Hillî dans "Al-Tath-kirah", en disant : «Quant au filon qui se trouve enfoui dans le sol, on ne le possède pas par le creusement, et quiconque y parvient à partir d'un autre point peut y puiser.»

4 - Les eaux naturelles découvertes, telles que les fleuves et les mers, ne peuvent être la propriété personnelle de personne, et l'individu n'y a aucun droit exclusif. Le Chaykh al-Tûsî écrit à ce propos dans "Al-Mabsût" : «L'eau de mer et de fleuve, les sources jaillissant dans la plaine et la montagne de la terre de mawât, tout cela est permis, et chacun peut y puiser à volonté, conformément à un hadith du Prophète rapporté par Ibn 'Abbâs et selon lequel : "Les gens sont associés dans trois choses : l'eau, le feu, et l'herbe."»

5 - Si l'eau naturelle déborde et entre dans les propriétés des gens, et s'y accumule, sans que ceux-ci l'aient acquise par un travail personnel, ils n'en sont pas propriétaires, comme l'affirme le Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût".

6 - Si un individu ne fait aucun effort pour chasser et que le gibier entre malgré tout sous son contrôle, il ne le possède pas. En effet, al-'Allâmah al-Hillî écrit dans "Al-Qawâ'id" : «On n'est pas propriétaire du gibier par le simple fait qu'il entre sur sa terre, ou du poisson parce qu'il saute dans son bateau.»

7 - Il en va de même des autres richesses naturelles. Leur entrée sous le contrôle d'un individu sans que celui-ci ait effectué un effort dans ce but ne justifie pas leur appropriation. C'est pourquoi il a été écrit dans "Al-Tath-kirah" : «Une personne ne possède pas la neige qui tombe dans son domaine pour la simple raison qu'elle tombe sur sa terre.»

Conclusion

Ces statuts de la Législation islamique, et ceux qui leur sont semblables, que nous avons déjà vus, nous permettent de savoir que, sur le plan juridique, l'individu n'a pas, initialement, un droit personnel sur les richesses naturelles, droit qui lui permettrait de jouir d'un privilège par rapport à autrui. A moins qu'il ne s'agisse du résultat d'un travail particulier qu'il aurait effectué et qui le distinguerait des autres dans les faits. Ainsi, nul ne peut conserver pour lui-même une terre s'il ne la met pas en valeur, ni un minerai s'il ne le découvre, ni une source d'eau s'il ne la creuse pas, ni des animaux sauvages s'il ne les a pas chassés, ni aucune richesse sur la terre ou dans l'air à moins qu'il ne l'acquière par ses efforts. A travers ces exemples, nous remarquons que le travail, qui est considéré dans la théorie comme la seule base de l'acquisition préalable par l'individu de droits personnels sur les richesses de la nature, diffère dans son acception théorique selon la nature et le type de richesse ; ce qui est considéré comme un travail constituant un fondement suffisant pour l'acquisition de droits personnels sur certaines richesses naturelles, ne l'est pas en ce qui concerne d'autres sortes de richesses. Ainsi, vous pouvez devenir propriétaire en les ramassant de pierres dans le désert, et la théorie reconnaît comme travail le ramassage de la pierre, et autorise la constitution de droits personnels sur ce fondement. Mais elle ne reconnaît pas la prise de possession comme un travail et refuse la constitution de droits personnels sur ce fondement lorsqu'il s'agit de la terre morte, de la mine, et des sources naturelles de l'eau. Aussi ne vous suffira-t-il pas, pour vous approprier une terre, une mine, ou une source d'eau enfouie dans les profondeurs de la terre, de mettre la main sur de telles richesses et d'exercer votre domination dessus. Pour y acquérir un droit personnel, il vous faut concrétiser vos efforts dans la terre, la mine et la source d'eau en mettant la terre en valeur, en découvrant la mine, et en puisant l'eau. Nous déterminerons, dans les aspects positifs de la théorie, la conception que celle-ci adopte pour définir le travail et les critères qu'elle retient pour qualifier de travail les différents efforts accomplis par l'homme dans le domaine des richesses de la nature. Et lorsque nous aurons compris ce critère, nous pourrons alors réaliser pourquoi la prise de possession de la pierre constitue un fondement suffisant pour en devenir propriétaire, alors que la prise de possession de la terre ne constitue ni un travail, ni un fondement à l'acquisition de quelque droit personnel que ce soit sur cette terre.

L'aspect positif de la théorie

L'aspect positif de la théorie est symétrique de son aspect négatif et le complète, car il considère que le travail est une base légitime pour l'acquisition de droits et de propriété personnels sur les richesses naturelles. Ainsi donc, le refus de tout droit préexistant, dissocié du travail, sur les richesses naturelles est l'aspect négatif de la théorie, et l'autorisation d'un droit personnel fondé sur le travail en est l'aspect positif symétrique.

La superstructure de cet aspect

1 - Celui qui met en valeur une terre se l'approprie, comme le stipule le hadith.

2 - Celui qui creuse le sol jusqu'à ce qu'il découvre un minerai a un droit de priorité sur ce minerai, et il sera propriétaire de la quantité qu'il extraira de son excavation, ainsi que de toute la matière qui se trouve dans celle-ci.

3 - Celui qui, en creusant, découvre une source d'eau, a la priorité pour son utilisation.

4 - Celui qui acquiert un animal sauvage par la chasse, du bois en le ramassant, une pierre en la portant, l'eau d'un fleuve en la puisant au moyen d'un récipient ou de toute autre façon, devient propriétaire de ce qu'il a ainsi acquis par le fait même de la prise de possession, et ce, conformément aux avis de tous les faqîh.

Conclusion

Tous ces statuts ont pour dénominateur commun un même fait, à savoir que le travail est la source de tous les droits et propriété personnels sur les richesses naturelles qui environnent l'homme. Et bien que cet élément juridique se retrouve dans tous les statuts considérés, nous pouvons y découvrir un sous-élément constant, et deux sous-éléments variables qui diffèrent suivant les diverses catégories et parties des richesses, lorsque nous examinons minutieusement ces statuts, leurs textes législatifs et leurs preuves. L'élément cons- tant est le fait que le droit particulier acquis par un indi- vidu sur les richesses naturelles brutes est lié au travail ; sans l'accomplissement d'un travail, il n'obtient rien. Mais si son travail s'exerce sur une richesse naturelle dans une quelconque opération, il peut y acquérir un droit particulier. La relation entre le travail et les droits personnels en général est donc le contenu commun et l'élément constant dans tous ces statuts.

Quant aux deux éléments variables, ce sont le type de travail, et le type de droits particuliers que le travail engendre. Ainsi, nous remarquons que les statuts qui ont fondé les droits personnels sur la base du travail diffèrent les uns des autres quant au genre de travail dont ils ont fait la source du droit personnel, et quant au genre de droits particuliers qui découlent du travail. En effet, alors que la prise de possession de la terre n'est pas considérée comme un travail, le travail en vue de la prise de possession de pierres dans le désert, ou du puisage d'eau dans le fleuve, constitue, sur le plan juridique, une raison suffisante non seulement pour acquérir un droit de priorité dans l'utilisation des pierres et de l'eau, mais également pour en être propriétaire à titre personnel.

Il y a donc une différence dans les statuts qui ont lié les droits personnels de l'individu à son travail et à ses efforts, en ce qui concerne la détermination du type de travail qui est à l'origine de ces droits, et la nature de ces droits fondés sur le travail. Aussi cette différence soulèvera-t-elle des interrogations auxquelles il nous faut apporter des réponses. Pourquoi, par exemple, le travail en vue de la prise de possession de la pierre ou de l'eau du fleuve est-il suffisant pour que celui qui l'accomplit acquière un droit, alors que le même genre de travail, exercé sur la terre ou le minerai, par exemple, n'y ferait naître aucun droit personnel ? Pourquoi le droit que l'individu a acquis sur l'eau en la prenant dans le fleuve est-il élevé au niveau de la propriété, alors que celui qui a mis en valeur une terre, ou découvert une mine, ne possède ni celle-ci, ni celle-là, mais n'obtient qu'un simple droit de priorité pour l'exploitation du site naturel qu'il a mis en valeur ? Et si le travail est une raison suffisante pour l'acquisition de droits personnels, pourquoi celui qui découvre une terre naturellement exploitable, qui saisit cette occasion qui lui est offerte par la nature, qui la cultive et déploie pour cela des efforts, pourquoi n'obtient-il pas des droits similaires à ceux que permet la mise en valeur, bien qu'il ait fourni beaucoup d'efforts et effectué de nombreux travaux sur son sol ? Comment la mise en valeur d'une terre morte est-elle devenue un fondement pour l'acquisition par l'individu d'un droit dans la raqabah de la terre, alors que l'exploitation de la terre exploitable et le fait de la cultiver ne constituent pas une justification de l'octroi d'un droit similaire ? La réponse à toutes ces questions, qu'a soulevées la différence dans les statuts islamiques relatifs au travail et aux droits auxquels il donne naissance, dépend de la détermination du troisième aspect de la théorie, lequel explique le fondement général de l'appréciation du travail dans la théorie. Pour déterminer cet espace, il nous faut réunir les différents statuts relatifs au travail et à ses droits, qui sont à l'origine de ces questions, et y ajouter les statuts semblables, afin d'en constituer une superstructure grâce à laquelle nous nous acheminerons vers la détermination claire des aspects de la théorie ; car l'ensemble de ces statuts différents les uns des autres reflète en réalité les aspects déterminés de cette théorie ; c'est ce à quoi nous allons procéder tout de suite.

L'évaluation du travail dans la théorie

La superstructure


1 - Si un individu a mis en valeur une terre morte, il y possède un droit, et doit en payer l'impôt à l'Imam, à moins que celui-ci ne l'en dispense. C'est ce que le Chaykh al-Tûsî explique dans "Al-Mabsût" (Kitâb al-Jihâd), en se référant à des textes "sains"(132) qui précisent que «celui qui met en valeur une terre y a prioritairement un droit, et doit en payer l'impôt», et en vertu de ce droit qu'il acquiert, personne ne peut lui prendre cette terre tant qu'il y accomplit son devoir, et ce bien qu'il ne possède pas la raqabah de la terre elle-même.

2 - Si un individu cultive et exploite une terre naturellement exploitable, il aura le droit de la conserver et d'empêcher quiconque d'y rivaliser avec lui, tant qu'il continuera de l'exploiter. Mais il n'y obtient pas un droit plus large l'autorisant à en prendre possession et à empêcher autrui de l'utiliser au cas où lui-même ne le ferait pas.

C'est pourquoi le droit résultant de l'exploitation d'une terre naturellement exploitable diffère du droit résultant de la mise en valeur d'une terre morte. En effet, le droit résultant de la mise en valeur interdit à quiconque de s'emparer de la terre (mise en valeur) sans l'autorisation de l'exploitant tant que les aspects de la mise en valeur y sont apparents, et ce sans avoir à s'occuper du point de savoir si l'exploitant utilise effectivement la terre ou non. Tandis que le droit que l'on acquiert par suite de l'exploitation d'une terre naturellement exploitable n'est rien d'autre qu'un droit de priorité sur la terre tant qu'on l'utilise effectivement ; et si on cesse de l'utiliser, n'importe qui peut saisir l'occasion naturellement offerte à la terre et y jouer le rôle du premier exploitant.

3 - Si quelqu'un creuse le sol pour y découvrir un gisement, et qu'il y parvienne, un autre peut utiliser ce même gisement -à condition de ne pas concurrencer le premier, et (afin d'éviter de le concurrencer) en creusant en un autre endroit- et en extraire tout ce qu'il veut de minerai, conformément au texte d'al-'Allâmah al-Hillî, dans "Al-Qawâ'id" : «S'il creuse et qu'il parvienne au minerai, il ne peut pourtant pas empêcher un autre de creuser en un autre endroit. Si ce dernier parvient lui aussi au filon, le premier n'a pas le droit de l'en empêcher.»

4 - Al-Chahîd al-Thânî, 'Alî ibn Ahmad al-'Amilî, écrit dans "Al-Masâlik", à propos de la terre mise en valeur par quelqu'un puis tombée en ruine : «Si cette terre était à l'origine permise (mubâh), et que son exploitant l'abandonne, elle retourne à ce qu'elle était, et redevient permise, exactement comme si on puisait de l'eau dans le Tigre, puis qu'on l'y rejette ; car la cause de l'appropriation de cette terre est sa mise en valeur et sa mise en état ; si la cause disparaît, l'effet, qui est l'appropriation, la suit.»(133) Cela veut dire que si quelqu'un met en valeur une terre, elle lui revient de droit, et son droit subsiste tant que la mise en valeur demeure concrétisée. Et si la mise en valeur disparait, l'individu perd son droit.

5 - A la lumière de ce qui précède, si quelqu'un creuse le sol pour découvrir un gisement ou une source d'eau, et qu'il y parvienne, et que par la suite il néglige sa découverte jusqu'à ce que l'excavation soit recouverte, ou que le terrain soit remblayé pour une cause naturelle, et que plus tard une autre personne vienne et recommence le travail jusqu'à la redécouverte du gisement, elle y aura un droit exclusif, et le premier ne saurait l'en empêcher(134).

6 - La prise de possession n'est pas, en soi, une cause de l'appropriation ou du droit sur les sources de richesses naturelles de la terre, des gisements, des sources d'eau, lesquels constituent une sorte de biens protégés. Or, "Pas de protection (hemâ), si ce n'est pour Dieu et Son Messager".

7 - Les bêtes sauvages qui résistent à l'homme s'approprient par leur soumission ou leur capture, même si le chasseur ne les attrape ni par la main, ni par le piège, car l'appropriation du gibier ne nécessite pas la prise effective. En effet, al-'Allâmah al-Hillî écrit dans son livre "Al-Qawâ'id" : «Les causes de l'appropriation du gibier sont au nombre de quatre : vaincre sa résistance, fixer la main sur lui, le frapper jusqu'à l'affaiblissement, l'attirer dans un piège. Quiconque tire sur un gibier qui n'appartient à personne, et qui ne porte pas la marque d'une propriété, se l'approprie s'il l'apprivoise, et ce même s'il ne l'attrape pas.»(135)

Ibn Qudâmah écrit : «Si quelqu'un tire sur un oiseau qui est juché sur un arbre situé dans la maison d'un autre, et que cet autre le ramasse, le gibier revient au tireur et non pas au propriétaire de la maison, car c'est de celui qui vainc sa résistance qu'il devient la propriété.»(136)

Ja'far ibn al-Hassan, al-Muhaqqiq al-Hillî écrit la même chose dans "Charâ'i' al-Islâm"(137)

8 - Celui qui creuse un puits jusqu'à ce qu'il parvienne à l'eau y a un droit de priorité pour la quantité dont il a besoin pour boire lui-même, faire boire son troupeau, et irriguer ses cultures. S'il en reste un surplus, il doit l'offrir, sans contrepartie, à qui en a besoin, et ce conformément au texte du Chaykh al-Tûsî dans "Al-Mabsût", que nous avons déjà vu.

9 - Si un individu possède un bien par suite de sa prise de possession, et qu'ensuite il le néglige, son droit y disparaît et le bien redevient libre et permis (mubâh) comme il l'était avant sa prise de possession, et un autre peut se l'approprier ; en effet, le fait que son propriétaire néglige de l'utiliser et l'abandonne coupe le lien qui le rattachait à lui, et ce comme le précise un hadith "sain" attribué à Ahl-ul-Bayt (S), rapporté par 'Abdullâh ibn Sanân : «Si quelqu'un tombe sur un bien ou un chameau fugueur, égaré, et abandonné par son maître, et qu'il y mette la main, s'en charge et consente pour lui à des dépenses jusqu'à ce qu'il le sauve de l'épuisement et de la mort, celui-ci lui revient, et son ancien propriétaire n'a aucun droit sur lui. Il devient comme une chose permise.»(138) Bien que le hadith concerne un chameau abandonné, le fait que le "cha- meau" soit coordonné au "bien" indique que la portée de ce hadith est générale, et s'applique à tous les cas.

10 - L'individu n'a pas de droit sur la raqabah de la terre sur laquelle il fait paître ses moutons, et il ne possède pas le pâturage par le simple fait qu'il y fait paître son troupeau. Il y acquiert un simple droit par la mise en valeur. C'est pourquoi, celui qui n'a pas, antérieurement, acquis un droit par la mise en valeur, ou par héritage reçu du metteur en valeur, ou d'une autre façon, n'a pas le droit de vendre le pâturage.

On dit que Zayd ibn Idrîs a posé un jour la question suivante à l'Imam Mûsâ ibn Ja'far (S) : «Nous avons des terres qui ont des frontières ; nous avons des montures et des pâturages. Chacun d'entre nous a des moutons et des chameaux, et a besoin de ces pâturages pour ses moutons et ses chameaux. A-t-on le droit de se servir de ces pâturages du fait qu'on en a besoin ? L'Imam lui répondit : «Celui à qui la terre appartenait déjà auparavant peut la protéger et la réserver pour ses besoins.»

Puis Zayd ibn Idrîs demanda à l'Imam ce qu'il en est de la vente des pâturages. L'Imam dit : «Pour celui à qui appartenait la terre, il n'y a pas d'inconvénient.»(139) Cette réponse indique que le fait de faire paître son troupeau sur une terre ne donne pas naissance, pour le berger, à un droit qui lui permettrait de transférer ce même droit à un autre par la vente.

Conclusion

A la lumière de cette superstructure, et son éclairage spécifique par la base doctrinale, nous pouvons comprendre les aspects de la théorie et, par conséquent, répondre aux questions déjà soulevées.

L'action économique, fondement des droits dans la théorie

La théorie distingue deux sortes de travaux : d'une part, l'utilisation et l'exploitation, et d'autre part, le monopole et l'accaparement. Les travaux d'utilisation sont, de par leur nature, de caractère économique, alors que les travaux de monopole et d'accaparement sont fondés sur la force et ne réalisent ni utilisation, ni exploitation directes.

La source des droits personnels, dans la théorie, est le travail appartenant à la première catégorie, comme le ramassage du bois dans la forêt, le transport des pierres du désert, la mise en valeur de la terre morte. Quant à la seconde catégorie, elle est sans valeur, car c'est une forme de manifestation de la force, et non pas une activité économique parmi celles de jouissance et d'exploitation de la nature et de ses richesses. La force ne peut être une source de droits personnels, ni n'en constitue une justification suffisante. C'est pour cela que la théorie générale a aboli le travail en vue d'acquérir la terre et de s'en emparer, et elle n'accorde aucun droit particulier sur la base d'un tel travail, lequel est, en réalité, une action de force, et non de jouissance et d'exploitation.

L'acquisition a un double caractère

Lorsque nous formulons cette affirmation, une question peut être soulevée, à savoir quelle est la différence entre l'acquisition de la terre, d'une part, et celle de la pierre dans le désert, du bois que l'on ramasse dans la forêt, de l'eau qu'on puise dans le fleuve, d'autre part. Si cette acquisition est une manifestation de force, et n'a pas un caractère économique, comme les travaux de jouissance et d'exploitation, comment peut-on distinguer entre l'acquisition de la terre et celle du bois, et accorder des droits personnels pour celle-ci alors qu'on les refuse pour celle-là ? La réponse à cette question est que la distinction entre les travaux de jouissance et d'exploitation, et ceux d'accaparement et de monopole, n'est pas fondée, dans la théorie islamique, sur la forme du travail. Mieux même, une même forme de travail pourrait revêtir tantôt un caractère de jouissance et d'exploitation, et tantôt un caractère d'accaparement et de monopole, et ce en fonction de la nature du domaine dans lequel oeuvre le travailleur, et le type de richesse sur lequel il travaille. Ainsi, la prise de possession, par exemple, même si sur le plan de la forme elle constitue une seule forme de travail, diffère dans l'optique de la théorie suivant le type de richesse que l'individu contrôle ; car la prise de possession du bois par le ramassage, de la pierre par son transport du désert, par exemple, est un travail de jouissance et d'exploitation. En revanche, la prise de possession de la terre, ou d'un gisement de minerai, ou d'une source d'eau, ne font pas partie de tels travaux, mais sont une forme d'exercice de la force et de contrôle d'autrui. Pour le prouver, supposons l'existence d'un homme, vivant seul sur une terre très étendue, riche en sources, en gisements minéraux et en ressources naturelles de toutes sortes, loin de toute rivalité et de toute concurrence ; appliquons-nous maintenant à étudier son comportement et les différentes formes de prises de possession qu'il exerce.

Un tel homme ne pensera pas à s'emparer d'une grande superficie de terre, avec tous les gisements et les sources qu'elle renferme, pour la protéger, car il n'en voit pas la nécessité et n'y trouverait aucune utilité de son vivant, tant que cette terre se trouve à tout moment à sa disposition sans aucune concurrence. Il s'appliquera donc à mettre en valeur une partie de cette terre proportionnelle à sa capacité d'exploitation.

Mais, bien qu'il ne songe pas à acquérir de grandes superficies de terre, il s'emploiera toujours à se procurer de l'eau en la transportant dans sa jarre, des pierres qu'il apportera à son habitation, et le bois dont il a besoin pour faire du feu, car il ne peut utiliser ces choses dans sa vie quotidienne qu'en en prenant possession et en les mettant à portée de sa main. Ainsi donc, la prise de possession de la terre et d'autres ressources de la nature n'a pas de sens lorsqu'il n'y a pas de concurrence. Seule la mise en valeur attire l'intérêt de l'homme et constitue le travail qu'il exerce dans la nature pour utiliser et exploiter celle-ci. La prise de possession de la terre ne représente d'intérêt que lorsqu'il y a concurrence pour celle-ci, que cette concurrence devient plus vive, et que chaque individu cherche à s'emparer de la plus grande superficie possible de terre et à la protéger contre les autres. Cela signifie que la prise de possession de la terre, et d'autres ressources semblables dans la nature n'est pas un travail à caractère économique, du type des travaux de jouissance et d'exploitation, mais un acte de protection d'une source de richesses naturelles pour la garantir contre les autres. Tout au contraire, l'acquisition du bois, de l'eau, de la pierre, n'est pas un acte d'usage de la force. C'est un travail économique, de par sa nature, parmi les travaux d'exploitation et de jouissance.

C'est pourquoi nous avons vu que l'homme vivant seul exerce cette catégorie de prise de possession malgré son affranchissement de toute impulsion tendant au recours à la force ou à l'utilisation de la violence. Ainsi, nous savons que la prise de possession de biens mobiliers parmi les richesses naturelles n'est pas un simple acte de force, mais un travail, originellement, de jouissance et d'exploitation, que l'homme exerce même quand il n'a aucune raison de recourir à la force.

Et c'est pourquoi nous pouvons classer la prise de possession des sources de richesses naturelles, telles que la terre, les gisements minéraux, et les sources, dans les travaux de monopole et de force, qui n'ont pas de valeur dans la théorie, et classer la prise de possession des richesses mobilières et transportables dans les travaux de jouissance et d'exploitation, lesquels constituent la seule source de droits personnels dans les richesses naturelles ; et de tout cela, nous pouvons tirer la conclusion suivante : le caractère économique du travail est nécessaire pour que celui-ci donne naissance à des droits personnels, et le travail ne peut donc pas constituer le fondement de l'appropriation d'un bien s'il n'est pas, de par sa nature, un travail de jouissance et d'exploitation.

La théorie distingue les uns des autres les travaux à caractère économique

Prenons à présent les travaux de jouissance et d'exploitation, qui ont un caractère économique, pour étudier la position de la théorie vis-à-vis de leur appréciation, et le type de droits qu'elle reconnaît sur leur base. Pour ce faire, il nous suffit de nous référer aux deuxième et dixième alinéas de la superstructure précédente, et de nous souvenir que la Charî'ah n'accorde pas à l'individu le droit et la propriété sur les sources d'eau simplement du seul fait que l'intéressé y exerce un travail de jouissance et d'exploitation. Ainsi, nous remarquons, par exemple, dans le deuxième alinéa, que la pratique de la mise en culture d'une terre naturellement exploitable ne confère pas au cultivateur les mêmes droits qu'elle lui accorderait sur une terre morte. Nous remarquons également, au dixième alinéa, que l'utilisation de la terre par l'exercice du pâturage ne confère pas au pasteur le droit de s'approprier la terre, et ce bien que l'utilisation sous forme de pâturage constitue un travail de jouissance et d'exploitation. Il y a donc une différence, qu'il faut découvrir, entre la mise en valeur de la terre et autres travaux semblables, et l'exploitation de la terre exploitable par la culture ou par le pâturage, bien que ces travaux semblent tous revêtir un caractère économique et constituer des formes de jouissance et d'exploitation des sources de richesses naturelles. En découvrant cette différence, nous aurons progressé d'un nouveau pas dans la détermination et la compréhension de la théorie générale.

Comment les droits personnels sont-ils fondés sur la base du travail ?

En réalité, cette différence est très liée aux justifications qu'invoque la théorie pour l'octroi à l'individu de droits personnels, fondés sur le travail, dans les richesses naturelles.

Pour bien comprendre la différence théorique entre les travaux de jouissance et d'exploitation que nous avons passés en revue, il faut connaître l'adaptation théorique des droits personnels qui sont liés au travail, et comment, et jusqu'à quel point, le travail remplit son rôle positif dans la théorie. Et quel est le principe sur le fondement duquel le travail donne naissance à des droits personnels pour le travailleur dans les richesses qui font l'objet de son travail. Lorsque nous aurons découvert ce principe, nous pourrons distinguer, à sa lumière, les divers travaux d'utilisation énumérés plus haut.

Nous pouvons, à la lumière de la superstructure complète de la théorie, résumer ce principe dans les termes suivants : le travailleur possède le résultat de son travail, résultat qu'il crée par ses efforts et son énergie appliqués à des matières naturelles brutes. Ce principe est valable pour tous les travaux d'utilisation et d'exploitation que l'individu exerce dans la nature et sur les sources de richesses naturelles brutes, sans opérer de distinction entre une opération de mise en valeur d'une terre morte, de découverte d'un gisement de minéraux, de recherche d'eau, de labourage d'une terre naturellement exploitable ou de son utilisation pour l'élevage et le pâturage du bétail. Tout cela constitue un travail, et tout travail sur une matière brute donne au travailleur le droit d'en récolter les fruits et d'en posséder le résultat. Mais le droit pour le travailleur de posséder le résultat de son travail sur une source de richesses naturelles ne signifie pas forcément que tous ces travaux se recoupent dans leurs résultats pour se recouper ensuite et par voie de conséquence dans les droits auxquels ils donnent naissance. Au contraire, ils diffèrent dans leurs résultats, et par conséquent diffèrent aussi dans les droits personnels qu'ils engendrent. Ainsi, par exemple, la mise en valeur est une opération qui s'exerce sur une terre morte, c'est-à-dire qui n'est ni productive ni utilisable, et qui consiste à la défricher, à la débarrasser des rochers qui l'encombrent, et à y créer toutes les conditions nécessaires à la rendre apte à la production et à l'utilisation ; de ce fait, un résultat important est obtenu, qui n'existait pas avant cette mise en valeur. Ce résultat n'est pas l'existence de la terre elle-même, car l'opération de mise en valeur ne crée pas la terre, mais l'occasion que l'individu a créée par son travail et ses efforts, étant donné que la mise en valeur de la terre morte conduit à la création de l'occasion d'utiliser et d'exploiter la terre, occasion qui n'existait pas avant cette mise en valeur et qui en est la conséquence. Le travailleur possède, selon cette théorie générale, cette occasion en tant que résultat de son travail, et sa possession de l'occasion conduit à l'interdiction à quiconque de lui ravir cette occasion et de la lui faire perdre en lui arrachant la terre et en l'utilisant à sa place ; car lui arracher la terre, c'est le priver de l'occasion qu'il a créée avec ses efforts déployés dans l'opération de mise en valeur et qu'il possède par un travail licite. C'est pourquoi, par la mise en valeur de la terre morte, l'individu obtient la priorité sur autrui afin d'avoir la possibilité d'utiliser l'occasion qu'il a créée, et cette priorité est tout son droit sur la terre. Nous voyons ainsi que le droit de l'individu sur la terre qu'il a mise en valeur se justifie dans la théorie par l'interdiction faite à autrui de lui voler les fruits de son travail en lui faisant perdre l'occasion qu'il a créée par son travail licite.

La mise en valeur d'un gisement ou d'une source d'eau enfouie dans les profondeurs de la terre est, de ce point de vue, exactement semblable à la mise en valeur de la terre morte. Le travailleur qui exerce l'opération de mise en valeur crée l'occasion d'utiliser le site naturel mis en valeur par lui-même, et il possède cette occasion en tant que fruit de ses efforts. Aussi, un autre n'a-t-il pas le droit de lui faire perdre cette occasion, et le travailleur a le droit d'empêcher les autres de lui arracher le site. Ceci est considéré comme un droit sur la terre, le gisement ou la source, avec des différences que nous étudierons plus loin.

Quant à la pratique de la culture sur une terre naturellement exploitable, ou l'utilisation d'une terre pour le pâturage d'animaux, de tels travaux, bien qu'il s'agisse de travaux d'utilisation et d'exploitation de ressources naturelles, ne justifient pas qu'un droit sur la terre soit accordé au cultivateur ou au pasteur, puisqu'il ne produit pas la terre elle-même, ni une occasion générale telle celle produite par la mise en valeur de la terre morte. Certes, le cultivateur ou le pasteur ont produit une culture, ou procédé à l'élevage d'une richesse animale, par leur travail dans la terre, mais cela ne justifie que l'appropriation par eux de la culture qu'ils ont produite ou du bétail dont ils se sont occupés, mais pas l'appropriation de la terre elle-même ni d'un droit sur celle-ci.

La différence entre ces travaux et les opérations de mise en valeur consiste en ceci que les secondes créent une occasion d'utiliser la terre, le gisement ou la source, occasion qui n'existait pas avant la mise en valeur et que le travailleur possède de ce fait, possession qui lui fait acquérir un droit sur la source de richesses naturelles qu'il a mise en valeur, tandis que dans le cas de la terre naturellement exploitable ou arable, sur laquelle l'individu exerce une activité de culture ou de pâturage, l'occasion d'utilisation pour la culture ou le pâturage préexistait et ne résulte pas d'un travail particulier de l'intéressé ; la seule chose qui résulte du travail du cultivateur, par exemple, est la culture, laquelle est sans conteste son droit personnel, puisque constituant le résultat de son travail.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire une nouvelle condition du travail donnant naissance à un droit personnel sur les sources de richesses naturelles. Nous avons déjà découvert une première condition, à savoir que le travail doit avoir un caractère d'activité économique, et nous déduisons maintenant une deuxième condition : ce travail doit créer un cas ou une nouvelle occasion d'activité économique, occasion que le travailleur possède, et grâce à laquelle il acquiert son droit sur la source de richesses naturelles. C'est à cette vérité que faisait allusion l'imam al-Chafi'î lorsqu'il induisait que si le minerai intérieur caché ne peut pas être approprié par la mise en valeur, c'est parce qu'on appelle un objet "mis en valeur" celui qui peut être réutilisé après avoir été rendu exploitable par la mise en valeur, sans remise en état, ce qui n'est pas le cas pour les minerais. C'est dire que l'occasion que la mise en valeur crée dans le minerai est limitée, et que le droit qui en découle l'est aussi, par voie de conséquence.

Cette découverte d'une corrélation entre le droit du travailleur sur la source de ressources naturelles et l'occasion que le travail fait naître dans cette source, a pour conséquence logique la disparition du droit de l'individu dans la source si l'occasion qui l'a engendré disparaît ; car son droit sur la source de ressources naturelles reposait, comme nous l'avons vu, sur la base de sa possession de cette occasion, et si celle-ci disparaît, ce droit disparaît, par voie de conséquence. C'est ce que nous retrouvons exactement dans les quatrième et cinquième alinéas de la superstructure présentée plus haut.

Prenons à présent ces travaux de mise en valeur qui octroient au travailleur un droit personnel sur la source de richesses naturelles, tels que la mise en valeur de la terre, l'extraction du minerai du gisement, la mise en évidence de la source d'eau, pour étudier minutieusement la position de la théorie vis-à-vis de ces travaux, et découvrir si ces mêmes travaux diffèrent dans les droits auxquels ils donnent naissance, après avoir étudié la différence entre eux et l'ensemble des travaux d'utilisation et d'exploitation, et après avoir appris, auparavant, en quoi consiste la différence entre les travaux d'utilisation et d'exploitation en général, et les travaux de monopolisation et d'accaparement.

Si nous passons en revue les droits fondés sur la base des travaux de mise en valeur, recensés dans la superstructure, nous remarquons qu'ils diffèrent d'un travail à l'autre. Ainsi, la terre qu'une personne a mise en valeur ne peut être exploitée par une autre, tant que celle qui a procédé à la mise en valeur y jouit de son droit, tandis que lorsque quelqu'un met en évidence une source d'eau, le droit qu'il acquiert sur cette eau est limité à ses besoins, et tout le monde peut bénéficier de la matière de la source qui excède les besoins du titulaire du droit.

C'est pourquoi la théorie a dû expliquer les raisons qui ont conduit à faire une différence entre le droit du travailleur sur la terre qu'il a mise en valeur, et le droit du travailleur sur la source qu'il a mise en valeur, et pourquoi l'autorisation a été donnée à toute personne d'utiliser l'eau de la source qui dépasse les besoins de celui qui l'a mise en valeur, alors que personne n'est autorisé à cultiver la terre qu'un travailleur a mise en valeur sans sa permission, et ce quand bien même il ne l'exploiterait pas de manière effective pour l'agriculture.

En réalité, la réponse à cette interrogation est déjà prête à la lumière des connaissances que nous avons déjà de la théorie. En effet, le travailleur possède, avant tout, le résultat de son travail, à savoir l'occasion d'utiliser la source de richesses naturelles. Sa possession de cette occasion oblige les autres à s'abstenir de la lui ravir et de la lui faire perdre. Il en résulte qu'il acquiert un droit personnel sur la source de richesses qu'il a mise en valeur. Ceci est valable pour toutes les sources de richesses naturelles, sans distinguer la terre, les gisements de minerais, ou les sources d'eau. Les droits résultant de la mise en valeur de ces sources naturelles sont égaux. L'autorisation donnée à un tiers d'utiliser l'eau de source qui dépasse les besoins du travailleur, et non pas d'utiliser la terre, ne découle pas d'une différence dans les droits, mais de la nature de l'assiette de ces droits, car l'occasion que l'individu possède du fait du creusement de la source et de la découverte de l'eau n'est pas perdue pour lui à la suite de la participation d'un tiers à l'utilisation de cette eau, tant que la source a un débit abondant dépassant ses besoins. En effet, la source abondante ne saurait souffrir habituellement de fournir de l'eau à deux personnes et de satisfaire leurs besoins. Ainsi, le travailleur conserve l'occasion qu'il a créée, sans que l'utilisation de la source par une autre personne pour y boire et faire boire son troupeau conduise à la perte de cette occasion par l'ayant droit à cette occasion.

C'est le contraire qui se passe pour la terre qu'une personne a mise en valeur et dans laquelle elle a créé une occasion de l'utiliser en la mettant en valeur. En effet, la terre, de par sa nature, ne supporte pas deux exploitations en même temps. Si quelqu'un exploite une terre mise en valeur, il enlève au travailleur qui avait procédé à la mise en valeur l'occasion qu'il a créée, car si la terre est affectée à une production agricole déterminée, elle ne peut pas remplir en même temps une autre fois le même rôle et être exploitée simultanément pour la production par un autre.

Nous voyons ainsi qu'en ce qui concerne la terre mise en valeur on ne peut autoriser quelqu'un qui n'est pas celui qui l'a mise en valeur à l'exploiter et à l'utiliser, afin d'éviter qu'il ne fasse perdre à celui-ci l'occasion qu'il possède grâce à son travail. Ainsi donc, pour que le travailleur conserve cette occasion pour lui, on n'autorise pas autrui à exploiter sa terre, et ce sans tenir compte du fait de savoir s'il pense exploiter effectivement cette occasion ou non car, en tout état de cause, il s'agit de sa propre occasion, qu'il a créée lui-même, et il a le droit de la conserver tant que les efforts qu'il a consacrés à la mise en valeur y demeurent concrétisés de manière apparente. A l'opposé, on permet à quelqu'un qui n'est pas le travailleur qui a découvert une source d'eau d'utiliser celle-ci dans le surplus qui excède les besoins du "metteur en valeur", car cette permission ne dépouille pas le découvreur de l'occasion qu'il a créée, étant donné la capacité de la source à satisfaire les exigences du travailleur qui l'a découverte en même temps que les besoins des tiers. C'est donc une différence dans la nature et le mode d'exploitation de la terre d'une part, et de la source d'eau d'autre part, qui explique pourquoi les tiers sont autorisés à utiliser celle-ci et pas celle-là.

Quant au gisement de minerai découvert, l'Islam autorise tout un chacun à l'utiliser d'une façon qui ne conduise pas à priver le découvreur de l'occasion qu'il a créée, en creusant en un autre point du filon, ou en utilisant la même excavation, creusée par le premier découvreur, si celle-ci est assez vaste pour permettre à un autre de l'utiliser sans dépouiller le découvreur de l'occasion d'utilisation.

Le critère général de l'autorisation accordée au non-travailleur, ou de l'interdiction qui lui est faite d'utiliser le site naturel mis en valeur par le travailleur, et dans lequel celui-ci a créé l'occasion d'utilisation, est l'effet que pourraient avoir cette autorisation ou cette interdiction sur l'occasion créée par le travailleur grâce à la mise en valeur.

Le fondement de l'appropriation dans les richesses mobilières


Jusqu'à présent, nous avons limité notre recherche presque uniquement au travail sur les sources de richesses naturelles, telles que la terre, les gisements et les sources d'eau. Pour comprendre le contenu intégral de la théorie, il nous faut examiner minutieusement les applications de la théorie sur les richesses mobilières qui ne font pas partie des ressources naturelles, ainsi que les points de différence entre celles-ci et celles-là, et les justifications théoriques de ces points de différence.

La seule chose, que nous avons abordée, concernant la position de la théorie vis-à-vis des richesses mobilières, est que la prise de possession de ces richesses est considérée, théoriquement, comme un travail à caractère économique parmi les travaux de jouissance et d'exploitation, contrairement à la prise de possession des sources de richesses naturelles qui revêt un caractère d'accaparement et de monopolisation, et qui n'a pas un caractère économique. Nous avons recouru à la supposition de l'existence d'un homme seul pour en faire l'argument de cette différence entre la prise de possession des sources de richesses naturelles et la prise de possession des richesses mobilières. Ainsi, la prise de possession d'une quantité d'eau, ou de bois, ou de toute autre richesse naturelle transportable est considérée avant tout comme un travail d'utilisation et d'exploitation. C'est pourquoi la prise de possession de richesses mobilières entre dans le cadre de la théorie, laquelle ne reconnaît comme travail que les travaux d'utilisation à caractère économique.

Mais la prise de possession n'est pas le seul travail que la théorie reconnaisse et prenne en considération dans le domaine des richesses mobilières. Il y a, dans ce domaine, une autre forme de travail qui ressemble aux travaux de mise en valeur sur les ressources naturelles, à savoir le travail en vue de trouver l'occasion d'utiliser la richesse naturelle mobilière, si celle-ci porte en elle un facteur de résistance à son utilisation, comme dans le cas de l'animal sauvage. Car le travail par lequel le chasseur annihile la résistance de l'animal qu'il chasse crée une occasion d'utiliser cet animal par l'élimination de sa résistance, tout comme le travailleur crée l'occasion d'utiliser la terre morte par sa mise en valeur, l'élimination de sa résistance et la soumission de son sol.

Ainsi, la prise de possession et le travail en vue de trouver une occasion d'utilisation sont deux catégories de travaux revêtant ensemble un caractère économique dans le domaine des richesses mobilières, mais le travail en vue de trouver une nouvelle occasion d'utiliser la richesse, comme la chasse, se distingue de la prise de possession par son rôle positif dans la création de cette occasion, alors que la prise de possession a un aspect passif sur ce plan car, en tant que simple opération de prise de la richesse, elle ne crée pas, dans celle-ci, une nouvelle occasion de l'utiliser en général. En effet, lorsque vous prenez possession d'une pierre sur un chemin public, ou d'eau dans un puits, vous ne créez pas dans la pierre ou l'eau une nouvelle occasion de les utiliser qui n'aurait pas existé auparavant, car la pierre et l'eau se trouvaient à la disposition de tout le monde, et tout ce que vous avez fait, c'est de vous en emparer et de les garder pour vos besoins. Certes, vous avez transporté la pierre à votre maison, et l'eau dans votre récipient, mais cela ne crée pas une occasion qui n'existait pas d'utiliser le bien en général, car ce transport prépare pour vous l'utilisation de la pierre ou de l'eau, mais ne vient pas à bout d'une entrave générale sur cette voie, ni ne confère au bien une qualité qui le rendrait plus apte ou plus approprié à l'utilisation en général, comme la mise en valeur de la terre, qui élimine la résistance de celle-ci à son utilisation en général, et lui confère une nouvelle compétence lui permettant de remplir son rôle général dans la vie de l'homme.

C'est sur cette base que nous pouvons comparer la chasse et d'autres travaux semblables de création d'une nouvelle occasion dans les richesses mobilières avec l'opération de mise en valeur de la terre, car la chasse et la mise en valeur de la terre se recoupent dans la création d'une nouvelle occasion générale qui n'existait pas auparavant, et faire une comparaison entre l'acquisition de la richesse mobilière et l'opération de la plantation d'une terre naturellement exploitable. Ainsi, de même que la plantation de la terre naturellement exploitable ne crée pas dans la terre une nouvelle occasion d'utilisation, mais constitue un travail d'utilisation et d'exploitation, de même l'acquisition de l'eau aux sources naturelles l'est aussi(140).

Cette distinction entre l'acquisition des richesses mobilières et le travail dans ces richesses en vue de trouver une occasion d'utilisation, telle que la chasse, ou d'autres travaux de ce genre, ne signifie pas que ces deux choses soient toujours séparées l'une de l'autre, car l'acquisition est souvent accompagnée de la création d'une nouvelle occasion dans la richesse, et elle se mélange à celle-ci (la création d'une nouvelle occasion) dans une seule et même opération. De même, l'une et l'autre peuvent se trouver pratiquement séparées l'une de l'autre.

Il y a des richesses qui portent en elles un certain degré de résistance naturelle à leur utilisation, comme le poisson dans la mer, et le surplus de l'eau du fleuve qui court naturellement pour se jeter en fin de parcours dans la mer. Donc, lorsque le pêcheur vient à bout de la résistance du poisson en l'attirant vers son filet avec lequel il pêche, il l'acquiert et y crée en même temps une occasion d'utilisation en mettant fin à sa résistance, en une seule opération. De même, la rétention du surplus de l'eau du fleuve est considérée comme une acquisition de ce surplus, en même temps qu'elle crée une occasion d'utilisation, en l'empêchant de se perdre dans la mer.

D'un autre côté, l'individu pourrait exercer un travail en vue de créer une nouvelle richesse dans la richesse, et de venir à bout de sa résistance, sans que l'acquisition de la richesse se réalise à travers ce travail, comme c'est le cas pour un chasseur qui jette une pierre contre un oiseau volant dans l'air, l'atteint et le paralyse ; l'oiseau tombe en un endroit éloigné de celui où le chasseur se trouve, et sa paralysie l'empêche de reprendre l'air et l'oblige à marcher comme un oiseau de basse-cour. Dans un tel cas, la nouvelle occasion d'utilisation est réalisée dans cette opération par la chasse de l'oiseau et l'élimination de sa résistance au moyen du jet de la pierre. Mais l'oiseau qui se met à marcher loin de l'endroit où se trouve le chasseur n'est pas considéré comme étant en la possession de ce dernier, ni à la portée de sa main, car il n'entrera en sa possession que lorsqu'il l'aura suivi et attrapé.

De même, un individu pourrait acquérir une richesse sans exercer aucun travail en vue d'y créer une nouvelle occasion, comme c'est le cas d'une richesse naturellement prête à l'utilisation et ne comportant pas de résistance de nature à empêcher son utilisation, comme c'est le cas de l'acquisition de l'eau aux sources et des pierres sur le sol.

Ainsi, la prise de possession et la création sont deux sortes de travail, qui pourraient se confondre dans une seule et même opération, tout comme elles peuvent être distinctes l'une de l'autre.

Disons que la deuxième sorte de travail qui crée une nouvelle occasion est représentée par la chasse, laquelle constitue l'exemple marquant d'un travail producteur d'une nouvelle occasion dans les richesses mobilières.

Pour étudier ces deux sortes de travail sur le plan de la théorie, nous aborderons séparément la prise de possession et la chasse, afin de découvrir les statuts relatifs à chacune d'elles, ainsi que la nature et le fondement théorique des droits résultant de chacune d'elles.

Le rôle des travaux productifs dans la théorie


Si nous étudions la chasse d'une façon séparée de la prise de possession, nous remarquerons qu'elle produit une occasion déterminée. Il est donc naturel qu'elle confère au travailleur le droit de posséder l'occasion qui résulte de son travail, tout comme le travailleur de la terre possède l'occasion d'utilisation résultant de sa mise en valeur de la terre, ceci conformément au principe précité de la théorie, qui accorde à tout travailleur dans une richesse naturelle brute le droit de posséder le résultat auquel aboutit son travail.

En possédant cette occasion, le chasseur acquiert un droit privé dans l'oiseau qu'il a chassé et obligé à tomber, et à marcher sur le sol, même s'il ne l'a pas acquis - et c'est ce qu'indiquent tous les textes juridiques(141) -, et un autre individu n'a pas le droit de s'emparer de l'oiseau, ni de profiter du fait que le chasseur, continuant la chasse, tarde à en prendre possession, pour l'y devancer, ceci afin de ne pas priver le travailleur de l'occasion qu'il a créée par la chasse.

Le droit du chasseur dans l'oiseau qu'il a chassé ne dépend donc pas de son acquisition effective de l'animal ou du début de son utilisation effective. Le seul fait d'avoir créé l'occasion par son travail lui donne un droit sur lui, car cette occasion est la propriété du travailleur qui l'a créée, peu importe qu'il pense effectivement à utiliser son gibier et à l'attraper ou non.

En cela, le chasseur est semblable au travailleur qui met en valeur la terre. De même qu'un autre individu n'a pas le droit de cultiver et d'exploiter la terre d'un exploitant même si celui-ci ne l'a pas utilisée effectivement, de même un autre que celui qui a soumis le gibier et éliminé sa résistance n'a pas le droit de s'en emparer tant que le chasseur conserve son droit, même s'il n'a pas pris effectivement possession du gibier. Mais si l'oiseau paralysé par le coup tiré sur lui reprend ses forces, ou surmonte le choc, et s'envole à nouveau avant que le chasseur ait pu en prendre possession, le droit de ce dernier sur l'oiseau disparaît, car ce droit découlait de la possession par le travailleur de l'occasion qu'il avait créée par la chasse, et cette occasion s'est dissipée avec la fuite de l'oiseau en l'air ; et, par conséquent, il ne reste au chasseur aucun droit sur l'oiseau(142). Le cas du chasseur ressemble ici aussi à celui du travailleur qui met la terre en valeur et y acquiert de ce fait un droit, qu'il perd si la vie disparaît de cette terre et que celle-ci redevient terre morte. La raison en est la même, théoriquement, dans les deux cas : le droit de l'individu dans la richesse est lié à sa possession de l'occasion qui résulte de son travail ; si cette occasion disparaît, et que la trace de ce travail s'annihile, son droit sur la richesse disparaît aussi.

Ainsi donc, lorsqu'on considère les statuts de la chasse indépendamment de la prise de possession, on constate qu'ils ressemblent à ceux de la mise en valeur des ressources naturelles. Cette ressemblance provient, comme nous l'avons remarqué, de l'unité de l'interprétation théorique du droit du travailleur sur son gibier et du droit du travailleur sur la terre morte qu'il a mise en valeur.

Le rôle de la prise de possession des richesses mobilières


Quant à la prise de possession, elle diffère, quant à ses statuts, de la chasse proprement dite. C'est pourquoi on peut remarquer que si l'individu possède par suite de sa prise de possession un oiseau, il a le droit de le reprendre s'il s'envole... et qu'un autre le rattrape. Cet autre n'a pas le droit de garder pour lui l'oiseau. Il doit le restituer à celui qui en avait pris possession. Car le droit résultant de la possession est un droit direct, c'est-à-dire que la prise de possession est une cause directe de la possession de l'oiseau ; et parce que la possession de l'oiseau n'est pas liée à la possession d'une occasion déterminée pour qu'elle (cette possession) disparaisse avec sa disparition (de l'occasion).

Telle est la différence entre la prise de possession et les autres opérations que nous avons passées en revue. En effet, la chasse était la cause de la possession par le chasseur de l'occasion qu'il avait produite ; et c'est sur cette base qu'était fondé son droit sur l'oiseau. De même, la mise en valeur était la cause de la possession par le travailleur de l'occasion résultant de cette mise en valeur, et c'est sur cette base qu'il a acquis son droit sur le site qu'il a mis en valeur. Quant à la prise de possession des richesses mobilières, elle constitue, en soi, une cause originelle et directe de la possession de la richesse.

Cette différence entre la prise de possession et les autres travaux (actes) nous impose d'envisager la question suivante sur le plan théorique : si le droit de l'individu dans la ressource naturelle qu'il a mise en valeur ou dans le gibier qu'il a chassé se fonde sur sa possession du résultat de son travail, c'est-à-dire de l'occasion d'utiliser la ressource en question, sur quelle base le droit de l'individu sur la pierre qu'il rencontre sur son chemin et dont il s'empare se fonde-t-il ? Ou sur l'eau stagnante qu'il acquiert dans un lac naturel ? Bien que la prise de possession de cette pierre ou de cette eau ne produise pas une occasion générale dans le bien, comme cela se passe avec la chasse et la mise en valeur de la terre ?

La réponse à cette question est que ce droit de l'individu ne tire pas sa justification de la possession par l'individu d'une occasion qui serait résultée de son travail, mais de son utilisation de ce bien. En effet, de même que tout individu a le droit de posséder l'occasion qui résulte de son travail, de même il a le droit d'utiliser l'occasion que la nature lui a trouvée par le soin d'Allah. Ainsi, si l'eau, par exemple, se trouve dans les profondeurs de la terre, et qu'un individu la découvre par forage, il y aura créé l'occasion de l'utiliser et aura mérité la possession de cette occasion. Mais si l'eau s'était accumulée naturellement à la surface de la terre, et que l'occasion de l'utiliser était prête sans effort humain, il faut permettre à tout individu d'utiliser cette eau, étant donné que la nature les a dispensés du travail et leur a offert l'occasion de l'utilisation.

Comme cela a été dit au début de ce chapitre, si nous supposons qu'un individu puise de l'eau avec un récipient dans un étang formé naturellement à la surface de la terre, il aura exercé un travail d'utilisation et d'exploitation selon l'optique de la théorie. Etant donné que tout individu a le droit d'utiliser la richesse que la nature met à la disposition de l'homme, il est naturel qu'il soit permis à l'individu de prendre possession de l'eau découverte à la surface de la terre dans ses sources naturelles, car cette prise de possession constitue un travail d'utilisation et d'exploitation et non pas un travail de monopole et de force.

Si l'individu conserve l'eau dont il a pris possession, elle lui appartient, et personne d'autre ne peut y rivaliser avec lui, ni la lui arracher pour l'utiliser, car la théorie considère que la prise de possession de l'eau et des autres richesses mobilières semblables est un travail d'utilisation. Etant donné que la prise de possession continue, l'utilisation par celui qui a opéré cette prise de possession continue elle aussi. Et étant donné que celui-ci poursuit son utilisation de la richesse, rien ne justifie qu'on donne la priorité à un autre de l'utiliser s'il le demande.

Ainsi, l'individu continue à jouir de son droit sur la richesse mobilière dont il a pris possession tant que la possession dure de fait ou de droit.(143) Si l'individu renonce à sa possession en négligeant le bien ou en l'abandonnant, son utilisation de ce bien s'interrompt et son droit sur le bien disparaît, par voie de conséquence, et tout autre individu pourra s'en emparer et l'utiliser.

Ainsi, il apparaît clairement que le droit de l'individu sur l'eau dont il a pris possession dans le lac, ou sur la pierre qu'il a ramassée sur la voie publique, n'est pas fondé sur sa possession d'une occasion générale résultant de son travail, mais sur l'exercice par l'individu de l'utilisation de la richesse naturelle du fait de sa prise de possession de celle-ci.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons ajouter au principe précité de la théorie selon lequel "tout individu possède le résultat de son travail" un nouveau principe : "l'exercice par l'individu de l'utilisation d'une richesse naturelle lui confère un droit sur celle-ci tant qu'il continue à utiliser cette richesse". Et étant donné que la prise de possession dans le domaine des richesses mobilières est un travail d'utilisation, le principe l'inclut et confère sur sa base un droit à l'individu sur la richesse dont il a pris possession.

La généralisation du principe théorique de la prise de possession

Ce principe ne s'applique pas seulement aux richesses mobilières, mais aussi aux ressources naturelles si l'individu y exerce un travail d'utilisation. Par exemple, si l'individu cultive une terre naturellement exploitable, sa culture constitue un travail d'utilisation qui lui confère un droit sur la terre, qui lui permet d'empêcher autrui de rivaliser avec lui et de lui arracher la terre tant qu'il continue à l'utiliser. Mais cela ne signifie pas que la simple prise de possession de la terre par exemple suffise pour y acquérir ce droit, comme pour la prise de possession de l'eau. Car la prise de possession de la terre n'est pas un travail d'utilisation et d'exploitation, mais on utilise la terre cultivable en la cultivant par exemple. Si le travailleur entreprend de cultiver une terre naturellement cultivable, et qu'il y continue cette sorte d'utilisation, un autre n'a pas le droit de lui arracher la terre tant qu'il continue à la cultiver, car cet autre n'y a pas la priorité par rapport à celui qui l'utilise effectivement. Mais si le travailleur cesse de la cultiver et de l'utiliser, il n'a plus le droit de la conserver, et un autre individu peut alors y exercer un travail d'utilisation et d'exploitation.

La différence entre les deux principes se remarque dans le cas où l'individu cesse d'utiliser la terre. En effet, le droit de l'individu fondé sur la continuation de l'utilisation d'une richesse naturelle disparaît dès qu'il cesse d'utiliser la terre et la poursuite de cette utilisation, alors que le droit fondé sur la possession par le travailleur de l'occasion qu'il crée demeure intact tant que cette occasion demeure et que les efforts du travailleur demeurent concrétisés dans la terre, et ce, même s'il n'a pas utilisé la terre de manière effective.

Résumé des résultats théoriques

Nous pouvons déduire, à présent, de l'étude de la théorie générale de la distribution de la pré-production deux principes essentiels dans ladite théorie :

1 - Le travailleur qui exploite une richesse naturelle brute possède le résultat de son travail, à savoir l'occasion générale d'utiliser cette richesse. Et, comme conséquence de la possession par le travailleur de cette occasion, celui-ci a un droit sur le bien lui-même, imposé par le fait de sa possession de l'occasion que son travail a produite, et son droit sur le bien est lié à la possession de cette occasion. Si l'occasion qu'il a créée s'efface et disparaît, son droit sur le bien s'éteint.

2 - Le fait d'exploiter toute richesse naturelle confère à l'individu exploitant un droit qui empêche les autres de lui arracher la richesse tant qu'il continue d'en bénéficier et d'y exercer un travail d'utilisation et d'exploitation, car nul autre n'a de priorité par rapport à lui sur cette richesse qu'il exploite pour qu'on puisse la lui arracher et l'accorder à cet autre.

C'est sur le premier principe que se fondent les statuts régissant les droits dans les opérations de mise en valeur et de chasse, et c'est sur le second principe que se fondent les statuts de la prise de possession des richesses mobilières dont l'occasion d'utilisation est offerte par la nature à l'homme.

Ainsi, la création d'une nouvelle occasion dans une richesse naturelle, et l'utilisation continuelle d'une richesse qui porte en elle-même naturellement l'occasion de son utilisation, sont les deux sources fondamentales du droit individuel dans les richesses naturelles.

Le caractère commun à ces deux sources est la qualité économique. En effet, aussi bien le fait de créer une nouvelle occasion que celui d'utiliser une richesse sur la base de l'occasion offerte naturellement, constituent une qualité économique et non pas un travail de force et d'accaparement.

Remarques

Etude comparée de la théorie islamique


Nous avons vu que la Charî'ah permet aux individus d'acquérir des droits particuliers dans les sources naturelles de richesses, dans les limites déterminées par la théorie générale de la distribution de la pré-production. Le plan théorique de ces droits diffère de leur plan dans les théories capitaliste et marxiste.

En effet, dans la doctrine capitaliste, tout individu est autorisé à posséder les ressources naturelles sur la base du principe de la liberté économique. Ainsi, l'individu peut considérer toute richesse qu'il contrôle comme sa propriété, tant que cela ne s'oppose pas à la liberté de propriété accordée aux autres. Le domaine autorisé de la propriété privée de tout individu n'est restreint que par la protection du droit des autres à la liberté de possession. Ainsi, l'individu puise la justification de sa propriété dans le fait qu'il est libre et qu'il ne concurrence pas les autres quant à leur liberté.

Quant à la théorie générale de la distribution que nous avons étudiée, elle ne reconnaît pas la liberté de propriété dans sa conception capitaliste. Elle considère que le droit de l'individu sur la source naturelle brute est lié à sa possession résultant de son travail ou de son utilisation directe et continuelle de cette source. C'est pourquoi le droit disparaît s'il perd ces deux fondements.

Alors que les droits personnels dans les sources naturelles de richesses sont considérés, dans le capitalisme, comme un aspect de la liberté de l'homme dont celui-ci jouit sous ledit régime, l'Islam les considère comme un aspect de l'activité de l'homme et de son exercice de travaux d'utilisation et d'exploitation.

En ce qui concerne le marxisme, il croit qu'il faut abolir toutes les formes de la propriété privée dans les sources naturelles des richesses ainsi que dans tous les moyens de production, et appelle à la libération de ces moyens des droits particuliers, estimant qu'ils ne se justifient plus depuis que l'Histoire est entrée dans la phase déterminée que l'industrie mécanique a annoncée à l'époque de l'homme capitaliste moderne.

La croyance du marxisme à la nécessité de cette abolition ne signifie pas, sur le plan théorique analytique, que la propriété privée n'ait absolument pas de justifications dans la conception marxiste, mais exprime sa croyance doctrinale que la propriété privée a épuisé tous ses buts dans le mouvement de l'Histoire, et qu'elle n'a plus de place dans le courant de l'Histoire moderne après avoir perdu ses justifications et être devenue une force opposée à ce courant.

Pour comparer la théorie marxiste et l'Islam, il faut savoir quelles sont les justifications de la propriété privée dans la théorie marxiste, et comment cette propriété a perdu ces justifications à l'époque de la production capitaliste(144). Le marxisme estime que toutes les richesses naturelles brutes n'ont pas, de par leur nature, une valeur d'échange, mais qu'elles offrent beaucoup d'utilité de consommation, car la valeur d'échange ne se trouve dans une richesse qu'à la suite d'un travail humain concrétisé en elle. C'est donc le travail qui crée la valeur d'échange dans les choses. Or, les richesses brutes, dans leur état naturel, ne sont pas mélangées à un travail humain déterminé. Donc, elles n'ont pas de valeur, sur le plan de l'échange. C'est ainsi que le marxisme lie la valeur de l'échange au travail, et qu'il décide que c'est le travailleur exploitant une source naturelle ou une richesse de la nature, qui confère à ce qu'il exploite une valeur d'échange égale à la quantité de travail qu'il y dépense.

De même que le marxisme lie la valeur d'échange au travail, il lie aussi la valeur d'échange à la propriété en accordant à l'individu qui crée par son travail une valeur d'échange dans le bien, le droit de posséder ce bien et de jouir de cette valeur qu'il y a créée. La possession par l'individu de la richesse tire donc sa justification théorique, dans le marxisme, de sa qualité de créateur de la valeur d'échange dans cette richesse, résultant du travail qu'il y a dépensé. Ainsi, en vertu de cette théorie, l'individu acquiert le droit de posséder la source naturelle et les moyens de production naturels, s'il a pu y dépenser un effort et leur conférer une certaine valeur d'échange. Cette possession apparaît en réalité, à la lumière de la théorie marxiste, comme la possession du résultat donné par le travail, et non pas la possession de la source naturelle séparée de ce résultat. Mais ce résultat que le travailleur possède n'est pas l'occasion d'utilisation en tant qu'état résultant du travail, comme nous l'avons vu dans la théorie générale de l'Islam relative à la distribution de la pré-production, mais la valeur d'échange engendrée par le travail, selon l'optique marxiste. Ainsi, le travailleur confère à la source naturelle une valeur déterminée et possède cette valeur qu'il a conférée au bien.

Partant de ce fondement marxiste justifiant la propriété privée, le marxisme décide que cette propriété demeure légitime tant qu'elle n'entre pas dans l'époque de la production capitaliste, où les propriétaires laissent les moyens et les sources qu'ils possèdent à ceux qui ne possèdent rien afin que ces derniers y travaillent et leur en payent les bénéfices dont la valeur équivaudra, en un laps de temps relativement court, à la valeur d'échange de ces sources et moyens. De cette façon, le propriétaire aura épuisé tout son droit dans ces sources et moyens, car son droit était lié à la valeur qui était résultée de son travail dans ces sources. Et puisqu'il a obtenu cette valeur, représentée dans les bénéfices qu'il a touchés, son lien avec les sources et les moyens qu'il possédait n'a plus de fondement. C'est ainsi que la propriété privée perd ses justifications et devient illégitime dans la théorie marxiste avec l'arrivée de l'époque de la production capitaliste ou du travail salarial.

C'est en se fondant sur ce principe qui lie la propriété du travailleur à la valeur d'échange que le marxisme autorise un autre travailleur (s'il exploite une richesse) à posséder la nouvelle valeur qui résulte de son travail. Ainsi, si un individu va dans la forêt, y coupe du bois, dépense sur ce bois un effort pour le transformer en planches, et qu'un autre transforme celles-ci en lit, chacun des deux devient propriétaire de la valeur d'échange que son travail a produite. C'est pourquoi le marxisme considère que c'est le salarié qui, dans le système capitaliste, est le propriétaire de la valeur d'échange que la matière acquiert par son travail, et que le fait que le propriétaire de la matière prélève une partie de cette valeur sous forme de bénéfices est un vol commis au détriment du salarié.

La valeur est donc liée au travail, et la propriété n'existe que dans les limites de la valeur qui résulte du travail du propriétaire.

Telles sont les justifications marxistes de la propriété privée ; elles peuvent être résumées dans les deux points suivants :

1 - La valeur d'échange est liée au travail, et en résulte ;

2 - La propriété du travailleur est liée à la valeur d'échange qu'engendre son travail.

Pour notre part, nous divergeons d'avec le marxisme sur les deux points.

En ce qui concerne le premier point, qui lie la valeur d'échange au travail, et qui fait de celui-ci le seul critère fondamental de celle-là, nous l'avons étudié dans tous ses détails dans nos chapitres d'"Avec le marxisme"(145), et nous avons pu démontrer que la valeur d'échange ne découle pas essentiellement du travail, et par voie de conséquence, toutes les briques de l'édifice que le marxisme avait dressé sur ce fondement se sont écroulées.Quant à l'autre point, qui lie la propriété de l'individu à la valeur d'échange engendrée par le travail, il s'oppose à la tendance de la théorie générale de l'Islam sur la distribution de la pré-production, car les droits particuliers des individus dans les sources naturelles de richesses, bien qu'ils reposent, en Islam, sur la possession par l'individu du résultat de son travail, le résultat du travail que possède le travailleur qui a mis en valeur un lopin de terre par un travail d'une semaine par exemple n'est pas lui-même la valeur d'échange que produit le travail d'une semaine, comme le conçoit le marxisme ; le résultat que possède le travailleur dans la terre qu'il a mise en valeur, est l'occasion d'utiliser cette terre. Et c'est de la possession de cette occasion que naît son droit dans la terre elle-même. Et tant que cette occasion demeure, son droit dans la terre demeure constant, et aucun autre n'a le droit de posséder la terre en y dépensant un nouveau travail, même si ce nouveau travail redoublait sa valeur d'échange, car l'occasion d'utiliser la terre est la propriété du premier travailleur, et nul autre ne saurait y rivaliser avec lui.

Telle est la différence essentielle, sur le plan théorique, entre le fondement marxiste propre à la source naturelle, et le fondement islamique. L'origine du droit particulier dans le premier fondement se trouve dans la possession par le travailleur de la valeur d'échange que la terre a acquise uniquement grâce à son travail, alors que son origine, dans le second, est dans la possession par le travailleur de l'occasion réelle que le travail dans la terre a produite.

Ainsi, le principe selon lequel les droits particuliers dans les sources naturelles de richesses reposent sur le travail, et que le travailleur possède le résultat réel de son travail, reflète la théorie islamique, et le principe selon lequel la valeur d'échange des sources naturelles de richesses repose sur le travail, et que la propriété du travailleur est déterminée par la valeur d'échange qu'il a créée, reflète la théorie marxiste.

La principale différence entre ces deux principes est la source de toutes les autres différences que nous rencontrerons, entre l'Islam et le marxisme, pour ce qui concerne la distribution de la post-production.

Le phénomène de "tasq" (impôt sur la mise en valeur d'une terre morte) et son explication théorique.

Nous remarquons dans la superstructure qui régit la distribution de la pré-production en Islam, un phénomène particulier qui pourrait paraître vouloir distinguer entre la terre et les autres sources naturelles de richesses. Il faut donc étudier ce phénomène d'une façon particulière, et l'expliquer à la lumière de la théorie générale de la distribution, ou le lier à une autre théorie de la doctrine économique en Islam.

Ce phénomène est le "tasq", que la Charî'ah a autorisé l'Imam a prélever sur un individu qui met en valeur une terre et l'utilise. En effet, il est dit, dans le hadith authentique et dans certains textes jurisprudentiels du Chaykh al-Tûsî que «l'individu peut mettre en valeur une terre morte, et il doit en acquitter le tasq [la rétribution] à l'Imam».

Quelle est donc la justification théorique de ce "tasq" ? Pourquoi concerne-t-il uniquement la terre, à l'exclusion des autres sources de richesses, et pourquoi ceux qui mettent en valeur ces autres sources ne sont-ils pas tenus de payer une part de leur récolte ?

En réalité, ce tasq, qu'on a permis à l'Imam d'imposer à la terre morte lorsqu'un individu la met en valeur, peut être adopté doctrinalement et expliqué théoriquement sur deux bases :

1- Sur la base de la théorie générale de la distribution elle-même. En effet, si nous remarquons que le tasq est un loyer que l'Imam prélève sur la terre parce qu'elle fait partie des butins (anfâl), et si nous savons en outre que l'Imam utilise les anfâl dans l'intérêt de la Communauté, comme nous le verrons dans un prochain chapitre, et si nous comparons enfin entre l'obligation faite au maître de la terre de payer le tasq et l'obligation faite au maître de la source ou de la mine de permettre à autrui d'utiliser ce qui excède son besoin de la source et ce qui ne s'oppose pas à son droit sur la mine, si nous additionnons tout cela, nous aurons complété une superstructure juridique nous permettant de déduire un nouveau principe pour la théorie, principe accordant à la Communauté un droit général d'utiliser les sources de richesses naturelles, parce qu'elles sont mises au service de l'humanité en général [«C'est Lui Qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre» (Sourate al-Baqarah, 2 : 29)]. Ce droit général de la Communauté ne disparaît pas avec l'acquisition des sources de richesses naturelles et la jouissance de droits privatifs sur celles-ci, mais la Charî'ah détermine seulement le mode d'exercice de ces droits de la Communauté, d'une façon qui ne s'oppose pas à ces droits individuels. Ainsi, en ce qui concerne les sources et les mines que les individus mettent en valeur, tout le monde est autorisé à les utiliser directement, car tout individu peut utiliser le gisement de minerai de la mine s'il creuse à partir d'un autre point de ce gisement. De même, tout individu peut se servir de la source d'eau si l'eau dépasse les besoins de celui qui a mis en évidence la source. Quant à la terre, étant donné qu'elle ne peut, de par sa nature, être utilisable par deux individus en même temps, on y a instauré le tasq, que l'Imam dépense pour les intérêts de la Communauté, afin que les autres personnes en tirent bénéfice de cette façon, étant donné que le droit privatif du maître de la terre, celui qui l'a mise en valeur, a empêché les autres de l'utiliser directement.

2 - On peut expliquer le tasq d'une façon indépendante de la théorie générale de la distribution, en le considérant comme un impôt que l'Etat prélève dans l'intérêt de la justice sociale. Car nous allons voir, lorsque nous étudierons les "anfâl" et leur fonction dans l'Economie islamique, que l'un des plus importants des buts des "anfâl" dans la Charî'ah est la sécurité sociale et la protection de l'équilibre général. Et, étant donné que le tasq est considéré juridiquement comme faisant partie des "anfâl", il est raisonnable de le considérer comme un impôt découlant de la théorie générale de la justice sociale et de ce qu'elle comprend de principes d'assurance et d'équilibre généraux. Si c'est seulement la terre qui supporte cet impôt important, c'est en raison de son importance et du poids de son rôle dans la vie économique. Et c'est pour cela que cet impôt a été créé, afin de protéger la société islamique contre les maux de la propriété privée de la terre dont souffrent les sociétés non-islamiques, et de résister aux drames de la rente des biens fonciers qui a tant troublé l'histoire des régimes de l'humanité, et qui a joué un rôle important dans la création des inégalités et des contradictions et dans leur aggravation. En cela, le tasq ressemble au khoms, qui grève d'un impôt les minerais extraits du sol.

En fin de compte, et après avoir présenté ces deux explications théoriques du tasq, nous pouvons les expliquer l'une part rapport à l'autre dans une vision plus globale et plus large, en expliquant le tasq comme un impôt qu'on a permis à l'Imam de prélever dans des buts d'assurance, d'équilibre et de protection des individus faibles de la Communauté, et en expliquant ces buts eux-mêmes, et la nécessité de les imposer aux individus puissants, par le droit général prioritaire qu'a la Communauté dans les sources naturelles de richesses, droit qui lui accorde celui d'intervenir auprès des individus qui mettent en valeur et exploitent cette terre, afin de protéger ses intérêts (de la Communauté), et de sauver les faibles parmi ses membres.

L'explication morale de la propriété en Islam


Nous avons étudié, jusqu'à présent, la propriété et les droits individuels à la lumière de la théorie générale de la distribution de la pré-production, car la recherche reposait sur la doctrine économique. A travers cette recherche, nous avons pu donner à la propriété et aux droits individuels une interprétation théorique qui reflète le point de vue de la doctrine économique en Islam. Maintenant, nous voudrions présenter l'explication morale de ces droits et propriétés privés en Islam.

Par explication morale de la propriété privée, nous entendons le fait de passer en revue les conceptions morales que l'Islam a présentées de la propriété, de son rôle et de ses buts, et qu'il a fait en sorte de répandre parmi les gens afin qu'elles constituent des forces qui orientent la conduite humaine et influencent les comportements des individus en ce qui concerne leurs propriétés privées et leurs droits individuels.

Mais, avant d'entrer dans le détail de l'explication théorique de la propriété, il faut distinguer clairement cette explication de l'explication doctrinale de la propriété, dont nous avons traité précédemment du point de vue économique. Pour parvenir à une telle distinction, nous pouvons emprunter aux détails de l'explication éthique le concept de la "khilâfah", afin de le comparer avec la théorie générale de la distribution sur la base de laquelle nous avons expliqué les droits individuels du point de vue de la doctrine économique.

La "khilâfah" confère le caractère de représentation à la propriété privée, et fait du propriétaire un secrétaire de la richesse et le représentant de cette richesse, désigné par Allah Qui possède l'univers et toutes les richesses qu'il renferme. Lorsque cette conception islamique particulière de l'essence de la propriété marque et imprègne la mentalité du propriétaire musulman, elle devient une force d'orientation dans le domaine de la conduite, et une réglementation rigoureuse qui impose au propriétaire de respecter les instructions et les limites définies par Allah, tout comme le représentant et le mandataire respectent toujours la volonté du représenté et du mandant.

Si nous examinons cette conception, nous remarquons qu'elle n'explique pas les justifications de la propriété privée d'un point de vue doctrinal dans l'Economie, car la propriété privée, qu'elle soit représentation ou toute autre chose, soulève la question de ses justifications doctrinales, à savoir pourquoi cette représentation, ou ce mandat, est-il confié à tel individu plutôt qu'à tel autre ? Le simple fait qu'elle soit un mandat ne constitue pas une réponse suffisante à cette question. La réponse se trouve en réalité dans l'explication théorique de la propriété privée, fondée sur des bases spécifiques, comme le travail et le lien du travailleur avec les résultats de son travail.

Ainsi, nous savons donc que conférer le caractère de mandat et de représentation (khilâfah) à la propriété privée, par exemple, ne suffit pas pour formuler une théorie générale de la distribution, car cela n'explique pas économiquement ce phénomène ; mais ce caractère crée seulement une vision particulière de la propriété, faisant de celle-ci une simple représentation ou khilâfah. Si cette vision se développe, prévaut et se généralise chez tous les membres de la Communauté islamique, elle devient suffisamment puissante pour déterminer la conduite des individus, réajuster les réflexions psychologiques sur la propriété, et faire évoluer les sentiments que la richesse inspire aux nantis. De cette façon, la conception de la khilâfah devient une force motrice et conductrice dans la vie économique et sociale.

L'explication éthique de la propriété justifie donc ces conceptions de la propriété, que tout Musulman apprend habituellement de l'Islam, et auxquelles il s'adapte psychologiquement et spirituellement, et conformément auxquelles il détermine ses sentiments et ses activités.

La base de ces conceptions est le concept de la khilâfah dont nous avons parlé. En effet, le bien est à Allah, Qui est Le Vrai Propriétaire, et les gens sont Ses représentants sur la terre, et Ses secrétaires auprès d'elle et de ce qu'elle renferme de biens et de richesses. En effet, Allah dit : «C'est Lui Qui vous a choisis pour que vous soyez Ses lieutenants sur la terre. Celui qui est incrédule est incrédule à son détriment. L'incrédulité des incrédules ne fait qu'accroître la réprobation de leur Seigneur.» (Sourate al-Malâ'ikah, 35 : 39)

C'est Allah Lui-même Qui a assigné cette khilâfah à l'homme, et s'IL le veut, IL la lui retire : «IL vous supprimera, s'IL le veut, puis IL vous remplacera par ce qu'IL voudra...» (Sourate al-An'âm, 6 : 133)

La nature de la khilâfah impose à l'homme de recevoir les instructions relatives à la richesse qu'il représente de Celui Qui lui a confié cette représentation. En effet, Allah dit : «Croyez en Allah et en Son Prophète. Donnez en aumônes ce dont IL vous a fait les dispensateurs. Ceux qui, parmi vous, auront cru et qui auront fait l'aumône, recevront une grande récompense.» (Sourate al-Anfâl, 8 : 7). De même, l'un des résultats de cette khilâfah est que l'homme devient responsable devant Celui Qui l'a désigné pour cette représentation, soumis à Son contrôle dans tous ses comportements et actes. Allah dit, en effet : «Nous vous avons établis sur terre, après eux, comme leurs successeurs, afin de voir comment vous agiriez.» (Sourate Yûnus, 10 : 14)La khilâfah appartient à l'origine à toute la Communauté, car elle se traduit pratiquement par la création par Allah des richesses de l'univers et leur mise à la disposition de l'homme. L'homme est pris ici au sens général, qui comprend tous les individus. Aussi Allah dit-IL : «C'est Lui Qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre.» (Sourate al-Baqarah, 2 : 29)

Les formes de la propriété, y compris la propriété et les droits privés, sont des modalités qui permettent à la Communauté, en les suivant, d'accomplir sa mission de construire et d'exploiter l'univers. Allah dit, en effet : «C'est Lui Qui a fait de vous Ses lieutenants sur la terre. IL a élevé certains d'entre vous de plusieurs degrés au-dessus des autres pour vous éprouver en ce qu'IL vous a donné» (Sourate al-An'âm, 6 : 166) La propriété et les droits privés qui sont accordés aux uns à l'exclusion des autres -ce qui entraîne une différence dans leur degré de représentation (khilâfah)- constituent donc une sorte d'épreuve à laquelle est soumise la Communauté pour voir quelle est sa capacité de supporter les charges, et une force qui la pousse à accomplir les tâches de la khilâfah et à rivaliser dans ce domaine. Ainsi, à la lumière de cette observation, la propriété privée devient un des moyens pour la Communauté d'accomplir ses tâches de khilâfah, et revêt le caractère d'une fonction sociale, laquelle se présente comme un des aspects de la khilâfah générale, et non pas le caractère d'un droit absolu et d'un contrôle originel. On attribue à l'Imam al-Çâdiq (S), à ce propos, le hadith suivant : «Si Allah vous a gratifiés de ces biens abondants, c'est pour que vous les utilisiez dans la voie qu'Allah leur a tracée ; IL ne vous les a pas donnés pour que vous les thésaurisiez.»

Et étant donné que la khilâfah appartient à l'origine à la Communauté, et que la propriété privée est un moyen par lequel la Communauté accomplit les buts et la mission de cette khilâfah, le lien de la Communauté avec le bien et sa responsabilité envers lui ne disparaissent pas du simple fait que l'individu en aurait pris possession. Non. La Communauté doit protéger ce bien contre l'incompétence du propriétaire s'il n'est pas raisonnable, car l'insensé ne peut jouer un rôle sain dans la khilâfah. Aussi Allah a-t-IL dit à ce propos : «Ne confiez pas aux insensés les biens qu'Allah vous a donnés pour vous permettre de subsister. Donnez-leur le nécessaire, prélevé sur ces biens ; donnez-leur de quoi se vêtir et adressez-leur des paroles convenables.» (Sourate al-Nisâ', 4 : 5) Allah s'adresse ici à la Communauté, car la khilâfah lui appartient à l'origine, IL lui interdit de laisser aux insensés leurs biens, et IL lui ordonne de protéger ces biens et d'en dépenser ce qui est nécessaire pour leur propriétaire. Et bien qu'IL parle à la Communauté des biens des insensés, IL a attribué les biens à la Communauté elle-même lorsqu'IL dit : «Ne confiez pas aux insensés vos biens» (Sourate al-Nisâ', 4 : 5) Ceci est une indication que la khilâfah appartient originellement à la Communauté et que les biens sont les siens du fait de la khilâfah, même s'ils appartiennent aux individus du fait de la propriété privée. Le Verset commente cette indication par une allusion aux buts et au message de la khilâfah, en décrivant les biens ainsi : «Vos biens qu'Allah vous a donnés pour vous permettre de subsister». Ainsi, Allah a fait appartenir ces biens à la Communauté, c'est-à-dire qu'IL a mandaté la Communauté sur ces biens, non pas pour qu'elle les dilapide ni qu'elle les gèle, mais pour qu'elle les utilise à bon escient, les exploite et les protège. Si cela ne peut être réalisé par l'individu, c'est à la Communauté alors d'en prendre la responsabilité(146).

De cette façon, l'individu se sent responsable dans sa conduite financière devant Allah, Lequel est Le vrai propriétaire de tous les biens. De même, il se sent responsable devant la Communauté également, car c'est elle qui possède, à l'origine, la khilâfah, et la possession du bien n'est qu'un aspect et un moyen de cette khilâfah. C'est pourquoi la Communauté a le droit de l'empêcher d'agir s'il n'est pas digne de disposer de son bien en raison de son âge trop jeune ou de sa prodigalité, et de l'empêcher de disposer de son bien de façon à nuire gravement à autrui. De même, elle a le droit de le punir s'il fait de son bien un moyen de corrompre autrui et de se corrompre soi-même, comme fit le Prophète (Ç) avec Samrah ibn Jandab, en ordonnant d'arracher son dattier et de le jeter lorsque son propriétaire en a fait un objet de corruption, et en lui disant : «Tu es un homme nuisible».

Lorsque l'Islam a conféré à la propriété privée le concept de khilâfah, il l'a dépouillée de tous les privilèges moraux qui s'étaient attachés à son existence à la longue, et il n'a pas permis aux Musulmans de la considérer comme un critère de respect et d'estime dans la société islamique, ni de l'associer à une sorte de valeur sociale dans les relations mutuelles, et ce à un point tel que l'Imam al-Redhâ (S) a dit : «Celui qui rencontre un Musulman pauvre et le salue différemment d'un riche, Allah le recevra avec colère le Jour de la Résurrection». De même, le Coran a dénoncé avec sévérité ceux qui prennent pour critère de respect et d'égards pour les autres la richesse et la fortune : «Il s'est renfrogné et il s'est détourné parce que l'aveugle est venu à lui. Qui te fera savoir si, peut-être, celui-ci se purifie ou s'il réfléchit de telle sorte que le Rappel lui soit profitable ? Quant à celui qui est riche, tu l'abordes avec empressement ; peu t'importe s'il ne se purifie pas. Mais de celui qui vient à toi, rempli de zèle et de crainte, toi tu te désintéresses !» (Sourate 'Abasa, 80 : 1-10) Ainsi, l'Islam a remis la propriété dans sa place naturelle et son domaine originel, en tant qu'une sorte de khilâfah, et l'a planifiée dans le cadre islamique général, de telle sorte qu'elle ne puisse refléter son existence sur autre chose que son champ propre ou créer des critères matérialistes de respect et d'estime, car elle est khilâfah et non pas un droit personnel.

Il y a dans les images que nous présente le Coran en ce qui concerne les sentiments que crée la propriété privée et les reflets de celle-ci sur l'âme de l'homme de quoi montrer clairement la croyance de l'Islam dans le fait que les sentiments de privilège issus de la propriété privée et les tentatives pour prolonger celle-ci au-delà de son domaine originel naissent en fin de compte d'une erreur dans le concept de propriété, consistant à la considérer comme un droit individuel et non pas comme une khilâfah qui a ses propres responsabilités et utilités.

Sans doute, la plus merveilleuse de ces images est-elle celle qui raconte l'histoire de deux hommes dont l'un, favorisé par Allah Qui lui avait donné deux jardins parmi les jardins de la nature «dit alors à son compagnon, avec qui il conversait : Je suis plus riche que toi, et plus puissant aussi, grâce à mon clan.» (Sourate al-Kahf, 18 : 34), croyant que sa propriété justifierait cette sorte de fierté et d'exaltation avec lesquelles il s'adressait à son compagnon. Mais «il entra dans son jardin en étant coupable envers lui-même...» (Sourate al-Kahf, 18 : 34), car par cette déviation du concept de la fonction et de la nature de sa propriété, il préparait, en fait, les facteurs de son anéantissement et de sa destruction. «... et il dit : Je ne pense pas que ceci périsse jamais ; je ne pense pas que l'Heure arrive ; et si je suis ramené vers mon Seigneur, je ne trouverai rien, en échange, qui soit préférable à ce jardin. Son compagnon avec qui il conversait dit : Serais-tu ingrat envers Celui Qui t'a créé de poussière, puis d'une goutte de sperme, et qui, ensuite, t'a donné une forme humaine ? Mais lui, IL est Allah, mon Seigneur ! Je n'associe personne à mon Seigneur ! Si tu avais dit, en entrant dans ton jardin : "telle est la Volonté d'Allah ! Il n'y a de puissance qu'en Allah !.." et si tu sentais que c'est une khilâfah qu'Allah t'a confiée pour que tu t'acquittes de tes devoirs envers elle, tu n'aurais pas éprouvé un sentiment d'exaltation et de fierté, ni cette sensation d'orgueil et de vanité. «Si tu me vois moins bien pourvu que toi en richesses et en enfants, mon Seigneur me donnera peut-être bientôt quelque chose de meilleur que ton jardin contre lequel il enverra les foudres du ciel. Ton jardin deviendra alors un sol dénudé, ou bien encore l'eau qui l'arrose disparaîtra dans la terre et tu ne pourras plus la retrouver.» Sa récolte fut ravagée, et le lendemain matin, il se tordait les mains en songeant aux dépenses qu'il avait faites : les treillis qui soutenaient les vignes étaient détruits. Il dit : «Malheur à moi ! Je n'aurais jamais dû associer personne à mon Seigneur !» (Sourate al-Kahf, 18 : 34 - 42)

En réduisant de la sorte l'existence de la propriété privée, et en la contenant dans son champ originel, sur la base du concept de khilâfah, la propriété en Islam s'est transformée en instrument et non pas en but. En effet, le Musulman dont l'entité spirituelle et psychologique a fusionné dans l'Islam considère la propriété comme un moyen de réaliser le but de la khilâfah générale et de satisfaire les différents besoins humains, et non pas comme un but recherché en soi, en tant qu'accumulation et amoncellement avide, insatiable et inassouvissable. On peut retrouver l'image de cette vision instrumentale de la propriété -la propriété en tant qu'instrument- dans ce hadith attribué au Prophète : «De ton bien tu n'as que ce que tu as mangé et fait disparaître de la sorte, ce que tu as porté et usé, ce que tu as offert en aumône et conservé.»(147) Dans un autre texte, il dit : «Le serviteur répète : Mon bien ! Mon bien ! Or, il n'a de son bien que ce qu'il a mangé et fait disparaître, ce qu'il a porté et usé, ce qu'il a donné et obtenu en échange. A part cela, il est partant, et il laissera tout ce qui reste aux gens.»

L'Islam a résisté à la vision finaliste de la propriété -la vision de la propriété en tant que but- non seulement en rectifiant son concept et en la dépouillant de ses privilèges attachés à des domaines extérieurs à son domaine originel, mais aussi en y ajoutant une action positive -dans la voie de la résistance à cette vision- lorsqu'il a ouvert devant le Musulman un horizon plus large que le champ limité et le point de départ matérialiste éphémère, et une ligne plus longue que l'étape courte de la propriété privée qui prend fin avec la mort, et qu'il a promis au Musulman d'autres sortes de profits, plus durables, plus alléchants, et plus avantageux pour celui qui y croit.

Sur la base de ces profits éternels de l'Au-delà, la propriété privée pourrait devenir tantôt une privation et une perte -si elle constituait une barrière devant l'obtention de ces profits- et tantôt une opération profitable, la renonciation à cette propriété conduisant à une compensation plus grande promise dans les profits de l'Au-delà. Il est évident que la croyance à cette compensation, et ce point de départ plus large, à cet horizon plus ouvert de profits et d'avantages joue un grand rôle positif dans l'extinction des causes égoïstes de la propriété, et le développement de la vision finaliste vers une vision instrumentaliste. Allah dit, en effet : «IL vous rendra tout ce que vous avez donné en aumônes. IL est le meilleur des dispensateurs de tous les biens.» (Sourate Sabâ', 34 : 39)

«Ce que vous dépensez en aumônes est à votre avantage. Ne donnez que poussés par le désir de la Face d'Allah. Ce que vous dépensez en aumônes vous sera exactement rendu ; vous ne serez pas lésés.» (Sourate al-Baqarah, 2 : 272)

«Vous retrouverez auprès d'Allah le bien que vous aurez acquis à l'avance, pour vous-mêmes.» (Sourate al-Baqarah, 2 : 110)

«Le jour où chaque homme trouvera présent devant lui ce qu'il aura fait de bien...» (Sourate Âl 'Imrân, 3 : 30)

«Quelque bien qu'ils accomplissent, il ne leur sera pas dénié, car Allah connaît ceux qui le craignent.» (Sourate Âl 'Imrân, 3 : 115)

Le Coran a comparé la vision ouverte de gains et de pertes, qui ne mesure pas ceux-ci seulement avec le critère de la sensibilité éphémère, et la vision capitaliste étroite qui n'a que ces critères, et qui se trouve ainsi toujours exposée au spectre de la pauvreté, tremblant à la seule pensée d'une utilisation de la propriété pour des buts plus larges et plus généraux que ceux avides et égoïstes, car le spectre terrifiant de la pauvreté et de la perte matérielle lui apparaît derrière cette sorte de pensée. Le Coran attribue cette vision capitaliste étroite à Satan : «Le Démon vous menace de la pauvreté ; il vous ordonne des turpitudes. Allah vous promet un pardon et une grâce. Allah est présent partout et IL sait.» (Sourate al-Baqarah, 2 : 268)

La limitation temporelle des droits privés

La théorie générale de la distribution qui a stipulé les droits individuels de la façon que nous avons vue, impose à ces droits une limitation temporelle en général. Ainsi, toute propriété et tout droit en Islam sont limités dans le temps à la vie du propriétaire, et il n'est pas permis qu'ils s'étendent d'une manière absolue. C'est pourquoi l'individu n'a pas, en Islam, le droit de décider du sort de la richesse qu'il possède après sa mort. C'est la Loi qui décide initialement de ce sort dans le cadre des statuts de l'héritage et de la législation relative à la répartition de la succession entre les ayants droit. En cela l'Islam diffère des sociétés capitalistes qui croient habituellement à la prolongation du pouvoir du propriétaire sur ses biens aussi loin que possible, et qui lui laissent le droit de décider de l'avenir de ses richesses après sa mort, et de les donner à qui il veut, et de la façon qui lui plaît.

Cette limitation temporelle des droits privés est en réalité l'un des résultats de la théorie générale de la distribution de la pré-production, laquelle théorie est le fondement de la législation de ces droits individuels. En effet, nous avons déjà appris à la lumière de la théorie que les droits privés sont fondés sur deux bases : l'une est le fait que l'individu crée, par la mise en valeur, l'occasion d'utilisation d'une source naturelle de richesse, et qu'il s'approprie cette occasion en tant que résultat de son travail, ce qui lui confère un droit dans le bien interdisant à quiconque de lui arracher cette occasion ; l'autre base des droits privés est le fait que l'utilisation continuelle d'une richesse donnée confère à l'utilisateur le droit de priorité sur cette richesse, par rapport à quiconque, tant qu'il continue à l'utiliser. Ces deux bases ne demeurent pas fixes après le décès, car l'occasion d'utilisation que possède celui qui, par exemple, a mis la terre en valeur, disparaît naturellement avec sa mort, puisqu'il perd définitivement l'occasion d'utilisation, et que le fait qu'un autre en profite ne constitue pas un vol à ses dépens, étant donné qu'il a perdu, en mourant, et l'occasion, et l'utilisation continuelle, ce qui entraîne la disparition des justifications des droits individuels stipulés par la théorie générale.

Ainsi, la limitation temporelle des droits et propriété privés, conformément aux statuts de la législation relative à l'héritage, est une partie de la structure de la doctrine économique, et elle est liée à la théorie générale de la distribution.

Cette limitation temporelle exprime le côté négatif des statuts de l'héritage, qui stipule la rupture du lien entre le propriétaire et sa propriété lors de sa mort. Quant au côté positif des statuts de l'héritage, qui détermine les nouveaux propriétaires et régit le mode de distribution de la propriété entre eux, il n'est pas le résultat de la théorie générale de la pré-production, mais est lié à d'autres théories de l'Economie islamique, comme nous le verrons dans de prochains chapitres.

En limitant temporellement la propriété privée à la vie du propriétaire, et en interdisant à celui-ci de tester (pour ce qui concerne son bien) et de décider du sort de sa richesse après sa mort, l'Islam a excepté (de cette propriété) le tiers du legs en autorisant le propriétaire à décider lui-même du sort du tiers de ses biens. Cette exception ne s'oppose pas à la vérité dont nous avons pris connaissance, concernant la limitation temporelle et son lien avec la théorie générale, car les textes législatifs qui montrent l'autorisation donnée au propriétaire de disposer du tiers de son legs, indiquent clairement que cette autorisation a un caractère exceptionnel fondé sur la base d'intérêts spécifiques. En effet, on rapporte que lorsque 'Alî ibn Yaqtîn a demandé à l'Imam Mûsâ al-Kâdhim (S) «ce qui appartient à l'homme de son bien», l'Imam lui a répondu : «Le tiers, et le tiers c'est beaucoup.». De même, on rapporte que l'Imam al-Çâdiq (S) a dit : «Tester(148) pour le quart ou le cinquième est mieux que tester pour le tiers.» Il est dit également dans le hadith qu'Allah dit au fils d'Adam : «Je t'ai fait trois faveurs : J'ai couvert en toi des défauts tels que, si ta famille les avait connus, elle aurait refusé de t'enterrer ; et Je t'ai octroyé une fortune, en te demandant d'en offrir en aumônes, mais tu n'as pas fait ce bien ; et Je t'ai donné l'occasion, lors de ta mort, d'utiliser le tiers qui t'appartient pour faire le bien, mais tu n'as pas saisi cette occasion.»

Le tiers est donc, à la lumière de ces hadith, un droit qu'il est préférable que le propriétaire n'utilise pas, étant considéré comme un surplus pour lui, et un don concédé par Allah à Son serviteur lors de sa mort, et non pas un prolongement naturel de ses droits qu'il a acquis de son vivant. Tout ceci indique donc que l'autorisation donnée au testateur de décider de l'utilisation du tiers de son bien est un statut exceptionnel, ce qui constitue une reconnaissance tacite de la vérité que nous avons soulignée concernant la limitation temporelle et son lien avec la théorie générale.

En promulguant ce statut exceptionnel, la Charî'ah visait l'obtention de nouveaux gains pour la justice sociale, car cette promulgation (statut exceptionnel) permet à l'individu, lorsqu'il fait ses adieux à toute la vie et qu'il entre dans un monde nouveau, de profiter de sa richesse dans ce nouveau monde. Il arrive fréquemment que, dans les moments décisifs de transition de la vie du Musulman, la flamme des motivations matérialistes et des désirs éphémères s'éteigne, ce qui l'aide (l'homme) à penser à de nouvelles sortes de dépenses, qui ont trait à son Avenir et à la vie vers laquelle il se prépare à se transférer. Ces sortes de dépenses nouvelles sont celles qu'on a appelées "le bien" dans le hadith précité, et pour lesquelles l'individu qui n'a pas profité de son droit de tester est blâmé de n'avoir pas réalisé le but pour lequel ce droit lui a été conféré.

L'Islam, en même temps qu'il a autorisé le "tiers", a encouragé l'individu à exploiter cette dernière occasion qui lui est offerte pour préserver son avenir et sa vie de l'Au-delà, en consacrant le "tiers" aux différentes voies du Bien et des intérêts généraux qui contribuent au renforcement de la justice sociale.
La limitation temporelle de la propriété est donc la règle, alors que le "tiers" est une exception imposée pour des raisons liées à d'autres aspects de l'Economie islamique.


Notes




92. Un non-Musulman couvert par un traité de réconciliation.

93. A ne pas confondre avec "protection" (hemâ) au sens de s'emparer d'une terre pour en faire un territoire privé. Cf. Chapitre "Al-Hemâ) p. 260.

94. "Wasâ'il al-Chi'ah", d'al-Hor al-'Amilî, section 2 des sections "Ihyâ'' al-mawât", tome II, p. 143, nouvelle édition.

95. "Tath-kirat al-Faqîh", al-'Allâmah al-Hillî (al-Hassan ibn Yusif), tome II.

96. "Qawâ'id al-Ahkam", d'al-'Allâmah al-Hillî, p. 222, al-Tab'ah al-Hajariyyah, Kitâb Ihyâ' al-Mawât, al-Matlab al-Thânî.

97. Voir à ce propos : "Miftâh al-Karâmah" d'al-Sayyed al-'Amilî, tome VII, p. 29.

98. "Miftâh al-Karâmah", tome VII, p. 43.

99. Ibid., p. 43.

100. "Tath-kirat al-faqîh", al-'Allâmah al-Hillî, tome II, Kitâb Ihyâ'al-Amwât, al-Matlab al-Thânî.

101. "Al-Om", tome II, p. 131.

102. "Al-Ahkâm al-Sultâniyyah", d'Abî al-Hassan 'Alî ibn Muhammad al-Mâwerdî, pp. 189-190.

103. "Tath-kirat al-Faqîh", al-'Allâmah al-Hillî, tome II, Kitâb Ihyâ' al-Amwât, al-Matlab al-Thânî.

104. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, pp. 467-468.

105. "Al-Ahkâm al-Sultâniyyah", d'al-Mâwerdî, p. 190.

106. Voir "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 468.

107. "Qawâ`id al-Ahkâm", d'al-`Allâmah al-Hillî, p. 222.

108. "Tath-kirat al-Faqîh", al-'Allâmah al-Hillî, tome II, Kitâb Ihyâ' al-Amwât, al-Matlab al-Thânî.

109. Tome V, p.348

110. Tome V, p. 468.

111. "Mawâhib al-Jalîl", d'al-Huttâb, tome II, p. 335.

112. En arabe: aqta'a.

113. Al-Tûsî écrit, en effet : «Si le sultan concède à un homme parmi les sujets une parcelle de mawât, celui-ci aura sans conteste la priorité dans ce que le sultan lui aura concédé. De même, si quelqu'un clôture une terre de mawât, même si cette clôture n'atteint pas le degré de mise en valeur, par exemple s'il y dépose des amas de terre ou qu'il l'entoure d'un mur, ou y laisse toute autre trace de mise en valeur, il y aura plus de droits que tout autre, car la concession accordée par le sultan est équivalente à la clôture.» ("Al-Mabsût", tome III, p. 273).

Quant à Ibn Qudâmah, il écrit : «Celui à qui l'Imam concède une parcelle de mawât, il ne la possédera pas mais y aura un droit de priorité.» ("Al-Mughnî", tome V, p. 473).

Al-Mâwerdî, pour sa part, écrit : «Celui à qui l'Imam a concédé quelque chose dans quoi il acquiert, grâce à la concession, un droit de priorité sur autrui, n'en devient pas définitivement le possesseur avant sa mise en valeur.» ("Al-Ahkâm al-Sultâniyyah", p. 184).

Et al-'Allâmah al-Hillî écrit : «L'utilité de la concession réside en ceci que le concessionnaire aura prioritairement le droit de la mise en valeur.»

114. C'est-à-dire les mawât qui ne sont pas encore exploités.

115. "Tath-kirat al-faqîh", tome II, Kitâb "Ihyâ' al-mawât", 5e condition de l'Ihyâ'.

116. Voir "Nihayât al-Muhtâj", d'al-Ramlî, tome V, p. 337, et "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 474.

117. "Qawâ'id al-Ahkâm", d'al-'Allâmah al-Hillî, imprim. de Pierre, p. 221.

118. "Al-Mabsût", tome III, p. 273.

119. "Mawâhib al-Jalîl li Charh Mukhtaçar Abî al-Dhiyâ'", tome II, p. 336.

120. "Al-Mabsût", d'al-Chaykh al-Tûsî, tome III, p. 273.

121. "Miftâh al-Karâmah", de Sayyed Jawâd al-'Amilî, tome VII, p.47.

122. "Al-Om", tome VIII, p. 131.

123. Vallée fertile près de Médine.

124. "Al-Mughnî", d'Ibn Qudâmah, tome V, p. 466.

125. "Bulghat al-Faqîh", tome I, p. 249, 2e éd.

126. "Al-Om", tome IV, p. 74.

127. "Al-Wasâ'il" d'al-Cheikh al-Hor al-'Âmilî (Mohammad Ibn al-Hassan), Tome II, pp. 276-277.

128. Il existe un avis jurisprudentiel célèbre exceptant de ces sources ce qui jaillit dans une terre propre à un particulier. Voir, à cet égard, l'édition arabe, annexe 8.

129. Voir édition arabe, annexe 10..

130. "Tath-kirat-al-Faqîh", tome II, Kitâb "Ihyâ' al-Mawât", al-Matlab al-Rabi`

131. Voir note précédente.

132. Authentiques.

133. "Al-Masâlik fî Charh Charâ'i' al-Islâm", par al-Chahîd al-Thânî, 'Alî ibn Ahmad al-'Amilî, Tome II, Kitâb Ihyâ' al-Mawât, al-Taraf al-Awwal.

134. Voir édition arabe, annexe 11.

135. "Qawâ'id al-Ahkâm", par al-'Allâmah al-Hillî, Imprimerie de Pierre, p.152.

136. "Al-Mughnî", par Ibn Qudâmah, Tome IX, p. 382.

137. Charâ'i' al-Islâm", par al-Muhaqqiq al-Hillî, Tome III, p. 203.

138. "Al-Kâfî", par Thiqat al-Islâm, Muhammad ibn Ya'qûb al-Kulaynî, tome V, p. 140

139. "Al-Wasâ'il", par le Chaykh Muhammad ibn al-Hassan al-Hor al-'Amilî, Kitâb al-Tijârah, Abwâb 'Aqd al-Bay', Section économique, comme la plantation d'une terre naturellement exploitable.

140. On remarque ici que nous n'établissons pas une comparaison entre l'acquisition de l'eau permise (mubâh) et l'acquisition de la terre naturellement exploitable, mais seulement entre l'acquisition de l'eau et la plantation de la terre exploitable. La raison en est que l'acquisition de la terre n'est pas un travail d'utilisation et d'exploitation, comme nous l'avons déjà vu, alors que l'acquisition de l'eau fait partie des travaux d'utilisation à caractère économique, comme la plantation d'une terre naturellement exploitable.

141. Voir édition arabe, annexe 2, 12.

142. Voir édition arabe, annexe 13

143. Par "la continuation de la possession de droit", nous entendons les cas dans lesquels la prise de possession est interrompue par un cas de force majeure, comme l'oubli, la perte, l'usurpation, etc. La Charî'ah considère que la prise de possession et l'exercice de l'utilisation continuent de droit. C'est pourquoi elle ordonne qu'on restitue le bien perdu ou usurpé à son propriétaire.

La raison de cette injonction de la Charî'ah est en réalité la volonté d'insister sur l'élément facultatif et de bannir l'effet des cas de force majeure dans les différents domaines de la Législation.

144. Par "théorie marxiste", nous entendons ici la théorie économique de la doctrine marxiste, et non pas la théorie de Marx relative à l'explication et à l'analyse de l'Histoire. En effet, la propriété privée est étudiée tantôt en tant que phénomène historique, et dans ce cas elle est justifiée sur le plan marxiste, selon la théorie de Marx relative à l'Histoire, par les circonstances de la contradiction de classe, de la forme de la production, et du type des forces productives, et tantôt sur un plan économique, et ce, afin de découvrir ses justifications législatives et non pas la justification historique de son existence ; et dans ce cas, il faut chercher ses justifications marxistes dans la théorie de Marx relative à la valeur, au travail et à la plus-value.

145. Voir tome 1de l'édition arabe de "Notre Économie".

146. Pour la compréhension de ces Versets, nous avons recouru à l'un des aspects probables que les exégètes ont mentionnés pour les expliquer.

147. La Récompense spirituelle et éternelle de ce que tu as donné en aumône. N.D.T.

148. Disposer de ses biens par testament.

Vous n’avez pas le droit de laisser des commentaires